Syndrome du « coeur brisé

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Syndrome du « coeur brisé »
ou….mourir d’aimer
Le sympathique mis en cause
Un stress émotionnel soudain, comme celui qui est causé par la mort inattendue d’un être cher,
peut parfois provoquer une insuffisance ventriculaire gauche sévère, mais réversible. L’étude
d’une série de 19 patients éclaire le mécanisme et les signes cliniques distinctifs de cette
cardiomyopathie de stress, souvent prise à tort pour une crise cardiaque. Ce syndrome pourrait
être la conséquence d’une stimulation sympathique exagérée, avec libération massive de
catécholamines dans le sang.
LES CONSÉQUENCES potentiellement fatales du stress émotionnel sont bien ancrées dans la
sagesse populaire, comme l’illustrent les expressions « être mort de peur » ou « avoir le cœur
brisé ».
Ces dix dernières années, plusieurs études ont décrit la survenue chez des patients d’une
dysfonction myocardique profonde mais réversible, provoquée par un stress émotionnel soudain.
Toutefois, malgré une prise de conscience croissante de ce syndrome appelé cardiomyopathie de
stress (ou, plus prosaïquement, syndrome du « cœur brisé »), son mécanisme demeure inconnu.
Dix-neuf patients affectés d’une cardiomyopathie de stress (entre fin 1999 et fin 2003) ont été
étudiés par l’équipe du Dr Ilan Wittstein, cardiologue à la faculté de médecine de Johns Hopkins
(Baltimore), pour identifier les caractéristiques cliniques qui distinguent ce syndrome de
l’infarctus myocardique aigu, ainsi que sa cause.
Un tableau clinique bien spécifique.
Comme l’explique le Dr Wittstein, « après avoir observé plusieurs cas de syndrome du « cœur
brisé » à l’hôpital Johns Hopkins – survenus, pour la plupart, chez des femmes d’âge moyen ou
avancé -, nous avons constaté que ces patients présentaient des signes cliniques assez différents
de ceux de l’infarctus du myocarde (IDM) classique, et que quelque chose de très différent se
passait. Ces cas, de prime abord, étaient difficiles à expliquer, car les patients étaient
auparavant en bonne santé et présentaient peu de facteurs de risque cardiaque. »
Les dix-neuf patients avaient été hospitalisés pour une douleur thoracique ou des signes
d’insuffisance cardiaque, apparus immédiatement après un stress émotionnel intense. Dans la
moitié des cas, cette vive émotion avait été provoquée par l’annonce d’un décès inattendu ; dans
d’autres cas, elle avait été consécutive à une fête surprise, un vol à main armée ou un accident de
voiture. Tous les cas, sauf un, sont survenus chez des femmes (95 %), souvent ménopausées
(16/18) ; l’âge moyen des patients était de 63 ans. Trois d’entre eux ont nécessité un traitement
de soutien hémodynamique par contrepulsion diastolique intra-aortique et un quatrième a eu une
fibrillation ventriculaire.
L’angiographie n’a objectivé aucune maladie coronaire, sauf chez un patient, et le bilan sanguin
n’a mis en évidence qu’une élévation minime des enzymes cardiaques (troponine I incluse).
Dysfonction ventriculaire gauche.
Dans la plupart des cas, l’électrocardiogramme a montré une profonde inversion de l’onde T et
un intervalle QT prolongé au cours des 48 premières heures.
L’échographie a révélé une dysfonction ventriculaire gauche sévère, présente à l’admission
(fraction d’éjection moyenne de 20 %) et, signe cardinal, une contraction affaiblie de la portion
supérieure et moyenne du ventricule gauche, avec conservation de la fonction basale. Fait
surprenant, la guérison a été bien plus rapide qu’après un IDM, avec amélioration de la fonction
ventriculaire en quelques jours et guérison complète en deux semaines. Ces modalités évolutives
tranchent totalement avec celles de l’IDM, dont la guérison partielle prend plusieurs semaines,
voire plusieurs mois, et qui laisse le myocarde endommagé de façon souvent définitive.
Les auteurs montrent pour la première fois que ces patients ont une activation sympathique
exagérée, qui se traduit par des taux plasmatiques de catécholamines – adrénaline, noradrénaline,
dopamine – (dosés chez 13 patients) 2 ou 3 fois plus élevés que ceux mesurés chez 7 témoins
atteints d’un IDM, et de 7 à 34 fois supérieurs aux taux normaux, cela dès l’admission à l’hôpital
et pendant la semaine suivante. Les métabolites des catécholamines (métanéphrine et
normétanéphrine) sont également élevés, de même que les taux d’autres protéines liées au stress
(neuropeptide Y, peptide natriurétique cérébral et sérotonine), ce qui confirme que le syndrome
est induit par le stress.
Excès de catécholamines.
Les biopsies endomyocardiques (chez 5 patients) ont également mis en évidence des lésions en
faveur d’un excès de catécholamines (infiltrat mononucléaire inflammatoire et, chez un patient,
bandes de contraction avec nécrose des myocytes).
Le mécanisme qui relie la stimulation sympathique à la paralysie myocardique demeure toutefois
inconnu. « Il reste à savoir comment les hormones de stress agissent pour paralyser le cœur,
mais il existe plusieurs explications possibles qui feront l’objet d’études supplémentaires »,
indique le Dr Hunter Champion, un coauteur de Johns Hopkins. « Ces molécules pourraient
provoquer un spasme microvasculaire, avoir un effet toxique direct sur le myocyte ou encore
induire une surcharge intracellulaire en calcium perturbant temporairement la fonction
myocytaire. »
Les auteurs concluent qu’un stress émotionnel sévère peut déclencher un type particulier de
dysfonction myocardique transitoire.
Comme le souligne le Dr Wittstein, cette étude devrait aider les médecins à mieux faire la
distinction entre cardiomyopathie de stress et infarctus du myocarde. Ils pourront ainsi rassurer
leurs patients quant à l’absence de lésion cardiaque permanente.
 Dr VERONIQUE NGUYEN
« New England Journal of Medicine », 10 février 2005, p. 539.
…Et pour répondre aussi à la question :
sommes-nous réductibles, sommes-nous divisibles ?
Patrick JJ Daganaud
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