La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 5 - septembre-octobre 2006
Éthique
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Quoi qu’il en soit et en toute circonstance, le médecin doit pro-
téger la vie, la santé, la dignité et l’intimité de la personne ainsi que
son équilibre physique et psychologique.
La balance bénéfice/risque doit être évaluée et jugée acceptable
par le comité. Toutefois, la recherche sur volontaire sain ou une
prise de risque sur des patients consentants est possible, à condi-
tion que l’importance de l’objectif recherché soit médicalement
et humainement supérieure aux contraintes subies et aux risques
encourus par le sujet.
La recherche menée au cours d’un traitement n’est valable que
dans un possible intérêt diagnostique, thérapeutique ou de pré-
vention, si les méthodes existantes sont insuffisamment efficaces :
il s’agit là de la reconnaissance de la valeur de l’innovation théra-
peutique, qui offre un espoir de sauver des vies ou de soulager la
souffrance de malades. Mais cette reconnaissance ne peut avoir
lieu que si cette innovation s’inscrit dans une démarche respec-
tant les principes éthiques de toute recherche. La méthodologie
doit, de plus, impérativement comparer le nouveau traitement au
traitement de référence.
L’information doit être appropriée, claire, compréhensible et
complète sur les objectifs, les risques et les contraintes ; en outre,
le médecin doit s’assurer de sa bonne compréhension.
Le médecin doit expliquer la prise en charge au patient en diffé-
renciant clairement celle liée aux soins de celle liée à la recherche,
tout en préservant la même relation médecin-malade à tout mo-
ment, quelle que soit la réponse du patient.
Après l’information, le consentement écrit doit être obtenu de
manière libre, c’est-à-dire sans aucune pression. En cas de proto-
cole concernant des personnes en état d’impossibilité juridique de
consentir, il faut que plusieurs conditions soient réunies : le choix
de cette population doit être justifié, la recherche doit leur appor-
ter un bénéfice, il faut l’accord du comité et l’accord du représen-
tant légal, qui doit consentir en lieu et place du patient.
En France, les principes d’Helsinki sont reconnus comme essen-
tiels. Au début des années 1980, un groupe de travail – constitué
de membres du Conseil d’État, de professeurs de médecine, de
droit et de membres de la Cour de cassation et dirigé par Guy
Braibant en lien avec le Pr Jean Bernard (président du Comité
consultatif national d’éthique) – a affirmé la nécessité d’une loi en
raison d’une contradiction :
Le fait de porter atteinte au corps d’autrui sans finalité théra-
peutique était sanctionnable en droit. La recherche sans intérêt
thérapeutique avait été jugée illicite par la cour d’appel d’Angers
en 1978 et le Code de déontologie, dans son article 19, précisait
que les recherches étaient nécessaires à condition de présenter un
intérêt direct pour la personne.
Or, l’ordonnance du 23 septembre 1967 concernant les autori-
sations de mise sur le marché (AMM) des médicaments stipulait
que le fabricant devait avoir vérifié l’innocuité des produits, dans
des conditions normales d’emploi, et que leur mise en œuvre de-
vait préalablement nécessiter des recherches sur volontaires sains.
De plus, le concept même de recherche médicale sur tout patient,
mais en particulier sur des volontaires sains, ne permet pas tou-
jours d’assurer qu’il y aura un intérêt direct pour les personnes.
Le 2 juin 1988, le Pr Claude Huriet dépose au Sénat une pro-
position de loi relative aux essais chez l’homme. Le Sénat, dans
sa séance du 12 octobre 1988, adopte une proposition de loi
“relative à la protection des personnes qui se prêtent à la re-
cherche biomédicale”, transmise à l’Assemblée nationale. La
loi n° 88-1138 est adoptée le 20 décembre 1998 et publiée au
Journal officiel le 22 décembre 1988. Cette loi lève les contra-
dictions antérieures et place la France en conformité avec les
règles d’Helsinki. Elle instaure dans chaque région des Comi-
tés consultatifs de protection des personnes qui se prêtent à la
recherche biomédicale (CCPPRB). Ces CCPPRB deviendront
en 2004, lors de l’adaptation de la loi Huriet à la directive euro-
péenne, des Comités de protection des personnes (CPP). Les
CPP perdent donc leur caractère uniquement consultatif, c’est-
à-dire que leur rôle de passage obligatoire est renforcé, et que le
contrôle de l’Etat l’est également. Les CPP acquièrent ainsi un
nouveau statut dans lequel la responsabilité de l’État est enga-
gée en cas de faute des comités et où les avis et recommanda-
tions prennent désormais un caractère officiel avec possibilité,
si besoin, de suivi des protocoles, en particulier pour les ef-
fets et événements indésirables. De plus, les CPP feront l’objet
d’une évaluation de leur activité et de leurs compétences.
RÔLES ET OBLIGATIONS DES PROMOTEURS
ET DES INVESTIGATEURS, GARANTS DE LA
PROTECTION DE PERSONNES DANS LA RECHERCHE
On appelle promoteur “la personne physique ou morale qui
prend l’initiative d’une recherche biomédicale” (personne
physique ou morale qui se porte garant de l’initiative de la
recherche et de ses conséquences, avec en particulier une
obligation d’assurance). Le ou les investigateurs sont “la ou les
personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation
de la recherche.”
Le promoteur a des obligations bien précises :
Il doit s’assurer que les objets matériels ainsi que les mé-
dicaments ou produits expérimentés ou utilisés comme réfé-
rence dans le cadre d’une recherche biomédicale sont fournis
gratuitement, ou mis gratuitement à disposition pendant le
temps de la recherche par le promoteur.
Il prend en charge les frais supplémentaires liés à d’éven-
tuels examens ou fournitures spécifiquement requis par la re-
cherche ou pour la mise en œuvre de celle-ci. Lorsque l’essai
est réalisé dans un établissement de soins, la prise en charge
de ces frais fait l’objet d’une convention conclue entre le pro-
moteur et le représentant légal de cet établissement.
Il a obligation de souscrire une assurance en cas d’accident
ou de faute entraînant un préjudice lors du protocole (contrat
d’assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la
responsabilité civile du promoteur).
L’investigateur a également des obligations :
Il doit être (sauf exception) un médecin garant de la protec-
tion des personnes, de la qualité des soins et de toute la prise
en charge. Il doit respecter avant tout les règles déontologi-
ques et faire primer le soin sur la recherche.
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