Fiche technique L n° 1 Dissection sous-muqueuse

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Fiche technique
n° 1
Dissection sous-muqueuse
endoscopique (ESD)
D. O’Toole, J. Boyer*
* Service d’hépato-gastroentérologie, CHU d’Angers.
Dissection sous-muqueuse
endoscopique (ESD)
L
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a résection endoscopique en monobloc par technique de mucosectomie (endoscopic mucosal resection [EMR]) est devenue la technique standard
pour traiter les polypes plans ou sessiles à base large du
tractus digestif, inférieurs à 20 mm de diamètre. Ce geste
s’accompagne d’un taux de réussite important sur le plan
technique et oncologique, avec des effets secondaires
minimes. En effet, la résection complète en monobloc de
lésions dysplasiques ou de cancers superficiels de l’œsophage, de l’estomac et du colorectum (des lésions T1
pour la plupart n’intéressant pas la sous-muqueuse) est
maintenant possible grâce à une analyse histologique
minutieuse permettant d’assurer la qualité oncologique de
la résection sans compromettre une intervention chirurgicale secondaire si nécessaire. Le traitement endoscopique
des lésions précancéreuses ou des cancers superficiels du
tube digestif est maintenant reconnu comme ayant une
faible morbi-mortalité (1). Le recours à un traitement
endoscopique est d’autant plus pertinent devant des
malades âgés ou qui présentent une comorbidité importante rendant un traitement chirurgical parfois périlleux.
Les résultats après résection complète en monobloc de
cancers superficiels de l’estomac limités à la muqueuse
sont excellents, avec une survie à 5 ans de 99 % ; cela est
en rapport avec une faible atteinte ganglionnaire dans
ces circonstances, d’environ 3 % (2-5). Le risque d’atteinte
ganglionnaire est de l’ordre de 20 % devant une infiltration tumorale de la sous-muqueuse (2-5). Idéalement,
la classification japonaise des tumeurs en cancers T1
muqueux et T1 sous-muqueux (sm1 : partie superficielle
de la sous-muqueuse ; sm2 : partie moyenne ; sm3 : partie
profonde) est l’un des critères majeurs dans la prise en
charge de ces malades ; toutefois, en pratique, l’identification d’une lésion purement intra-muqueuse ou sm1
n’est possible qu’avec l’analyse histologique. La précision
diagnostique de l’échoendoscopie, même avec une haute
fréquence, reste limitée à 80-90 % (6, 7).
La résection endoscopique de lésions planes ou sessiles
de plus de 20 mm de diamètre est possible grâce à la
mucosectomie par fragmentation ; cette technique
combine plusieurs mucosectomies standard de manière
séquentielle. Le problème majeur réside dans la qualité de
l’analyse histologique des prélèvements tissulaires enlevés,
à la fois du fait du caractère incomplet de la récupération
des fragments et de l’effet de la coagulation, qui rend cette
analyse difficile tant sur les marges latérales qu’en profonLa Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - vol. X - nos 3-4 - mars-avril 2007
deur. De plus, cette technique expose à un risque accru de
résidu tumoral et de récidive (allant jusqu’à 30 %).
C’est pourquoi de nouvelles méthodes de résection endoscopique en bloc des lésions planes supérieures à 20 mm
de diamètre ont été développées par les Japonais, parmi
lesquelles la dissection sous-muqueuse endoscopique
(endoscopic submucosal dissection [ESD]) dans les années
1990. Cette technique permet également la résection de
lésions adhérentes en profondeur après tentative antérieure de résection par fragmentation. Bien codifiée
actuellement, elle comprend les étapes suivantes :
왘 marquage par points de coagulation des berges latérales
de la tumeur ;
왘 dissection circulaire de la sous-muqueuse au-delà des
points de marquage ;
왘 dissection pas à pas de la lésion dans le plan de la
sous-muqueuse. Ces deux derniers temps nécessitent
au préalable un décollement de la sous-muqueuse par
injection répétée de sérum salé. Toutes ces étapes sont
réalisées à l’aide de petits instruments spécifiques utilisant
un réglage adapté du bistouri. La lésion réséquée doit être
ensuite épinglée sur un carton (ou une pièce de bois), sa
face coupée vers le bas, puis plongée dans une solution
formolée. La durée moyenne de la résection par cette
technique, dans des mains expertes, est de 2 heures.
Les complications sont essentiellement hémorragiques
(risque de l’ordre de 5 à 8 % [2]), mais la pose d’hémoclips est facile et efficace pour l’hémorragie pendant ou
immédiatement après la résection. Plus problématique
est l’hémorragie tardive, qui peut survenir entre 0 et
30 jours ; toutefois, 75 % des hémorragies se manifestent dans les 12 heures (8), et semblent largement en
rapport avec la taille de la lésion réséquée et sa localisation
anatomique. L’hémorragie non sévère au cours du geste
de résection peut être traitée par une pince chaude à
hémostase (Coagrasper™, Olympus), ce qui représente
un avantage majeur, car la pose d’un hémoclip pendant
la technique de résection ne facilite pas l’achèvement de
celle-ci. La perforation est également possible (environ
4 % des cas) [9], mais elle est le plus souvent de petite
taille, en rapport avec une section en profondeur par
l’un des instruments et qui est le plus souvent facilement
traitée par la pose d’endoclips.
La plupart des séries publiées sont japonaises et consacrées aux traitement des cancers superficiels de l’estomac.
Leurs résultats sont globalement excellents. Dans une
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un taux de résection complète de 95 % (12). La procédure a été compliquée dans 6 cas (6 %) d’un emphysème
médiastinal, traité de façon conservatrice. Les cancers
superficiels du rectum (ou nappes villeuses étendues)
sont une autre indication de la résection par dissection
de la sous-muqueuse, car ils sont difficiles à réséquer
par fragmentation. Les taux de résection en bloc et de
type R0 ont été respectivement de 87 % et 63 % chez
35 malades traités par ESD pour des cancers superficiels
rectaux (13).
La diffusion de la technique de l’ESD doit certainement
se faire au sein d’études prospectives, avec une évaluation très stricte de l’analyse histologique des lésions. Si
les techniques endoscopiques modernes en oncologie
font leurs preuves, elles doivent être utilisées de façon
beaucoup plus large qu’actuellement.
■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - vol. X - nos 3-4 - mars-avril 2007
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large cohorte récente de malades traités avec EMR ou
ESD pour un cancer gastrique précoce (n = 714 ; tous
avec une lésion inférieure à 30 mm de diamètre, bien
différenciée, soit intramuqueux ou sm1), les taux de
résection complète en histologie étaient de 61 % et 74 %
respectivement pour l’EMR et l’ESD (9). La résection en
bloc a été significativement supérieure avec la technique
de résection de la sous-muqueuse (ESD), comparativement à la mucosectomie standard (93 % versus 65 %),
alors qu’il existait un nombre plus important de complications dans le groupe ESD (3,6 % versus 1,2 % en ce qui
concerne la perforation) ; une hémorragie nécessitant une
transfusion n’a été nécessaire que chez un malade ayant
subi une EMR (9). Dans une deuxième étude comparative, toujours japonaise, Oka et al. ont confirmé un taux
supérieur de résection en bloc histologiquement complète
avec l’ESD, comparativement à l’EMR (10). Il existait
plus d’hémorragies pendant le geste d’ESD qu’avec la
mucosectomie standard (23 % versus 8 %) ; cependant,
l’incidence d’hémorragies tardives était similaire (4 %).
Ce même groupe a examiné la technique d’ESD chez
15 malades ayant une résection incomplète ou présentant une récidive après EMR pour un cancer superficiel
de l’estomac (11). Chez tous les malades, le décollement
après injection d’une solution de glycérine n’avait pu être
possible du fait d’une fibrose cicatricielle. Une résection
en monobloc a été possible et histologiquement complète
pour 14 des 15 malades (93 %), sans récidive avec un suivi
de 18,1 ± 7,4 mois. Le temps moyen pour réaliser le geste
était de 85,4 ± 52,9 mn. L’aphorisme selon lequel nos collègues japonais sont plus habiles en endoscopie et consacrent beaucoup de temps au développement de ces gestes
et à leur pratique courante est certainement vrai, mais
la diffusion de l’Est à l’Ouest de la technique de mucosectomie standard (EMR) a déjà fait ses preuves. Nous
devons en tirer des leçons, en développant rapidement des
centres d’excellence dans ce domaine afin d’avancer dans
l’apprentissage d’un geste qui reste techniquement difficile.
L’apprentissage sur l’animal est au préalable indispensable.
Il est cependant vrai que les indications d’une résection
par la méthode d’ESD sont différentes dans les pays occidentaux, où l’incidence du cancer précoce de l’estomac est
nettement moins importante qu’au Japon. L’application
de ce geste dans le traitement du cancer superficiel de
l’œsophage (cancer épidermoïde ou adénocarcinome
sur EBO) semble logique. Par ailleurs, les Japonais ont
déjà montré qu’une résection en monobloc est faisable
pour les cancers épidermoïdes superficiels de l’œsophage
(102 cas de résection, taille moyenne de 32 mm), avec
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