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progrès en
Progrès en diabétologie
En réalité, la troglitazone
n’était pas la première
molécule de cette “nou-
velle” classe de médica-
ments : au début des
années quatre-vingt, la
ciglitazone avait donné
lieu à de nombreuses
études expérimentales,
mais son développement
chez l’homme avait été
arrêté aux premiers essais
de phase II en raison de
sa toxicité hépatique.
Donc, même si la rosigli-
tazone et la pioglitazone
ont déjà été administrées
à plus d’un million de personnes dans le
monde, il faudra surveiller les “enzymes
hépatiques” avant et pendant la prescrip-
tion de ces médicaments, surtout dans
notre pays où le foie des patients est sou-
vent rendu susceptible par l’alcool éthy-
lique. Néanmoins, tous les médicaments
efficaces ont des effets indésirables, et les
chimistes ont déjà largement amélioré le
rapport efficacité/tolérance de ces molé-
cules par rapport aux premières de cette
classe médicamenteuse. La question de la
tolérance des thiazolidinediones est certes
importante, mais elle n’est pas centrale :
celle qui domine a trait à l’incertitude
actuelle sur les bénéfices cliniques que
l’on peut attendre de l’utilisation au long
cours de ces médicaments, incertitude qui
tient à leurs propriétés pharmacologiques.
Modes d’action
Les thiazolidinediones sont des agonistes
des récepteurs gamma des proliférateurs
peroxysomaux nucléaires – γ-PPAR –
abréviation suffisamment absconse pour
que les diabétologues cliniciens (et même
peut-être aussi les biochimistes) puissent
y dissimuler confortablement l’insuffisan-
ce de leurs connaissances… En termes de
pharmacologie, les données expérimen-
tales et cliniques indiquent que les thiazo-
lidinediones réduisent de façon importan-
te, et peut être pas de façon équivalente
pour toutes les thiazolidinediones, les
principaux composants du syndrome d’in-
sulinorésistance (ou plutôt, d’insuffisance
d’action de l’insuline) :
Premièrement, la glycémie baisse chez
les diabétiques parce que l’action de l’in-
suline est améliorée comme l’indiquent
les résultats des épreuves de glucose-
clamp. Les concentrations d’insuline bais-
sent en conséquence. Cette action se
retrouve chez les sujets intolérants au glu-
cose et chez les sujets normaux. Comme
les PPAR-γsont exprimés de façon prédo-
minante dans le tissu adipeux, c’est à cet
endroit que l’action de l’insuline s’amé-
liore, d’où une baisse des acides gras
libres circulants, une réduction de l’activité
du cycle de Randle (la compétition entre
la captation du glucose et
des acides gras libres
sous l’effet de l’insuline),
et une augmentation de la
masse de tissu adipeux.
Au bout de quelques mois
de traitement, les sujets
adultes prennent quelques
kilogrammes, dont une
bonne partie en tissu adi-
peux (2). Cependant, cette
masse adipeuse serait
redistribuée de façon
appropriée, puisque la
graisse viscérale dimi-
nuerait au profit de la
graisse sous-cutanée.
Ainsi, l’obésité, même si elle se dévelop-
pe, serait moins androïde.
Deuxièmement, la baisse du HDL-
cholestérol et l’élévation des triglycérides
circulants sont des composants importants
du risque cardiovasculaire des diabétiques
de type 2. Ces anomalies sont corrigées
par la prescription des thiazolidinediones,
mais il se pourrait que certaines d’entre
elles augmentent les taux de LDL-choles-
térol circulants, ce qui est évidemment
moins désirable.
Réduction de l’insulinorésistance et prise de poids :
le paradoxe des thiazolidinediones
Michel Marre*, Étienne Larger*
* Service d’endocrinologie et diabétologie,
hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris.
Les thiazolidinediones arrivent en France et en
Europe ; elles sont déjà commercialisées aux
États-Unis depuis plusieurs mois. Deux nouvelles
molécules – rosiglitazone (Avandia®) et pioglitazo-
ne (Actos®) – désormais disponibles succèdent à la
troglitazone, dont la commercialisation au
Royaume-Uni et aux États-Unis a été stoppée pour
cause d’intolérance hépatique (61 morts par insuf-
fisance hépatique et 7 transplantations hépatiques
en rapport avec la prescription de ce médicament
aux États-Unis [1]).
PhotoDisc ©
Publié dans Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
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Act. Méd. Int. - Hypertension (13), n° 4, avril 2001
progrès en
Dernier élément, et non le moindre, de la
pharmacologie des thiazolidinediones,
leur effet cardiovasculaire : une baisse de
la pression artérielle sous l’effet de la tro-
glitazone chez les sujets insulinorésistants
non diabétiques a été rapportée par
Olefsky et son équipe dès 1994 (3). Même
si cet effet hypotenseur est variable d’une
thiazolidinedione à l’autre, il paraît clair
pour certains. De façon concomitante à la
baisse de pression, le pouls accélère et,
dernier élément, quelques kilogrammes
d’eau et de sel s’accumulent, contribuant
à la prise de poids déjà signalée sous ces
médicaments. Cela suggère pourtant
qu’un effet vasodilatateur artériel (sem-
blable à celui que produisaient l’hydrala-
zine et le minoxidil) est induit. Dans des
modèles expérimentaux, le cœur peut
s’hypertrophier sous thiazolidinediones,
et il a été rapporté une augmentation d’in-
cidence de l’insuffisance cardiaque sous
rosiglitazone lors d’essais où elle était uti-
lisée en association avec l’insuline (4).
Donc, les thiazolidinediones agissent très
probablement sur la pression artérielle, un
facteur de risque cardiovasculaire majeur
trop souvent présent chez les diabétiques
de type 2 qui est un composant majeur du
syndrome d’insulinorésistance, mais le
mode d’action – la vasodilatation artérielle
périphérique prédominante – peut avoir
des conséquences non souhaitables.
Néanmoins, à court terme, des marqueurs
de risque cardiovasculaire dépendant de la
pression artérielle, comme la microalbu-
minurie, sont améliorés par l’administra-
tion du thiazolidinedione (5).
Conclusion
Les thiazolidinediones arrivent à un
moment critique de l’histoire thérapeu-
tique du diabète de type 2 (6). Grâce à
l’étude UKPDS, les médecins disposent
enfin d’une justification à leurs tentatives
de réduction de l’hyperglycémie des dia-
bétiques de type 2. Mais les bénéfices
mesurés sont ténus, en particulier en ce
qui concerne la réduction du risque car-
diovasculaire attribuable à la réduction de
l’hyperglycémie. Or, c’est ce risque qui
domine le pronostic de ces sujets.
Pourquoi ? Certainement parce que les
moyens d’agir sur l’hyperglycémie étaient
peu nombreux lorsque l’UKPDS a été
mise en place. À l’instar de ce qui s’est
passé dans le domaine de l’hypertension
artérielle, où l’incidence des consé-
quences graves a diminué de façon
notable lorsque plusieurs classes médica-
menteuses ont pu être utilisées pour éviter
la remontée jusqu’alors inexorable des
chiffres de pression, il faut envisager un
traitement de l’hyperglycémie du diabète
de type 2 plus intensifié grâce à la combi-
naison de plusieurs classes médicamen-
teuses. Dans ce contexte, l’arrivée d’une
quatrième classe de médicaments antidia-
bétiques doit être considérée de façon
positive.
Mais c’est l’obligation des médecins (en
particulier des spécialistes universitaires
dont c’est la mission) de mettre en place,
avec les industriels et les instances
publiques concernés, les essais thérapeu-
tiques qui, à long terme (mais, cinq ans,
c’est vite écoulé), permettront de clarifier
le bénéfice que peuvent attendre les
patients d’une pilule dont les effets
seraient, selon l’humeur du spéculateur,
maléfiques (le poids, le LDL-cholestérol,
la surcharge cardiaque) ou bénéfiques (la
glycémie, le HDL-cholestérol, la pression
artérielle).
Références bibliographiques
1. Bailey CJ. The rise and the fall of troglita-
zone. Diabet Med 2000 ; 17 : 414.
2. Day C. Thiazolidinediones : a new class of
antidiabetic drugs. Diabet Med 1999 ;
16 : 179-92.
3. Nolan JJ, Ludvik B, Beerdsen P, Olefsky J.
Improvement in glucose tolerance and insulin
resistance in obese subjects treated with trogli-
tazone. N Engl J Med 1994 ; 331 : 1188-93.
4. Avandia (rosiglitazone) : Summary of pro-
duct characteristics. Welwyn Garden City :
Smithkline Beecham Pharmaceuticals, 2000.
5. Imano E, Kanda T, Nakatani Y et al. Effect
of troglitazone on microalbuminuria in
patients with incipient diabetic nephropathy.
Diabetes Care 1998 ; 21 : 2135-9.
6. Krentz AJ, Bailey CJ, Melander A.
Thiazolidinediones for type 2 diabetes : new
agents reduce insulin resistance but need long
term clinical trials. Br Med J 2000 ; 321 :
252-3.
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