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Fiche à détacher et à archiver
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - vol. X - nos 3-4 - mars-avril 2007
Dissection sous-muqueuse
endoscopique (ESD)
D. O’Toole, J. Boyer*
* Service d’hépato-gastroentérologie, CHU d’Angers.
Dissection sous-muqueuse
endoscopique (ESD)
n° 1
La résection endoscopique en monobloc par tech-
nique de mucosectomie (endoscopic mucosal resec-
tion [EMR]) est devenue la technique standard
pour traiter les polypes plans ou sessiles à base large du
tractus digestif, inférieurs à 20 mm de diamètre. Ce geste
s’accompagne d’un taux de réussite important sur le plan
technique et oncologique, avec des eff ets secondaires
minimes. En eff et, la résection complète en monobloc de
lésions dysplasiques ou de cancers superfi ciels de l’œso-
phage, de l’estomac et du colorectum (des lésions T1
pour la plupart nintéressant pas la sous-muqueuse) est
maintenant possible grâce à une analyse histologique
minutieuse permettant d’assurer la qualité oncologique de
la résection sans compromettre une intervention chirurgi-
cale secondaire si nécessaire. Le traitement endoscopique
des lésions précancéreuses ou des cancers super ciels du
tube digestif est maintenant reconnu comme ayant une
faible morbi-mortalité (1). Le recours à un traitement
endoscopique est d’autant plus pertinent devant des
malades âgés ou qui présentent une comorbidité impor-
tante rendant un traitement chirurgical parfois périlleux.
Les résultats après résection complète en monobloc de
cancers superfi ciels de l’estomac limités à la muqueuse
sont excellents, avec une survie à 5 ans de 99 % ; cela est
en rapport avec une faible atteinte ganglionnaire dans
ces circonstances, d’environ 3 % (2-5). Le risque d’atteinte
ganglionnaire est de l’ordre de 20 % devant une infi ltra-
tion tumorale de la sous-muqueuse (2-5). Idéalement,
la classifi cation japonaise des tumeurs en cancers T1
muqueux et T1 sous-muqueux (sm1 : partie superfi cielle
de la sous-muqueuse ; sm2 : partie moyenne ; sm3 : partie
profonde) est l’un des critères majeurs dans la prise en
charge de ces malades ; toutefois, en pratique, l’identi-
cation d’une lésion purement intra-muqueuse ou sm1
nest possible qu’avec l’analyse histologique. La précision
diagnostique de l’échoendoscopie, même avec une haute
fréquence, reste limitée à 80-90 % (6, 7).
La résection endoscopique de lésions planes ou sessiles
de plus de 20 mm de diamètre est possible grâce à la
mucosectomie par fragmentation ; cette technique
combine plusieurs mucosectomies standard de manière
séquentielle. Le problème majeur réside dans la qualité de
l’analyse histologique des prélèvements tissulaires enlevés,
à la fois du fait du caractère incomplet de la récupération
des fragments et de l’eff et de la coagulation, qui rend cette
analyse diffi cile tant sur les marges latérales qu’en profon-
deur. De plus, cette technique expose à un risque accru de
résidu tumoral et de récidive (allant jusqu’à 30 %).
Cest pourquoi de nouvelles méthodes de résection endo-
scopique en bloc des lésions planes supérieures à 20 mm
de diamètre ont été développées par les Japonais, parmi
lesquelles la dissection sous-muqueuse endoscopique
(endoscopic submucosal dissection [ESD]) dans les années
1990. Cette technique permet également la résection de
lésions adhérentes en profondeur après tentative anté-
rieure de résection par fragmentation. Bien codifiée
actuellement, elle comprend les étapes suivantes :
marquage par points de coagulation des berges latérales
de la tumeur ;
dissection circulaire de la sous-muqueuse au-delà des
points de marquage ;
dissection pas à pas de la lésion dans le plan de la
sous-muqueuse. Ces deux derniers temps nécessitent
au préalable un décollement de la sous-muqueuse par
injection répétée de sérum salé. Toutes ces étapes sont
réalisées à l’aide de petits instruments spécifi ques utilisant
un réglage adapté du bistouri. La lésion réséquée doit être
ensuite épinglée sur un carton (ou une pièce de bois), sa
face coupée vers le bas, puis plongée dans une solution
formolée. La durée moyenne de la résection par cette
technique, dans des mains expertes, est de 2 heures.
Les complications sont essentiellement hémorragiques
(risque de l’ordre de 5 à 8 % [2]), mais la pose d’hémo-
clips est facile et effi cace pour l’hémorragie pendant ou
immédiatement après la résection. Plus problématique
est l’hémorragie tardive, qui peut survenir entre 0 et
30 jours ; toutefois, 75 % des hémorragies se manifes-
tent dans les 12 heures (8), et semblent largement en
rapport avec la taille de la lésion réséquée et sa localisation
anatomique. L’hémorragie non sévère au cours du geste
de résection peut être traitée par une pince chaude à
hémostase (Coagrasper™, Olympus), ce qui représente
un avantage majeur, car la pose d’un hémoclip pendant
la technique de résection ne facilite pas l’achèvement de
celle-ci. La perforation est également possible (environ
4 % des cas) [9], mais elle est le plus souvent de petite
taille, en rapport avec une section en profondeur par
l’un des instruments et qui est le plus souvent facilement
traitée par la pose d’endoclips.
La plupart des séries publiées sont japonaises et consa-
crées aux traitement des cancers super ciels de l’estomac.
Leurs résultats sont globalement excellents. Dans une
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Dissection sous-muqueuse
endoscopique (ESD)
large cohorte récente de malades traités avec EMR ou
ESD pour un cancer gastrique précoce (n = 714 ; tous
avec une lésion inférieure à 30 mm de diamètre, bien
différenciée, soit intramuqueux ou sm1), les taux de
résection complète en histologie étaient de 61 % et 74 %
respectivement pour l’EMR et l’ESD (9). La résection en
bloc a été signifi cativement supérieure avec la technique
de résection de la sous-muqueuse (ESD), comparative-
ment à la mucosectomie standard (93 % versus 65 %),
alors qu’il existait un nombre plus important de compli-
cations dans le groupe ESD (3,6 % versus 1,2 % en ce qui
concerne la perforation) ; une hémorragie nécessitant une
transfusion n’a été nécessaire que chez un malade ayant
subi une EMR (9). Dans une deuxième étude compara-
tive, toujours japonaise, Oka et al. ont confi rmé un taux
supérieur de résection en bloc histologiquement complète
avec l’ESD, comparativement à l’EMR (10). Il existait
plus d’hémorragies pendant le geste d’ESD qu’avec la
mucosectomie standard (23 % versus 8 %) ; cependant,
l’incidence d’hémorragies tardives était similaire (4 %).
Ce même groupe a examiné la technique d’ESD chez
15 malades ayant une résection incomplète ou présen-
tant une récidive après EMR pour un cancer superfi ciel
de l’estomac (11). Chez tous les malades, le décollement
après injection d’une solution de glycérine n’avait pu être
possible du fait d’une fi brose cicatricielle. Une résection
en monobloc a été possible et histologiquement complète
pour 14 des 15 malades (93 %), sans récidive avec un suivi
de 18,1 ± 7,4 mois. Le temps moyen pour réaliser le geste
était de 85,4 ± 52,9 mn. Laphorisme selon lequel nos collè-
gues japonais sont plus habiles en endoscopie et consa-
crent beaucoup de temps au développement de ces gestes
et à leur pratique courante est certainement vrai, mais
la diff usion de l’Est à l’Ouest de la technique de muco-
sectomie standard (EMR) a déjà fait ses preuves. Nous
devons en tirer des leçons, en développant rapidement des
centres d’excellence dans ce domaine afi n d’avancer dans
l’apprentissage d’un geste qui reste techniquement diffi cile.
L’apprentissage sur l’animal est au préalable indispensable.
Il est cependant vrai que les indications d’une résection
par la méthode d’ESD sont diff érentes dans les pays occi-
dentaux, où l’incidence du cancer précoce de l’estomac est
nettement moins importante qu’au Japon. Lapplication
de ce geste dans le traitement du cancer superfi ciel de
l’œsophage (cancer épidermoïde ou adénocarcinome
sur EBO) semble logique. Par ailleurs, les Japonais ont
déjà montré qu’une résection en monobloc est faisable
pour les cancers épidermoïdes super ciels de l’œsophage
(102 cas de résection, taille moyenne de 32 mm), avec
un taux de résection complète de 95 % (12). La procé-
dure a été compliquée dans 6 cas (6 %) d’un emphysème
média stinal, traité de façon conservatrice. Les cancers
superfi ciels du rectum (ou nappes villeuses étendues)
sont une autre indication de la résection par dissection
de la sous-muqueuse, car ils sont diffi ciles à réséquer
par fragmentation. Les taux de résection en bloc et de
type R0 ont été respectivement de 87 % et 63 % chez
35 malades traités par ESD pour des cancers super ciels
rectaux (13).
La diff usion de la technique de l’ESD doit certainement
se faire au sein d’études prospectives, avec une évalua-
tion très stricte de l’analyse histologique des lésions. Si
les techniques endoscopiques modernes en oncologie
font leurs preuves, elles doivent être utilisées de façon
beaucoup plus large qu’actuellement.
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