En fonction de l’activité ovarienne
La dernière analyse de 1998 montre que même les femmes en
période d’activité ovarienne tirent un bénéfice du tamoxifène
adjuvant. En effet, la réduction du risque de récidive est de
45 % ± 8 avant 50 ans, 37 % ± 6 de 50 à 59 ans, et de 44 % ±
5 de 60 à 69 ans. Le bénéfice est identique quel que soit l’âge,
uniquement chez les patientes ayant pris du tamoxifène pen-
dant 5 ans.
La réponse au tamoxifène sera d’autant plus importante que la
patiente est porteuse d’une tumeur avec des récepteurs aux
estrogènes plus fortement positifs (exemple : une tumeur
exprimant 280 fentomoles de RE sera plus sensible à l’action
du tamoxifène qu’une tumeur qui en exprimera 15 ; seuil de
positivité fixé à 10).
Concernant la mortalité, la réduction du risque de décès est de
30 % ± 10 avant 5 ans, 11 % ± 8 de 50 à 59 ans, et de
33 % ± 6 de 60 à 69 ans.
On peut donc conclure que le tamoxifène peut être donné sans
effet délétère à une femme en période d’activité ovarienne. Il
faut cependant avoir présent à l’esprit que dans cette tranche
d’âge, il existe des effets hormonaux particuliers que l’on ne
rencontre pas après la ménopause. Il s’agit d’une hyperestra-
diolémie absolue, constante, parfois importante, qui peut être
responsable d’une symptomatologie gynécologique et hormo-
nale anormale mais bénigne : tension prémenstruelle, ménorra-
gies, métrorragies, kyste ovarien… Cette symptomatologie
chez une femme traitée pour un cancer du sein fait bien sûr
proposer des investigations complémentaires pouvant aller
jusqu’à des endoscopies et nécessiter des traitements parfois
chirurgicaux. (Ces faits ont été signalés dans les études de pré-
vention, notamment celle du Royal Marsden Hospital, ainsi
que l’étude NSABP B24 de Fisher sur les carcinomes in situ).
Tamoxifène et cancer du sein controlatéral
Enfin, le dernier élément positif est la confirmation que le
tamoxifène, pendant une durée de 5 ans, diminue l’incidence
des cancers du sein controlatéraux de moitié (réduction du
risque de 47 % ± 9), ceci aussi bien chez les femmes jeunes
que chez les plus âgées et chez les femmes dont les tumeurs
expriment ou non des récepteurs des estrogènes (diminution du
risque relatif de 30 % ± 6 et de 29 % ± 15).
Toxicité du tamoxifène au long cours
Il faut également rappeler les risques inhérents à la prescrip-
tion prolongée du tamoxifène, en particulier au niveau de
l’endomètre. En effet, on assiste à une élévation du risque de
cancer de l’endomètre lorsque les patientes sont traitées pen-
dant un an, 2 ans ou 5 ans ; les risques sont alors de 1,8, 2,2 et
4,2, ceci quelle que soit la posologie du tamoxifène. Cette aug-
mentation du risque doit cependant être pondérée par la
connaissance de l’excès absolu de décès par cancer de l’endo-
mètre qui est de 1 ou 2 ‰, soit un excès annuel de l’ordre de
0,2 ‰ quelle que soit la durée du traitement.
Association tamoxifène-chimiothérapie
La méta-analyse de 1998 montre que, quel que soit l’âge des
patientes, l’adjonction du tamoxifène à la chimiothérapie
réduit davantage les risques de récidive et de décès que la chi-
miothérapie seule.
Association chimiothérapie-tamoxifène
Dans ce groupe, on compare des femmes qui sont sous tamoxi-
fène à des femmes qui sont sous tamoxifène + chimiothérapie :
la méta-analyse montre que la chimiothérapie ajoutée au
tamoxifène réduit, après la ménopause, les risques de récidive
et de décès. Cependant, cette réduction est faible et le bénéfice
en chiffre absolu encore plus limité. De ce fait, il peut paraître
excessif de prescrire de façon systématique cette association
aux femmes ménopausées, dont la maladie hormonosensible est
déjà correctement contrôlée par du tamoxifène. Évidemment,
en cas de risque métastatique majeur lié à l’envahissement gan-
glionnaire important ( 4), le bénéfice absolu étant alors un peu
plus grand, une chimiothérapie adjuvante pourra être retenue.
En conclusion, les règles de prescription du tamoxifène adju-
vant sont désormais bien codifiées : on obtient un bénéfice
avec le tamoxifène prescrit 5 ans et à 20 mg chez des patientes
ayant exprimé une hormonosensibilité (RE +), et ce quel que
soit le niveau de risque déterminé par l’analyse des facteurs
pronostiques. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
❒Standards, Options, Recommandations. Les résultats des essais des traite-
ments adjuvants systémiques. Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre
le Cancer. Arnette Blackwell, 1995 ; 3 : 165-73.
❒Early Breast Cancer Trialists Collaborative Group (EBCTCG). Tamoxifen
for early breast cancer : an overview of the randomised trials. Lancet 1998 ;
351 : 1451-67.
39
La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999
En conséquence, dans la mesure où ces patientes jeunes peuvent
également tirer un bénéfice d’une chimiothérapie adjuvante, il
nous paraît souhaitable de ne proposer un traitement antiestrogé-
nique qu’à celles qui ont été ménopausées par leur chimiothérapie.
Dans le cas contraire, on préférera s’en abstenir.
Il nous paraît donc licite de prescrire du tamoxifène à une femme
jeune de plus de 40 ans, ménopausée par sa chimiothérapie et dont
la tumeur est hormonosensible. Le bénéfice supplémentaire
n’apparaît que lorsque la prise du tamoxifène dépasse un an.
Récidive Mortalité
Tamoxifène 2 ans
Tam + chimio vs chimio 22 % ± 4 16 % ± 4
Tamoxifène 5 ans
Tam + chimio vs chimio 52 % ± 8 47 % ± 9
Récidive Mortalité
Âge < 50 ans
chimio + tam vs tam* 21 % ± 13 25 % ± 14
Âge 50 à 69 ans
chimio + tam vs tam 19 % ± 3 11 % ± 4
* nombre de patientes < 300
Réduction du risque (± = déviation standard)
On peut donc conclure que même chez les femmes dont les
tumeurs sont à bon pronostic, sans envahissement ganglionnaire, la
prescription d’un traitement antiestrogénique améliore encore le
bon pronostic.