progrès en Progrès en diabétologie Publié dans Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000 Réduction de l’insulinorésistance et prise de poids : le paradoxe des thiazolidinediones Michel Marre*, Étienne Larger* la captation du glucose et En réalité, la troglitazone n’était pas la première es thiazolidinediones arrivent en France et en des acides gras libres l’effet de l’insuline), molécule de cette “nouEurope ; elles sont déjà commercialisées aux sous et une augmentation de la velle” classe de médicaments : au début des États-Unis depuis plusieurs mois. Deux nouvelles masse de tissu adipeux. années quatre-vingt, la molécules – rosiglitazone (Avandia ® ) et pioglitazo- Au bout de quelques mois de traitement, les sujets ciglitazone avait donné ® lieu à de nombreuses ne (Actos ) – désormais disponibles succèdent à la adultes prennent quelques dont la commercialisation au kilogrammes, dont une études expérimentales, troglitazone, mais son développement Royaume-Uni et aux États-Unis a été stoppée pour bonne partie en tissu adipeux (2). Cependant, cette chez l’homme avait été arrêté aux premiers essais cause d’intolérance hépatique (61 morts par insuf- masse adipeuse serait de phase II en raison de fisance hépatique et 7 transplantations hépatiques redistribuée de façon sa toxicité hépatique. en rapport avec la prescription de ce médicament appropriée, puisque la graisse viscérale dimiDonc, même si la rosiglinuerait au profit de la tazone et la pioglitazone aux États-Unis [1]). graisse sous-cutanée. ont déjà été administrées peroxysomaux nucléaires – γ-PPAR – Ainsi, l’obésité, même si elle se dévelopà plus d’un million de personnes dans le abréviation suffisamment absconse pour pe, serait moins androïde. monde, il faudra surveiller les “enzymes que les diabétologues cliniciens (et même hépatiques” avant et pendant la prescrip• Deuxièmement, la baisse du HDLpeut-être aussi les biochimistes) puissent tion de ces médicaments, surtout dans cholestérol et l’élévation des triglycérides y dissimuler confortablement l’insuffisannotre pays où le foie des patients est soucirculants sont des composants importants ce de leurs connaissances… En termes de vent rendu susceptible par l’alcool éthydu risque cardiovasculaire des diabétiques pharmacologie, les données expérimenlique. Néanmoins, tous les médicaments de type 2. Ces anomalies sont corrigées tales et cliniques indiquent que les thiazoefficaces ont des effets indésirables, et les par la prescription des thiazolidinediones, lidinediones réduisent de façon importanchimistes ont déjà largement amélioré le mais il se pourrait que certaines d’entre te, et peut être pas de façon équivalente rapport efficacité/tolérance de ces moléelles augmentent les taux de LDL-cholespour toutes les thiazolidinediones, les cules par rapport aux premières de cette térol circulants, ce qui est évidemment principaux composants du syndrome d’inclasse médicamenteuse. La question de la moins désirable. sulinorésistance (ou plutôt, d’insuffisance tolérance des thiazolidinediones est certes d’action de l’insuline) : importante, mais elle n’est pas centrale : celle qui domine a trait à l’incertitude • Premièrement, la glycémie baisse chez actuelle sur les bénéfices cliniques que les diabétiques parce que l’action de l’inl’on peut attendre de l’utilisation au long suline est améliorée comme l’indiquent cours de ces médicaments, incertitude qui les résultats des épreuves de glucosetient à leurs propriétés pharmacologiques. clamp. Les concentrations d’insuline baissent en conséquence. Cette action se retrouve chez les sujets intolérants au glucose et chez les sujets normaux. Comme les PPAR-γ sont exprimés de façon prédoLes thiazolidinediones sont des agonistes minante dans le tissu adipeux, c’est à cet des récepteurs gamma des proliférateurs endroit que l’action de l’insuline s’améliore, d’où une baisse des acides gras libres circulants, une réduction de l’activité * Service d’endocrinologie et diabétologie, du cycle de Randle (la compétition entre hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris. L 99 PhotoDisc © Modes d’action progrès en Progrès en diabétologie • Dernier élément, et non le moindre, de la pharmacologie des thiazolidinediones, leur effet cardiovasculaire : une baisse de la pression artérielle sous l’effet de la troglitazone chez les sujets insulinorésistants non diabétiques a été rapportée par Olefsky et son équipe dès 1994 (3). Même si cet effet hypotenseur est variable d’une thiazolidinedione à l’autre, il paraît clair pour certains. De façon concomitante à la baisse de pression, le pouls accélère et, dernier élément, quelques kilogrammes d’eau et de sel s’accumulent, contribuant à la prise de poids déjà signalée sous ces médicaments. Cela suggère pourtant qu’un effet vasodilatateur artériel (semblable à celui que produisaient l’hydralazine et le minoxidil) est induit. Dans des modèles expérimentaux, le cœur peut s’hypertrophier sous thiazolidinediones, et il a été rapporté une augmentation d’incidence de l’insuffisance cardiaque sous rosiglitazone lors d’essais où elle était utilisée en association avec l’insuline (4). Donc, les thiazolidinediones agissent très probablement sur la pression artérielle, un facteur de risque cardiovasculaire majeur trop souvent présent chez les diabétiques de type 2 qui est un composant majeur du syndrome d’insulinorésistance, mais le mode d’action – la vasodilatation artérielle périphérique prédominante – peut avoir des conséquences non souhaitables. Néanmoins, à court terme, des marqueurs de risque cardiovasculaire dépendant de la pression artérielle, comme la microalbuminurie, sont améliorés par l’administration du thiazolidinedione (5). Act. Méd. Int. - Hypertension (13), n° 4, avril 2001 Conclusion Les thiazolidinediones arrivent à un moment critique de l’histoire thérapeutique du diabète de type 2 (6). Grâce à l’étude UKPDS, les médecins disposent enfin d’une justification à leurs tentatives de réduction de l’hyperglycémie des diabétiques de type 2. Mais les bénéfices mesurés sont ténus, en particulier en ce qui concerne la réduction du risque cardiovasculaire attribuable à la réduction de l’hyperglycémie. Or, c’est ce risque qui domine le pronostic de ces sujets. Pourquoi ? Certainement parce que les moyens d’agir sur l’hyperglycémie étaient peu nombreux lorsque l’UKPDS a été mise en place. À l’instar de ce qui s’est passé dans le domaine de l’hypertension artérielle, où l’incidence des conséquences graves a diminué de façon notable lorsque plusieurs classes médicamenteuses ont pu être utilisées pour éviter la remontée jusqu’alors inexorable des chiffres de pression, il faut envisager un traitement de l’hyperglycémie du diabète de type 2 plus intensifié grâce à la combinaison de plusieurs classes médicamenteuses. Dans ce contexte, l’arrivée d’une quatrième classe de médicaments antidiabétiques doit être considérée de façon positive. Mais c’est l’obligation des médecins (en particulier des spécialistes universitaires dont c’est la mission) de mettre en place, avec les industriels et les instances publiques concernés, les essais thérapeu- 100 tiques qui, à long terme (mais, cinq ans, c’est vite écoulé), permettront de clarifier le bénéfice que peuvent attendre les patients d’une pilule dont les effets seraient, selon l’humeur du spéculateur, maléfiques (le poids, le LDL-cholestérol, la surcharge cardiaque) ou bénéfiques (la glycémie, le HDL-cholestérol, la pression artérielle). Références bibliographiques 1. Bailey CJ. The rise and the fall of troglitazone. Diabet Med 2000 ; 17 : 414. 2. Day C. Thiazolidinediones : a new class of antidiabetic drugs. Diabet Med 1999 ; 16 : 179-92. 3. Nolan JJ, Ludvik B, Beerdsen P, Olefsky J. Improvement in glucose tolerance and insulin resistance in obese subjects treated with troglitazone. N Engl J Med 1994 ; 331 : 1188-93. 4. Avandia (rosiglitazone) : Summary of product characteristics. Welwyn Garden City : Smithkline Beecham Pharmaceuticals, 2000. 5. Imano E, Kanda T, Nakatani Y et al. Effect of troglitazone on microalbuminuria in patients with incipient diabetic nephropathy. Diabetes Care 1998 ; 21 : 2135-9. 6. Krentz AJ, Bailey CJ, Melander A. Thiazolidinediones for type 2 diabetes : new agents reduce insulin resistance but need long term clinical trials. Br Med J 2000 ; 321 : 252-3.