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Prise en charge des patients détenus
porteurs d’une hépatite
Cl. Deroussent(1), A. Galinier(2), M. Gassin(3), Ph. Griguere(4), L. Harcouet(5), V. Kanoui(6),
S. Martin-Dupont(7), J.N. Marzo(8), F. Meroueh(9), L. Michel(10), A.J. Remy(11),
P.Y. Robert(12), M. Rotily(13), M. Vella(14), C. Wartelle(15), J. Gournay(16), J.L. Daumas(17)
Notre réflexion s’inspire des recommandations de la conférence de
consensus que nous avons adaptées, sur certains de ses aspects, aux
problématiques rencontrées lors de la prise en charge des patients
détenus porteurs d’une hépatite C. L’incarcération est limitée dans le
temps, les patients dans les conditions de captivité n’ont pas la
liberté de choix du médecin. Il faut aussi noter le peu de “culture
médicale” de nombreux patients incarcérés. Il faudra donc adapter
le discours médical, choisir des supports d’information attractifs,
comme les bandes dessinées, en se souvenant que, dans certaines
prisons, le taux d’illettrisme peut atteindre 20 %. La plupart n’ont pas
de médecin traitant, n’en voient pas la nécessité et “n’utilisent” la
médecine que dans l’urgence. Nous souhaitons permettre à chaque
détenu, en fonction de sa durée d’incarcération, de bénéficier au
minimum d’un bilan complet de son hépatite C. Et, si le temps
le permet, d’être traité.
Le dépistage si possible dans
un délai maximum de 15 jours !
On doit systématiquement proposer le
dépistage de l’hépatite C lors de la visite
d’arrivant. Le plus souvent, il s’agit d’un
triple dépistage du VHC, du VHB et du
VIH. Les textes précisent qu’il doit être
proposé selon les facteurs de risque identifiés lors de la visite médicale. Une information précise doit être fournie afin de
1. PH, UCSA, Colmar. 2. PH, UCSA,
Marseille. 3. Virologie, CHU Nantes. 4. PH,
UCSA, Château-Thierry. 5. Pharmacien, Paris
la Santé. 6. PH, UCSA, Fleury-Mérogis. 7.
PH, UCSA, Limoges. 8. Pharmacien,
Villepinte. 9. PH, UCSA, Montpellier. 10.
Psychiatre, SMPR, Bois-d’Arcy. 11. PH,
UCSA. 12. PH,
UCSA,
Nantes.
13.
Clinsearch. 14. PH, UCSA, Draguignan. 15.
PH, UCSA, Aix-en-Provence. 16. PH, Nantes
auteur des graphiques. 17. Directeur du
centre de détention de Caen.
favoriser des réponses claires et orientées.
Les questions portent sur les habitudes du
sujet : injections de drogue, sniff, tatouage
“artisanal”, etc.
Le test est fait, de préférence, à l’unité de
consultations et de soins ambulatoire
(UCSA) par le “médecin traitant”. S’il est
pratiqué en centre de dépistage anonyme et
gratuit (le CDAG est présent et référent en
matière de dépistage dans un certain
nombre de prisons), il convient d’adresser
le résultat à l’UCSA, avec l’accord du
patient. Le passage par le CDAG imposant
un délai, du fait des deux consultations
(prélèvement, remise du résultat) et des
procédures de levée de l’anonymat, puis de
transmission de l’information vers l’UCSA,
retarde donc la mise en route d’un éventuel
traitement.
Le “choc de l’incarcération” est peu propice
à l’acceptation d’un examen biologique qui
peut être proposé lors d’une deuxième
consultation. Son résultat doit toujours être
annoncé et expliqué par un médecin. Si un
Le Courrier des addictions (7), n° 2, avril-mai-juin 2005
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patient se déclare séropositif au VHC, il
faudra le vérifier, soit par un document
l’attestant, soit en demandant une nouvelle
sérologie car certains détenus pensent, à
tort, pouvoir tirer avantage du statut de
malade !
Diagnostic et consultation
préparatoire
Le diagnostic repose sur la PCR. Un protocole prévoit que le résultat parvienne sous
10 jours ou moins. Il précise les conditions
de transport, les délais, et les volumes de
sérum nécessaires pour que, si la PCR est
positive, les tubes adressés doivent comporter systématiquement une charge virale
et une détermination du génotype. Le délai
entre la réception des résultats et la consultation spécialisée est employé à pratiquer
un bilan, mais aussi à informer le patient
pour éclairer et préparer son consentement.
C’est aussi le bon moment pour évaluer son
état psychologique, prévoir éventuellement
une prise en charge médicamenteuse et/ou
psychothérapeutique.
En cas de dépendance aux opiacés, on tente
d’équilibrer au mieux les posologies des
traitements de substitution.
Le traitement doit être préparé et organisé
spécifiquement : certaines prisons sont, en
effet, très éloignées de tout centre de traitement : il faut alors envisager la mise en
route de “la procédure des extractions” par
la gendarmerie. Dans toute la mesure du
possible, la consultation spécialisée doit
se dérouler en prison, afin d’éviter des
délais et des retards liés à ces procédures.
Si le patient doit sortir rapidement, ou si la
peine est inférieure à trois mois, il faut s’attacher à lui proposer un itinéraire “fléché”
de prise en charge : les premiers contacts
avec un réseau de soins sont pris en prison.
Idéalement, le médecin spécialiste vient sur
place et propose le suivi à l’extérieur…
Sinon, en attendant cette consultation, on
réalise le bilan préthérapeutique auquel on
ajoute ECG, radio pulmonaire, et échographie hépatique rapide (surtout s’il n’y a pas
de PBH, comme dans les cas de génotypes
2 et 3).
Si le virus est de type 1, il faut prévoir une
PBH. Les marqueurs biologiques de fibrose
(Fibrotest®) sont prometteurs. Ce nouvel
examen éviterait l’extraction de prison
pour la PBH, et des retards ou des refus.
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Prescrire le traitement
La prescription est réalisée par un gastroentérologue, un hépatologue, un médecin
interniste ou un infectiologue.
La ribavirine est distribuée en prison,
comme tout autre médicament. Dès que
possible, on apprend au patient à pratiquer
lui même ses injections d’interféron pégylé.
L’équipe médicale insiste pour qu’il suive
régulièrement son traitement, et le prévient
des dangers qu’il y a à l’arrêter avant terme
ou à le prendre irrégulièrement. On l’informe des précautions à prendre vis-à-vis
d’une procréation (“bébé parloir”), en
conseillant au détenu d’évoquer ce problème
avec son partenaire. Dès le début du traitement, il faut prévoir une prise en charge
sociale, obtenir ALD et CMU.
Les survenues d’insomnie, d’une tristesse
ou d’une irritabilité ne doivent pas être
banalisées et l’avis d’un psychiatre doit être
demandé pour évaluer au mieux les
troubles.
Il est remis au patient un carnet de suivi de
l’hépatite C spécifique, comportant les résultats biologiques, les ordonnances et les effets
secondaires, ainsi que les coordonnées des
médecins qui sont intervenus dans son parcours de soin.
La remise de ce document peut éventuellement devancer l’envoi d’une lettre au médecin receveur, si le transfert ou la sortie sont
trop rapides. Les résultats biologiques doivent être pratiqués au nom d’une unité fonctionnelle ne comportant pas les mentions
telles que UCSA, administration pénitentiaire, maison d’arrêt... En cas d’une sortie de
prison rapide, voire imprévisible (fréquent en
maison d’arrêt), les résultats biologiques, les
éléments diagnostiques ou thérapeutiques
sont adressés au médecin traitant du patient
sortant, d’où la nécessité d’avoir noté les
coordonnées de ce dernier (s’il existe) sur le
dossier, dès le premier prélèvement… En
l’absence de médecin traitant, on peut donner
le nom et les numéros de téléphone du médecin de l’UCSA, ainsi que le “numéro de popu-
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Un lien maternel perturbé accroît
la dépendance aux opiacés
Favoriser la circulation
de l’information
“Les personnes détenues doivent être assurées d’une prise en charge sanitaire qui ne
puissent compromettre ni la qualité ni la
continuité des soins, des règles d’hygiène
et de prophylaxie” comme le rappelle le
Bulletin de l’ordre des médecins (mai
2005) parmi les principes éthiques du soin
qui doivent prévaloir en milieu carcéral. En
insistant pour que la priorité soit donnée, en
toute indépendance professionnelle, à l’état
de santé de la personne détenue.
Vous trouverez le texte de la conférence de consensus sur le dépistage et le traitement de l’hépatite C
sur le site de l’ANAES : www.anaes.fr. Vous pouvez
consulter le site du collège des soignants intervenants en prison (CSIP) et le guide complet de prise
en charge : www.sante-prison.com/vhc.html.
moins d’une fois par semaine ou qui buvaient en
mangeant. Concernant les types de boissons
alcoolisées, il n’y avait pas de différence entre les
consommateurs de bière, vin ou liqueur et le
risque d’HTA.
S. Stranges et al. Relationship of alcohol drinking patient pattern to risk of
hypertension.A population-based study. In: Hypertension 2004;44:813-9. In
Actualités Alcool, mars/avril 2005, n°24. www.inpes.sante.org
Les généralistes peinent à parler d’alcool
Points positifs dans le baromètre santé médecins/pharmaciens 2003
(2 000 médecins et 1 000 pharmaciens, interrogés par téléphone) : les
deux professions ont modifié, depuis 1998, leurs propres comportements de santé concernant leurs consommations d’alcool et de
tabac, s’impliquent plus qu’avant dans les procédures de dépistage du
cancer du sein (mais pas du cancer colorectal). Les médecins restent
prescripteurs de vaccins (sauf celui contre l’hépatite B pour lequel ils
restent dubitatifs). En revanche, s’ils réaffirment leur rôle dans l’information à la contraception et la prévention des infections sexuellement transmissibles, ils sont bien plus mal à l’aise en ce qui concerne
les accidents de la vie courante et surtout l’usage de drogues et la
consommation d’alcool. “L’acte médical reste centré sur le couple diagnostic-prescription”, regrette le directeur général de l’Inpes, Philippe
Lamoureux.
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Dans cette étude sur les habitudes de consommation courantes d’alcool, réalisée dans la banlieue de New York auprès de 2 609 personnes blanches, hommes et femmes, âgés de 35 à 80 ans, les auteurs
ont cherché à savoir ce qui, dans celle-ci, pouvait entraîner et aggraver une hypertension artérielle. Ils ont trouvé que les buveurs quotidiens ou ceux qui consommaient le plus souvent de l’alcool sans avoir
mangé, présentaient de façon significative un risque plus élevé d’hypertension artérielle que les abstinents et que ceux qui buvaient
Le Courrier des addictions (7), n° 1, janvier-février-mars 2005
Obtenir une qualité
des soins optimale
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La perturbation des premières relations entre la mère et son nouveau-né retentit durablement sur son développement ultérieur. En
particulier, la longue séparation dès les premiers jours de la vie, le
manque de soins, tous les stress précoces, modifient son fonctionnement cérébral à long terme et augmentent fortement son risque de
dépendance aux opiacés de type héroïne ou morphine. C’est ce que
vient de montrer une étude réalisée chez les rats par l’unité Inserm
513 “Neurobiologie et psychiatrie” dirigée par Bruno Giros, dont les
résultats viennent d’être publiés dans The Journal of Neuroscience (4
mai 2005).
Boire en dehors des repas augmente la tension
lation” (IPP) de l’hôpital qui gère le dossier.
Enfin, il faut se souvenir que le temps de
prison est un temps mis entre parenthèses,
que le détenu sortant , traitement ou pas, ne
demande qu’à “oublier”.
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F.A.R.
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