Compl´
et´
e profini d’un groupe et groupes profinis :
cas abstrait, cas topologique
Colas Bardavid
IRMAR — UMR 6625 du CNRS
Universit´
e de Rennes 1 Campus de Beaulieu
35042 Rennes CEDEX FRANCE
janvier 2007
Cher lecteur,
Jusqu’`
a il y a quelques jours, o`
u Xavier (Caruso) nous les a expliqu´
es `
a Viviana (Delanoy) et
moi, j’ose avouer que les concepts de groupe profini et de compl´
et´
e profini Gd’un groupe Grestaient
pour moi quelque peu obscurs et malheureusement me faisaient un peu peur.
Depuis, les choses sont beaucoup plus claires !
L’intention de ce texte, au-del`
a des d´
etails et pr´
ecisions techniques1, est simplement de partager
avec toi, lecteur, cette compr´
ehension. Ainsi, dans la lign´
ee du tr`
es bel article [BG01] de Jos´
e
I. Burgos de Gil, Una introducci´
o a la teoria d’Arakelov, j’accorderai un effort particulier pour te
donner des explications qui ne vont pas trop vite et qui sont parlantes. N’h´
esite pas `
a m’´
ecrire par
email si tu as des remarques.
Enfin, je profite de l’occasion pour remercier Xavier (Caruso) ainsi que tous ceux qui aiment
offrir leurs secrets math´
ematiques.
(1) Humanit´
e et partitions.
(2) Compl´
et´
e profini d’un groupe.
(3) L’exemple du compl´
et´
e profini de Q.
(4) Groupes profinis.
(5) Groupes profinis 2 : l’approche topologique.
(6) Compl´
etion profinie et dualit´
e de Tannaka.
(7) G´
en´
eralisations.
(8) Le groupe Z2ZNn’est pas fortement complet.
1qui d’ailleurs sont largement laiss´
es en suspens.
1
(1) Humanit´
e et partitions.
Consid´
erons l’ensemble Hdes ˆ
etres humains2. On peut munir cet ensemble Hde multiples parti-
tions ou, de mani`
ere ´
equivalente de multiples relations d’´
equivalence. Par exemple, on peut ´
ecrire :
H HhHf
o`
uHhd´
esigne l’ensemble des hommes et Hfl’ensemble des femmes. De mˆ
eme, on peut aussi
´
ecrire :
H
2008
n1850
Hn,
o`
uHnest l’ensemble des personnes qui sont n´
ees en l’ann´
ee n. On pourrait continuer en d´
ecoupant
l’humanit´
e selon la taille, le poids, la couleur de la peau (blanche, noire, jaune ou «rouge »), le
pays d’origine, la couleur des yeux, le nombre d’articles publi´
es ou tout autre crit`
ere fini...
Par crit`
ere fini, j’entends toute relation d’´
equivalence qui d´
efinit sur Hun nombre fini de classes
d’´
equivalence.
(1.1) «Extension universelle »de l’humanit´
e et partitions finies. Arriv´
e`
a ce stade, il faut modi-
fier l´
eg`
erement nos donn´
ees si l’on veut ´
eviter les cas triviaux. En effet, le probl`
eme de l’ensemble
Hest qu’il est fini : en particulier, la relation d’´
egalit´
e ou, de fac¸on ´
equivalente, la partition triviale
H
xH
x
sont finies, ce qu’on veut en fait exclure3.
On introduit donc un nouvel ensemble, cette fois-ci infini, qu’on note H: l’ensemble de tous
les ˆ
etres humains possibles et imaginables. De mˆ
eme, on peut alors s’int´
eresser aux relations
d’´
equivalence sur Hd´
efinissant un nombre fini de classes d’´
equivalence. Les exemple pr´
ec´
edents
sont toujours valables, on peut encore parler du sexe, de l’ˆ
age, de la taille ou du poids d’un ˆ
etre
humain «imaginaire ».
On appelle Humanit´
ecet ensemble H.
2Hcomme humanit´
e.
3Tout cela sera normalement beaucoup plus clair `
a la fin...
2
(1.2) D´
efinitions et notations. On s’int´
eresse `
a l’Humanit´
eH.
On appelle crit`
ere de classement fini sur Htoute relation d’´
equivalence vqui d´
efinit sur Hune
partition finie. On note CHl’ensemble des crit`
eres de classement finis sur H.
Si vest un crit`
ere de classement fini sur H, on note
πv:HEvH:Hv
la projection canonique et si xHest un ˆ
etre humain, on appelle πvxl’approximation finie de x
selon le crit`
ere v.
´
Evidemment, toutes ces d´
efinitions sont valables pour n’importe quel ensemble X.
(1.3) Exemple de l’ˆ
age. On note age la relation d’´
equivalence d´
efinie sur Hpar
x, y Hage x, y oui xet ysont n´
es la mˆ
eme ann´
ee.
On peut repr´
esenter l’ensemble quotient par Eage H0an,1an,2ans,3ans, ..., 150 ans .Enfin,
si xH, on appelle ˆ
age de xson approximation finie πage xselon le crit`
ere age.
(1.4) Image profinie d’un ˆ
etre humain. Nous voil`
a maintenant outill´
es pour aborder la notion
de «profini ».
Si xHest un ˆ
etre humain, on appelle image profinie de xet on note π x la famille de ses
approximations selon tous les crit`
eres de classement finis :
π x πvxv CH
.
Autrement dit, on dispose d’une fl`
eche
π:H
v CH
EvH
qu’on appelle la projection profinie.
Intuitivement, l’image profinie π x de xest le rassemblement de toutes les informations que
l’on peut avoir sur x`
a travers des crit`
eres finis.
3
(1.5) Une question naturelle. Une premi`
ere question que l’on peut se poser est : quelle informa-
tion est en fait contenue dans l’image profinie de x? Somme toute, peut-on «recomposer »x`
a
partir de son image profinie π x ? Ou, en reformulant : la fl`
eche πest-elle injective ?
Sans rentrer dans les d´
etails, intuitivement4la r´
eponse en g´
en´
eral `
a cette question est non. On
verra des exemples plus loin, dans le cas des groupes.
(1.6) Une autre question naturelle. Une seconde question plus subtile mais tout autant naturelle
est la suivante. Peut-on imaginer une collection de donn´
ees xv v CH
«compatible »qui ne pro-
vienne d’aucun ´
el´
ement ? (Par compatible, j’entends que, par exemple, si la classe selon le crit`
ere
«ˆ
age »est «18 ans », alors on doit avoir que la classe selon le crit`
ere «moins de 20 ans »est
«oui ».)
Par exemple : existe-t-il un ˆ
etre humain (potentiel) qui s’appelle Quentin Mercier, qui a les yeux
verts et les cheveux chˆ
atains, mesure 1m85, a 24 ans, est sociologue, etc. ? En d’autres termes, le
morphisme πest-il surjectif dans les collections compatibles de donn´
ees finies ?
Dans le cas de l’ensemble H, le fait d’avoir pris tous les ˆ
etres humains possibles nous assure en
fait que la fl`
eche πva ˆ
etre surjective. Mais, si on avait gard´
e l’ensemble Het si, au lieu de regarder
touts les crit`
eres finis, on avait choisi un certain sous-ensemble5de CH, on aurait alors obtenu une
`
eche πnon-surjective. Et, d’une certaine fac¸on, l’ensemble d’arriv´
ee de πaurait ´
et´
e l’ensemble H
des tous les ˆ
etres humains possibles et imaginables.
(2) Compl´
et´
e profini d’un groupe.
Autant la partie pr´
ec´
edente n’avait-elle peut-ˆ
etre pas de pertinence math´
ematique mais cherchait
avant tout `
a faire comprendre la vraie nature des concepts, autant dans cette partie les objets
math´
ematiques introduits seront clairement non-triviaux et seront ´
etudi´
es plus techniquement.
(2.1) Compl´
et´
e profini. Soit Gun groupe. Si Hest un sous-groupe distingu´
e de Gd’indice fini,
c’est-`
a-dire si le groupe G H des classes `
a gauche de Gmodulo Hest fini, ce qu’on note HCfG,
on dira que :
Hest un crit`
ere d’approximation finie de G;
G H est le groupe des approch´
es finis de Gselon H;
πH:G G H est l’approximation finie selon H;
si g G,πHgest l’image approch´
ee finie de gselon H.
4penser par exemple `
a deux points «non-s´
epar´
es »d’un espace topologique : un objet ne peut pas ˆ
etre «caract´
eris´
e»
par ses propri´
et´
es ; n´
eanmoins, dans le contexte technique des ensembles et des relations d’´
equivalence finies, la r´
eponse
est oui ! En fait, au lieu de choisir toutes les classes d’´
equivalences finies, on pourrait faire la mˆ
eme construction en ne
consid´
erant qu’une classe de partitions finies ; la r´
eponse ne serait alors pas n´
ecessairement positive.
5qui, en particulier, ne contienne pas la relation d’´
egalit´
e.
4
Ainsi, au lieu de consid´
erer, comme dans le cas des ensembles, toutes les partitions finies de G,
on se limite aux partitions finies «compatibles »`
a la structure de groupe de G.
D`
es lors, on peut d´
efinir le compl´
et´
e profini Gcomme l’ensemble des familles compatibles d’ap-
proch´
es finis selon tous les crit`
eres d’approximation finie HCfG.
(2.2) Compatibilit´
e. Voil`
a ce qu’on entend par compatible. Si H1, H2CfGsont deux crit`
eres
d’approximation finie et qu’en plus H1H2, on dispose naturellement d’une fl`
eche ˜πH1H2:
G
πH1//
πH2!!
C
C
C
C
C
C
C
C
CG H1
˜πH1H2
G H2
.
On demande donc, naturellement, qu’´
etant donn´
ees deux approch´
es finis gH1G H1et gH2
G H1, ils v´
erifient :
˜πH1H2gH1gH2.
Plus formellement :
(2.3) D´
efinition. Soit Gun groupe. Le compl´
et´
e profini de G, not´
eGest :
G xH HCfGH1H2˜πH1H2xH1xH2
HCfG
G H.
Il est naturellement muni d’une structure de groupe ainsi que d’un morphisme
π:G G
g πHgHCfG
qu’on appelle projection profinie.
(2.4) Compl´
et´
e profini 2 : version plus abstraite. On peut reprendre ce qui pr´
ec`
ede d’un point
de vue ´
equivalent, plus abstrait, mais aussi plus intrins`
eque.
Soit Gun groupe. On appelle approximation finie de Gtout couple vFv, ϕvo`
uFvest un
groupe fini et ϕv:G Fvun morphisme de groupes6. Si g G, on appelle approximation finie de
gselon vl’image ϕvg Fv.
(2.5) Exemples vari´
es et divers d’approximations finies. Voici un certain nombre d’exemples,
choisis en combinatoire, g´
eom´
etrie, arithm´
etique, topologie, etc. qui j’esp`
ere convaincront le lec-
teur de la pertinence de ce terme, «approximation finie ».
a) R Z 2Z
xsgn x, le morphisme «signe d’un nombre r´
eel ».
6On pourra abuser les notations en ´
ecrivant ϕau lieu F, ϕ .
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