Cas clinique Neuro-ophtalmologie et strabisme Faux négatifs : peut-on passer à côté d’une neuropathie optique héréditaire de Leber ? False negative results when diagnosing Leber’s Hereditary Optic Neuropathy Neuropathie optique hérédi­ taire de Leber. Leber’s hereditary optic neuropathy. D. Milea1, C. Verny2, P. Bonneau3, C. Rabaute1, P. Reynier3, D. Bonneau4 (1 Service d’ophtalmologie, CHU d’Angers ; 2 service de neurologie, CHU d’Angers ; 3 service de biochimie, CHU d’Angers ; 4 service de génétique, CHU d’Angers) U n patient de 22 ans ayant des antécédents familiaux de cécité est adressé pour une baisse visuelle séquentielle par probable neuropathie optique, d’origine inconnue. Une analyse effectuée dans un laboratoire de routine ne retrouvait pas de mutations pathogènes de l’ADN mitochondrial pouvant témoigner d’une neuropathie optique de Leber. Examen La baisse visuelle, isolée, indolore et rapidement progressive était d’abord présente à droite, avant de se bilatéraliser. Une prise en charge initiale exhaustive n’apportait pas d’éléments pouvant confirmer une cause compressive, infiltrative, inflammatoire, ischémique, infectieuse ou toxique. L’IRM cérébrale et orbitaire était normale. Une recherche de mutations de l’ADN mitochondrial réalisée dans un laboratoire effectuant des analyses de routine n’était pas en faveur d’une neuropathie optique héréditaire de Leber (recherche des 3 mutations primaires 11778, 3460 et 14484). L’examen ophtalmologique retrouve une acuité visuelle à “compte les doigts” à droite et de 2/10 à gauche. Il existe une dyschromatopsie majeure bilatérale et un déficit pupillaire afférent droit, alors que l’examen du champ visuel retrouve une atteinte centrale bilatérale, prédominant à droite (figures 1a et 1b). Le fond d’œil retrouve une discrète turgescence papillaire, sans véritables télangiectasies péripapillaires (figures 2a et 2b). Discussion Le terrain, le mode d’installation, l’histoire familiale et l’examen clinique sont très évocateurs d’une neuropathie optique héréditaire de Leber, malgré l’absence des trois principales mutations pathogènes possibles de l’ADN mitochondrial, recherchées dans un laboratoire de routine. Dans ce contexte, il a été décidé d’effectuer un séquençage complet de l’ADN mitochondrial dans le centre de référence national, au CHU d’­Angers. Celui-ci a permis de mettre en évidence une mutation rare, pathogène et responsable d’une neuropathie de Leber (14568). Dans la grande majorité des cas, les analyses effectuées en routine, même dans des laboratoires spécialisés, recherchent les trois principales mutations de l’ADN mitochondrial (11778, 3460 et 14484), qui représentent 90 % des mutations retrouvées en pathologie. Plus rarement, d’autres mutations primaires, qui ne sont pas recherchées de manière courante, peuvent être mises en évidence. Il est donc important d’effectuer une analyse complète de tout l’ADN mitochondrial en cas de neuropathie optique bilatérale d’origine incomprise. II 40 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • n° 2 • avril-mai-juin 2010 Légendes Figures 1a et 1b. Champ visuel montrant une atteinte centrale bilatérale, prédominant à droite. Figures 2a et 2b. Fond d’œil d’une neuropathie optique héréditaire de Leber associée à une mutation primaire inhabituelle (14568). Référence bibliographique 1. Milea D, Amati-Bonneau P, Reynier P, Bonneau D. Genetically determined optic neuropathies. Curr Opin Neurol 2010;23(1):24-8. Cas clinique Neuro-ophtalmologie et strabisme 1a 1b 2a 2b Images en Ophtalmologie • Vol. IV • n° 2 • avril-mai-juin 2010 41