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qu’elle soit surestimée. En effet, les
conditions d’examen ne sont jamais phy-
siologiques, et la situation, “embarras-
sante” pour le patient, peut être une sour-
ce de faux positif. Selon la technique uti-
lisée, la prévalence de l’anisme peut
d’ailleurs être très différente au sein d’un
même groupe de sujets (5). L’existence
d’un anisme n’est pas synonyme de dys-
chésie. En effet, celui-ci est retrouvé chez
des volontaires sains (17 à 33 %), chez
des patients présentant des algies pel-
viennes (48 %) ainsi que chez des
patients incontinents. Seuls 57 % des
constipés chroniques avec un anisme ont
des difficultés d’évacuation objectives.
Une dyssynergie peut aussi être associée
à un trouble de la statique périnéale.
Enfin, la correction d’un anisme par bio-
feedback peut ne pas améliorer la consti-
pation.
La mise en évidence d’une dyssynergie
recto-sphinctérienne n’est donc pas spé-
cifique, et sa réalité à même été récem-
ment mise en doute (5). Néanmoins, sa
correction par biofeedback améliore
69 % des patients constipés.
Troubles de la statique périnéale
Prolapsus du rectum
(6)
Il faut opposer le prolapsus muqueux, anté-
rieur ou circonférentiel (intussusception
muqueuse), le prolapsus interne, s’enga-
geant ou non dans le canal anal, et le pro-
lapsus rectal extériorisé. Vingt-huit à 64 %
des patients ayant un prolapsus interne pré-
sentent des symptômes dyschésiques.
Néanmoins, l’existence d’un prolapsus
interne n’est pas corrélée à la dyschésie ni
à un défaut de la vidange rectale. En effet,
s’il est retrouvé chez 36 % des constipés et
chez 17 à 40 % des dyschésiques, il est
également noté chez 10 à 50 % des volon-
taires sains. Une rectopexie peut parfois
corriger une dyschésie, mais peut aussi être
à l’origine de ce symptôme. Un prolapsus
pourrait être une des conséquences de la
constipation plus que sa cause.
La rectocèle
On appelle rectocèle une hernie de
toute ou partie de la paroi rectale anté-
rieure dans la lumière vaginale lors
d’un effort de poussée. Elle est excep-
tionnelle chez la nullipare, s’accom-
pagne fréquemment d’une descente
périnéale excessive, et s’associe sou-
vent à des antécédents de chirurgie pel-
vienne (hystérectomie, cystopexie). Il
existe fréquemment un anisme associé
(32 à 70 % des cas) (7). S’il est vrai que
les manœuvres endo-vaginales sont
hautement suggestives d’une rectocèle
de grande taille (prévalence de 25 à
39 % des cas), s’il est également vrai
qu’une procidence génitale gênante
peut être liée à une rectocèle, la consti-
pation implique de façon moins formelle
la responsabilité de cette anomalie (23 à
76 % des patients ayant une rectocèle
souffrent de constipation, 39 à 72 % des
constipés ont une rectocèle). En cas
d’anisme associé à la rectocèle, dans un
souci de moindre agressivité, il paraît
justifié de proposer un biofeedback de
première intention, qui peut être suffi-
sant. Le résultat chirurgical serait
meilleur en cas d’anisme corrigé avant
le geste qu’en cas de non correction de
la dyssynergie.
La dyschésie chez l’opéré
Si la résection antérieure du rectum avec
anastomose colorectale est fréquemment
responsable d’un accroissement de la fré-
quence des selles, voire d’une incontinence
(32 %), elle peut également entraîner des
difficultés d’évacuation (20 à 46 % des
cas) (8, 9). Cette dyschésie postopératoire
est plus fréquente chez la femme.
Après traitement du prolapsus rectal (6)
par rectopexie, l’apparition ou l’aggrava-
tion d’une constipation et/ou d’une dys-
chésie s’observe dans 31 à 50 % des cas.
Les lésions nerveuses, la fibrose rectale
et périrectale, ainsi que les troubles
moteurs du sigmoïde induits par la chi-
rurgie expliquent les symptômes. En cas
de prolapsus interne, la rectopexie amé-
liore peu ou aggrave la dyschésie. Les
manœuvres digitales passent de 38 à
54 % au cours d’un suivi de 30 mois.
Dans cette indication précise, l’interven-
tion de Delorme peut être proposée
comme alternative à la rectopexie si l’on
redoute une dyschésie, car celle-ci est
améliorée dans 50 à 100 % des cas.
Traitement
(figure 1, p. 100)
En l’absence de constipation secondaire
à une étiologie organique, il convient
toujours de faire un essai thérapeutique
pendant 2 à 3 mois, qui aura pour but de
faciliter la progression et l’évacuation
des selles. Les conseils hygiéno-diété-
tiques doivent être privilégiés : enrichis-
sement du régime en fibres alimentaires,
apport progressif de son de blé, boissons
abondantes. Les laxatifs doux pourront
être utilisés sans crainte (mucilages,
lubrifiants, osmotiques). Il faut insister
sur l’importance de la présentation régu-
lière à la selle, même en l’absence de
besoin, après avoir stimulé le péristaltisme
par de petits moyens (jus de fruit frais,
petit déjeuner). En cas de besoin, on
pourra aider l’exonération grâce à un
suppositoire de glycérine ou à dégage-
ment gazeux (Eductyl®). Si l’on s’oriente
vers une constipation terminale, les don-
nées de l’examen proctologique fonc-
tionnel prennent toute leur importance
afin de définir la stratégie des examens
complémentaires et les thérapeutiques
spécifiques.
Conclusion
La prise en charge du patient dysché-
sique doit reposer avant tout sur une
étape clinique rigoureuse, afin d’éliminer