les donner en expliquant pourquoi elles ne sont pas pertinentes.
La question de la communication des résultats individuels et des
modalités de cette communication devra donc être réétudiée et à
terme prise en considération, d’autant que la loi du 4 mars 2002
précise que tout patient peut avoir accès à l’information médi-
cale qui le concerne. Le problème est que cette loi de 2002, votée
dans l’urgence et sans travail préalable suffisant, s’est centrée sur
le soin et a négligé le cas de la recherche biomédicale.
Concrètement, il convient pour les promoteurs et investigateurs
ainsi que pour tous les professionnels à même de conseiller des
patients d’intégrer au mieux dans leur pratique ces nouvelles
modalités d’encadrement de la recherche clinique.
FONDEMENT HISTORIQUE DE LA PROTECTION
DES PERSONNES
C’est dans la Grèce antique que notre civilisation voit naître le
premier chaînon de la notion de personne. Dans la langue hellé-
nique, à côté des mots anthropos (l’homme en général) et soma,
(l’individu animé, parfois même pourvu d’une individualité juri-
dique), existait le terme prosôpon, qui a d’abord désigné la face,
le visage humain, l’autre comme entité à part entière, consciente
et libre. C’est avec Cicéron que se met en place dans toute sa plé-
nitude la signification du mot latin persona, avec des repères tex-
tuels incontestables : rôle en justice, rôle social, réalité collective,
personnalité marquante, personne juridique par opposition aux
choses. Dans la civilisation tant latine qu’hellénique, c’est donc
la dimension ontique de persona (qui relève de “l’étant”, du “je
suis”) qui s’est peu à peu imposée, persona signifiant l’individu
concret, singulier, rencontré tous les jours dans sa proximité. En
France, ce sera Descartes qui exposera la notion de sujet pensant,
sujet qui s’assure de son existence personnelle ; il en acquiert la
certitude au terme du doute méthodique ; et, dans l’action, le sujet
cartésien exerce son libre arbitre, cette liberté de la volonté. Kant
infléchit quant à lui le concept de personne vers sa dimension
essentiellement morale, car l’attribut essentiel qui lui sera reconnu
est celui de l’autonomie. L’autonomie forge la personnalité du
sujet moral, assure sa dignité, le rendant capable de se constituer
législateur de sa propre loi, et d’en faire, par la suite, son devoir.
La notion de protection des personnes dans les pratiques de
recherche, telle qu’on l’entend aujourd’hui, apparaît dans les
années 1930. L’éthique de la recherche est à cette époque un
concept issu de la république de Weimar en Allemagne, avant la
Seconde Guerre mondiale ; mais le triste revers de l’histoire a fait
en réalité que la prise de conscience réelle dans ce domaine a eu
lieu après guerre, lors du procès de Nuremberg. En effet, après
les expériences atroces pratiquées sur l’homme dans les camps
nazis, le code de Nuremberg, fruit du procès des médecins nazis,
introduit la nécessité d’affirmer des principes éthiques clairs qui
doivent s’imposer à tous chercheurs et médecins lors d’une
recherche biomédicale.
Plusieurs thèmes principaux interdépendants sont à la base de ce
code :
– le respect du sujet de recherche, au travers notamment du
consentement ;
– les responsabilités du chercheur à son égard ;
– l’expérience doit éviter toute souffrance et tout dommage non
nécessaires ;
– tout risque de provoquer des blessures, l’invalidité ou la mort
doit a priori être rejeté ;
– le sujet ne doit être invité à intégrer un protocole de recherche
que si celle-ci s’inscrit dans une démarche scientifique rigoureuse ;
– le sujet doit être libre avant et pendant l’expérience et doit pou-
voir l’interrompre s’il estime avoir atteint l’état mental ou phy-
sique au-delà duquel il ne peut aller.
Dans les années 1960 intervient une nouvelle prise de conscience,
la communauté médicale apprenant que des essais ont encore lieu
sans respect des règles éthiques élémentaires, à peine 20 ans
après la fin du procès de Nuremberg. En 1966, le Dr Henry Bee-
cher, occupant la chaire de recherche en anesthésie de l’univer-
sité de Harvard, publie à ce propos dans le New England Jour-
nal of Medicine un article répertoriant 22 recherches effectuées
aux États-Unis au mépris des principes éthiques énoncés précé-
demment. Il relève ainsi :
– l’injection de cellules cancéreuses vivantes à des personnes
âgées et séniles placées en institution pour analyse les résistances
immunologiques ;
– la privation de pénicilline pour des syphilitiques d’un groupe
témoin participant à une étude de longue durée sur l’évolution de
la syphilis avec et sans traitement ;
– l’injection du virus de l’hépatite B à de jeunes résidents d’une
institution psychiatrique de l’État de New York pour voir com-
ment se développe la maladie ;
– l’insertion d’un cathéter dans la vessie de 26 nouveau-nés, avec
prise d’une série de radios pour analyser le remplissage et la
vidange vésicale.
Pour ces raisons, la communauté internationale promulgue dès
1964 un texte adopté par les États démocratiques à Helsinki.
Cette déclaration d’Helsinki a depuis été adaptée, et ratifiée par
de nombreux pays.
La plus récente version comporte les fondements suivants :
– il est d’abord souligné que le médecin doit exercer la plénitude
de son savoir et que, dès lors, il est obligé pour faire avancer le
progrès médical d’effectuer des recherches diagnostiques, théra-
peutiques et dans le domaine de la prévention ;
– la notion de risque est reconnue ; toutefois, la recherche doit
protéger au maximum la santé des participants, bien avant les inté-
rêts de la science ou de la société ;
– la validité scientifique doit être assurée par les prérequis, qui
consistent en l’étude des publications scientifiques en labora-
toire et sur l’animal, par l’écriture d’un protocole expérimental
valide, et par un encadrement assuré par des médecins et scien-
tifiques compétents et pleinement responsables de l’étude ;
– un comité indépendant doit examiner le protocole ; il doit être
indépendant pour éviter les conflits d’intérêts avec les financeurs
et les investigateurs ;
– quoi qu’il en soit et en toute circonstance, le médecin doit pro-
téger la vie, la santé, la dignité et l’intimité de la personne ainsi
que son équilibre physique et psychologique ;
– la balance bénéfice/risque doit être évaluée et jugée acceptable
par le comité ; toutefois, la recherche sur volontaire sain ou une
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006