INTRODUCTION : DES NOUVEAUTÉS MAJEURES ET DES ÉLÉMENTS DE DÉBAT

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La recherche biomédicale et la protection des personnes
en France : état des lieux sur les principes éthiques,
éléments du débat et règles pratiques pour les promoteurs
et investigateurs d’un projet de recherche clinique
● G. Moutel*
INTRODUCTION : DES NOUVEAUTÉS MAJEURES
ET DES ÉLÉMENTS DE DÉBAT
En juillet 2004, la nouvelle loi de santé publique a été adoptée
par le Parlement. La loi Huriet-Sérusclat de 1988, déjà adaptée
en 1994 et qui encadre la recherche biomédicale, est au cœur de
cette réforme, entrée depuis 2006 en application.
Les modifications de la loi Huriet s’avéraient nécessaires pour
contrebalancer les insuffisances de la transposition en droit français de la directive européenne de 2001 sur les essais cliniques.
La question était donc de se mettre en conformité avec cette
directive tout en respectant les fondements et grands principes
encadrant la recherche médicale en France depuis 1988.
L’un des points de la réforme est tout d’abord que les comités
consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) deviennent les comités de protection des
personnes (CPP). Les comités ne sont donc plus des instances
consultatives, mais des instances dotées d’une véritable autorité,
et leurs demandes et recommandations doivent être suivies
d’effet, avec possibilité de contrôle tout au long des protocoles
dès lors que cela serait jugé nécessaire.
L’évolution notable réside par ailleurs dans l’abandon de la classification française, qui a prévalu jusqu’en 2004, des protocoles
en deux catégories : les protocoles avec bénéfices individuels
directs (ABID) et ceux sans bénéfices individuels directs (SBID),
qui nécessitaient une protection renforcée et des règles spécifiques. Désormais, l’évaluation de tous les protocoles reposera
sur la balance bénéfice/risque, c’est-à-dire sur “le caractère satisfaisant de l’évaluation des bénéfices et des risques attendus”.
Comme le souligne C. Huriet, “l’exercice [...] semble plus difficile : le but de la recherche étant justement d’évaluer le rapport
bénéfice/risque d’un nouveau traitement”. Le travail des CPP s’en
trouvera complexifié. Par ailleurs, à la demande des associations
d’usagers et dans la logique de la loi du 4 mars 2002 relative aux
droits des patients, les CPP devront désormais avoir en leur sein
* Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, faculté de médecine,
université Paris-5.
Secrétaire général de la Société française et francophone d’éthique médicale
(Sffem).
E-mail : [email protected]
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
des représentants de ces associations. De plus, pour faciliter la
transparence et la visibilité des essais auprès du public, une base
de données des recherches biomédicales est créée au niveau national et européen. Mais dans certains cas, pour respecter l’exigence
du secret industriel, seuls figureront certains éléments pertinents
du protocole, sachant que le promoteur d’une recherche peut
pour des raisons légitimes (après acceptation par l’autorité compétente du ministère) s’opposer à la communication dans cette
base de tout ou partie du protocole.
Autre nouveauté, la loi a entériné le fait qu’il faille préciser clairement aux patients leurs modalités de prise en charge pendant
la recherche, mais également au décours de celle-ci. La question
de la sortie de protocole et de l’après-protocole (lien entre
recherche et clinique) est un élément central de réflexion à ce
niveau. En pratique, il est difficile de proposer la poursuite d’un
même traitement au décours immédiat d’une expérimentation,
dans la mesure où l’on ne dispose de toutes les analyses et conclusions d’un protocole qu’après un certain délai. Il est donc parfois
difficile de concevoir que l’on puisse prolonger la délivrance de
tous les traitements à l’issue d’un protocole, même si les personnes atteintes de maladies graves sont prêtes à accepter un
risque important. Il y aurait une confusion entre soin et recherche
qui ne serait pas saine. Il s’agit donc dans ce débat d’exposer
désormais clairement cela aux patients. Il conviendra en particulier de leur dire si l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU)
pourra ou non être accordée, sachant qu’elle ne sera délivrée que
dans les cas où on disposera d’un recul suffisant par rapport au
temps de la recherche, avec des données jugées acceptables.
Dans ce même cadre, l’information relative au devenir des données de la recherche à l’issue du protocole est désormais reconnue comme un droit des patients. Celui-ci concerne la communication des résultats globaux de la recherche. La question de la
communication des résultats individuels n’a pas été tranchée par
la nouvelle loi : d’un point de vue scientifique, il s’agit en effet
de résultats de recherche (donc pas toujours valides d’un point
de vue technique et méthodologique), donc comportant des incertitudes concernant un usage en clinique. Mais des représentants
de patients plaident le fait que, plutôt que d’éviter de transmettre
des informations jugées non pertinentes, il serait préférable de
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les donner en expliquant pourquoi elles ne sont pas pertinentes.
La question de la communication des résultats individuels et des
modalités de cette communication devra donc être réétudiée et à
terme prise en considération, d’autant que la loi du 4 mars 2002
précise que tout patient peut avoir accès à l’information médicale qui le concerne. Le problème est que cette loi de 2002, votée
dans l’urgence et sans travail préalable suffisant, s’est centrée sur
le soin et a négligé le cas de la recherche biomédicale.
Concrètement, il convient pour les promoteurs et investigateurs
ainsi que pour tous les professionnels à même de conseiller des
patients d’intégrer au mieux dans leur pratique ces nouvelles
modalités d’encadrement de la recherche clinique.
FONDEMENT HISTORIQUE DE LA PROTECTION
DES PERSONNES
C’est dans la Grèce antique que notre civilisation voit naître le
premier chaînon de la notion de personne. Dans la langue hellénique, à côté des mots anthropos (l’homme en général) et soma,
(l’individu animé, parfois même pourvu d’une individualité juridique), existait le terme prosôpon, qui a d’abord désigné la face,
le visage humain, l’autre comme entité à part entière, consciente
et libre. C’est avec Cicéron que se met en place dans toute sa plénitude la signification du mot latin persona, avec des repères textuels incontestables : rôle en justice, rôle social, réalité collective,
personnalité marquante, personne juridique par opposition aux
choses. Dans la civilisation tant latine qu’hellénique, c’est donc
la dimension ontique de persona (qui relève de “l’étant”, du “je
suis”) qui s’est peu à peu imposée, persona signifiant l’individu
concret, singulier, rencontré tous les jours dans sa proximité. En
France, ce sera Descartes qui exposera la notion de sujet pensant,
sujet qui s’assure de son existence personnelle ; il en acquiert la
certitude au terme du doute méthodique ; et, dans l’action, le sujet
cartésien exerce son libre arbitre, cette liberté de la volonté. Kant
infléchit quant à lui le concept de personne vers sa dimension
essentiellement morale, car l’attribut essentiel qui lui sera reconnu
est celui de l’autonomie. L’autonomie forge la personnalité du
sujet moral, assure sa dignité, le rendant capable de se constituer
législateur de sa propre loi, et d’en faire, par la suite, son devoir.
La notion de protection des personnes dans les pratiques de
recherche, telle qu’on l’entend aujourd’hui, apparaît dans les
années 1930. L’éthique de la recherche est à cette époque un
concept issu de la république de Weimar en Allemagne, avant la
Seconde Guerre mondiale ; mais le triste revers de l’histoire a fait
en réalité que la prise de conscience réelle dans ce domaine a eu
lieu après guerre, lors du procès de Nuremberg. En effet, après
les expériences atroces pratiquées sur l’homme dans les camps
nazis, le code de Nuremberg, fruit du procès des médecins nazis,
introduit la nécessité d’affirmer des principes éthiques clairs qui
doivent s’imposer à tous chercheurs et médecins lors d’une
recherche biomédicale.
Plusieurs thèmes principaux interdépendants sont à la base de ce
code :
– le respect du sujet de recherche, au travers notamment du
consentement ;
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– les responsabilités du chercheur à son égard ;
– l’expérience doit éviter toute souffrance et tout dommage non
nécessaires ;
– tout risque de provoquer des blessures, l’invalidité ou la mort
doit a priori être rejeté ;
– le sujet ne doit être invité à intégrer un protocole de recherche
que si celle-ci s’inscrit dans une démarche scientifique rigoureuse ;
– le sujet doit être libre avant et pendant l’expérience et doit pouvoir l’interrompre s’il estime avoir atteint l’état mental ou physique au-delà duquel il ne peut aller.
Dans les années 1960 intervient une nouvelle prise de conscience,
la communauté médicale apprenant que des essais ont encore lieu
sans respect des règles éthiques élémentaires, à peine 20 ans
après la fin du procès de Nuremberg. En 1966, le Dr Henry Beecher, occupant la chaire de recherche en anesthésie de l’université de Harvard, publie à ce propos dans le New England Journal of Medicine un article répertoriant 22 recherches effectuées
aux États-Unis au mépris des principes éthiques énoncés précédemment. Il relève ainsi :
– l’injection de cellules cancéreuses vivantes à des personnes
âgées et séniles placées en institution pour analyse les résistances
immunologiques ;
– la privation de pénicilline pour des syphilitiques d’un groupe
témoin participant à une étude de longue durée sur l’évolution de
la syphilis avec et sans traitement ;
– l’injection du virus de l’hépatite B à de jeunes résidents d’une
institution psychiatrique de l’État de New York pour voir comment se développe la maladie ;
– l’insertion d’un cathéter dans la vessie de 26 nouveau-nés, avec
prise d’une série de radios pour analyser le remplissage et la
vidange vésicale.
Pour ces raisons, la communauté internationale promulgue dès
1964 un texte adopté par les États démocratiques à Helsinki.
Cette déclaration d’Helsinki a depuis été adaptée, et ratifiée par
de nombreux pays.
La plus récente version comporte les fondements suivants :
– il est d’abord souligné que le médecin doit exercer la plénitude
de son savoir et que, dès lors, il est obligé pour faire avancer le
progrès médical d’effectuer des recherches diagnostiques, thérapeutiques et dans le domaine de la prévention ;
– la notion de risque est reconnue ; toutefois, la recherche doit
protéger au maximum la santé des participants, bien avant les intérêts de la science ou de la société ;
– la validité scientifique doit être assurée par les prérequis, qui
consistent en l’étude des publications scientifiques en laboratoire et sur l’animal, par l’écriture d’un protocole expérimental
valide, et par un encadrement assuré par des médecins et scientifiques compétents et pleinement responsables de l’étude ;
– un comité indépendant doit examiner le protocole ; il doit être
indépendant pour éviter les conflits d’intérêts avec les financeurs
et les investigateurs ;
– quoi qu’il en soit et en toute circonstance, le médecin doit protéger la vie, la santé, la dignité et l’intimité de la personne ainsi
que son équilibre physique et psychologique ;
– la balance bénéfice/risque doit être évaluée et jugée acceptable
par le comité ; toutefois, la recherche sur volontaire sain ou une
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prise de risque sur des patients est possible, à condition que
l’importance de l’objectif recherché soit médicalement et humainement supérieure aux contraintes et aux risques encourus par le
sujet ;
– la recherche menée au cours d’un traitement n’est valable que
si elle poursuit un possible intérêt diagnostique, thérapeutique ou
de prévention, si les méthodes existantes sont insuffisamment
efficaces : il s’agit là de la reconnaissance de l’innovation thérapeutique pour offrir un espoir de sauver des vies ou de soulager
la souffrance du malade. Mais cette reconnaissance ne peut avoir
lieu que si la démarche est une démarche de recherche respectant les principes éthiques de toute recherche. La méthodologie
doit de plus impérativement comparer le nouveau traitement au
traitement de référence ;
– l’information doit être appropriée, claire, compréhensible et
complète, portant sur les objectifs, les risques et les contraintes,
et le médecin doit s’assurer de sa bonne compréhension ;
– le médecin doit expliquer la prise en charge au patient en différenciant clairement celle liée aux soins et celle liée à la
recherche tout en préservant la même relation médecin-malade
à tout moment quelle que soit la décision du patient ;
– après l’information, le consentement écrit doit être obtenu de
manière libre, c’est-à-dire sans aucune pression. En cas de protocoles sur des personnes en état d’impossibilité juridique de consentir, plusieurs conditions sont requises : le choix de cette population
doit être justifié, la recherche doit apporter un bénéfice au patient,
il faut l’accord du comité et l’accord préalable du représentant légal.
En France, les principes d’Helsinki sont reconnus comme essentiels et, au début des années 1980, un groupe de travail, constitué de membres du Conseil d’État, de professeurs de médecine,
de professeurs de droit ainsi que de membres de la Cour de cassation et dirigé par Guy Braibant en lien avec le Pr Jean Bernard
(président du Comité consultatif national d’éthique qui nous a
récemment quitté), affirme la nécessité d’une loi en raison d’une
contradiction :
– le fait de porter atteinte au corps d’autrui sans finalité thérapeutique est sanctionnable en droit. La recherche sans intérêt thérapeutique avait été jugée illicite par la cour d’appel d’Angers en
1978 et le code de déontologie, dans son article 19, précisait que
les recherches étaient nécessaires à condition de présenter un
intérêt direct pour la personne ;
– or, l’ordonnance du 23 septembre 1967 concernant les autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments stipulait que le fabricant devait avoir vérifié l’innocuité des produits,
dans des conditions normales d’emploi, et que leur mise en
œuvre devait préalablement nécessiter des recherches sur volontaires sains. De plus, le concept même de recherche médicale
sur tout patient, mais en particulier sur des volontaires sains, ne
permet pas toujours d’assurer qu’il y aura un intérêt direct pour
les personnes.
Le 2 juin 1988, le Pr Claude Huriet dépose au Sénat une proposition de loi relative aux essais chez l’homme. Le Sénat, dans sa
séance du 12 octobre 1988, adopte une proposition de loi “relative à la protection des personnes qui se prêtent à la recherche
biomédicale”, transmise à l’Assemblée nationale. La loi n° 88-1138
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est adoptée le 20 décembre 1988 et publiée au Journal officiel de
la République française le 22 décembre 1988. Cette loi lève les
contradictions antérieures et place la France en conformité avec
les règles d’Helsinki. Elle instaure des CCPPRB, comités consultatifs de protection des personnes qui se prêtent à la recherche
biomédicale, dans chaque région. Ces CCPPRB deviendront dans
le texte de 2004, lors de l’adaptation de la loi Huriet à la directive européenne, des CPP, comités de protection des personnes.
Les CPP perdent donc leur caractère uniquement consultatif,
c’est-à-dire que leur rôle de passage obligatoire est renforcé, mais
aussi que le contrôle de l’État est renforcé. Les CPP acquièrent
ainsi un nouveau statut où la responsabilité de l’État est engagée
en cas de faute des comités et où les avis et recommandations
prennent désormais un caractère officiel, avec possibilité, si
besoin, de suivi des protocoles, en particulier pour les effets et
événements indésirables. De plus, les CPP feront l’objet d’une
évaluation de leur activité et de leurs compétences.
Enfin, cette réforme entraîne des modifications des rapports entre
promoteur, investigateurs et CPP ainsi qu’une évolution des rôles
de chacun, évolution que nous exposons ci-après.
RÔLES ET OBLIGATIONS DES PROMOTEURS
ET DES INVESTIGATEURS, GARANTS DE LA PROTECTION
DES PERSONNES DANS LA RECHERCHE
On appelle promoteur “la personne physique ou morale qui prend
l’initiative d’une recherche biomédicale” (personne physique ou
morale qui se porte garante de l’initiative de la recherche et de
ses conséquences, avec en particulier une obligation d’assurance).
Le ou les investigateurs sont “la ou les personnes physiques qui
dirigent et surveillent la réalisation de la recherche”.
Le promoteur a des obligations bien précises :
– il doit s’assurer que les objets matériels ainsi que les médicaments
ou produits expérimentés ou utilisés comme référence dans le cadre
d’une recherche biomédicale sont fournis gratuitement, ou mis
gratuitement à disposition pendant le temps de la recherche ;
– il prend en charge les frais supplémentaires liés à d’éventuels
fournitures ou examens spécifiquement requis par la recherche
ou pour la mise en œuvre de celle-ci. Lorsque l’essai est réalisé
dans un établissement de soins, la prise en charge de ces frais fait
l’objet d’une convention conclue entre le promoteur et le représentant légal de cet établissement ;
– il a obligation de souscrire une assurance en cas d’accident ou
faute entraînant un préjudice lors du protocole (contrat d’assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile du promoteur).
L’investigageur est également assujetti à certaines obligations :
– il doit être (sauf exception) un médecin garant de la protection
des personnes, de la qualité des soins et de toute la prise en
charge. Il doit respecter avant tout les règles déontologiques et
faire primer le soin sur la recherche ;
– il doit respecter les décisions et avis du CPP ainsi que les principes
du code de déontologie médicale qui priment en toute situation ;
– il est également garant du respect des droits des patients en termes :
✓ d’information,
✓ de consentement,
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✓ de vérification de la situation du patient sur le fichier national
des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales
(période d’exclusion et montant des indemnités perçues) [voir
paragraphe correspondant ci-après],
✓ d’arrêt du protocole sur la personne en cas de dangerosité ou
d’aléas,
✓ de respect de la volonté du patient de se retirer du protocole à
tout moment sans préjudice et avec prolongation des soins.
LES COMITÉS DE PROTECTION DES PERSONNES (CPP) :
RÔLE, FONCTIONNEMENT ET ENJEUX ÉTHIQUES
Des principes généraux guident l’action des CPP. Leur mission
est de s’assurer qu’aucune recherche ne puisse être entreprise :
– si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante ;
– si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l’être
humain et les moyens susceptibles d’améliorer sa condition ;
– si elle ne répond pas aux exigences de respect de la dignité et
de protection des personnes tels que définis par les textes internationaux et la loi.
En pratique, toute recherche biomédicale doit être réalisée après
avis favorable du CPP et autorisation de l’autorité compétente au
ministère.
La demande d’avis sur un projet de recherche biomédicale est
adressée au comité par le promoteur. Il existe au moins un CPP
par région. L’agrément des CPP est délivré pour une durée de
quatre ans. La pluridisciplinarité de leur composition est une de
leur valeur essentielle. En effet, les comités sont composés de
manière à garantir leur indépendance et la diversité des compétences tant dans le domaine biomédical qu’à l’égard des questions
éthiques, sociales, psychologiques et juridiques. Ainsi, depuis la
nouvelle loi, les CPP comprennent des membres titulaires, d’origines et de compétences différentes, répartis en 7 catégories :
✓ professionnels de santé, dont au moins trois médecins et un
pharmacien hospitalier. Deux de ces professionnels doivent avoir
une expérience approfondie en matière de recherche biomédicale ;
✓ méthodologiste ayant une expérience approfondie en matière
de recherche en santé ;
✓ personne qualifiée en raison de sa compétence à l’égard des
questions d’éthique ;
✓ assistant de service social ;
✓ psychothérapeute ou une personne qualifiée en raison de ses
compétences dans le domaine des sciences comportementales ;
✓ personnes qualifiées en raison de leur compétence en matière
juridique, dont un enseignant permanent d’une UFR de droit ;
✓ représentants des associations agréées de malades ou d’usagers du système de santé.
De plus, le représentant de l’État nomme, pour chaque membre
titulaire de chacune des catégories énumérées, un membre suppléant.
Pour rendre un avis, le principe d’une éthique de la discussion
doit être respecté. C’est pourquoi, pour être valables, les délibérations du comité requièrent la présence de six membres au moins,
dont au moins quatre appartenant à la première catégorie et au
moins un dans chacune des six autres.
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Quant au principe d’indépendance, il est également essentiel.
Les comités exercent leur mission en toute indépendance vis-àvis de l’État, des promoteurs, des investigateurs ou de toute pression externe, quelle qu’elle soit. Il convient donc de souligner que
ne peuvent valablement participer à une délibération les personnes qui ne sont pas indépendantes vis-à-vis du promoteur et
de l’investigateur de la recherche examinée.
En ce qui concerne la décision, les avis sont en théorie, selon les
termes de la loi, rendus à la majorité simple des membres présents, sur rapport d’un des membres du comité désigné par le président ou d’un expert appelé à participer aux travaux du comité.
Le vote au scrutin secret est de droit (mais non obligatoire et, en
pratique, rare) ; en cas de vote avec partage égal des voix, le président de séance a voix prépondérante (rarement utilisée en pratique également).
Une situation de vote est en effet une situation qui pose question,
le but étant que tous les membres trouvent un accord commun
ou du moins un accord largement majoritaire, vu l’importance de
l’enjeu : s’assurer que la protection sera effective et de qualité.
Sur quoi se prononce le CPP pour rendre un avis positif ou négatif ? Les points particulièrement pris en compte sont :
✓ la validité de la recherche et de sa conception ;
✓ les garanties prévues pour les personnes qui se prêtent à la
recherche ;
✓ les modalités de recrutement, d’information des personnes et
de recueil de leur consentement, ainsi que les modalités de leur
indemnisation éventuelle ;
✓ la pertinence éthique et scientifique du projet.
C’est pourquoi, en pratique, le dossier de demande adressé au
comité par le promoteur doit comprendre un dossier administratif (en pratique, se renseigner auprès du CPP de sa région) et un
dossier sur la recherche biomédicale, ce dernier comportant
notamment le protocole, constitué par un document daté, intégrant, le cas échéant, les modifications successives et décrivant
le ou les objectifs, la conception, la méthode, les aspects statistiques et l’organisation de la recherche.
Ce dossier doit comporter des renseignements sur la nature et les
modalités de la recherche :
– identité du promoteur et identité du fabriquant du médicament
s’il est distinct du promoteur ; identités et compétences des investigateurs (CV)
– titre et objectif de la recherche (exposé des prérequis scientifiques, descriptif complet du protocole avec un résumé, méthode,
statistique, organisation et déroulement dans le temps…) ;
– toutes informations utiles sur le médicament, le produit, l’objet,
le matériel ou la méthode expérimentés ;
– cahiers d’observations ;
– brochure pour les investigateurs ;
– accord écrit du ou des chefs de service ;
– accord de la DRC (si AP/HP) et/ou des directeurs des établissements ;
– exposé des bénéfices et des risques.
Il doit comporter également tous les renseignements permettant
d’évaluer la protection des personnes :
– évaluation de la balance bénéfice/risque ;
– procédures de recrutement des personnes ;
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– procédures d’information, de consentement initial et de droit
de retrait ;
– procédures d’information durant le protocole, et précisions sur
les modalités de diffusion des résultas globaux auprès des participants (loi du 4 mars 2002, droits des malades) ;
– lieu(x) de la recherche, sécurité des locaux, sécurité des personnes, gestion de l’urgence ;
– protection des personnes plus vulnérables ;
– attestation de l’assurance souscrite par le promoteur ;
– indemnisation ou non ;
– proposition d’une période d’exclusion ou non.
Signalons ici le cas particulier de la collecte d’échantillons biologiques. Pour ces collections d’échantillons biologiques
humains, constituées en dehors du cadre d’une recherche biomédicale, le CPP se prononce sur la qualité de l’information des
participants, les modalités de recueil du consentement et la pertinence éthique et scientifique du projet. En cas d’utilisation
d’éléments et de produits du corps humain à des fins scientifiques
relevant d’un changement de finalité par rapport au consentement
initialement donné, le comité, le cas échéant, s’assure que le nouveau consentement des personnes est bien recueilli. Si la collecte
a lieu au sein d’un protocole de recherche, ces points sont analysés par le CPP avec l’ensemble du protocole.
La finalité de l’encadrement de la recherche étant d’assurer la
protection des participants sans retarder les recherches qui font
partie d’enjeux stratégiques, scientifiques ou industriels, le CPP
se prononce dans un délai de 35 jours. Le comité peut demander au promoteur les éléments d’information complémentaires
qu’il estime nécessaires à l’examen du dossier. Il peut également
demander au promoteur de modifier son projet. Le délai est alors
suspendu jusqu’à réception des éléments demandés ou, le cas
échéant, du projet modifié. Dans ce cas, le comité se prononce
dans un délai maximal de 60 jours. Pour les collections d’échantillons biologiques et l’utilisation d’éléments et de produits du
corps humain à des fins scientifiques, le CPP saisi se prononce
dans un délai de 15 jours. L’autorité compétente du ministère
est informée de l’avis du CPP. Les avis concernant les collections d’échantillons biologiques sont en outre adressés sans délai
aux ministres chargé de la santé et de la recherche et, le cas
échéant, au directeur régional de l’hospitalisation territorialement compétent.
En cas de modifications substantielles de la recherche, le CPP
doit être saisi à nouveau. On entend par modification substantielle de la recherche : “toute modification de nature à avoir un
impact significatif sur la protection des personnes, sur les conditions de validité de la recherche, sur les résultats de la recherche,
sur l’interprétation des documents scientifiques qui viennent
appuyer le déroulement de la recherche ou sur les modalités de
conduite de celle-ci”.
Toute modification du projet de recherche affectant de manière
substantielle les informations communiquées au comité fait ainsi
l’objet d’une demande d’avis complémentaire, accompagnée des
justifications appropriées. Le comité rend son avis dans un délai
maximal de deux semaines à compter de la réception de
l’ensemble des informations requises concernant la proposition
de modification.
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CHAMP D’APPLICATION DES CPP : UN DISTINGUO
ENTRE RECHERCHES ET RECHERCHES NON
INTERVENTIONNELLES
Il y a recherche lorsque, au-delà de l’acte de soins et de l’intérêt
immédiat du patient, le médecin cherche à faire progresser la
connaissance scientifique, c’est-à-dire à dégager et à formaliser
un enseignement de portée générale.
Il doit alors mettre en œuvre une organisation distincte des soins.
Tous les essais et expérimentations sur l’homme sont concernés
et doivent être soumis aux comités dès lors qu’ils innovent en
termes de produits ou de techniques utilisés, ou dès lors qu’ils
utilisent une nouvelle association de techniques ou de produits ;
– nouveaux médicaments ;
– nouvelle technique chirurgicale ;
– nouvelles méthodes de diagnostic invasives ou porteuses d’un
risque potentiel ;
– étude psychologique ou comportementale, etc.
Fait en outre désormais partie, comme nous l’avons déjà évoqué,
des missions des CPP la validation des procédures éthiques (information, consentement et légitimité de la démarche) lors de la
constitution de collections d’échantillons biologiques humains
(ADN, cellules, tissus).
En revanche, sortent de leur champ d’application, depuis 2004,
les recherches dites “non interventionnelles”. Est dite “non interventionnelle” (décret du 29 décembre 2004) toute étude dans le
cadre de laquelle le ou les produits mentionnés sont prescrits ou
utilisés de manière habituelle, c’est-à-dire en conformité avec :
✓ pour les recherches portant sur les médicaments, l’AMM mentionnée ;
✓ pour les recherches portant sur les dispositifs médicaux, la
notice d’instruction, ou, pour les recherches portant sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, la notice d’utilisation ;
✓ pour les recherches portant sur les produits sanguins labiles,
l’arrêté gérant ces produits ;
✓ pour les recherches portant sur les tissus issus du corps humain et
sur les préparations de thérapie cellulaire, l’autorisation en rapport.
Pour ces quatre points, l’affectation du patient à une stratégie thérapeutique ou médicale donnée n’est pas fixée à l’avance par un
protocole d’essai ; elle relève de la pratique courante, et la décision de prescrire le médicament ou d’utiliser le dispositif médical ou le produit issu du corps humain est clairement dissociée
de celle d’inclure le patient dans une étude. Des méthodes épidémiologiques sont utilisées pour analyser les données recueillies.
✓ pour les recherches portant sur des produits cosmétiques : toute
étude menée chez des volontaires sains à l’aide de méthodes
d’investigations considérées comme non à risque, sur des produits cosmétiques dont la sécurité d’emploi est établie, lorsqu’ils
sont appliqués dans des conditions normales d’emploi ou selon
des méthodes reproduisant ces conditions.
Les recherches dites non interventionnelles sont donc entendues
comme des recherches dont l’objectif est d’évaluer des actes,
combinaisons d’actes ou stratégies de prévention, de diagnostic
ou de traitement qui sont d’utilisation courante, dans le respect
de leurs indications ; les modalités particulières de surveillance
mises en œuvre dans ces recherches ne peuvent comporter que
des risques et des contraintes négligeables pour la personne.
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Il est fondamental de signaler que n’entrent pas dans cette définition de recherches “non interventionnelles” les recherches portant sur une combinaison d’actes nouvelle, même si chacun des
actes pris isolément est d’utilisation courante. De telles combinaisons rentrent quant à elles clairement dans le champ des CPP.
INFORMATION ET CONSENTEMENT
“Préalablement à la réalisation d’une recherche biomédicale sur
une personne, le consentement libre, éclairé et exprès de celle-ci
doit être recueilli.”
Conformément aux principes philosophiques et dans le respect
des textes fondateurs de l’éthique de la recherche, le consentement de la personne doit être recueilli, gage de la reconnaissance
de son autonomie, quand celle-ci est effective. Les termes de la
loi imposent de recueillir ce consentement par écrit (sauf impossibilité). Si la personne est mineure ou en situation d’incapacité,
l’accord sera recueilli par le représentant légal, sans exclure pour
autant le patient du processus d’information. En absence de représentant légal, le débat est ouvert sur la légitimité d’avoir ou non
recours à la personne de confiance, personne que le patient aurait
préalablement désignée.
Quoi qu’il en soit, toute procédure de consentement doit, dans
ses modalités et dans sa forme, recevoir une validation par le CPP.
La personne se prononce après un processus d’information (sans
lequel le consentement est caduque) par lequel l’investigateur lui
fait connaître clairement :
– l’objectif de la recherche, sa méthodologie, sa durée et les bénéfices attendus ;
– les contraintes et les risques prévisibles ;
– les conditions d’arrêt de la recherche avant son terme ;
– son droit de refuser de participer à une recherche ou de retirer
son consentement à tout moment sans encourir aucun préjudice.
En cas de situations d’urgence ou de trouble de la conscience ne
permettant pas de recueillir le consentement préalable du patient,
sera sollicité l’avis de ses proches, s’ils sont présents, ou de la
personne de confiance. L’intéressé sera informé dès que possible,
et son consentement lui sera demandé pour la poursuite éventuelle
de cette recherche. La procédure devra recevoir l’avis du CPP.
Signalons par ailleurs que, pour des personnes vivant en établissement sanitaire et social, le consentement devra être recueilli par
un médecin indépendant de l’institution.
Enfin, un point essentiel mérite d’être mentionné : celui de l’évolution du droit à l’information au cours et à l’issue du protocole.
En effet, durant la recherche, les personnes doivent être informées
du déroulement et de l’évolution du protocole ainsi que des nouvelles orientations éventuelles (le CPP doit d’ailleurs être saisi
en cas de réorientation majeure de la recherche). De plus, à l’issue
de la recherche (loi du 4 mars 2002 relative aux droits des
patients), les patients ont le droit d’être informés des résultats globaux de la recherche.
Comme nous l’avons exposé plus haut, la question de la communication des résultats individuels n’a pas été tranchée par la nouvelle loi. Mais des associations s’appuient de plus sur la loi de
2002, selon laquelle un patient a droit à toute information concernant sa santé, pour revendiquer l’accès aux résultats individuels.
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PLACE ET RÔLE DE L’ASSURANCE
Le promoteur a obligation de souscrire une assurance en cas
d’accident ou faute entraînant un préjudice lors du protocole
(contrat d’assurance garantissant les conséquences pécuniaires de
la responsabilité civile du promoteur). Pour information, les
contrats ne peuvent pas stipuler des garanties d’un montant inférieur à (données 2005) : 1 000 000 euros par victime.
Signalons que, dans un souci absolu de protection des personnes,
l’assureur ne peut pas opposer à la victime ou à ses ayants droit :
✓ le fait que la recherche a été réalisée alors que le consentement
n’avait pas été donné dans les conditions prévues ou avait été retiré ;
✓ de franchise ;
✓ la réduction proportionnelle de l’indemnité prévue par le code
des assurances ;
✓ la déchéance du contrat.
CONDITIONS D’AUTORISATION DES LIEUX
DE RECHERCHES BIOMÉDICALES
Deux principes sont retenus concernant les lieux où se déroulent les recherches :
– les recherches biomédicales ne peuvent être réalisées que
dans des locaux appropriés et avec des moyens en équipements
et en personnels permettant d’assurer une mise en œuvre adéquate du protocole, une surveillance clinique constante et des
soins d’urgence adaptés aux risques ;
– lorsque la recherche porte sur des personnes malades dont
l’état de santé nécessite une hospitalisation, celle-ci ne peut
être menée en dehors des lieux de soins.
Six sous-principes essentiels permettent de mieux expliciter les
notions de sécurité concourrant à la protection des personnes :
✓ en cas d’urgence, la possibilité d’une prise en charge immédiate par un service de soins approprié ;
✓ un nombre de lits en rapport avec les activités prévues ;
✓ une organisation permettant d’archiver et de protéger les données et informations relatives aux recherches et aux personnes
qui s’y prêtent, et, le cas échéant :
– de recueillir et de conserver des échantillons biologiques,
– d’entreposer, dans des conditions appropriées de conservation,
les produits utilisés au cours de la recherche,
– d’assurer la maintenance des objets et matériels expérimentés,
– en cas de préparation d’aliments, de disposer de locaux séparés réservés à cet effet ;
✓ les conditions d’aménagement, d’équipement, d’entretien et
de fonctionnement ainsi que les qualifications nécessaires au
personnel de ces lieux de recherches précisées, en tant que de
besoin, par arrêté du ministre chargé de la santé ;
✓ la mise en place d’un système d’assurance de la qualité ;
✓ lorsque l’autorisation inclut une activité de recherche autour
de médicaments ou de produits destinés à la personne, le lieu doit
disposer :
– d’un pharmacien justifiant d’une expérience pratique d’au
moins un an en matière de conditionnement et d’étiquetage de
médicaments expérimentaux,
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
– de locaux, de moyens en équipements et personnels adaptés
aux activités d’approvisionnement, de conditionnement,
d’étiquetage des médicaments expérimentaux ainsi qu’aux
opérations de stockage correspondantes, nécessaires aux
recherches biomédicales menées dans ces lieux.
Dans le cas de recherches pratiquées sous forme ambulatoire,
des dispositions doivent être prévues pour assurer les mêmes
garanties de sécurité.
PLACE ET RÔLE DE LA BASE DE DONNÉES
(RÉPERTOIRE) DES ESSAIS
ET DU FICHIER NATIONAL
DES PARTICIPANTS
Dans un principe de transparence, et pour faciliter l’information des patients via leurs associations, a été créée à leur
demande une base de données des essais. Ce répertoire des
recherches biomédicales autorisées est mis en place et accessible sur le site Internet de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). L’opposition éventuelle
du promoteur à cette diffusion (pour des raisons stratégiques
ou de préservation de certaines catégories de patients) est
exprimée au moment du dépôt de la demande d’autorisation
auprès de l’autorité compétente et comporte les motifs permettant d’apprécier le caractère légitime de cette opposition.
A par ailleurs été créé un fichier national des personnes qui se
prêtent à des recherches biomédicales. Le but de ce fichier est
de permettre une protection accrue des personnes par un
contrôle du nombre de participations individuelles à des protocoles et par un contrôle des indemnisations perçues (afin d’éviter les dérives et l’exploitation marchande des personnes).
Les informations contenues dans ce fichier ont pour objet
d’assurer :
✓ le respect de la période d’exclusion au cours de laquelle la
personne ne peut se prêter à aucune autre recherche biomédicale ;
✓ le contrôle du montant total des indemnités perçues par
cette personne.
Le fichier est alimenté, consulté, interrogé et mis à jour par
les investigateurs des recherches biomédicales. Son accès est
subordonné à l’utilisation de codes d’accès confidentiels.
C’est le CPP qui demande d’inscrire au fichier des personnes
participant à une recherche biomédicale ; il détermine pour
ces personnes une interdiction de participer simultanément à
une autre recherche ou une période d’exclusion.
Les personnes susceptibles d’être inscrites dans le fichier sont
informées par l’investigateur de l’existence de celui-ci et des
données qui y sont contenues.
L’interrogation du fichier permet à l’investigateur de s’assurer que la personne n’est pas empêchée de participer à la
recherche pour les raisons suivantes :
✓ en raison d’une exclusion du fait de sa participation à une
autre recherche ;
✓ lorsque l’intéressé a déjà perçu au cours des douze mois
précédents une indemnité excédant le maximum annuel fixé
par décret par le ministre chargé de la santé.
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES ET EFFETS INDÉSIRABLES
INATTENDUS : VIGILANCE ET MESURES URGENTES
DE SÉCURITÉ, UNE ACTION CONJOINTE
DES INVESTIGATEURS, DU PROMOTEUR,
DU CPP ET DE L’AUTORITÉ COMPÉTENTE
On entend par événement indésirable “toute manifestation nocive
survenant chez une personne qui se prête à une recherche biomédicale, que cette manifestation soit liée ou non à la recherche ou
au produit sur lequel porte cette recherche”.
Par ailleurs, on entend par effet indésirable inattendu “un effet
dont la nature, la sévérité ou l’évolution ne concorde pas avec
les informations relatives aux produits, actes et méthodes utilisés au cours de la recherche” (informations figurant notamment,
dans le cas d’un médicament expérimental, dans la brochure
destinée à l’investigateur, et, dans le cas d’un médicament autorisé, dans le résumé des caractéristiques du produit).
L’investigateur notifie immédiatement au promoteur tous les
événements et effets indésirables graves. Cette notification est
suivie de rapports complémentaires écrits détaillés dans lesquels
l’investigateur notifie au promoteur les événements indésirables
et les résultats d’analyse anormaux définis dans le protocole
comme déterminants pour l’évaluation de la sécurité des personnes. Dans les notifications comme dans les rapports ultérieurs, les personnes qui se prêtent à la recherche sont identifiées par un numéro de code (respect du secret). L’investigateur
peut également communiquer ces données directement au CPP.
Le promoteur, quant à lui, tient des registres détaillés de tous
les événements et effets indésirables qui lui sont notifiés par
le ou les investigateurs. Pour toutes les recherches biomédicales, il transmet aux autres investigateurs toute information
susceptible d’affecter la sécurité des personnes qui lui a été
notifiée par un investigateur. Par ailleurs, le promoteur
déclare tout effet indésirable grave inattendu au ministre
chargé de la santé et au CPP concerné, sans délai à compter
du jour où il en a eu connaissance (pour certains essais, il doit
transmettre aussi les effets survenus hors du territoire national). Dans le cas d’un effet indésirable grave inattendu ayant
entraîné la mort ou mis en danger la vie du patient, la notification est faite dans un délai maximal de 7 jours à compter du
jour où le promoteur en a eu connaissance.
Des mesures urgentes de sécurité sont alors prises, consistant
soit en l’arrêt de la recherche, soit en la prise de mesures immédiates. Elles sont suivies, selon les cas, soit d’une demande de
modification substantielle, soit d’une déclaration concernant la
fin de la recherche. Les demandes d’avis et d’autorisation sur
les modifications substantielles sont déposées, dans un délai de
15 jours à compter de l’introduction des mesures urgentes de
sécurité, auprès de l’autorité compétente et du CPP concerné.
Face aux événements indésirables et effets indésirables inattendus, l’autorité compétente du ministère prend les mesures
appropriées pour assurer la sécurité des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales portant sur des produits de
santé ; elle peut décider de la suspension ou de l’arrêt d’un protocole. Quelle que soit sa décision, elle en informe le CPP (qui
lui-même a pu déjà l’informer selon le principe de l’information croisée).
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Pour les recherches biomédicales portant sur les médicaments,
le directeur général de l’Afssaps s’assure que toutes les suspicions d’effet indésirable grave inattendu survenues en France
et portées à sa connaissance sont enregistrées et introduites
dans la base européenne de données mise en place par
l’Agence européenne des médicaments.
SUIVI DES PROTOCOLES (INDÉPENDAMMENT DES EFFETS
INDÉSIRABLES GRAVES) : ACTION CONJOINTE DES CPP
ET DE L’AUTORITÉ COMPÉTENTE
De manière à éviter que l’avis d’un comité ne soit perçu comme
un blanc-seing et de façon à évaluer la pertinence des avis (d’autant
que le CPP et l’autorité compétente peuvent avoir des degrés
d’incertitude dans leurs estimations positives lors du rendu d’un
avis), une fois par an, pendant toute la durée de la recherche ou
sur demande, le promoteur transmet à l’autorité compétente un
rapport de sécurité.
De plus, pour tout protocole, dans un délai de 90 jours à compter de la fin de la recherche, le promoteur informe l’autorité compétente, ainsi que le CPP concerné, de la date effective de l’arrêt
de celle-ci tel que défini par le protocole. Si l’arrêt de la recherche
biomédicale est anticipé, le promoteur procède à cette information dans un délai de 15 jours et communique les raisons qui le
motivent. Dans tous les cas, le promoteur transmet à l’autorité
compétente les résultats de la recherche sous forme d’un résumé
du résultat dans un délai de un an à compter de la fin de la
recherche.
CONCLUSION
Depuis 1988, la loi Huriet-Sérusclat et le travail entre médecins/chercheurs et CPP (anciennement CPPRB) ont permis,
même si des améliorations sont à apporter de part et d’autre, de
placer la France au premier rang de la qualité éthique de la
recherche biomédicale. L’ensemble des principes et règles qui
guident la protection des personnes dans la recherche biomédicale est le fruit d’une évolution citoyenne du concept de recherche
sur l’homme. Même si l’adhésion de certains professionnels à ces
principes reste à parfaire, ces derniers sont aujourd’hui majori-
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tairement convaincus de leur bien-fondé sur le plan humain, mais
également en termes de rigueur intellectuelle et scientifique. Il
conviendra de suivre avec attention la façon dont les cliniciens/
chercheurs, les membres des CPP, les patients et leurs représentants adopteront ces évolutions et les feront vivre au sein des institutions de soins et de recherche.
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...
✓ Rubrique éthique de la recherche sur www.ethique.inserm.fr, version 2006.
✓ Loi n° 2002-302 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Journal officiel de la République Française du 5 mars
2002, www.legifrance.gouv.fr.
✓ Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique (modifiant notamment la loi Huriet relative à la recherche biomédicale, intégrée pour
cette partie au Code de la santé publique, articles L. 1121-1 et suivants), Journal
officiel de la République française du 11 août 2004, www.legifrance.gouv.fr.
✓ De Montgolfier S, Moutel G, Duchange N et al. Evaluation of biobank constitution and use: multicentre analysis in France and propositions for formalising
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receiving unfavourable reports from 19 research ethics committees. Therapie
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✓ Fauriel I, Moutel G, Duchange N et al. Evaluation of decision-making by
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✓ Fauriel I, Moutel G, Francois I et al. The protection of persons and biomedical research in France. A multicentre study of 10 committees. Presse Med
2003;32(40):1887-91.
✓ Callies I, Moutel G. Communication of the results to those participating in
biomedical research. Presse Med 2003;32(20):517-8.
✓ Grand E, Hervé C, Moutel G. Les éléments du corps humain, la personne et la
médecine. Paris : L’Harmattan, 2005.
✓ Knoppers B, Herve C, Molinari P, Moutel G. Place de la bioéthique en
recherche et dans les services cliniques. Paris : Dalloz, 2004.
✓ Moutel G. Le consentement dans les pratiques de soins et de recherche : entre
idéalisme et réalités cliniques. Paris : L’Harmattan, 2003.
✓ Moutel G, Duchange N, Raffi F et al. Communication of pharmacogenetic
research results to HIV infected treated patients: professionals versus patients’
standpoints. Eur J Hum Genet 2005;13(9):1055-62.
La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
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