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Réponse à Louis Mauriac
L
a rubrique “Tribune” de La
Lettre du Sénologue de
novembre 1999 (1999 ; 6 : 389) a donné l’occasion à Louis Mauriac
de répondre à deux journalistes d’investigation de charme : Anne Lesur et Brigitte de Lafontan, à la question :
“Quelles informations peut-on tirer de
la méta-analyse de 1998 en ce qui
concerne les antiestrogènes en traitement adjuvant dans le cancer du sein ?”
Je voudrais tout d’abord insister sur
l’intérêt d’une telle rubrique car elle
autorise l’interviewé à donner son avis
académique, mais en le teintant aussi de
ses opinions personnelles : c’est la règle
du jeu. À celui qui n’est pas d’accord de
réagir. Ce que je fais à propos des deux
encadrés de la page 39 :
“En conséquence, dans la mesure où
ces patientes jeunes peuvent également
tirer un bénéfice d’une chimiothérapie
adjuvante, il nous paraît souhaitable de
ne proposer un traitement antiestrogénique qu’à celles qui ont été ménopausées par leur chimiothérapie. Dans le
cas contraire, on préfèrera s’en abstenir” et : “Il nous paraît licite de prescrire du tamoxifène à une femme jeune
de plus de 40 ans, ménopausée par sa
chimiothérapie et dont la tumeur est
* Clinique Sainte-Catherine, Avignon.
❒ Réponse
au Dr Serin
(Clinique Sainte-Catherine)
La critique du Docteur Daniel Serin,
cancérologue émérite de terrain, appelle
quelques points de réponse. Il est vrai
La Lettre du Sénologue - n° 7 - février 2000
hormonosensible. Le bénéfice supplémentaire n’apparaît que lorsque la
prise du tamoxifène dépasse un an.”
S’abstenir de procurer aux patientes préménopausiques de moins de 50 ans
RH + les bénéfices suivants :
– réduction du risque de récidive de
45 % ± 8,
– réduction du risque de mortalité de
30 % ± 10,
– réduction du risque de cancer controlatéral de 47 % ± 9, obtenus après
5 années de prise de tamoxifène à
20 mg sous prétexte, et je cite Louis
Mauriac, que “le tamoxifène peut
induire une hyperestradiolémie absolue,
constante, parfois importante, qui peut
être responsable d’une symptomatologie
gynécologique et hormonale anormale
mais bénigne : tension prémenstruelle,
ménorragies, métrorragies, kyste ovarien.” Cela mérite discussion.
Je trouve personnellement que l’on
compare des chèvres et des choux, ou
plutôt un risque potentiel de mort au
risque de survenue d’une pathologie
bénigne, qu’il ne faut certes pas négliger, mais qui n’est cependant pas du
tout du même ordre.
Les études du Royal Marsden Hospital
(Powles, 1994), comme celles issues de,
l’essai de prévention P1 du NSABP ou
que chez la femme en activité ovarienne, le tamoxifène réduit le risque de
récidive et réduit le risque de décès,
qu’il y ait ou non une chimiothérapie
prescrite. Cette analyse globale de la
méta-analyse publiée en 1998 porte sur
7 280 femmes préménopausées dont
3 851 ont reçu du tamoxifène. Dans ce
cas, le risque de récidive est diminué de
de l’étude Cohen, confirment la réalité
de cette pathologie et sa fréquence, mais
confirment aussi l’impression des cliniciens de terrain que ses conséquences
cliniques sont peu importantes et n’ont
bien entendu aucune conséquence sur la
survie globale ni la survie sans récidive
de ces patientes.
Ne sommes-nous donc pas soumis aux
diktats de certaines écoles qui, loin du
terrain cancérologique quotidien, réagissent à juste titre mais parfois de façon
excessive ?
À quand une enquête auprès des
femmes atteintes d’un du sein sur leur
perception du risque respectif du kyste
de l’ovaire sous tamoxifène versus la
réduction du risque de voire apparaître
un nouveau cancer du sein dans leur
vie ?
Je n’ai ni le style de Michèle Escoute ni
son lyrisme pour dire qu’à mes yeux, on
manque de bon sens carcinologique en
refusant à des jeunes femmes les bénéfices du tamoxifène, qui s’expriment en
termes de survie sans récidive et de survie globale. Ne sont-ce pas là des endpoints suffisants et assez pertinents pour
nos collègues endocrinologues ?
À suivre...
Daniel Serin
Cancérologue de terrain
45 % ± 8 et le risque de décès de 30 %
± 10. Lorsque l’on analyse les études
qui comparent des patientes ayant reçu
une chimiothérapie associée au tamoxifène versus une chimiothérapie seule,
l’analyse porte sur 6 362 femmes préménopausées. Le risque de récidive est
diminué de 21 % ± 13 et le risque de
décès est diminué de 25 % ± 14. Ces
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différences ne sont pas statistiquement
significatives.
De ce fait, si l’on retient comme une
attitude standard la prescription d’une
chimiothérapie adjuvante à toutes les
femmes préménopausées qui ont un
risque de récidive métastatique,
l’adjonction du tamoxifène à leur traitement chimiothérapique ne va probablement pas améliorer leur pronostic.
Quant aux complications gynécologiques, je reconnais bien volontiers
qu’elles sont bénignes, mais que malgré
tout, elles vont perturber ces jeunes
femmes, sur une durée prolongée (5
années) à une période où elles auront eu
à assumer le diagnostic et le traitement
de leur cancer. C’est la raison pour
laquelle je préfère ne prescrire du
tamoxifène en complément de la chimiothérapie qu’aux femmes de plus de
40 ans qui auront été ménopausées par
ce traitement.
Quant à la réduction du risque de cancer
contro-latéral citée comme étant de
47 % ± 9, ce chiffre s’adresse à
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l’ensemble de la population pré- et postménopausée. Dans la méta-analyse de
1998, la réduction du risque de cancer
contro-latéral n’est que de 27 % pour les
femmes de moins de 50 ans.
Finalement, le bénéfice d’une hormonothérapie par tamoxifène chez une
femme en activité ovarienne est sûrement réel d’un point de vue statistique,
mais d’un point de vue individuel, il
n’est pas certain qu’une prescription
systématique soit réellement bénéfique
pour chacune de ces patientes.
❒ Réponse
au Dr Debaud
(Centre René-Huguenin)
Le Docteur Debaud se demande si la
prescription de tamoxifène en présence
d’une tumeur dépourvue de récepteurs
stéroïdiens ne vaut pas la peine d’être
faite même si le bénéfice est limité :
diminution du risque relatif de rechute
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de 10 %. Dans ce risque relatif de
rechute, Richard Peto et son équipe
prennent en considération la rechute
locale, la rechute métastatique mais également la survenue d’un cancer du sein
contro-latéral. Les auteurs de la métaanalyse font donc remarquer que même
si le résultat est statistiquement significatif, le bénéfice apparent est faible et la
limite de confiance est proche du 0. De
plus, si l’on ne compte pas les cancers
du sein contro-latéraux (dont le statut
des récepteurs est en général sans rapport avec celui du premier cancer), la
réduction du risque de récidive est
encore plus petite et celle-ci n’est absolument pas significative (6 % ± 11).
Quant à savoir si la prescription de
tamoxifène chez ces femmes peut avoir
un effet nuisible par l’intermédiaire
d’une stimulation de facteurs de croissance induits par le traitement antiestrogénique, cette hypothèse n’a jamais
été vérifiée de façon certaine.
L. Mauriac
Annonceurs
BRISTOL-MYERS SQUIBB (Taxol), p. 2 ;
AMGEN SA (Neupogen), p. 47 ;
ZENECA PHARMA (Arimidex), p. 31 ;
THERAMEX (Evestrel), p. 26 ;
BIOPSYS (Mammotome), p. 48.
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La Lettre du Sénologue - n° 7 - février 2000
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