8 | La Lettre du Sénologue • n° 45 - juillet-août-septembre 2009
Les inhibiteurs de l’aromatase dans le cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
Figure 2. Publicité
pour Nolvadex®
dans Home Beautiful.
Les inhibiteurs de l’aromatase
dans le cancer du sein
Aromatase inhibitors in breast cancer
A. Lesur*
E
n novembre 2003, l’anastrozole, inhibiteur de
l’aromatase (IA) de troisième génération, obte-
nait l’autorisation de mise sur le marché en situa-
tion adjuvante du cancer du sein, bouleversant trente
années d’utilisation du tamoxifène, dont on se souvient
que N. Wilcken écrivait : “Is there anything tamoxifene
cannot do ?”, faisant référence à un parcours sans faille
et remarquable du ICI 46 474, (appelé Nolvadex®),
donné à la patiente métastatique avec succès et
qualité de vie inespérée (figure 1) au tamoxifène,
donné en prévention, aux mérites vantés dans les
revues américaines (figure 2). Puis dans les années
suivantes, les résultats des études réalisées avec les
deux autres IA se succèdent, supplantant chaque fois
de quelques pourcents le tamoxifène… Peu à peu, le
standard a glissé vers l’utilisation première de cette
classe médicamenteuse, et le tamoxifène s’est vu
progressivement mais implacablement remplacé.
Certes, en 2009, il n’est toujours pas possible de
mettre en évidence une différence en survie globale
entre les deux tenants du titre (IA ou tamoxifène),
mais doit-on encore parler de survie globale à l’heure
où les rattrapages possibles sont légions tant en
hormonothérapie qu’en chimiothérapie, sans parler
des thérapies ciblées ? Quoi qu’il en soit, il existe un
différentiel constant de 4 à 5 % en chiffre absolu entre
les courbes, et ce dans l’ensemble des études. Est-ce
à dire que le gain est réel ? Car voici venir l’heure des
questions, alors que les IA voient, eux aussi, arriver le
passage dans le domaine public avec les génériques et
que le bénéfice financier de leur prescription s’ame-
nuise… Qu’en est il donc, à ce jour ? C’est la question
à laquelle nous avons voulu répondre, en faisant un
dossier consacré à cette classe thérapeutique.
Rappeler tout d’abord de quoi l’on parle reste une
démarche utile et P. de Crémoux est toujours au rendez-
vous pour nous aider à comprendre, molécules, méca-
nismes biologiques et effets thérapeutiques.
La synthèse de tous les résultats, et ce dans tous les cas
de figure (avant, après, dans quel ordre, combien de
temps…), avec chacune des trois molécules sur le
marché est un travail de patience, ce d’autant qu’il
perd aussi vite sa mise à jour, puisqu’il est vrai qu’à
chaque rassemblement (de type San Antonio, mais il
y en a d’autres…), ces mêmes chiffres et tableaux ne
cessent d’être réactualisés. C’est donc avec beaucoup
d’admiration que nous pouvons lire dans ce numéro
le résultat de ce travail, mené à deux mains, entre
T. Petit et I. Tannock.
Lorsque le bénéfice obtenu par une molécule est certes
réel, mais néanmoins modéré en chiffre absolu, et qu’il
survient dans une population dont le pronostic est plutôt
favorable, de par la petite taille des lésions détectées, de
par la diminution des envahissements ganglionnaires, il
est logique que la comparaison des effets secondaires
évoluant dans le sillage des prescriptions ait une part
importante dans la discussion. L’expérience prouve qu’en
cancérologie comme ailleurs, les effets répertoriés dans
les études, aussi bien conduites soient-elles, ne sont pas
ceux qui, à terme, seront responsables ou non de l’adhé-
sion au traitement et donc susceptibles d’hypothéquer
des différences, somme toute, assez minimes. Ainsi, en
va-t-il des IA, qui ont pu s’affranchir du redoutable cancer
de l’utérus, apanage du tamoxifène – rare mais difficile
à évoquer dans la liste des effets indésirables – et aussi
en partie des thromboses profondes, potentiellement
pourvoyeuses d’embolie pulmonaire. Cependant, ces
molécules, créant une situation non physiologique d’hy-
poestrogénie majeure, ont des effets au quotidien qui,
s’ils ne tuent pas, sont dans une proportion non négli-
geable de cas particulièrement désagréables, délétères
sur une qualité de vie qui ne mérite pas d’être hypothé-
quée, eu égard à l’excellence du pronostic.
Mis sur le marché au moment où le THS, tant vanté
quelques décennies plus tôt, se retrouvait au pilori,
victime de l’EBM des séries randomisées indiscutables
(même si les populations étaient différentes, tout
comme les produits utilisés, ainsi que les indications
de prescriptions), aspiré par une tempête antihormones,
orchestrée par les instances sanitaires, les IA sont apparus
* Oncosénologue, Centre Alexis-
Vautrin, Nancy.
Figure 1. Publicité
pour Nolvadex® en
situation métasta-
tique.
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