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Sommaire
e
C
N° 418 - octobre 2008
ÉDITORIAL 3
Faut-il dépister l’atteinte coronaire chez l’artéritique ?
Shall we detect coronary artery disease in patients with peripheral
arterial disease?
C. Le Feuvre
REVUE DE PRESSE 6
Résumés de la littérature internationale
Coordonnateur : N. Baubion
CONGRÈS-RÉUNION 8
De nouvelles solutions en 2008 pour prévenir
l’ischémie myocardique ?
Réunion de l’Amicale des cardiologues de Paris et sa région
M.L. Lachurié
L’intuition à l’épreuve
de la randomisation
Is raising HDL-cholesterol still a therapeutic target?
M. Farnier
CAS CLINIQUE 28
Spasme coronaire récidivant après transplantation
cardiaque
Recurrent coronary spasm after heart transplantation
F. Blackwell, S. Varnous, J.P. Batisse, C. Le Feuvre
C. Adams
EN PLUS…
❖ Nouvelles de l’industrie pharmaceutique l 32
- 708345 D - Janvier 2008
L’
Fibrillation auriculaire et pose de stent :
quels traitements antithrombotiques ?
La modulation du HDL-cholestérol a-t-elle un avenir ?
C. Le Feuvre*
EN UNE RÉFÉRENCE 30
I. Elalamy, M. Samama
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Shall we detect coronary artery
disease in patients with peripheral
arterial disease?
atteinte coronaire chez le patient avec
artériopathie oblitérante des membres
inférieurs (AOMI) est fréquente et
de mauvais pronostic. Les séries autopsiques
retrouvent une atteinte coronaire chez 60 %
des patients avec AOMI. Une ischémie silencieuse, dont la valeur pronostique a récemment
été rappelée dans la sous-étude isotopique de
COURAGE, est retrouvée dans 10 à 20 % des cas.
La présence d’une AOMI multiplie par 3 à 6 le
risque de décès cardiaque. Dans le registre getABI
portant sur 6 880 patients de plus de 65 ans à
haut risque, la mortalité à 5 ans était de 8 %
en l’absence d’AOMI, de 19 % en cas d’AOMI
asymptomatique et de 24 % en cas d’AOMI
sympto­matique.
Heparin-induced thrombocytopenia: a complex paradox
for a multidisciplinary management
Faut-il dépister
l’atteinte coronaire
chez l’artéritique ?
MISE AU POINT 14
La thrombopénie induite par l’héparine : paradoxe
complexe et prise en charge multidisciplinaire
ÉDITORIAL
La fréquence et la gravité de l’atteinte coronaire
chez les patients avec AOMI pourraient nous inciter
à rechercher systématiquement une ischémie
silencieuse chez ces patients, afin de les revasculariser, en particulier avant chirurgie non cardiaque.
L’intérêt de la revascularisation en présence d’une
ischémie silencieuse avait été suggéré en 1997
par l’étude ACIP, qui avait comparé par randomisation le traitement médical à l’angio­plastie
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* Institut de cardiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
La Lettre du Cardiologue • n° 418 - octobre 2008 | 3
17:56:58
ÉDITORIAL
ou au pontage coronaire chez 558 patients. Les
taux de décès à 2 ans étaient de 1 % après revascularisation versus 5 % sous traitement médical
seul, et les taux d’événements cardiaques de 23 %
versus 40 %. Le traitement médical était très sousmaximal (pas de prescription systématique de
statines, IEC ou bêtabloquants).
Il semblait donc justifié de rechercher une ischémie
myocardique silencieuse par test fonctionnel chez
les patients avec AOMI devant subir une intervention vasculaire importante – aortique ou périphérique (risque cardiaque estimé supérieur à 5 %).
Le risque cardiaque préopératoire était quantifié
par le score de Lee, prenant en compte les antécédents coronaires, cérébrovasculaires ou d’insuffisance cardiaque, un diabète insulinodépendant,
un taux de concentration de créatinine supérieur
à 20 mg/­dl et une chirurgie à haut risque (1). Une
échographie ou une scintigraphie de stress était
pratiquée chez les patients avec suspicion clinique
de coronaropathie sévère ou score de Lee élevé.
En cas d’ischémie modérée, la chirurgie vasculaire
était réalisée sous bêtabloquants ± statines, avec
monitoring peropératoire du segment ST et de
la pression artérielle, et contrôle postopératoire
de la troponine. Chez les patients avec ischémie
étendue, une coronarographie était réalisée, avec
discussion au cas par cas d’une revascularisation
coronaire avant la chirurgie vasculaire.
Cette attitude a été remise en cause par deux
études récentes, CARP (2) et DECREASE-V (3),
qui ne retrouvent aucun bénéfice de la revascularisation systématique avant chirurgie vasculaire.
L’étude CARP a randomisé 510 patients, avec
sténose tronculaire supérieure à 70 %, entre
revascularisation coronaire et traitement médical
avant chirurgie vasculaire. Les patients avec
sténose du tronc commun, syndrome coronaire
aigu ou FE inférieure à 20 % étaient exclus. Les
taux d’infarctus 30 jours après chirurgie vasculaire
étaient comparables dans les deux groupes (12 %
Tableau. Résultats des études CARP (2) et DECREASE-V (3) comparant les événements cardiovasculaires (ECV) chez les patients avec ou sans revascularisation coronaire avant chirurgie vasculaire
importante.
Revascularisation
coronaire
Pas de revascularisation
coronaire
CARP
Nombre de patients
Infarctus à J30
Décès à 2,7 ans
258
12 %
22 %
252
14 %
23 %
NS
NS
DECREASE-V
Nombre de patients
ECV à J30
ECV à 1 an
49
43 %
49 %
52
33 %
44 %
NS
NS
4 | La Lettre du Cardiologue • n° 418 - octobre 2008 p
et 14 %), de même que les taux de décès à 2,7 ans
(22 % et 23 %) [tableau]. L’étude DECREASE-V
a randomisé revascularisation contre traitement médical seul avant chirurgie vasculaire
importante, chez 101 patients coronariens avec
ischémie étendue. Un total de 1 880 patients
avec chirurgie pour anévrisme de l’aorte abdominale ou pontage périphérique avaient été inclus ;
430 d’entre eux avaient plus de 3 facteurs de
risque, parmi lesquels 101 sujets (23 %) avec
ischémie étendue ont été randomisés. Dans cette
étude pilote, les taux d’événements cardiaques
majeurs à 30 jours et à 1 an étaient de 43 %
et 49 % chez les patients revascularisés avant
chirurgie vasculaire, versus 33 % et 44 % chez les
patients non revascularisés (NS) [tableau]. Deux
patients sont décédés d’une rupture d’anévrisme
après revascularisation coronaire et juste avant
la chirurgie vasculaire. L’étude DECREASE-V
présente comme limite un manque de puissance
lié au faible nombre de patients.
Cette absence de bénéfice de la revascularisation
dans l’ischémie silencieuse pourrait être due, d’un
point de vue physiopathologique, à la rupture
de plaque à l’origine de l’infarctus péri-opératoire, ce qui expliquerait que la revascularisation
préopératoire des patients avec lésions stables
n’améliore pas significativement le bénéfice
d’un traitement médical optimal. Ces résultats
correspondent à ceux des études récentes, qui
ne retrouvent pas de réduction du risque de
décès/infarctus avec la revascularisation chez le
coronarien stable sans dysfonction ventriculaire
gauche ni sténose du tronc commun, lorsque les
patients bénéficient d’une correction intensive
des facteurs de risque et d’un traitement médical
optimal (AVERT, MASS II, RITA-2, COURAGE).
Recommandations actuelles
sur la recherche d’une atteinte
coronaire dans l’AOMI
Devant ce manque de preuve d’un bénéfice de la
revascularisation dans l’ischémie silencieuse, les
sociétés savantes et la HAS ne recommandent
actuellement pas la réalisation systématique de
tests fonctionnels non invasifs de dépistage d’une
atteinte coronaire chez les patients avec AOMI.
Pour la HAS, le bilan de la diffusion des lésions
athéromateuses chez les patients avec AOMI
définie par un IPS inférieur à 0,90 doit se limiter
à un interrogatoire, à un examen clinique et à un
ECG de repos à la recherche d’antécédents, de
symptômes ou de signes cliniques cérébrovasculaires ou coronariens, à une échographie de l’aorte
ÉDITORIAL
abdominale à la recherche d’un anévrisme, et
éventuellement à un échodoppler cervical (4).
Les recommandations ACC/AHA 2005 sur le
bilan de la diffusion des lésions athéromateuses
dans l’AOMI sont très voisines de celles de la
HAS, et comportent la recherche d’antécédents
et de symptômes coronariens et cérébraux ainsi
qu’un ECG de repos (5). Un bilan coronarien plus
détaillé peut être réalisé chez les patients avec
un angor qui aurait justifié ce bilan en l’absence
d’AOMI (syndrome coronaire aigu, angor sévère
classe III-IV).
Les recommandations HAS et ACC/AHA ne
reprennent donc pas les recommandations SFC/
ALFEDIAM de 2004, qui conseillaient la recherche
d’une ischémie silencieuse par tests non invasifs
chez les diabétiques de type 1 ou 2 avec AOMI et/
ou athérome carotidien, quels que soient l’âge et
le nombre de facteurs de risque (6). Le bénéfice
de la revascularisation pour ischémie silencieuse
chez les diabétiques avec correction intensive des
facteurs de risque est controversé, et il faudra
attendre les résultats de l’étude BARI-IID pour
en préciser les indications. Si la revascularisation
améliore le pronostic cardiovasculaire des diabétiques avec sténose du tronc commun ou athérome
tritronculaire et dysfonction ventriculaire gauche,
chez les autres patients, la réduction du risque de
décès/infarctus repose probablement plus sur la
correction intensive des facteurs de risque que sur
un éventuel geste de revascularisation.
Les recommandations ACC/AHA 2007 sur la prise
en charge coronaire avant chirurgie vasculaire ne
retiennent que très peu d’indications en faveur
d’une recherche non invasive d’ischémie (7).
Doivent être pris en compte : l’urgence de la
chirurgie vasculaire (le bilan coronaire ne doit
pas retarder le traitement d’une ischémie de
jambe), le risque de la chirurgie vasculaire (élevé :
> 5 %, intermédiaire : 1 à 5 %, ou faible), l’insta-
bilité de la situation coronaire (infarctus, SCA,
insuffisance cardiaque, arythmie ventriculaire),
le nombre de facteurs de risque (antécédents
coronariens, cérébrovasculaires ou d’insuffisance
cardiaque, taux de créatinine > 20 mg/l, diabète),
la capacité fonctionnelle (4 METs représentant la
possibilité de marcher à 3 miles/h, soit 4,8 km/h)
[encadré].
Conclusion
L’atteinte coronaire est fréquente et sévère chez
les patients avec AOMI, mais aucune étude n’a
démontré de diminution du risque de décèsinfarctus avec la revascularisation myocardique
chez les patients avec ischémie silencieuse, y
compris avant chirurgie vasculaire importante.
La HAS et l’ACC/AHA recommandent de limiter le
dépistage d’une atteinte coronaire chez les patients
avec AOMI à un bilan annuel ne comportant qu’un
interrogatoire, un examen clinique et un ECG de
repos. La recherche d’une ischémie myocardique
par test fonctionnel n’est justifiée qu’en cas d’angor
ou de séquelle d’infarctus ECG, notamment en cas
de dysfonction ventriculaire gauche. La recherche
d’une atteinte coronaire avant chirurgie vasculaire
importante n’est indiquée que chez les patients
avec angor sévère ou SCA à haut risque (classe I
des recommandations ACC/AHA), chez qui ce
bilan aurait été réalisé en l’absence d’AOMI. Une
scintigraphie ou une échographie de stress est
raisonnable (classe IIa des recommandations
ACC/AHA) avant chirurgie vasculaire importante
chez les patients avec faible capacité fonctionnelle et au moins 3 facteurs de risque parmi les
suivants : diabète, insuffisance rénale, antécédents
coronariens, cérébrovasculaires ou d’insuffisance
cardiaque. L’amélioration du pronostic des patients
avec AOMI repose moins sur la détection et la
revascularisation de lésions coronaires que sur le
traitement médical optimal, associant antiagrégants plaquettaires, IEC et statines, et la correction
intensive des facteurs de risque.
■
Encadré. Recommandations ACC/AHA sur
la prise en charge coronaire avant chirurgie
vasculaire importante (7).
Classe I (bénéfice très nettement
supérieur au risque) :
• Coronarographie avec revascularisation coronaire avant chirurgie
vasculaire si infarctus ou syndrome
coronaire aigu à haut risque
• Évaluation coronaire préopératoire
si angor sévère (classe III-IV), avec
revascularisation avant chirurgie
vasculaire importante* si sténose du
tronc commun, athérome tritronculaire, ou bitronculaire avec IVA proximale et FE < 50 % ou ischémie aux
tests non invasifs
Classe IIa (bénéfice très supérieur
au risque) :
• Une recherche non invasive d’ischémie myocardique est raisonnable
avant chirurgie vasculaire importante* chez les patients avec faible
capacité fonctionnelle (< 4 METs), et
au moins 3 facteurs de risque**
Classe IIb (bénéfice supérieur
ou comparable au risque) :
• Une recherche non invasive d’ischémie
myocardique peut être envisagée
avant chirurgie à risque intermédiaire* chez les patients avec faible
capacité fonctionnelle (< 4 METs), et
1 ou 2 facteurs de risque**
• Une recherche non invasive d’ischémie
myocardique peut être envisagée
avant chirurgie vasculaire importante* chez les patients avec bonne
capacité fonctionnelle (> 4 METs), et
1 ou 2 facteurs de risque**
Classe III (risque supérieur
ou comparable au bénéfice) :
• Une recherche non invasive d’ischémie myocardique n’est pas
justifiée avant chirurgie à risque
intermédiaire* chez les patients sans
facteurs de risque**
* Chirurgie vasculaire importante (risque
opératoire > 5 %) : chirurgie aortique ou
vasculaire périphérique ; chirurgie à risque
intermédiaire (risque opératoire 1 à 5 %) :
endartériectomie carotidienne
** Facteurs de risque : antécédents coronariens, cérébrovasculaires ou d’insuffisance
cardiaque, taux de créatinine > 20 mg/l,
diabète.
Références bibliographiques
1. Lee TH, Marcantonio ER, Mangione CM et al. Derivation and propective validation of a simple index for prediction of cardiac risk of major noncardiac surgery.
Circulation 1999;100:1043-9.
2. Mc Falls EO, Ward HB, Moritz TE et al. For the CARP study group. Coronary
artery revascularization before elective major vascular surgery. N Engl J Med
2004;351(27):2795-804.
3. Poldermans D, Schouten O, Vidakovic R et al. For the DECREASE study group.
A clinical randomized trial to evaluate the safety of a noninvasive approach in
high-risk patients undergoing major vascular surgery: the DECREASE-V pilot
study. J Am Coll Cardiol 2007;49(17):1763-9.
4. Recommandations HAS 2006. Prise en charge de l’artériopathie chronique
oblitérante des membres inférieurs. www.has-sante.fr
5. ACC/AHA 2005 guidelines for the management of patients with peripheral
arterial disease (lower extremity, renal, mesenteric, and abdomic aortic). JACC
2006;47(12):1239-312.
6. Puel J, Valensi P, Vanzetto G et al. Identification de l’ischémie myocardique
chez le diabétique. Recommandations conjointes SFC/ALFEDIAM. Arch Mal
Cœur 2004;97:338-53.
7. ACC/AHA 2007 guidelines on perioperative cardiovascular evaluation and
care for noncardiac surgery. Circulation 2007;116:1971-96.
La Lettre du Cardiologue • n° 418 - octobre 2008 | 5
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