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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 6 - juin 2000
TRIBUNE
a survenue d'une épidémie de spondylodiscites à
Mycobacterium xenopi au décours d'interventions
chirurgicales du rachis pratiquées dans une clinique
parisienne a brutalement rappelé les risques encourus par le
non-respect des règles de stérilisation des dispositifs médicaux.
Après une investigation longue et difficile, 58 cas sont aujour-
d’hui identifiés parmi 3 320 patients exposés au risque. Mais
comment en sommes-nous arrivés là ? Pour comprendre, il faut
reprendre les principaux faits marquant cette histoire excep-
tionnelle.
DESCRIPTION
En mai 1993, une première alerte épidémique est transmise par
les Centres nationaux de référence (CNR) aux autorités sani-
taires en raison de la découverte de 9 cas d’infection rachi-
dienne par une mycobactérie atypique, M. xenopi, survenus
après nucléotomie percutanée ou microchirurgie pratiquée pour
cure de hernie discale. Le recoupement des données recueillies
par les deux CNR à propos de ces 9 cas a permis de mettre en
évidence que les différents malades avaient été opérés plusieurs
années auparavant dans la même clinique, suggérant ainsi une
possible origine iatrogène de ces souches. Le diagnostic du pre-
mier cas avait en fait été posé dès 1989 chez un patient de 26 ans
opéré d’une hernie discale lombaire par microchirurgie en 1988
sans que la relation avec le geste chirurgical ait été clairement
établie.
ACTION
Suite à l’alerte, un audit en hygiène est effectué par le C.CLIN
Paris-Nord, qui permet de démontrer que la source de l'épidé-
mie est une contamination due au rinçage des nucléotomes par
l’eau du robinet provenant du réseau de l’établissement qui
contient de grandes quantités de M. xenopi (concentra-
tion > 500 UFC/l). Ce rinçage était effectué afin d’éliminer
le glutaraldéhyde employé pour désinfecter entre deux patients
les nucléotomes utilisés consécutivement chez les patients (une
dizaine de patients opérés par programme opératoire). Dès lors,
la mise en place d’une stérilisation des instruments par la
chaleur et la non-utilisation de l’eau du réseau pour le rinçage
associées à une réfection et à une décontamination du réseau
d’eau permettent d’éradiquer la source de contamination.
Aucun cas nouveau n'apparaît chez des patients opérés après
juin 1993. Cependant, entre 1993 et 1997, plusieurs cas de
spondylodiscites à M. xenopi sont encore identifiés, tous sur-
venant chez des patients opérés dans la clinique avant juin 1993
par nucléotomie ou microchirurgie. Plusieurs tentatives d’in-
formation des patients sont entreprises par la clinique sous l’im-
pulsion des autorités sanitaires, mais aucune information réelle
sur le risque de contamination ni de proposition de dépistage
de l’ensemble des patients exposés n’est effectuée.
En septembre 1997, devant l’accumulation des cas et les
plaintes déposées par les patients atteints, les pouvoirs publics
décident de conduire une investigation épidémiologique appro-
fondie. Cette investigation est confiée au C.CLIN qui est chargé
de réunir un groupe d’experts cliniciens, bactériologistes et épi-
démiologistes afin de définir la conduite à tenir pour le dépis-
tage des patients exposés. Tous les patients opérés à la clinique
entre 1988 et mai 1993 sont informés par courrier et une ima-
gerie à résonance magnétique (IRM) du rachis leur est systé-
matiquement proposée. Compte tenu du caractère exception-
nel de l’infection et des difficultés de diagnostic qui en résultent,
toutes les IRM sont relues par un radiologue expérimenté ayant
déjà vu plusieurs cas de l’épidémie. Toute image suspecte
confirmée par le radiologue doit faire l’objet d’une ponction
biopsie du rachis radioguidée ou, en cas d’abord difficile, par
voie chirurgicale, pour confirmation bactériologique et/ou his-
tologique. Les cas de spondylodiscite confirmés doivent béné-
ficier d'une prise en charge thérapeutique par une équipe spé-
cialisée comprenant à la fois des médecins cliniciens,
bactériologistes et chirurgiens. Leurs traitements difficiles et
prolongés comprennent, sur les recommandations du groupe
expert, une antibiothérapie multiple d’au moins 18 mois
(fluoroquinolones et clarithromycine indispensables, associés
si possible à éthambutol et rifampicine[1]) associée selon les cas
à un geste chirurgical.
La procédure de dépistage mise en place a finalement permis
de dépister quatorze nouveaux cas, soit un quart du nombre
total des cas. Ces patients sont actuellement pris en charge en
centre spécialisé.
Quelle leçon tirer de l’épidémie de spondylodiscites
à Mycobacterium xenopi
!
P. Astagneau*, G. Brücker*
* Centre interrégional de coordination de la lutte contre l’infection nosocomiale
de Paris (C.CLIN Paris-Nord), 75006 Paris.
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