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La Lettre du Gynécologue - n° 295 - octobre 2004
• L’installation d’une insuffisance cardiaque entre le dernier mois
de la grossesse ou jusqu’à 5 mois après l’accouchement.
•L’absence d’une étiologie à cette défaillance cardiaque.
•L’absence d’antécédents cardiaques avant le dernier mois de
grossesse.
•Le dysfonctionnement du ventricule gauche diagnostiqué à
l ’ é c h o g r a p h i e .
L’incidence est difficile à évaluer, elle varie entre 1/1 400 et
1 / 1 5 000 ( 5 ) . Aux États-Unis, elle est de 1/3 000 à 1/4 000 ( 4 ).
Ces chiffres sont à rapprocher du taux de mortalité d’origine car-
diaque qu’on retrouve dans le registre national français ( 6 ). Les
facteurs de risque classiquement identifiés sont la multiparité,
l’âge avancé, les grossesses multiples, la pré-éclampsie, l’hyper-
tension gravidique, l’origine africaine, la toxicomanie, la tocolyse
prolongée (7, 8). Cependant, à l’heure actuelle, la méconnaissance
de l’interaction entre ces différents facteurs de risque ne permet
pas de développer des recommandations pour un dépistage systé-
matique des patientes à risque.
Plusieurs hypothèses étiologiques ont été élaborées, parmi les-
quelles la myocardite, une réponse immunitaire anormale à la
grossesse, une mauvaise adaptation à la grossesse et à ses modifi-
cations hémodynamiques, la libération de cytokines activées par
le stress, le déficit en sélénium, la tocolyse prolongée.
Midei ( 9 ) a émis l’hypothèse d’une susceptibilité plus grande du
myocarde lors de la phase précoce d’une virose méconnue du fait
d’une altération de la réponse immunitaire. Il retrouvait 76% de
myocardite sur des biopsies endomyocardiques de patientes pré-
sentant une CMPP.
L’hypothèse immunologique fait référence à une réaction contre
des cellules fœtales qui passeraient dans la circulation maternelle
se logeant dans le tissu cardiaque où elles déclenchent une réac-
tion auto-immune anormale dès que l’état d’immunosuppression
gravidique est levé : à l’appui de cette hypothèse, les taux élevés
d’auto-anticorps dirigés contre le muscle cardiaque chez les
patients ayant une CMPP ( 1 0 ). Ces hypothèses et toutes les autres
nécessitent de plus amples investigations.
Le diagnostic de la CMPP repose sur la mise en évidence écho-
graphique d’un dysfonctionnement ventriculaire gauche de novo.
Cela représente un vrai challenge tant les symptômes évocateurs
sont communs au cours du dernier mois de grossesse : dyspnée,
fatigue, œdème des membres inférieurs.
La vigilance doit être attisée devant une dyspnée d’aggravation
progressive. Les autres symptômes fréquents sont une toux, une
orthopnée, une dyspnée paroxystique nocturne, des hémoptysies,
une fatigue, ou une gêne thoracique. Malheureusement, il n’y a
pas un signe pathognomonique de la CMPP. Devant
des symptômes et des signes cliniques évocateurs
d’une surcharge (dilatation des veines du cou et cré-
pitants pulmonaires), c’est l’échographie cardiaque
qui confirme le diagnostic en montrant un effondre-
ment de la fraction d’éjection. L’électrocardio-
gramme montre le plus souvent une tachycardie
sinusale supraventriculaire ou des troubles du
rythme. La radiographie du thorax montre une aug-
mentation de la silhouette cardiaque avec un œdème
i n t e r s t i t i e l .
Le traitement de la CMPP nécessite une collabora-
tion étroite entre les différents spécialistes (obstétri-
ciens, réanimateurs, cardiologues, néonatologues).
Il est similaire à celui des insuffisances cardiaques congestives. Il
est fondé sur l’administration de digoxine qui améliore la fonc-
tion cardiaque et les symptômes, et de diurétiques. L’hydralazine
est le vasodilatateur de première intention. Les inhibiteurs de
l’enzyme de conversion sont des médicaments efficaces, mais
contre-indiqués pendant la grossesse à cause de leurs effets térato-
gènes. Leur utilisation est autorisée en post-partum. Les bêta-blo-
quants peuvent améliorer la fonction du ventricule gauche et
retarder l’évolution du dysfonctionnement cardiaque ( 1 1 ). Leur
utilisation pendant la grossesse doit être suivie d’une surveillance
de 72 à 96 heures du nouveau-né en post-partum.
Cette cardiomyopathie, qui vient se greffer sur un état d’hypercoa-
gulabilité due à la grossesse, met la patiente en haut risque throm-
boembolique d’où la nécessité d’une anticoagulation par de l’hépa-
rine pendant la grossesse et des antivitamines K en post-partum.
Un traitement immunosuppresseur peut être envisagé au terme de
deux semaines en cas de myocardite prouvée par la biopsie asso-
ciée à un échec du traitement conventionnel.
Une étude récente a montré que les patientes traitées par immuno-
globulines intraveineuses ont une meilleure amélioration de leur
fraction d’éjection que les patientes traitées conventionnellement
( 1 2 ) . Le seul recours pour les patientes qui échappent au traite-
ment médical est la transplantation cardiaque.
Le pronostic des femmes atteintes d’une CMPP dépend de la nor-
malisation de la fonction et de la taille du ventricule gauche dans les
6 mois du post-partum. Approximativement la moitié des patientes
présente un dysfonctionnement ventriculaire persistant ( 1 3 ).
Actuellement il n’y a aucun consensus en ce qui concerne les
grossesses ultérieures. On déconseille fortement la grossesse aux
patientes qui conservent une fonction cardiaque altérée. Toute
grossesse ultérieure nécessite une prise en charge précoce dans un
centre de grossesses à haut risque.
C O N C L U S I O N
La CMPP est une atteinte rare mais grave engageant le pronostic
vital de la patiente et de son fœtus. Elle est le plus souvent dia-
gnostiquée avec retard du fait de l’absence de signe pathognomo-
nique. La vigilance sur les signes cliniques et leur évolution doit
faire pratiquer au moindre doute une échographie cardiaque, qui
est le seul moyen pour confirmer le diagnostic et pour en limiter
la sous-estimation. La tenue d’un registre national pourrait aider à
mieux définir la prévalence de cette pathologie, d’appréhender les
facteurs de risque et les facteurs pronostiques et de définir une
conduite pour les grossesses ultérieures.
D
O S S I E R
Jour 0 Jour 2 Jour 6**
DTDVG* 62 mm 58 mm 54 mm
Fraction d’éjection 15 % 45 % 25 %
Débit cardiaque 2,5 l/mn 6 l / mn 4 l / mn
Contractilité akinésie septale amélioration hypokinésie
Ventricule droit dilaté non dilaté non dilaté
ECG QS de V1 en V3 QS de V1 en V3 QS de V1 en V3
Troponine 156,6 ng/ml 7 ng/ml
* Diamètre télédiastolique du ventricule gauche.
**24 heures après l’extubation et l’arrêt de la dobutamine.
Tableau I. Évolution de la fonction cardiaque.