DOSSIER THÉMATIQUE Les inhibiteurs de l’aromatase dans le cancer du sein Les inhibiteurs de l’aromatase dans le cancer du sein Aromatase inhibitors in breast cancer A. Lesur* E Figure 1. Publicité pour Nolvadex® en situation métastatique. Figure 2. Publicité pour Nolvadex® dans Home Beautiful. * Oncosénologue, Centre AlexisVautrin, Nancy. n novembre 2003, l’anastrozole, inhibiteur de l’aromatase (IA) de troisième génération, obtenait l’autorisation de mise sur le marché en situation adjuvante du cancer du sein, bouleversant trente années d’utilisation du tamoxifène, dont on se souvient que N. Wilcken écrivait : “Is there anything tamoxifene cannot do ?”, faisant référence à un parcours sans faille et remarquable du ICI 46 474, (appelé Nolvadex®), donné à la patiente métastatique avec succès et qualité de vie inespérée (figure 1) au tamoxifène, donné en prévention, aux mérites vantés dans les revues américaines (figure 2). Puis dans les années suivantes, les résultats des études réalisées avec les deux autres IA se succèdent, supplantant chaque fois de quelques pourcents le tamoxifène… Peu à peu, le standard a glissé vers l’utilisation première de cette classe médicamenteuse, et le tamoxifène s’est vu progressivement mais implacablement remplacé. Certes, en 2009, il n’est toujours pas possible de mettre en évidence une différence en survie globale entre les deux tenants du titre (IA ou tamoxifène), mais doit-on encore parler de survie globale à l’heure où les rattrapages possibles sont légions tant en hormonothérapie qu’en chimiothérapie, sans parler des thérapies ciblées ? Quoi qu’il en soit, il existe un différentiel constant de 4 à 5 % en chiffre absolu entre les courbes, et ce dans l’ensemble des études. Est-ce à dire que le gain est réel ? Car voici venir l’heure des questions, alors que les IA voient, eux aussi, arriver le passage dans le domaine public avec les génériques et que le bénéfice financier de leur prescription s’amenuise… Qu’en est il donc, à ce jour ? C’est la question à laquelle nous avons voulu répondre, en faisant un dossier consacré à cette classe thérapeutique. Rappeler tout d’abord de quoi l’on parle reste une démarche utile et P. de Crémoux est toujours au rendezvous pour nous aider à comprendre, molécules, mécanismes biologiques et effets thérapeutiques. La synthèse de tous les résultats, et ce dans tous les cas de figure (avant, après, dans quel ordre, combien de temps…), avec chacune des trois molécules sur le marché est un travail de patience, ce d’autant qu’il perd aussi vite sa mise à jour, puisqu’il est vrai qu’à chaque rassemblement (de type San Antonio, mais il y en a d’autres…), ces mêmes chiffres et tableaux ne cessent d’être réactualisés. C’est donc avec beaucoup d’admiration que nous pouvons lire dans ce numéro le résultat de ce travail, mené à deux mains, entre T. Petit et I. Tannock. Lorsque le bénéfice obtenu par une molécule est certes réel, mais néanmoins modéré en chiffre absolu, et qu’il survient dans une population dont le pronostic est plutôt favorable, de par la petite taille des lésions détectées, de par la diminution des envahissements ganglionnaires, il est logique que la comparaison des effets secondaires évoluant dans le sillage des prescriptions ait une part importante dans la discussion. L’expérience prouve qu’en cancérologie comme ailleurs, les effets répertoriés dans les études, aussi bien conduites soient-elles, ne sont pas ceux qui, à terme, seront responsables ou non de l’adhésion au traitement et donc susceptibles d’hypothéquer des différences, somme toute, assez minimes. Ainsi, en va-t-il des IA, qui ont pu s’affranchir du redoutable cancer de l’utérus, apanage du tamoxifène – rare mais difficile à évoquer dans la liste des effets indésirables – et aussi en partie des thromboses profondes, potentiellement pourvoyeuses d’embolie pulmonaire. Cependant, ces molécules, créant une situation non physiologique d’hypoestrogénie majeure, ont des effets au quotidien qui, s’ils ne tuent pas, sont dans une proportion non négligeable de cas particulièrement désagréables, délétères sur une qualité de vie qui ne mérite pas d’être hypothéquée, eu égard à l’excellence du pronostic. Mis sur le marché au moment où le THS, tant vanté quelques décennies plus tôt, se retrouvait au pilori, victime de l’EBM des séries randomisées indiscutables (même si les populations étaient différentes, tout comme les produits utilisés, ainsi que les indications de prescriptions), aspiré par une tempête antihormones, orchestrée par les instances sanitaires, les IA sont apparus 8 | La Lettre du Sénologue • n° 45 - juillet-août-septembre 2009 Séno45septokimp.indd 8 25/09/09 14:57 DOSSIER THÉMATIQUE Référence bibliographique – Wikclen N. Tamoxifen hits theTarget in situ commentary. Lancet 1999;353:1986-7. DOSSIER de décembre 2009 Les inhibiteurs de l’aromatase dans le cancer du sein (2e partie) Les inhibiteurs de l’aromatase dans le cancer du sein comme très inoffensifs, tant il avait été montré que les estrogènes étaient dangereux, et pas uniquement sur le risque de cancer du sein. Ainsi qualité de vie, dynamisme, absence de douleurs articulaires, trophicité des muqueuses, absence de troubles lipidiques ou cardiovasculaires, peut-être vivacité d’esprit et mémoire (qui sait ?), bonne densité osseuse ne pesaient rien dans la balance des inconvénients… Dans les recommandations de l’ASCO de 2005, on pouvait même lire que depuis que la preuve de la toxicité des estrogènes était établie sur le plan cérébral, pourvoyeurs qu’ils étaient de démence sénile et finalement inutiles même sur la qualité de vie (sur des femmes ménopausées, mises sous traitement à plus de 70 ans, après une vingtaine d’années de ménopause non traitée et sans symptôme climatérique), il n’y avait aucune raison de craindre une carence majeure en estrogènes dans l’organisme en général, et sur le cerveau en particulier. Ainsi, nous a-t-il paru très important d’envisager, appareil par appareil, les effets indésirables rapportés et observés, mais aussi les craintes qu’il est légitime d’envisager sur les conséquences à long terme de ces traitements chez des femmes probablement guéries de leur cancer. La littérature médicale est prolixe sur la tolérance de ces traitements et il est parfois difficile de se faire une bonne idée de la réalité quotidienne, malgré l’imposante liste de références. Services Internet 1 abonnement papier = plus de 20 revues accessibles (10 ans d’archive) Copyright gracieux C omptes-rendus de congrès internationaux en temps réel envoyés sur votre e-mail (sur simple demande) Vidéos en ligne… C’est pourquoi, nous avons choisi de partager avec vous ces différents aspects en deux numéros. Nous verrons d’abord les effets ostéoarticulaires, tant au niveau tolérance articulaire que sur la densité osseuse avec les questions que cela pose (M. Laroche et F. Trémollières). Dans un deuxième temps seront évoqués : – le déficit congénital en aromatase ; – les conséquences cardio-vasculaires et lipidiques ; – les effets cognitifs ou neurologiques ; – les effets récemment actualisés des estrogènes sur le cerveau ; – la qualité de vie globalement… Cette revue est d’autant plus importante que se pose toujours la question de l’abandon ou non du tamoxifène et de son emploi avant ou après. Pourquoi donner cinq ans d’IA ? Pourquoi ne pas faire le relai à 5 ans, par du tamoxifène ? Faut-il arrêter les traitements ? Peut-on se permettre de les prescrire chez des femmes jeunes, en y ajoutant un blocage ovarien ? Cette longue liste de questions n’est pas exhaustive et nous ne prenons pas un grand risque d’être démodé, tant il est difficile de savoir qu’elle est la “bonne” conduite pour guérir une patiente, sans lui donner une autre maladie qu’elle n’avait pas au départ ! Bonne lecture. ■ Éditeur de presse Edimark Santé, spécialisée c’est aussi : EDIMARK SAS EDIMARK SAS (DaTeBe Éditions) Les Lettres... La Lettre du Cardiologue La Lettre du Gynécologue La Lettre de l’Hépatogastroentérologue La Lettre de l’Infectiologue La Lettre du Neurologue La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale La Lettre du Pharmacologue La Lettre du Pneumologue La Lettre du Psychiatre La Lettre du Rhumatologue La Lettre du Sénologue Les Correspondances... Correspondances en Nerf et Muscle Correspondances en Onco-hématologie Correspondances en Risque CardioVasculaire Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition Les Courriers... Le Courrier des Addictions Le Courrier de l’Algologie Le Courrier de l’Éthique médicale Le Courrier de la Transplantation Les Images... 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