Le Courrier des addictions (13) – n ° 4 – Octobre-novembre-décembre 2011 26
F
o
c
u
s
F
o
c
u
s
F
o
c
u
s
F
o
c
u
s
F
o
c
u
s
F
o
c
u
s
F
o
c
u
s
F
o
c
u
s
ment et avoir accès à un travail ou à une remise
de peines supplémentaires ou bien encore ra-
mener des attestations ou résultats d’examens
d’urines prouvant qu’on ne prend plus de MSO.
Quels sont les patients qui bénéficient d’un trai-
tement ? Que sont devenus nos patients qui
n’avaient aucune prise en charge à l’extérieur? On
peut se demander aussi, concernant les UCSA,
comment expliquer l’hétérogénéité des soins ?
Dans certains établissements, il s’agit d’“une
simple” continuité d’un traitement antérieure-
ment prescrit, sans aucune initiation. Certaines
UCSA ne prescrivent que la méthadone ou que
la BHD, sans aucune justification médicale.
Dans d’autres lieux, on pratique le pilage ou
la dilution de la BHD, ou les deux. Enfin, des
UCSA imposent les sevrages systématiques.
Nous ne pouvons que déplorer le manque
de moyens et de formations des équipes soi-
gnantes à une prise en charge “spécifique” à ce
milieu et non “équivalente” à l’extérieur. Les
prises en charge des unités de soins sont au-
tant hétérogènes que le nombre d’UCSA sur le
territoire. Elles sont parfois aussi le reflet de la
pratique “du dehors” de proximité.
Malgré tout, le constat est “satisfaisant” au
vu du nombre de traitements et de prises en
charge dans les UCSA et Services médico-psy-
chotropes régionaux (SMPR) [tableau II].
pour une meilleure prise
en charge des infections
virales
Certes, la prévalence du sida est passée de 5 % à
2 % en 15 ans (décès de la plupart des patients,
résultats des campagnes de réduction des
risques, notamment grâce aux programmes
d’échange de seringues et des traitements de
substitution), mais elle reste importante. En
effet, les prévalences des infections par le VIH
et le VHC sont respectivement de 2 % (soit 10
fois plus qu’à l’extérieur) et 7 % (versus 0,89 %
en milieu libre). Un peu plus d’une personne
détenue sur 20 est infectée par le VIH et/ou le
VHC. L’arsenal thérapeutique et de prévention
actuel est solide et efficace. Des améliorations
sont toujours nécessaires. Il passe actuelle-
ment et essentiellement par 8 points:
La prise en charge des addictions se résu-
mant souvent à une prescription de MSO. Il
faut envisager une réelle prise en charge de la
“précarité”, qui est souvent la source et l’ori-
gine de la toxicomanie.
La proposition systématique de dépis-
tage sérologique des virus (hépatites B et C,
VIH), syphilis, radiologie pulmonaire (pour
la tuberculose). Mais le dépistage en cours
d’incarcération reste très insuffisant, rare et
inexistant dans la plupart des UCSA. Lorsqu’il
existe, le motif de dépistage en cours de déten-
tion correspond à une prise de risque sexuel
dans 80 établissements ; liée à la consomma-
tion de drogues dans 55 établissements ; à un
accident d’exposition au sang dans 19 établis-
sements (rixes, bagarres : 11; tatouages : 6 ; au
partage de matériel d’hygiène : 4 ; de matériels
pour consommer des drogues : 3).
L’eau de Javel : distribution dans le paque-
tage des “arrivants” sous forme de berlingot,
sans aucune information (donc utilisation
pour l’hygiène et le nettoyage des cellules),
cette distribution s’effectue en théorie tous
les 15 jours (18 % citent des actions d’infor-
mation à visée de réduction des risques, 29 %
des soignants ne la connaissent pas : “Vous me
l’apprenez”). Notons enfin le titrage insuffisant
de cette eau de Javel. Les attitudes et pratiques
autour de l’eau de Javel évoluent entre 2 pôles:
une démarche active d’information des déte-
nus et des réticences à informer (“cela va leur
donner des idées”), et un no man’s land entre
les 2 pôles.
La distribution de préservatifs : elle com-
mence à se généraliser ici aussi avec des dispari-
tés, tant sur la mise à disposition du gel lubrifiant
que sur le manque de préservatifs féminins.
Le traitement des pathologies virales: pour
le VIH, il est comparable à celui offert à l’extérieur,
voire, dans certains cas, il peut y avoir reprise et
initiation de traitements pour les personnes défa-
vorisées. Pour les hépatites, notamment l’hépatite
C, le traitement est insuffisant. Nous en sommes
au début, très peu de traitements sont initiés, sauf
pour une dizaine de centres.
La vaccination contre l’hépatite B : pro-
posée systématiquement lorsque la sérologie
est négative ou lorsque le patient le demande.
Le traitement post-exposition : s’il existe
dans la plupart des UCSA (il s’agit du proto-
cole de l’établissement hospitalier de rattache-
ment), les informations aux détenus ou aux
surveillants sont souvent absentes.
Information et éducation à la santé :
dans la plupart des établissements, il existe
des outils d’information à la RDR, soit dans
les quartiers “arrivants”, en entretiens indivi-
duels, ou souvent en sessions collectives. Des
conventions sont souvent signées avec des inter-
venants extérieurs, le plus souvent des associa-
tions. Cependant, l’efficacité de ces programmes
de prévention et de soins est minée par l’absence
de “prévention en amont” que constituerait un
PES ou la mise à disposition de “Roule ta paille”.
Qu’en est-il de
la préparation à la sortie ?
Comme nous venons de le voir, la loi de 1994
permet une prise en charge complète pendant la
détention et la possibilité d’une prescription de
qualité de MSO, anti-VHC, anti-VIH ou autres...
Mais qu’en est-il à la sortie ?
Une personne qui était sans domicile fixe ou sans
droits sociaux en arrivant en détention ne sor-
tira pas automatiquement avec un hébergement
et des droits sociaux. Nous constatons donc une
carence dans la prise en charge sociale garan-
tissant une meilleure réinsertion des personnes
détenues. En général, toutes les UCSA n’étant
pas dotées d’outil informatique, la sortie se ré-
sume très souvent à la remise d’une ordonnance
(lorsque l’UCSA en connaît la date).
Le Service pénitentiaire insertion et probation
(SPIP) ne s’occupe pas en priorité, voire pas du
tout, de la situation administrative concernant
la protection sociale et fait peu de demande
de couverture maladie universelle (CMU)
complémentaire. La position des SPIP, résul-
tat d’une évolution de la politique pénale avec
le glissement des missions de réinsertion vers
des missions de contrôle social où une poli-
tique sociale pendant et après l’incarcération,
a été substituée (ce n’est pas un MSO !) par une
politique de surveillance individuelle des par-
cours pendant et après la prison, poursuivant
ainsi la pression coercitive par-delà l’enfer-
ment architectural.
v
La nicotine comme coupe-faim
vOn savait que la cigarette était un régulateur naturel de l’appétit,
que les fumeurs pèsent, en moyenne, entre 2 et 3 kg de moins que
les non-fumeurs et prennent systématiquement quelques kilos
après un sevrage tabagique. Les chercheurs viendraient de comprendre
pourquoi la nicotine a un effet anorexigène. Dans une étude parue dans
Science, une équipe américaine de chercheurs de l’université de Yale, a
montré que c’est en se fixant à des récepteurs particuliers (baptisés α3β4)
situés à la surface de certains neurones de l’hypothalamus, (dits POMC),
que la nicotine agit sur l’appétit. En activant ces neurones, on parvient à
freiner la prise alimentaire. Pour le vérifier, les chercheurs ont bloqué la ca-
pacité de ces neurones, en particulier sur des souris génétiquement mani-
pulées, de synthétiser ces récepteurs α3β4. Ils ont ainsi permis de mettre en
évidence le mécanisme par lequel la nicotine active, via ces récepteurs, un
ensemble de circuits nerveux connu sous le nom de système à mélanocor-
tine de l’hypothalamus, lequel régule l’appétit. Ils ont en effet constaté que
la nicotine diminuait jusqu’à 50 % la prise alimentaire chez les souris. Ces
travaux ouvrent des pistes pour la recherche de nouvelles molécules coupe-
faim. Ainsi, un analogue à la nicotine ne visant que ces récepteurs-là pour-
rait diminuer la sensation de faim sans activer les neurones qui provoquent
la dépendance. Mais il risquerait également d’agir sur d’autres paramètres,
comme le comportement sexuel et la dépense énergétique.
Mineur YS, Abizaid A, Rao Y et al. Nicotine decreases food intake through activation
of POMC neurons. Science 2011;332,6035:1330-2. F.A.R.
Addict déc2011.indd 26 12/12/11 09:33