Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
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Nouvelles approches
es thiazolidinediones arrivent en France
et en Europe ; elles sont déjà commer-
cialisées aux États-Unis depuis plusieurs
mois. Deux nouvelles molécules – rosigli-
tazone (Avandia®) et pioglitazone (Actos®)
– désormais disponibles succèdent à la tro-
glitazone, dont la commercialisation au
Royaume-Uni et aux États-Unis a été
stoppée pour cause d’intolérance hépatique
(61 morts par insuffisance hépatique et
7 transplantations hépatiques en rapport
avec la prescription de ce médicament aux
États-Unis [1]). En réalité, la troglitazone
n’était pas la première molécule de cette
“nouvelle” classe de médicaments : au
début des années quatre-vingt, la ciglita-
zone avait donné lieu à de nombreuses
études expérimentales, mais son dévelop-
pement chez l’homme avait été arrêté aux
premiers essais de phase II en raison de sa
toxicité hépatique. Donc, même si la rosi-
glitazone et la pioglitazone ont déjà été
administrées à plus d’un million de per-
sonnes dans le monde, il faudra surveiller
les “enzymes hépatiques” avant et pendant
la prescription de ces médicaments, surtout
dans notre pays où le foie des patients est
souvent rendu susceptible par l’alcool éthy-
lique. Néanmoins, tous les médicaments
efficaces ont des effets indésirables, et les
chimistes ont déjà largement amélioré le
rapport efficacité/tolérance de ces molé-
cules par rapport aux premières de cette
classe médicamenteuse. La question de la
tolérance des thiazolidinediones est certes
importante, mais elle n’est pas centrale :
celle qui domine a trait à l’incertitude
actuelle sur les bénéfices cliniques que l’on
peut attendre de l’utilisation au long cours
de ces médicaments, incertitude qui tient à
leurs propriétés pharmacologiques.
Modes d’action
Les thiazolidinediones sont des agonistes
des récepteurs gamma des proliférateurs
peroxysomaux nucléaires – γ-PPAR – abré-
viation suffisamment absconse pour que les
diabétologues cliniciens (et même peut-être
aussi les biochimistes) puissent y dissimu-
ler confortablement l’insuffisance de leurs
connaissances… En termes de pharmacolo-
gie, les données expérimentales et cliniques
indiquent que les thiazolidinediones rédui-
sent de façon importante, et peut être pas de
Réduction de l’insulinorésistance
et prise de poids : le paradoxe
des thiazolidinediones
M. Marre*, É. Larger*
* Service d’endocrinologie et diabétologie, hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris.
L
façon équivalente pour toutes les thiazoli-
dinediones, les principaux composants du
syndrome d’insulinorésistance (ou plutôt,
d’insuffisance d’action de l’insuline) :
Premièrement, la glycémie baisse chez
les diabétiques parce que l’action de l’in-
suline est améliorée comme l’indiquent les
résultats des épreuves de glucose-clamp.
Les concentrations d’insuline baissent en
conséquence. Cette action se retrouve chez
les sujets intolérants au glucose et chez les
sujets normaux. Comme les PPAR-γsont
exprimés de façon prédominante dans le
tissu adipeux, c’est à cet endroit que l’ac-
tion de l’insuline s’améliore, d’où une
baisse des acides gras libres circulants, une
réduction de l’activité du cycle de Randle
(la compétition entre la captation du glu-
cose et des acides gras libres sous l’effet de
l’insuline), et une augmentation de la
masse de tissu adipeux. Au bout de
quelques mois de traitement, les sujets
adultes prennent quelques kilogrammes,
dont une bonne partie en tissu adipeux (2).
Cependant, cette masse adipeuse serait
redistribuée de façon appropriée, puisque
la graisse viscérale diminuerait au profit de
la graisse sous-cutanée. Ainsi, l’obésité,
même si elle se développe, serait moins
androïde.
Deuxièmement, la baisse du HDL-
cholestérol et l’élévation des triglycérides
circulants sont des composants importants
PhotoDisc ©
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du risque cardiovasculaire des diabétiques
de type 2. Ces anomalies sont corrigées par
la prescription des thiazolidinediones, mais
il se pourrait que certaines d’entre elles
augmentent les taux de LDL-cholestérol
circulants, ce qui est évidemment moins
désirable.
Dernier élément, et non le moindre, de la
pharmacologie des thiazolidinediones, leur
effet cardiovasculaire : une baisse de la
pression artérielle sous l’effet de la trogli-
tazone chez les sujets insulinorésistants
non diabétiques a été rapportée par Olefsky
et son équipe dès 1994 (3). Même si cet
effet hypotenseur est variable d’une thiazo-
lidinedione à l’autre, il paraît clair pour
certains. De façon concomitante à la baisse
de pression, le pouls accélère et, dernier
élément, quelques kilogrammes d’eau et de
sel s’accumulent, contribuant à la prise de
poids déjà signalée sous ces médicaments.
Cela suggère pourtant qu’un effet vasodila-
tateur artériel (semblable à celui que pro-
duisaient l’hydralazine et le minoxidil) est
induit. Dans des modèles expérimentaux,
le cœur peut s’hypertrophier sous thiazoli-
dinediones, et il a été rapporté une aug-
mentation d’incidence de l’insuffisance
cardiaque sous rosiglitazone lors d’essais
où elle était utilisée en association avec
l’insuline (4). Donc, les thiazolidinediones
agissent très probablement sur la pression
artérielle, un facteur de risque cardiovascu-
laire majeur trop souvent présent chez les
diabétiques de type 2 qui est un composant
majeur du syndrome d’insulinorésistance,
mais le mode d’action – la vasodilatation
artérielle périphérique prédominante – peut
avoir des conséquences non souhaitables.
Néanmoins, à court terme, des marqueurs
de risque cardiovasculaire dépendant de la
pression artérielle, comme la microalbumi-
nurie, sont améliorés par l’administration
du thiazolidinedione (5).
Conclusion
Les thiazolidinediones arrivent à un
moment critique de l’histoire thérapeu-
tique du diabète de type 2 (6). Grâce à
l’étude UKPDS, les médecins disposent
enfin d’une justification à leurs tentatives
de réduction de l’hyperglycémie des dia-
bétiques de type 2. Mais les bénéfices
mesurés sont ténus, en particulier en ce qui
concerne la réduction du risque cardiovas-
culaire attribuable à la réduction de l’hy-
perglycémie. Or, c’est ce risque qui domi-
ne le pronostic de ces sujets. Pourquoi ?
Certainement parce que les moyens d’agir
sur l’hyperglycémie étaient peu nombreux
lorsque l’UKPDS a été mise en place. À
l’instar de ce qui s’est passé dans le
domaine de l’hypertension artérielle, où
l’incidence des conséquences graves a
diminué de façon notable lorsque plusieurs
classes médicamenteuses ont pu être utili-
sées pour éviter la remontée jusqu’alors
inexorable des chiffres de pression, il faut
envisager un traitement de l’hyperglycé-
mie du diabète de type 2 plus intensifié
grâce à la combinaison de plusieurs
classes médicamenteuses. Dans ce contex-
te, l’arrivée d’une quatrième classe de
médicaments antidiabétiques doit être
considérée de façon positive.
Mais c’est l’obligation des médecins (en
particulier des spécialistes universitaires
dont c’est la mission) de mettre en place,
avec les industriels et les instances
publiques concernés, les essais thérapeu-
tiques qui, à long terme (mais, cinq ans,
c’est vite écoulé), permettront de clarifier
le bénéfice que peuvent attendre les
patients d’une pilule dont les effets
seraient, selon l’humeur du spéculateur,
maléfiques (le poids, le LDL-cholestérol,
la surcharge cardiaque) ou bénéfiques (la
glycémie, le HDL-cholestérol, la pression
artérielle).
Références
1. Bailey CJ. The rise and the fall of troglita-
zone. Diabet Med 2000 ; 17 : 414.
2. Day C. Thiazolidinediones : a new class of
antidiabetic drugs. Diabet Med 1999 ;
16 : 179-92.
3. Nolan JJ, Ludvik B, Beerdsen P, Olefsky J.
Improvement in glucose tolerance and insulin
resistance in obese subjects treated with trogli-
tazone. N Engl J Med 1994 ; 331 : 1188-93.
4. Avandia (rosiglitazone) : Summary of pro-
duct characteristics. Welwyn Garden City :
Smithkline Beecham Pharmaceuticals, 2000.
5. Imano E, Kanda T, Nakatani Y et al. Effect of
troglitazone on microalbuminuria in patients
with incipient diabetic nephropathy. Diabetes
Care 1998 ; 21 : 2135-9.
6. Krentz AJ, Bailey CJ, Melander A.
Thiazolidinediones for type 2 diabetes : new agents
reduce insulin resistance but need long term clini-
cal trials. Br Med J 2000 ; 321 : 252-3.
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