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La Lettre du Gynécologue - n° 291 - avril 2004
GYNÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
“Une loi n’est pas là pour dire le bien ou le mal,
mais seulement le permis et le défendu.”
André Comte-Sponville (1)
accès direct, par le patient, à son dossier médical a
été sans contexte la partie la plus commentée de la
loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits
des malades et à la qualité du système de santé.
Certes, il était de longue date autant souhaité par les associa-
tions de patients que craint par les praticiens.
La publication très rapide d’un décret d’application, le 29 avril
2002 (2), a fait aboutir une réforme souhaitable du fait que la
France était le seul pays d’Europe à ne pas l’avoir encore adoptée
et nécessaire à la restitution du climat de confiance qui est la base
du lien social devant présider à la relation médecin-malade.
Ce dispositif vient d’être complété, le 5 mars 2004, par la
publication d’un arrêté sur l’homologation des recommanda-
tions de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations
concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompa-
gnement de cet accès (3).
Ces recommandations, rédigées par l’ANAES, viennent ache-
ver le passage du dossier médical au dossier du patient faisant
des notes médicales et autres documents des pièces essentielles
tombant sous le coup du droit de la personne.
Le patient peut désormais accéder à la quasi-totalité de son
dossier médical, dans les conditions que nous allons décrire ci-
dessous et dont il est indispensable de nous imprégner. La
tenue et la conservation de nos dossiers en dépendent non pas,
bien entendu, dans le but de voir se développer une médecine
défensive, mais partant du principe simple que “ce qui est fait
n’est plus à faire”.
LE DOSSIER MÉDICAL
Si le contenu du dossier d’un patient hospitalisé était régle-
menté depuis le décret du 30 mars 1992 (4) (tableau), le méde-
cin consultant en ville était libre de tenir ou non un dossier, et
de son contenu.
Du fait de son opposabilité, tout “professionnel de santé” (5)
est en devoir de constituer un dossier, de le tenir au fur et à
mesure en notant les éléments de sa démarche diagnostique, de
ses décisions thérapeutiques et en conservant les doubles des
ordonnances ou tout au moins trace des prescriptions ainsi que
des courriers et réponses aux courriers. Le support sur lequel
doivent être archivées ces données est laissé libre à l’apprécia-
tion du médecin.
LES ÉLÉMENTS TRANSMISSIBLES DU DOSSIER
Dans l’esprit c’est simple, tous les éléments du dossier sont
transmissibles de par l’article L.1111-7 du code de la santé
publique issu de la loi du 4 mars 2002 dans son alinéa 1 que
nous citons en totalité tant il se suffit à lui-même :
“Toute personne a accès à l’ensemble des informations concer-
nant sa santé, détenues par des professionnels et établissements
de santé, qui sont formalisées et ont contribué à l’élaboration et
au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de préven-
tion, ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de
Du dossier médical au dossier du patient
A. Proust*
L
* Hôpital privé d’Antony, département de gynécologie obstétrique, maternité
des Vallées, 1, rue Velpeau 92160 Antony.
Un dossier médical est constitué pour chaque patient hospi-
talisé dans un établissement de santé public ou privé. Ce
dossier contient au moins les documents suivants :
Les documents établis au moment de l’admission et durant
le séjour, à savoir :
– la fiche d’identification du malade ;
– le document médical indiquant le ou les motifs de l’hospi-
talisation ;
– les conclusions de l’examen clinique initial et des examens
cliniques successifs pratiqués par tout médecin appelé au
chevet du patient ;
– les comptes rendus des explorations paracliniques et des
examens complémentaires significatifs, notamment le résul-
tat des examens d’anatomie et de cytologie pathologiques ;
– la fiche de consultation préanesthésique, avec ses conclu-
sions et les résultats des examens demandés, et la feuille de
surveillance anesthésique ;
– le ou les comptes rendus opératoires ou d’accouchement ;
– les prescriptions d’ordre thérapeutique ;
– lorsqu’il existe, le dossier de soins infirmiers.
Les documents établis à la fin de chaque séjour hospita-
lier, à savoir :
– le compte rendu d’hospitalisation, avec notamment le dia-
gnostic de sortie ;
– les prescriptions établies à la sortie du patient ;
– le cas échéant, la fiche de synthèse contenue dans le dos-
sier de soins infirmiers.
Tableau.
santé, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de
consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation,
des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre,
feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de
santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont
été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en
charge thérapeutique ou concernant un tel tiers…”
Les dernières recommandations de l’ANAES apportent des
précisions sur ce que peut sous-entendre le terme de “notes
personnelles” du professionnel de santé : “C’est dans la
mesure où certaines des notes des professionnels de santé ne
sont pas destinées à être conservées, réutilisées ou le cas
échéant échangées, parce qu’elles ne peuvent contribuer à
l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou à une
action de prévention, qu’elles peuvent être considérées comme
“personnelles” et ne pas être communiquées : elles sont alors
intransmissibles et inaccessibles à la personne concernée
comme aux tiers, professionnels ou non.”
Cela montre combien toutes les parties seront, dans toute procé-
dure y compris ordinale, attentives au respect de la transmission
de toutes les pièces du dossier au patient qui en fera la demande.
L’ACCÈS AU DOSSIER
Le cas général
Seule la personne peut, de son vivant, accéder aux éléments de
son dossier détenus par un professionnel de santé, un établisse-
ment de santé ou un hébergeur agréé : “Elle peut accéder à ces
informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin
qu’elle désigne et en obtenir communication, dans des condi-
tions définies par voie réglementaire.”
Le décret de 2002 précise que la demande doit être faite par écrit
en précisant son motif, si la personne souhaite consulter le dos-
sier sur place, accompagnée ou non d’une tierce personne, ou si
la copie du dossier doit lui être adressée à ses frais.
Le délai dans lequel le médecin doit répondre est de huit jours
à dater de la réception de la demande.
Ce délai est porté à deux mois si la demande concerne une
“information” datant de plus de cinq ans.
Le rapport qui vient d’être publié par l’ANAES détaille
l’ensemble de la procédure tout en donnant une multitude de
détails pratiques que seule sa lecture complète peut permettre
de rendre compte.
Les cas particulier
Après le décès d’une personne, les ayants droit peuvent
demander, dans les mêmes conditions, la communication du
dossier de par l’application de l’article 1110-4 du code de
santé publique : “Le secret médical ne fait pas obstacle à ce
que les informations, concernant une personne décédée, soient
délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont
nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la
mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs
droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant
son décès.” Le décret précise que la demande doit être motivée
et que le médecin peut, en fonction de celle-ci, refuser tout en
motivant lui-même sa décision.
La personne détenant l’autorité parentale ou la tutelle peut
demander le dossier médical d’un mineur sauf si, comme le
précise l’article 6 du décret : “La personne mineure qui sou-
haite garder le secret sur un traitement ou une intervention
dont elle fait l’objet dans les conditions prévues à l’article L.
1111-5 du code de la santé publique peut s’opposer à ce que le
médecin qui a pratiqué ce traitement ou cette intervention
communique au titulaire de l’autorité parentale les informa-
tions qui ont été constituées à ce sujet. Le médecin fait men-
tion écrite de cette opposition.
Tout médecin saisi d’une demande présentée par le titulaire de
l’autorité parentale pour l’accès aux informations mentionnées
à l’alinéa ci-dessus doit s’efforcer d’obtenir le consentement
de la personne mineure à la communication de ces informa-
tions au titulaire de l’autorité parentale. Si en dépit de ces
efforts le mineur maintient son opposition, la demande préci-
tée ne peut être satisfaite tant que l’opposition est maintenue.”
L’article 4 du décret prévoit le cas où le médecin estime néces-
saire la présence d’une tierce personne compte tenu de la
nature des informations : “Lorsque la présence d’une tierce
personne, lors de la consultation de certaines informations, est
recommandée par le médecin les ayant établies ou en étant
dépositaire, celles-ci sont communiquées dès que le deman-
deur a exprimé son acceptation ou son refus de suivre la
recommandation. En cas d’absence de réponse du demandeur
au terme d’un des délais prévus à l’article L. 1111-7 précité,
les informations lui sont communiquées.”
La demande doit être faite au responsable de l’établissement
ou au médecin concerné. Les informations seront transmises
par le médecin responsable de la structure concernée ou par la
personne désignée pour le faire. Pour tous les autres établisse-
ments, c’est le médecin responsable de la prise en charge du
patient qui doit répondre.
Même si nous ne pouvons pas détailler dans ces pages tous les cas
particuliers, disons que la parution de ce “guide” de bonnes pra-
tiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé
d’une personne est, au-delà du décret d’application et de la loi,
suffisamment simple et clair pour que nous ne nous retranchions
pas derrière des interprétations nébuleuses pour refuser de les
mettre en application et ce pour le bien de tout le monde.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. La sagesse des Modernes, André Comte-Sponville, Luc Ferry p. 138 ; Robert
Laffont, 1998.
2. Décret no2002-637 du 29 avril 2002 relatif à l’accès aux informations per-
sonnelles détenues par les professionnels et les établissements de santé en appli-
cation des articles L. 1111-7 et L. 1112-1 du code de la santé publique. JO
n° 101 du 30 avril 2002, www.legifrance.gouv.fr.
3. Arrêté du 5 mars 2004, JO n° 65 du 17 mars 2004 : 5206, www.legi
france.gouv.fr.
4. Loi hospitalière de juillet 1991 : Art. R. 710-2-1.
5. “La notion de professionnel de santé recouvre les professions suivantes,
selon le code de la santé publique : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme,
pharmacien, préparateur en pharmacie, infirmier, masseur-kinésithérapeute,
pédicure-podologue, ergothérapeute, psychomotricien, orthophoniste, orthop-
tiste, manipulateur”.
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La Lettre du Gynécologue - n° 291 - avril 2004
GYNÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
Vous pouvez consulter le rapport publié par l’ANAES
sur notre site Internet : http://www.vivactis-media.com.
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