INTRODUCTION : DES NOUVEAUTÉS MAJEURES ET DES ÉLÉMENTS DE DÉBAT

INTRODUCTION : DES NOUVEAUTÉS MAJEURES
ET DES ÉLÉMENTS DE DÉBAT
En juillet 2004, la nouvelle loi de santé publique a été adoptée
par le Parlement. La loi Huriet-Sérusclat de 1988, déjà adaptée
en 1994 et qui encadre la recherche biomédicale, est au cœur de
cette réforme, entrée depuis 2006 en application.
Les modifications de la loi Huriet s’avéraient nécessaires pour
contrebalancer les insuffisances de la transposition en droit fran-
çais de la directive européenne de 2001 sur les essais cliniques.
La question était donc de se mettre en conformité avec cette
directive tout en respectant les fondements et grands principes
encadrant la recherche médicale en France depuis 1988.
L’un des points de la réforme est tout d’abord que les comités
consultatifs de protection des personnes dans la recherche bio-
médicale (CCPPRB) deviennent les comités de protection des
personnes (CPP). Les comités ne sont donc plus des instances
consultatives, mais des instances dotées d’une véritable autorité,
et leurs demandes et recommandations doivent être suivies
d’effet, avec possibilité de contrôle tout au long des protocoles
dès lors que cela serait jugé nécessaire.
L’évolution notable réside par ailleurs dans l’abandon de la clas-
sification française, qui a prévalu jusqu’en 2004, des protocoles
en deux catégories : les protocoles avec bénéfices individuels
directs (ABID) et ceux sans bénéfices individuels directs (SBID),
qui nécessitaient une protection renforcée et des règles spéci-
fiques. Désormais, l’évaluation de tous les protocoles reposera
sur la balance bénéfice/risque, c’est-à-dire sur “le caractère satis-
faisant de l’évaluation des bénéfices et des risques attendus”.
Comme le souligne C. Huriet, “l’exercice [...] semble plus diffi-
cile : le but de la recherche étant justement d’évaluer le rapport
bénéfice/risque d’un nouveau traitement”. Le travail des CPP s’en
trouvera complexifié. Par ailleurs, à la demande des associations
d’usagers et dans la logique de la loi du 4 mars 2002 relative aux
droits des patients, les CPP devront désormais avoir en leur sein
des représentants de ces associations. De plus, pour faciliter la
transparence et la visibilité des essais auprès du public, une base
de données des recherches biomédicales est créée au niveau natio-
nal et européen. Mais dans certains cas, pour respecter l’exigence
du secret industriel, seuls figureront certains éléments pertinents
du protocole, sachant que le promoteur d’une recherche peut
pour des raisons légitimes (après acceptation par l’autorité com-
pétente du ministère) s’opposer à la communication dans cette
base de tout ou partie du protocole.
Autre nouveauté, la loi a entériné le fait qu’il faille préciser clai-
rement aux patients leurs modalités de prise en charge pendant
la recherche, mais également au décours de celle-ci. La question
de la sortie de protocole et de l’après-protocole (lien entre
recherche et clinique) est un élément central de réflexion à ce
niveau. En pratique, il est difficile de proposer la poursuite d’un
même traitement au décours immédiat d’une expérimentation,
dans la mesure où l’on ne dispose de toutes les analyses et conclu-
sions d’un protocole qu’après un certain délai. Il est donc parfois
difficile de concevoir que l’on puisse prolonger la délivrance de
tous les traitements à l’issue d’un protocole, même si les per-
sonnes atteintes de maladies graves sont prêtes à accepter un
risque important. Il y aurait une confusion entre soin et recherche
qui ne serait pas saine. Il s’agit donc dans ce débat d’exposer
désormais clairement cela aux patients. Il conviendra en parti-
culier de leur dire si l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU)
pourra ou non être accordée, sachant qu’elle ne sera délivrée que
dans les cas où on disposera d’un recul suffisant par rapport au
temps de la recherche, avec des données jugées acceptables.
Dans ce même cadre, l’information relative au devenir des don-
nées de la recherche à l’issue du protocole est désormais recon-
nue comme un droit des patients. Celui-ci concerne la commu-
nication des résultats globaux de la recherche. La question de la
communication des résultats individuels n’a pas été tranchée par
la nouvelle loi : d’un point de vue scientifique, il s’agit en effet
de résultats de recherche (donc pas toujours valides d’un point
de vue technique et méthodologique), donc comportant des incer-
titudes concernant un usage en clinique. Mais des représentants
de patients plaident le fait que, plutôt que d’éviter de transmettre
des informations jugées non pertinentes, il serait préférable de
ÊTRE & SAVOIR
La recherche biomédicale et la protection des personnes
en France : état des lieux sur les principes éthiques,
éléments du débat et règles pratiques pour les promoteurs
et investigateurs d’un projet de recherche clinique
G. Moutel*
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
* Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, faculté de médecine,
université Paris-5.
Secrétaire général de la Société française et francophone d’éthique médicale
(Sffem).
les donner en expliquant pourquoi elles ne sont pas pertinentes.
La question de la communication des résultats individuels et des
modalités de cette communication devra donc être réétudiée et à
terme prise en considération, d’autant que la loi du 4 mars 2002
précise que tout patient peut avoir accès à l’information médi-
cale qui le concerne. Le problème est que cette loi de 2002, votée
dans l’urgence et sans travail préalable suffisant, s’est centrée sur
le soin et a négligé le cas de la recherche biomédicale.
Concrètement, il convient pour les promoteurs et investigateurs
ainsi que pour tous les professionnels à même de conseiller des
patients d’intégrer au mieux dans leur pratique ces nouvelles
modalités d’encadrement de la recherche clinique.
FONDEMENT HISTORIQUE DE LA PROTECTION
DES PERSONNES
C’est dans la Grèce antique que notre civilisation voit naître le
premier chaînon de la notion de personne. Dans la langue hellé-
nique, à côté des mots anthropos (l’homme en général) et soma,
(l’individu animé, parfois même pourvu d’une individualité juri-
dique), existait le terme prosôpon, qui a d’abord désigné la face,
le visage humain, l’autre comme entité à part entière, consciente
et libre. C’est avec Cicéron que se met en place dans toute sa plé-
nitude la signification du mot latin persona, avec des repères tex-
tuels incontestables : rôle en justice, rôle social, réalité collective,
personnalité marquante, personne juridique par opposition aux
choses. Dans la civilisation tant latine qu’hellénique, c’est donc
la dimension ontique de persona (qui relève de “l’étant”, du “je
suis”) qui s’est peu à peu imposée, persona signifiant l’individu
concret, singulier, rencontré tous les jours dans sa proximité. En
France, ce sera Descartes qui exposera la notion de sujet pensant,
sujet qui s’assure de son existence personnelle ; il en acquiert la
certitude au terme du doute méthodique ; et, dans l’action, le sujet
cartésien exerce son libre arbitre, cette liberté de la volonté. Kant
infléchit quant à lui le concept de personne vers sa dimension
essentiellement morale, car l’attribut essentiel qui lui sera reconnu
est celui de l’autonomie. L’autonomie forge la personnalité du
sujet moral, assure sa dignité, le rendant capable de se constituer
législateur de sa propre loi, et d’en faire, par la suite, son devoir.
La notion de protection des personnes dans les pratiques de
recherche, telle qu’on l’entend aujourd’hui, apparaît dans les
années 1930. L’éthique de la recherche est à cette époque un
concept issu de la république de Weimar en Allemagne, avant la
Seconde Guerre mondiale ; mais le triste revers de l’histoire a fait
en réalité que la prise de conscience réelle dans ce domaine a eu
lieu après guerre, lors du procès de Nuremberg. En effet, après
les expériences atroces pratiquées sur l’homme dans les camps
nazis, le code de Nuremberg, fruit du procès des médecins nazis,
introduit la nécessité d’affirmer des principes éthiques clairs qui
doivent s’imposer à tous chercheurs et médecins lors d’une
recherche biomédicale.
Plusieurs thèmes principaux interdépendants sont à la base de ce
code :
le respect du sujet de recherche, au travers notamment du
consentement ;
– les responsabilités du chercheur à son égard ;
– l’expérience doit éviter toute souffrance et tout dommage non
nécessaires ;
– tout risque de provoquer des blessures, l’invalidité ou la mort
doit a priori être rejeté ;
le sujet ne doit être invité à intégrer un protocole de recherche
que si celle-ci s’inscrit dans une démarche scientifique rigoureuse ;
le sujet doit être libre avant et pendant l’expérience et doit pou-
voir l’interrompre s’il estime avoir atteint l’état mental ou phy-
sique au-delà duquel il ne peut aller.
Dans les années 1960 intervient une nouvelle prise de conscience,
la communauté médicale apprenant que des essais ont encore lieu
sans respect des règles éthiques élémentaires, à peine 20 ans
après la fin du procès de Nuremberg. En 1966, le Dr Henry Bee-
cher, occupant la chaire de recherche en anesthésie de l’univer-
sité de Harvard, publie à ce propos dans le New England Jour-
nal of Medicine un article répertoriant 22 recherches effectuées
aux États-Unis au mépris des principes éthiques énoncés précé-
demment. Il relève ainsi :
l’injection de cellules cancéreuses vivantes à des personnes
âgées et séniles placées en institution pour analyse les résistances
immunologiques ;
la privation de pénicilline pour des syphilitiques d’un groupe
témoin participant à une étude de longue durée sur l’évolution de
la syphilis avec et sans traitement ;
– l’injection du virus de l’hépatite B à de jeunes résidents d’une
institution psychiatrique de l’État de New York pour voir com-
ment se développe la maladie ;
l’insertion d’un cathéter dans la vessie de 26 nouveau-nés, avec
prise d’une série de radios pour analyser le remplissage et la
vidange vésicale.
Pour ces raisons, la communauté internationale promulgue dès
1964 un texte adopté par les États démocratiques à Helsinki.
Cette déclaration d’Helsinki a depuis été adaptée, et ratifiée par
de nombreux pays.
La plus récente version comporte les fondements suivants :
il est d’abord souligné que le médecin doit exercer la plénitude
de son savoir et que, dès lors, il est obligé pour faire avancer le
progrès médical d’effectuer des recherches diagnostiques, théra-
peutiques et dans le domaine de la prévention ;
la notion de risque est reconnue ; toutefois, la recherche doit
protéger au maximum la santé des participants, bien avant les inté-
rêts de la science ou de la société ;
la validité scientifique doit être assurée par les prérequis, qui
consistent en l’étude des publications scientifiques en labora-
toire et sur l’animal, par l’écriture d’un protocole expérimental
valide, et par un encadrement assuré par des médecins et scien-
tifiques compétents et pleinement responsables de l’étude ;
– un comité indépendant doit examiner le protocole ; il doit être
indépendant pour éviter les conflits d’intérêts avec les financeurs
et les investigateurs ;
quoi qu’il en soit et en toute circonstance, le médecin doit pro-
téger la vie, la santé, la dignité et l’intimité de la personne ainsi
que son équilibre physique et psychologique ;
la balance bénéfice/risque doit être évaluée et jugée acceptable
par le comité ; toutefois, la recherche sur volontaire sain ou une
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
prise de risque sur des patients est possible, à condition que
l’importance de l’objectif recherché soit médicalement et humai-
nement supérieure aux contraintes et aux risques encourus par le
sujet ;
– la recherche menée au cours d’un traitement n’est valable que
si elle poursuit un possible intérêt diagnostique, thérapeutique ou
de prévention, si les méthodes existantes sont insuffisamment
efficaces : il s’agit là de la reconnaissance de l’innovation théra-
peutique pour offrir un espoir de sauver des vies ou de soulager
la souffrance du malade. Mais cette reconnaissance ne peut avoir
lieu que si la démarche est une démarche de recherche respec-
tant les principes éthiques de toute recherche. La méthodologie
doit de plus impérativement comparer le nouveau traitement au
traitement de référence ;
l’information doit être appropriée, claire, compréhensible et
complète, portant sur les objectifs, les risques et les contraintes,
et le médecin doit s’assurer de sa bonne compréhension ;
– le médecin doit expliquer la prise en charge au patient en dif-
férenciant clairement celle liée aux soins et celle liée à la
recherche tout en préservant la même relation médecin-malade
à tout moment quelle que soit la décision du patient ;
après l’information, le consentement écrit doit être obtenu de
manière libre, c’est-à-dire sans aucune pression. En cas de proto-
coles sur des personnes en état d’impossibilité juridique de consen-
tir, plusieurs conditions sont requises : le choix de cette population
doit être justifié, la recherche doit apporter un bénéfice au patient,
il faut l’accord du comité et l’accord préalable du représentant légal.
En France, les principes d’Helsinki sont reconnus comme essen-
tiels et, au début des années 1980, un groupe de travail, consti-
tué de membres du Conseil d’État, de professeurs de médecine,
de professeurs de droit ainsi que de membres de la Cour de cas-
sation et dirigé par Guy Braibant en lien avec le Pr Jean Bernard
(président du Comité consultatif national d’éthique qui nous a
récemment quitté), affirme la nécessité d’une loi en raison d’une
contradiction :
le fait de porter atteinte au corps d’autrui sans finalité théra-
peutique est sanctionnable en droit. La recherche sans intérêt thé-
rapeutique avait été jugée illicite par la cour d’appel d’Angers en
1978 et le code de déontologie, dans son article 19, précisait que
les recherches étaient nécessaires à condition de présenter un
intérêt direct pour la personne ;
or, l’ordonnance du 23 septembre 1967 concernant les autori-
sations de mise sur le marché (AMM) des médicaments stipu-
lait que le fabricant devait avoir vérifié l’innocuité des produits,
dans des conditions normales d’emploi, et que leur mise en
œuvre devait préalablement nécessiter des recherches sur volon-
taires sains. De plus, le concept même de recherche médicale
sur tout patient, mais en particulier sur des volontaires sains, ne
permet pas toujours d’assurer qu’il y aura un intérêt direct pour
les personnes.
Le 2 juin 1988, le Pr Claude Huriet dépose au Sénat une propo-
sition de loi relative aux essais chez l’homme. Le Sénat, dans sa
séance du 12 octobre 1988, adopte une proposition de loi “rela-
tive à la protection des personnes qui se prêtent à la recherche
biomédicale”, transmise à l’Assemblée nationale. La loi n° 88-1138
est adoptée le 20 décembre 1988 et publiée au Journal officiel de
la République française le 22 décembre 1988. Cette loi lève les
contradictions antérieures et place la France en conformité avec
les règles d’Helsinki. Elle instaure des CCPPRB, comités consul-
tatifs de protection des personnes qui se prêtent à la recherche
biomédicale, dans chaque région. Ces CCPPRB deviendront dans
le texte de 2004, lors de l’adaptation de la loi Huriet à la direc-
tive européenne, des CPP, comités de protection des personnes.
Les CPP perdent donc leur caractère uniquement consultatif,
c’est-à-dire que leur rôle de passage obligatoire est renforcé, mais
aussi que le contrôle de l’État est renforcé. Les CPP acquièrent
ainsi un nouveau statut où la responsabilité de l’État est engagée
en cas de faute des comités et où les avis et recommandations
prennent désormais un caractère officiel, avec possibilité, si
besoin, de suivi des protocoles, en particulier pour les effets et
événements indésirables. De plus, les CPP feront l’objet d’une
évaluation de leur activité et de leurs compétences.
Enfin, cette réforme entraîne des modifications des rapports entre
promoteur, investigateurs et CPP ainsi qu’une évolution des rôles
de chacun, évolution que nous exposons ci-après.
RÔLES ET OBLIGATIONS DES PROMOTEURS
ET DES INVESTIGATEURS, GARANTS DE LA PROTECTION
DES PERSONNES DANS LA RECHERCHE
On appelle promoteur “la personne physique ou morale qui prend
l’initiative d’une recherche biomédicale” (personne physique ou
morale qui se porte garante de l’initiative de la recherche et de
ses conséquences, avec en particulier une obligation d’assurance).
Le ou les investigateurs sont “la ou les personnes physiques qui
dirigent et surveillent la réalisation de la recherche”.
Le promoteur a des obligations bien précises :
il doit s’assurer que les objets matériels ainsi que les médicaments
ou produits expérimentés ou utilisés comme référence dans le cadre
d’une recherche biomédicale sont fournis gratuitement, ou mis
gratuitement à disposition pendant le temps de la recherche ;
– il prend en charge les frais supplémentaires liés à d’éventuels
fournitures ou examens spécifiquement requis par la recherche
ou pour la mise en œuvre de celle-ci. Lorsque l’essai est réalisé
dans un établissement de soins, la prise en charge de ces frais fait
l’objet d’une convention conclue entre le promoteur et le repré-
sentant légal de cet établissement ;
– il a obligation de souscrire une assurance en cas d’accident ou
faute entraînant un préjudice lors du protocole (contrat d’assu-
rance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsa-
bilité civile du promoteur).
L’investigageur est également assujetti à certaines obligations :
il doit être (sauf exception) un médecin garant de la protection
des personnes, de la qualité des soins et de toute la prise en
charge. Il doit respecter avant tout les règles déontologiques et
faire primer le soin sur la recherche ;
il doit respecter les décisions et avis du CPP ainsi que les principes
du code de déontologie médicale qui priment en toute situation ;
il est également garant du respect des droits des patients en termes :
d’information,
de consentement,
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
de vérification de la situation du patient sur le fichier national
des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales
(période d’exclusion et montant des indemnités perçues) [voir
paragraphe correspondant ci-après],
d’arrêt du protocole sur la personne en cas de dangerosité ou
d’aléas,
de respect de la volonté du patient de se retirer du protocole à
tout moment sans préjudice et avec prolongation des soins.
LES COMITÉS DE PROTECTION DES PERSONNES (CPP) :
RÔLE, FONCTIONNEMENT ET ENJEUX ÉTHIQUES
Des principes généraux guident l’action des CPP. Leur mission
est de s’assurer qu’aucune recherche ne puisse être entreprise :
si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scien-
tifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante ;
si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l’être
humain et les moyens susceptibles d’améliorer sa condition ;
– si elle ne répond pas aux exigences de respect de la dignité et
de protection des personnes tels que définis par les textes inter-
nationaux et la loi.
En pratique, toute recherche biomédicale doit être réalisée après
avis favorable du CPP et autorisation de l’autorité compétente au
ministère.
La demande d’avis sur un projet de recherche biomédicale est
adressée au comité par le promoteur. Il existe au moins un CPP
par région. L’agrément des CPP est délivré pour une durée de
quatre ans. La pluridisciplinarité de leur composition est une de
leur valeur essentielle. En effet, les comités sont composés de
manière à garantir leur indépendance et la diversité des compé-
tences tant dans le domaine biomédical qu’à l’égard des questions
éthiques, sociales, psychologiques et juridiques. Ainsi, depuis la
nouvelle loi, les CPP comprennent des membres titulaires, d’ori-
gines et de compétences différentes, répartis en 7 catégories :
professionnels de santé, dont au moins trois médecins et un
pharmacien hospitalier. Deux de ces professionnels doivent avoir
une expérience approfondie en matière de recherche biomédicale ;
méthodologiste ayant une expérience approfondie en matière
de recherche en santé ;
personne qualifiée en raison de sa compétence à l’égard des
questions d’éthique ;
assistant de service social ;
psychothérapeute ou une personne qualifiée en raison de ses
compétences dans le domaine des sciences comportementales ;
personnes qualifiées en raison de leur compétence en matière
juridique, dont un enseignant permanent d’une UFR de droit ;
représentants des associations agréées de malades ou d’usa-
gers du système de santé.
De plus, le représentant de l’État nomme, pour chaque membre
titulaire de chacune des catégories énumérées, un membre sup-
pléant.
Pour rendre un avis, le principe d’une éthique de la discussion
doit être respecté. C’est pourquoi, pour être valables, les délibé-
rations du comité requièrent la présence de six membres au moins,
dont au moins quatre appartenant à la première catégorie et au
moins un dans chacune des six autres.
Quant au principe d’indépendance, il est également essentiel.
Les comités exercent leur mission en toute indépendance vis-à-
vis de l’État, des promoteurs, des investigateurs ou de toute pres-
sion externe, quelle qu’elle soit. Il convient donc de souligner que
ne peuvent valablement participer à une délibération les per-
sonnes qui ne sont pas indépendantes vis-à-vis du promoteur et
de l’investigateur de la recherche examinée.
En ce qui concerne la décision, les avis sont en théorie, selon les
termes de la loi, rendus à la majorité simple des membres pré-
sents, sur rapport d’un des membres du comité désigné par le pré-
sident ou d’un expert appelé à participer aux travaux du comité.
Le vote au scrutin secret est de droit (mais non obligatoire et, en
pratique, rare) ; en cas de vote avec partage égal des voix, le pré-
sident de séance a voix prépondérante (rarement utilisée en pra-
tique également).
Une situation de vote est en effet une situation qui pose question,
le but étant que tous les membres trouvent un accord commun
ou du moins un accord largement majoritaire, vu l’importance de
l’enjeu : s’assurer que la protection sera effective et de qualité.
Sur quoi se prononce le CPP pour rendre un avis positif ou néga-
tif ? Les points particulièrement pris en compte sont :
la validité de la recherche et de sa conception ;
les garanties prévues pour les personnes qui se prêtent à la
recherche ;
les modalités de recrutement, d’information des personnes et
de recueil de leur consentement, ainsi que les modalités de leur
indemnisation éventuelle ;
la pertinence éthique et scientifique du projet.
C’est pourquoi, en pratique, le dossier de demande adressé au
comité par le promoteur doit comprendre un dossier administra-
tif (en pratique, se renseigner auprès du CPP de sa région) et un
dossier sur la recherche biomédicale, ce dernier comportant
notamment le protocole, constitué par un document daté, inté-
grant, le cas échéant, les modifications successives et décrivant
le ou les objectifs, la conception, la méthode, les aspects statis-
tiques et l’organisation de la recherche.
Ce dossier doit comporter des renseignements sur la nature et les
modalités de la recherche :
identité du promoteur et identité du fabriquant du médicament
s’il est distinct du promoteur ; identités et compétences des inves-
tigateurs (CV)
titre et objectif de la recherche (exposé des prérequis scienti-
fiques, descriptif complet du protocole avec un résumé, méthode,
statistique, organisation et déroulement dans le temps…) ;
toutes informations utiles sur le médicament, le produit, l’objet,
le matériel ou la méthode expérimentés ;
– cahiers d’observations ;
– brochure pour les investigateurs ;
– accord écrit du ou des chefs de service ;
– accord de la DRC (si AP/HP) et/ou des directeurs des établis-
sements ;
– exposé des bénéfices et des risques.
Il doit comporter également tous les renseignements permettant
d’évaluer la protection des personnes :
– évaluation de la balance bénéfice/risque ;
– procédures de recrutement des personnes ;
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La Lettre du Cancérologue - Volume XV - n° 3 - mai-juin 2006
.../...
procédures d’information, de consentement initial et de droit
de retrait ;
procédures d’information durant le protocole, et précisions sur
les modalités de diffusion des résultas globaux auprès des parti-
cipants (loi du 4 mars 2002, droits des malades) ;
lieu(x) de la recherche, sécurité des locaux, sécurité des per-
sonnes, gestion de l’urgence ;
– protection des personnes plus vulnérables ;
– attestation de l’assurance souscrite par le promoteur ;
– indemnisation ou non ;
– proposition d’une période d’exclusion ou non.
Signalons ici le cas particulier de la collecte d’échantillons bio-
logiques. Pour ces collections d’échantillons biologiques
humains, constituées en dehors du cadre d’une recherche bio-
médicale, le CPP se prononce sur la qualité de l’information des
participants, les modalités de recueil du consentement et la per-
tinence éthique et scientifique du projet. En cas d’utilisation
d’éléments et de produits du corps humain à des fins scientifiques
relevant d’un changement de finalité par rapport au consentement
initialement donné, le comité, le cas échéant, s’assure que le nou-
veau consentement des personnes est bien recueilli. Si la collecte
a lieu au sein d’un protocole de recherche, ces points sont ana-
lysés par le CPP avec l’ensemble du protocole.
La finalité de l’encadrement de la recherche étant d’assurer la
protection des participants sans retarder les recherches qui font
partie d’enjeux stratégiques, scientifiques ou industriels, le CPP
se prononce dans un délai de 35 jours. Le comité peut deman-
der au promoteur les éléments d’information complémentaires
qu’il estime nécessaires à l’examen du dossier. Il peut également
demander au promoteur de modifier son projet. Le délai est alors
suspendu jusqu’à réception des éléments demandés ou, le cas
échéant, du projet modifié. Dans ce cas, le comité se prononce
dans un délai maximal de 60 jours. Pour les collections d’échan-
tillons biologiques et l’utilisation d’éléments et de produits du
corps humain à des fins scientifiques, le CPP saisi se prononce
dans un délai de 15 jours. L’autorité compétente du ministère
est informée de l’avis du CPP. Les avis concernant les collec-
tions d’échantillons biologiques sont en outre adressés sans délai
aux ministres chargé de la santé et de la recherche et, le cas
échéant, au directeur régional de l’hospitalisation territoriale-
ment compétent.
En cas de modifications substantielles de la recherche, le CPP
doit être saisi à nouveau. On entend par modification substan-
tielle de la recherche : “toute modification de nature à avoir un
impact significatif sur la protection des personnes, sur les condi-
tions de validité de la recherche, sur les résultats de la recherche,
sur l’interprétation des documents scientifiques qui viennent
appuyer le déroulement de la recherche ou sur les modalités de
conduite de celle-ci”.
Toute modification du projet de recherche affectant de manière
substantielle les informations communiquées au comité fait ainsi
l’objet d’une demande d’avis complémentaire, accompagnée des
justifications appropriées. Le comité rend son avis dans un délai
maximal de deux semaines à compter de la réception de
l’ensemble des informations requises concernant la proposition
de modification.
CHAMP D’APPLICATION DES CPP : UN DISTINGUO
ENTRE RECHERCHES ET RECHERCHES NON
INTERVENTIONNELLES
Il y a recherche lorsque, au-delà de l’acte de soins et de l’intérêt
immédiat du patient, le médecin cherche à faire progresser la
connaissance scientifique, c’est-à-dire à dégager et à formaliser
un enseignement de portée générale.
Il doit alors mettre en œuvre une organisation distincte des soins.
Tous les essais et expérimentations sur l’homme sont concernés
et doivent être soumis aux comités dès lors qu’ils innovent en
termes de produits ou de techniques utilisés, ou dès lors qu’ils
utilisent une nouvelle association de techniques ou de produits ;
– nouveaux médicaments ;
– nouvelle technique chirurgicale ;
– nouvelles méthodes de diagnostic invasives ou porteuses d’un
risque potentiel ;
– étude psychologique ou comportementale, etc.
Fait en outre désormais partie, comme nous l’avons déjà évoqué,
des missions des CPP la validation des procédures éthiques (infor-
mation, consentement et légitimité de la démarche) lors de la
constitution de collections d’échantillons biologiques humains
(ADN, cellules, tissus).
En revanche, sortent de leur champ d’application, depuis 2004,
les recherches dites “non interventionnelles”. Est dite “non inter-
ventionnelle” (décret du 29 décembre 2004) toute étude dans le
cadre de laquelle le ou les produits mentionnés sont prescrits ou
utilisés de manière habituelle, c’est-à-dire en conformité avec :
pour les recherches portant sur les médicaments, l’AMM men-
tionnée ;
pour les recherches portant sur les dispositifs médicaux, la
notice d’instruction, ou, pour les recherches portant sur les dis-
positifs médicaux de diagnostic in vitro, la notice d’utilisation ;
pour les recherches portant sur les produits sanguins labiles,
l’arrêté gérant ces produits ;
pour les recherches portant sur les tissus issus du corps humain et
sur les préparations de thérapie cellulaire, l’autorisation en rapport.
Pour ces quatre points, l’affectation du patient à une stratégie thé-
rapeutique ou médicale donnée n’est pas fixée à l’avance par un
protocole d’essai ; elle relève de la pratique courante, et la déci-
sion de prescrire le médicament ou d’utiliser le dispositif médi-
cal ou le produit issu du corps humain est clairement dissociée
de celle d’inclure le patient dans une étude. Des méthodes épi-
démiologiques sont utilisées pour analyser les données recueillies.
pour les recherches portant sur des produits cosmétiques : toute
étude menée chez des volontaires sains à l’aide de méthodes
d’investigations considérées comme non à risque, sur des pro-
duits cosmétiques dont la sécurité d’emploi est établie, lorsqu’ils
sont appliqués dans des conditions normales d’emploi ou selon
des méthodes reproduisant ces conditions.
Les recherches dites non interventionnelles sont donc entendues
comme des recherches dont l’objectif est d’évaluer des actes,
combinaisons d’actes ou stratégies de prévention, de diagnostic
ou de traitement qui sont d’utilisation courante, dans le respect
de leurs indications ; les modalités particulières de surveillance
mises en œuvre dans ces recherches ne peuvent comporter que
des risques et des contraintes négligeables pour la personne.
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