La protection des personnes dans la recherche biomédicale

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La protection des personnes dans la recherche biomédicale
Seconde partie : règles pratiques pour les promoteurs
et investigateurs d’un projet de recherche clinique
et nouveaux éléments de débat[1]
éthique
é thique
 G. Moutel*
Des nouveAutés mAjeures
La nouvelle loi de santé publique a été adoptée par le Parlement
en juillet 2004. La loi Huriet-Sérusclat de 1988, déjà adaptée en
1994, et qui encadre la recherche biomédicale, est au cœur de
cette réforme, qui est entrée en application depuis 2005.
Les modifications de la loi Huriet-Sérusclat s’avéraient nécessaires pour contrebalancer les insuffisances de la transposition en
droit français de la directive européenne de 2001 sur les essais
cliniques. La question était donc de se mettre en conformité avec
cette directive tout en respectant les fondements et les grands
principes encadrant la recherche médicale en France depuis 1988.
Un des points de la réforme est tout d’abord que les Comités
consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) deviennent des Comités de protection des
personnes (CPP). Les comités ne sont donc plus des instances
consultatives : ils deviennent des instances dotées d’une véritable
autorité, et leurs demandes et leurs recommandations doivent
être suivies d’effet, avec possibilité de supervision tout au long des
protocoles dès lors que cela serait jugé nécessaire.
L’évolution notable réside par ailleurs dans l’abandon de la
classification française des protocoles en deux catégories,
classification qui prévalait jusqu’en 2004 : les protocoles avec
bénéfices individuels directs (ABID) et ceux sans bénéfices
individuels directs (SBID), qui nécessitaient une protection
renforcée et des règles spécifiques. Désormais, tous les protocoles doivent être évalués sur leur balance bénéfice/risque,
c’est-à-dire sur “le caractère satisfaisant de l’évaluation des
bénéfices et des risques attendus”. Comme le souligne C. Huriet, “l’exercice [...] semble plus difficile : le but de la recherche étant justement d’évaluer le rapport bénéfice/risque d’un
nouveau traitement”. Le travail des CPP s’en trouve complexifié.
Par ailleurs, à la demande des associations de patients et dans
la logique de la loi du 4 mars 2002, relative aux droits des patients, les CPP devront désormais avoir en leur sein des représentants de ces associations. De plus, pour accroître la visibilité
et la transparence des essais auprès du public, une base de don* Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, faculté de médecine, université Paris-V,
Paris, et Secrétaire général de la Sffem, Société française et francophone d’éthique médicale.
[1] cet article fait suite à une première partie publiée dans La Lettre du Pneumologue
et intitulée “La protection des personnes dans la recherche biomédicale. Fondements
éthiques et grands principes”.
La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 6 - novembre-décembre 2006
nées des recherches biomédicales est créée au niveau national
et européen. Cependant, dans certains cas, afin de respecter
l’exigence du secret industriel, seuls des éléments pertinents du
protocole figureront, sachant que le promoteur d’une recherche
peut, pour des raisons légitimes (après acceptation par l’autorité
compétente du ministère), s’opposer à la communication dans
cette base de tout ou partie du protocole. Ce point fait l’objet de
contestations de la part de certaines associations de patients.
Comme autre nouveauté, la loi a entériné la nécessité de préciser clairement aux patients les modalités de prise en charge
pendant la recherche, mais également au décours de celle-ci. La
question de la sortie de protocole et de l’après-protocole (lien
entre recherche et clinique) est un premier élément central de
réflexion à ce niveau. En pratique, il est difficile de proposer la
poursuite d’un même traitement au décours immédiat d’une expérimentation, dans la mesure où l’on ne dispose de toutes les
analyses et conclusions d’un protocole qu’après un certain délai.
Il est donc parfois difficilement concevable de prolonger la délivrance de tous les traitements à l’issue d’un protocole, même si
les personnes atteintes de maladies graves sont prêtes à accepter un risque important. Il y aurait une confusion entre soin et
recherche qui ne serait pas saine. Il s’agit donc, dans ce débat,
d’exposer désormais clairement cela aux patients. Il conviendra,
en particulier, de leur dire si l’Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) pourra ou non être accordée, sachant qu’elle ne sera
donnée que pour des traitements pour lesquels on disposera
d’un recul suffisant par rapport au temps de la recherche, avec
des données jugées acceptables.
Dans ce même cadre de l’information sur le devenir des données de la recherche à l’issue du protocole, est désormais reconnu aux patients le droit d’avoir communication des résultats
globaux de la recherche.
En pratique, il convient pour les promoteurs et investigateurs, et
pour tous les professionnels à même de conseiller des patients,
d’intégrer au mieux dans leur pratique ces nouvelles modalités
d’encadrement de la recherche clinique.
comités De protection Des personnes (cpp) :
rôLe, fonctionnement et enjeux éthiques
Des principes généraux guident l’action des CPP. Leur mission
est de s’assurer qu’une recherche ne puisse être entreprise :
243
Éthique
É thique
244
3 si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances
scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante ;
3 si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l’être
humain et les moyens susceptibles d’améliorer sa condition ;
3 si elle ne répond pas aux exigences de respect de la dignité
et de protection des personnes telles que définies par les textes
internationaux et la loi.
En pratique, toute recherche biomédicale doit être réalisée
après l’avis favorable du CPP et l’autorisation de l’autorité
compétente au ministère.
La demande d’avis sur un projet de recherche biomédicale est
adressée au CPP par le promoteur. Il en existe au moins un
par région. L’agrément des CPP est délivré pour une durée de
4 ans. La pluridisciplinarité de la composition d’un CPP est
une de ses valeurs essentielles. En effet, les CPP sont composés de manière à garantir leur indépendance et la diversité des
compétences dans le domaine biomédical et à l’égard des questions éthiques, sociales, psychologiques et juridiques. Ainsi,
depuis la nouvelle loi, ils comprennent 16 membres titulaires
d’origines et de compétences différentes, répartis en 7 catégories : professionnels de santé, et professionnels ayant une
expérience approfondie en matière de recherche biomédicale ;
méthodologiste ; personne qualifiée en éthique ; travailleur
social ; personne qualifiée en sciences comportementales ; personnes qualifiées en raison de leurs compétences en matière
juridique ; représentants des associations agréées de malades
ou d’usagers du système de santé.
De plus, le représentant de l’État nomme un membre suppléant pour chaque membre titulaire de chacune des catégories énumérées. Pour rendre un avis, le principe d’une éthique
de la discussion doit être respecté. Quant au principe d’indépendance, il est également essentiel. Les comités exercent leur
mission en toute indépendance vis-à-vis de l’État, des promoteurs, des investigateurs ou de toute pression externe, quelle
qu’elle soit. Il convient donc de souligner que ne peuvent valablement participer à une délibération les personnes qui ne
sont pas indépendantes du promoteur et de l’investigateur de
la recherche examinée.
En ce qui concerne la décision, les avis sont en théorie, selon
les termes de la loi, rendus à la majorité simple des membres
présents, sur rapport d’un des membres du CPP désigné par
le président ou d’un expert appelé à participer aux travaux du
comité. Le vote au scrutin secret est de droit (mais non obligatoire et, en pratique, rare) et, en cas de vote avec partage égal
des voix, le président de séance a voix prépondérante (rarement utilisée en pratique également).
Une situation de vote est en effet une situation qui pose question, le but étant que tous les membres trouvent un accord
commun ou du moins un accord largement majoritaire, étant
donné l’importance de l’enjeu : s’assurer que la protection sera
effective et de qualité.
Sur quoi se prononce le CPP pour rendre un avis positif ou
négatif ? Les points particulièrement pris en compte sont :
la validité de la recherche et de sa conception ; les garanties
prévues pour les personnes qui se prêtent à la recherche ; les
modalités de recrutement, d’information des personnes, de recueil de leur consentement et de leur indemnisation éventuelle ;
la pertinence éthique et scientifique du projet.
C’est pourquoi, en pratique, le dossier de demande adressé au
CPP par le promoteur doit comprendre un dossier administratif (en pratique, se renseigner auprès du comité de sa région) et
un dossier sur la recherche biomédicale comportant, notamment, le protocole constitué par un document daté, intégrant,
le cas échéant, les modifications successives et décrivant le ou
les objectifs, la conception, la méthode, les aspects statistiques
et l’organisation de la recherche.
Ce dossier doit contenir des renseignements sur la nature
et les modalités de la recherche : identité du promoteur et
celle du fabriquant du médicament s’il est distinct du promoteur/identités et compétences des investigateurs (CV) ; titre
et objectif de la recherche (exposé des prérequis scientifiques,
descriptif complet du protocole, avec résumé, méthode, statistiques, organisation et déroulement dans le temps, etc.) ; toute
information utile sur le médicament, le produit, l’objet, le matériel ou la méthode expérimentés ; cahiers d’observations ;
brochure pour les investigateurs ; accord écrit du ou des chefs
de services ; accord de la DRC (si AP/HP) et/ou des directeurs
des établissements ; exposé des bénéfices et des risques.
Il doit comporter également tous les renseignement permettant d’évaluer la protection des personnes : évaluation de la
balance bénéfice/risque ; procédures de recrutement des personnes ; procédures d’information et de consentement initial/
droit de retrait ; procédures d’information durant le protocole
et précisions sur les modalités de diffusion des résultats globaux auprès des participants (loi du 4 mars 2002, droits des
malades) ; lieu(x) de la recherche, sécurité des locaux, sécurité des personnes, cas de l’urgence ; protection des personnes
plus vulnérables ; attestation de l’assurance souscrite par le
promoteur ; indemnisation ou non ; proposition d’une période d’exclusion de toute recherche biomédicale ou non.
Signalons ici le cas particulier de la collecte d’échantillons
biologiques. Pour ces collections d’échantillons biologiques
humains, constituées en dehors du cadre d’une recherche biomédicale, le CPP se prononce sur la qualité de l’information
des participants, les modalités de recueil du consentement et
la pertinence éthique et scientifique du projet. En cas d’utilisation d’éléments et de produits du corps humain à des fins
scientifiques relevant d’un changement de finalité par rapport
au consentement initialement donné, le comité s’assure que le
nouveau consentement des personnes est bien recueilli. Si la
collecte a lieu au sein d’un protocole de recherche, ces points
sont analysés par le CPP avec l’ensemble du protocole.
La finalité de l’encadrement de la recherche étant d’assurer la
protection des participants sans retarder les recherches qui
font partie d’enjeux stratégiques scientifiques ou industriels,
le CPP se prononce dans un délai de 35 jours. Le comité peut
demander au promoteur des éléments d’informations complémentaires qu’il estime nécessaires à l’examen du dossier. Il
peut également lui demander de modifier son projet. Le délai
est alors suspendu jusqu’à réception des éléments demandés
La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 6 - novembre-décembre 2006
ou, le cas échéant, du projet modifié. Dans ce cas, le comité
se prononce dans un délai maximal de 60 jours. Pour les collections d’échantillons biologiques et l’utilisation d’éléments et
de produits du corps humain à des fins scientifiques, le CPP
saisi se prononce dans un délai de 15 jours. L’autorité compétente du ministère est informée de l’avis qu’il a rendu. Les avis
concernant les collections d’échantillons biologiques sont, en
outre, adressés sans délai aux ministres chargé de la Santé et
de la Recherche et, le cas échéant, au directeur régional de
l’hospitalisation territorialement compétent.
En cas de modifications substantielles de la recherche, le CPP
doit être saisi à nouveau. On entend par modification substantielle de la recherche : “toute modification de nature à avoir
un impact significatif sur la protection des personnes, sur les
conditions de validité de la recherche, sur les résultats de la recherche, sur l’interprétation des documents scientifiques qui
viennent appuyer le déroulement de la recherche ou sur les
modalités de conduite de celle-ci”.
Champ d’application des CPP :
un distinguo entre recherche
et recherche non interventionnelle
Il y a recherche lorsque, au-delà de l’acte de soins et de l’intérêt
immédiat du patient, le médecin cherche à faire progresser la
connaissance scientifique, c’est-à-dire à dégager et formaliser
un enseignement de portée générale. Il doit alors mettre en
œuvre une organisation distincte des soins. Tous les essais et
expérimentations sur l’homme sont concernés et doivent être
soumis aux comités dès lors qu’ils innovent par les techniques
ou produits utilisés ou dès lors qu’ils utilisent une nouvelle
association de techniques ou de produits, par exemple : nouveaux médicaments ; nouvelle technique chirurgicale ; nouvelles méthodes de diagnostic invasives ou porteuses d’un risque
potentiel ; étude psychologique ou comportementale, etc.
Comme nous l’avons déjà évoqué, les missions des CPP comprennent également désormais la validation des procédures
éthiques (information, consentement et légitimité de la démarche) lors de la constitution de collections d’échantillons
biologiques humains (ADN, cellules, tissus).
En revanche, les recherches dites “non interventionnelles”
sortent du champ d’application des CPP depuis 2004. Les
recherches dénommées “recherches non interventionnelles”
(décret du 29 décembre 2004) sont constituées de toute étude
dans le cadre de laquelle le ou les produits mentionnés sont
prescrits ou utilisés de manière habituelle, c’est-à-dire :
1- pour les recherches portant sur les médicaments, conformément à l’Autorisation de mise sur le marché mentionnée ;
2- pour les recherches portant sur les dispositifs médicaux,
conformément à la notice d’instruction, ou pour les recherches portant sur les dispositifs médicaux de diagnostic in
vitro, conformément à la notice d’utilisation ;
3- pour les recherches portant sur les produits sanguins labiles,
conformément à l’arrêté concernant ces produits ;
La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 6 - novembre-décembre 2006
4- pour les recherches portant sur les tissus issus du corps
humain et sur les préparations de thérapie cellulaire, conformément à l’autorisation en rapport.
Pour ces 4 premiers points, l’affectation du patient à une
stratégie thérapeutique ou médicale donnée n’est pas fixée
à l’avance par un protocole d’essai ; elle relève de la pratique
courante, et la décision de prescrire le médicament ou d’utiliser le dispositif médical ou le produit issu du corps humain
est clairement dissociée de celle d’inclure le patient dans une
étude. Des méthodes épidémiologiques sont utilisées pour
analyser les données recueillies.
5- Pour les recherches portant sur des produits cosmétiques :
toute étude menée chez des volontaires sains à l’aide de méthodes d’investigations considérées comme n’étant pas à risque,
sur des produits dont la sécurité d’emploi est établie lorsqu’ils
sont appliqués dans des conditions normales d’emploi ou selon
des méthodes reproduisant ces conditions.
Les recherches dites non interventionnelles sont donc définies
comme les recherches dont l’objectif est d’évaluer des actes,
des combinaisons d’actes ou des stratégies de prévention, de
diagnostic ou de traitement qui sont d’utilisation courante, et
dans le respect de leurs indications ; les modalités particulières
de surveillance mises en œuvre dans ces recherches ne peuvent comporter que des risques et des contraintes négligeables
pour la personne. Il est important et fondamental de signaler
que n’entrent pas dans cette définition les recherches portant sur
une combinaison nouvelle d’actes, même si chacun des actes
pris isolément est d’utilisation courante. De telles combinaisons rentrent quant à elles clairement dans le champ des CPP.
Éthique
É thique
Place et rôle de l’assurance
Le promoteur a l’obligation de souscrire une assurance en
cas d’accident ou de faute entraînant un préjudice lors du
protocole (contrat d’assurance garantissant les conséquences
pécuniaires de la responsabilité civile du promoteur).
Signalons que, dans un souci absolu de protection des personnes, l’assureur ne peut pas opposer à la victime ou à ses
ayants droit : le fait que la recherche a été réalisée alors que le
consentement n’avait pas été donné dans les conditions prévues ou avait été retiré ; de franchise ; la réduction proportionnelle de l’indemnité prévue par le code des assurances.
Conditions d’autorisation
des lieux de recherches biomédicales
Deux principes sont retenus concernant les lieux où se déroulent les recherches :
3 Les recherches biomédicales ne peuvent être réalisées que
dans des locaux appropriés et avec des moyens en équipements et en personnels permettant d’assurer une mise en œuvre adéquate du protocole, une surveillance clinique constante
et des soins d’urgence adaptés aux risques ;
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Éthique
É thique
3 Lorsque la recherche porte sur des personnes malades dont
l’état de santé nécessite une hospitalisation, celle-ci ne peut
être menée en dehors des lieux de soins.
Six sous-principes essentiels permettent de mieux expliciter les
notions de sécurité concourant à la protection des personnes :
1- En cas d’urgence, la possibilité d’une prise en charge immédiate par un service de soins approprié ;
2- Le cas échéant, un nombre de lits en rapport avec les activités prévues ;
3- Une organisation permettant d’archiver et de protéger les
données et informations relatives aux recherches et aux personnes qui s’y prêtent et, le cas échéant : de recueillir et de
conserver des échantillons biologiques, d’entreposer dans des
conditions appropriées de conservation les produits utilisés
au cours de la recherche, d’assurer la maintenance des objets
et matériels expérimentés, en cas de préparation d’aliments,
de disposer de locaux séparés réservés à cet effet ;
4- Les conditions d’aménagement, d’équipement, d’entretien
et de fonctionnement ainsi que les qualifications nécessaires
au personnel de ces lieux de recherches précisées, autant qu’il
est besoin, par arrêté du ministre chargé de la Santé ;
5- La mise en place d’un système d’assurance de la qualité ;
6- Lorsque l’autorisation inclut une activité de recherche
autour du médicament ou de produits destinés à la personne, le lieu doit disposer : d’un pharmacien justifiant d’une
expérience pratique d’au moins un an en matière de conditionnement et d’étiquetage de médicaments expérimentaux,
de locaux, de moyens en équipements et personnels adaptés
aux activités d’approvisionnement, de conditionnement et
d’étiquetage des médicaments expérimentaux ainsi qu’aux
opérations de stockage correspondantes, nécessaires aux recherches biomédicales menées dans ces lieux.
Place et rôle de la base de données
(répertoire) des essais et du fichier
national des participants
Dans un principe de transparence et pour faciliter l’information des patients via leurs associations, une base de données
des essais a été créée à leur demande. Ce répertoire des recherches biomédicales autorisées est mis en place et accessible sur le site Internet de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. L’opposition du promoteur à cette
diffusion (pour des raisons stratégiques ou de préservation de
certaines catégories de patients) est autorisée ; elle est exprimée au moment du dépôt de la demande d’autorisation auprès
de l’autorité compétente et comporte les motifs permettant
d’apprécier son caractère légitime.
Par ailleurs, un fichier national des personnes qui se prêtent à
des recherches biomédicales a été créé. L’objectif de ce fichier
est de permettre une protection accrue des personnes par un
contrôle du nombre de participations individuelles à des protocoles et par un contrôle des indemnisations perçues (afin
d’éviter les dérives et l’exploitation marchande des personnes).
246
Les informations contenues dans le fichier ont pour objet d’assurer : le respect de la période d’exclusion au cours de laquelle la
personne ne peut se prêter à aucune autre recherche biomédicale ; le contrôle du montant total des indemnités perçues par
cette personne.
Le fichier est alimenté, consulté, interrogé et mis à jour par
les investigateurs des recherches biomédicales. Son accès est
subordonné à l’utilisation de codes d’accès confidentiels.
C’est le CPP qui demande d’inscrire au fichier des personnes
participant à une recherche biomédicale ; il détermine pour
ces personnes une interdiction de participer simultanément à
une autre recherche ou une période d’exclusion.
Les personnes susceptibles d’être inscrites dans le fichier sont
informées par l’investigateur de l’existence de celui-ci et des
données qui y sont contenues.
L’interrogation du fichier permet à l’investigateur de s’assurer
que la personne n’est pas empêchée de participer à la recherche
pour les raisons suivantes : exclusion du fait de sa participation à une autre recherche ; lorsque l’intéressé a déjà perçu au
cours des douze mois précédents une indemnité excédant le
maximum annuel fixé par le ministre chargé de la Santé.
ÉvÉnements et effetS indésirables
inattendus : Vigilance et mesures urgentes
de sécurité MISES EN œUVRE conjointement
PAR LES investigateurs, LE promoteur,
le CPP et l’autorité compétente
On entend par événement indésirable “toute manifestation
nocive survenant chez une personne qui se prête à une recherche
biomédicale, que cette manifestation soit liée ou non à la
recherche ou au produit sur lequel porte cette recherche.”
On entend, par ailleurs, par effet indésirable inattendu “un
effet dont la nature, la sévérité ou l’évolution ne concorde pas
avec les informations relatives aux produits, actes et méthodes
utilisés au cours de la recherche (informations figurant notamment, dans le cas d’un médicament expérimental, dans la brochure destinée à l’investigateur, et, dans le cas d’un médicament
autorisé, dans le résumé des caractéristiques du produit).
L’investigateur notifie immédiatement au promoteur tous les
événements et effets indésirables graves. Cette notification est
suivie de rapports complémentaires écrits détaillés dans lesquels l’investigateur précise au promoteur quels sont les événements indésirables et les résultats d’analyse anormaux définis dans le protocole comme déterminants pour l’évaluation
de la sécurité des personnes. Dans les notifications comme
dans les rapports ultérieurs, les personnes qui se prêtent à la
recherche sont identifiées par un numéro de code (respect du
secret). L’investigateur peut également communiquer ces données directement au CPP.
Le promoteur, quant à lui, tient des registres détaillés de tous
les événements et effets indésirables qui lui sont notifiés par
le ou les investigateurs. Pour toutes les recherches biomédicales, il transmet aux autres investigateurs toute information
La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 6 - novembre-décembre 2006
susceptible d’affecter la sécurité des personnes qui lui a été
notifiée par un investigateur. Par ailleurs, le promoteur déclare tout effet indésirable grave inattendu au ministre chargé de
la Santé et au CPP concerné, sans délai à compter du jour où
il en a eu connaissance (pour certains essais, il doit transmettre aussi les effets survenus hors du territoire national). Dans
le cas d’effets indésirables graves inattendus ayant entraîné la
mort ou mis la vie du patient en danger, la notification est faite
sans délai – au plus tard dans un délai de 7 jours à compter du
jour où le promoteur en a eu connaissance.
Des mesures urgentes de sécurité sont alors prises, consistant soit en l’arrêt de la recherche, soit en la prise de mesures
immédiates.
Pour les recherches biomédicales portant sur le médicament,
le directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire
des produits de santé s’assure que toutes les suspicions d’effet
indésirable grave inattendu survenues en France et portées à
sa connaissance sont enregistrées et introduites dans la base
européenne de données mise en place par l’Agence européenne
des médicaments.
Suivi des protocoles (indépendamment
des effets indésirables graves) : action
conjointe des CPP et de l’autorité compétente
De manière à éviter que l’avis d’un comité ne soit perçu comme
un blanc-seing et afin d’évaluer la pertinence des avis (d’autant
que le CPP et l’autorité compétente peuvent se tromper dans
leurs estimations positives lors de leur rendu), une fois par an,
pendant toute la durée de la recherche ou sur demande, le promoteur transmet à l’autorité compétente un rapport de sécurité.
De plus, pour tout protocole, dans un délai de 90 jours à
compter de la fin de la recherche, le promoteur informe l’autorité compétente ainsi que le CPP concerné de la date effective de son arrêt tel que défini par le protocole. Si l’arrêt de la
recherche biomédicale est anticipé, le promoteur procède à
cette information dans un délai de 15 jours après cet arrêt et
communique les raisons qui le motivent. Dans tous les cas, le
promoteur transmet à l’autorité compétente les résultats de la
recherche sous la forme d’un résumé dans un délai de un an à
compter de la fin de la recherche.
Conclusion
Depuis 1988, la loi Huriet-Sérusclat et le travail entre médecins/chercheurs et CCPPRB puis CPP ont permis, même si
des améliorations sont à apporter de part et d’autre, de placer la France au premier rang en termes de qualité éthique
La Lettre du Pneumologue - Vol. IX - n° 6 - novembre-décembre 2006
de la recherche biomédicale. L’ensemble des principes et des
règles qui guident la protection des personnes dans la recherche biomédicale est le fruit d’une évolution citoyenne
du concept de recherche sur l’homme. Même si l’adhésion
de certains professionnels à ces principes reste à parfaire, ces
derniers sont aujourd’hui majoritairement convaincus de leur
bien-fondé en termes humains, mais également en termes de
rigueur intellectuelle et scientifique. Il conviendra de regarder
avec attention comment, à l’avenir, les cliniciens/chercheurs,
les membres des CPP, les patients et leurs représentants adopteront ces évolutions et les feront vivre au sein des institutions
de soins et de recherche.
n
Éthique
É thique
Pour en savoir plus
r Rubrique éthique de la recherche sur www.ethique.inserm.fr, version
2006.
r France, loi n° 2002-302 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé, JO de la République française du
5 mars 2002, www.legifrance.gouv.fr
r France, loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé
publique (modifiant notamment la loi Huriet relative à la recherche
biomédicale, intégrée pour cette partie au code de la santé publique, articles L. 1121-1 et suivants), JO de la République française du 11 août
2004, www.legifrance.gouv.fr
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