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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 1, vol. III - janvier/février/mars 2003
Pathologies neurologiques
du post-partum
O. Simon*
i la grossesse est une période de relative tolé-
rance neurologique, il n’en est pas de même
du post-partum. Cette période peut en effet entraî-
ner diverses situations pathologiques neurolo-
giques. La première est la recrudescence de symp-
tômes en rapport avec des pathologies
neurologiques chroniques, telle la sclérose en
plaques. Leur diagnostic ne posent généralement
pas de problème et elles ne nécessitent pas de prise
en charge particulière. La deuxième est l’apparition
de novo d’une pathologie neurologique aiguë dont
la prise en charge est urgente. Cette situation doit
être évoquée devant des céphalées, des symp-
tômes neurologiques focaux ou des troubles de
conscience d’apparition aiguë ou subaiguë. Devant
de tels symptômes, il faut faire au mieux une IRM
cérébrale en urgence ou, sinon, une tomodensito-
métrie. La troisième situation, celle à laquelle nous
sommes le plus souvent confrontés, est l’apparition
de signes neurologiques périphériques en rapport
avec une atteinte neurogène liée à l’accouchement
lui-même. Enfin, il existe des complications spéci-
fiques à l’analgésie péridurale.
L
ES NEUROPATHIES D
ÉTIREMENT
DU POST
-
PARTUM
Les neuropathies d’étirement du post-partum sont
fréquentes. Elles peuvent entraîner de façon isolée
ou associée des troubles vésico-sphinctériens,
anorectaux (incontinence anale), génito-sexuels,
exceptionnellement des troubles sensitivo-moteurs
des membres inférieurs.
L’incontinence anale par lésion neurogène
Les causes neurologiques de l’incontinence anale
du post-partum sont dominées par la neuropathie
périnéale d’étirement. Les atteintes plexiques et
radiculo-médullaires sont considérablement plus
rares. Cinquante-trois pour cent (53 %) des primi-
pares accouchant sans délivrance instrumentale
ont en post-partum une élévation des latences dis-
tales du nerf pudendal (1). Le mécanisme de cette
neuropathie est double. La grossesse en elle-même
entraîne un étirement répété et traumatisant des
nerfs du petit bassin. L’accouchement, d’autant
plus qu’il est dystocique (expression manuelle, for-
ceps, nouveau-né de poids élevé) ou répété (multi-
parité) (2), peut aggraver des troubles préexistants
ou les révéler. Une neuropathie pudendale peut
être observée après césarienne. Les neuropathies
distales du nerf pudendal sont essentiellement
motrices. Un trouble sensitif exprimé par une sen-
sation diminuée du passage des selles dans le
canal anal est rare ; il est plutôt observé dans les
lésions du cône terminal. La dénervation du plan-
cher pelvien détermine une diminution des perfor-
mances mécaniques du sphincter anal, dont la
force, la puissance et l’endurance de la contraction
diminuent. Cela engendre souvent une impériosité
fécale par déficit du recrutement volontaire strié
d’urgence. En cas d’atteinte plus importante avec
dénervation massive du sphincter anal, l’inconti-
nence fécale apparaît d’abord aux gaz, puis aux
liquides, et enfin, aux solides. Cette dénervation est
rarement isolée et s’accompagne souvent de
lésions purement mécaniques du sphincter strié
anal ou du sphincter lisse. Le pronostic de la neuro-
pathie périnéale est variable et dépend du mode
d’accouchement. Elle disparaît en règle en trois
mois après un accouchement non instrumental
chez les primipares (1). Il existe un effet additif au
fur et à mesure des accouchements.
Plus rarement, l’incontinence anale neurogène du
post-partum peut être liée à des lésions plus proxi-
males, plexiques notamment, généralement dans
les suites d’un accouchement difficile avec forceps.
Des lésions médullaires peuvent aussi, de façon
exceptionnelle, être à l’origine d’une incontinence
anale (hématome péridural après anesthésie péri-
durale, décompensation d’une lésion du cône ter-
minal congénitale ou acquise). La distribution du
déficit EMG, la comparaison des latences sacrées,
des latences terminales et des potentiels corticaux
permettent d’évoquer, voire d’affirmer, ces diagnos-
tics.
Dans tous les cas, la rééducation périnéale par bio-
feedback est le traitement de choix.
* Service de rééducation neurologique et
d’explorations périnéales, hôpital Rothschild,
33, bd de Picpus, 75571 Paris Cedex 12.
e-mail : olivier[email protected]
S
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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 1, vol. III - janvier/février/mars 2003
dossier
L’incontinence urinaire du post-partum
Il existe d’authentiques lésions neurogènes péri-
phériques périnéales par étirement du plexus sacré
lors du passage de la tête fœtale dans les voies géni-
tales. Un gros bébé, un pelvis étroit, une présenta-
tion occipito-postérieure, l’utilisation de forceps et
un premier accouchement semblent être des fac-
teurs favorisants. Ces lésions peuvent être respon-
sables d’une hypoactivité vésicale, à l’origine de
rétention chronique du post-partum (3). Cette
symptomatologie peut être isolée ou associée à des
signes périphériques des membres inférieurs. En
cas d’atteinte basse du plexus lombo-sacré, une
hypoesthésie périnéale uni- ou bilatérale peut être
observée.
Les autres neuropathies du post-partum
Une atteinte isolée des membres inférieurs peut
être observée lorsque le nerf sciatique est lésé. Les
lésions affectent davantage le nerf sciatique poplité
externe (SPE) que le nerf sciatique poplité interne
(SPI). Elles épargnent généralement les branches du
grand fessier et du moyen fessier. Le plus souvent, la
récupération est complète avec l’utilisation de
mesures simples tel un releveur de pied. En cas de
démyélinisation, l’amélioration se produit en
quelques semaines tandis qu’elle peut demander
12 mois en cas d’atteinte axonale. L’intérêt de
l’électromyogramme à la phase précoce est essen-
tiellement pronostique.
Une compression du SPE au niveau de la tête du
péroné peut être observée suite à un accouchement
en position gynécologique.
Une neuropathie du nerf médian par compression
au niveau du poignet a été observée chez les
femmes allaitant leur enfant. Cette neuropathie est
vraisemblablement en rapport avec le positionne-
ment de la main lors de l’allaitement. La plupart des
femmes récupèrent spontanément, bien qu’il puisse
être nécessaire d’arrêter l’allaitement.
La plexopathie brachiale idiopathique familiale est
une atteinte rare du post-partum. Peu de cas spora-
diques ont été rapportés.
Dans 0,1 à 0,2 % des accouchements, le nerf fémo-
ral peut être atteint. La neuropathie fémorale par
compression au niveau du ligament inguinal s’ob-
serve après accouchement en position gynécolo-
gique (4). Cette neuropathie peut aussi être due à
un étirement du nerf fémoral en rapport avec une
abduction avec rotation interne excessive de la
hanche au moment de la délivrance. Dans certains
cas, l’atteinte du nerf est plus proximale, au niveau
du muscle psoas iliaque. Dans la plupart des cas,
les lésions sont de type démyélinisant, avec bonne
récupération après plusieurs mois. En cas de
lésions axonales, la récupération peut prendre 1 à
2 ans.
Le nerf iliohypogastrique peut être lésé dans les
suites d’une chirurgie abdominale ou pelvienne,
mais aussi durant une grossesse ou dans la période
du post-partum (5). La symptomatologie comporte
des douleurs souvent sévères, localisées au-dessus
de la symphyse pubienne, juste sous l’ombilic ou
dans les quadrants abdominaux inférieurs droit ou
gauche, dans les flancs, voire dans le dos ou les
hanches.
Le nerf obturateur peut être comprimé lors du pas-
sage de la tête fœtale dans le mur pelvien latéral.
Les patientes se plaignent d’une douleur aiguë loca-
lisée à la partie supérieure de la hanche et de l’aine
avec un certain degré de faiblesse des adducteurs
de la hanche. Cette neuropathie s’amende généra-
lement spontanément et rapidement.
C
OMPLICATIONS NEUROLOGIQUES
DE L
ANESTHÉSIE PÉRIDURALE
Même si l’analgésie péridurale apparaît relative-
ment sûre, des complications neurologiques sont
observées dans environ 0,1 % des cas (6).
L’origine des complications neurologiques de l’anal-
gésie péridurale est pluri-factorielle. Elles sont géné-
ralement d’origine mécanique et sont alors liées à la
perforation de la dure-mère et de l’arachnoïde à
l’origine de céphalées par hypotension du liquide
céphalo-rachidien ou à la blessure directe d’une
racine. Plus rarement, elles sont en rapport avec une
toxicité de l’anesthésique local.
Le syndrome d’hypotension du liquide céphalo-
rachidien est consécutif à la perforation de la dure-
mère et de l’arachnoïde. Sa fréquence se situe un
peu en-deçà de 1 %. Elle est responsable de cépha-
lées survenant quasi électivement en orthostatisme
auxquelles peuvent s’associer une raideur de
nuque, des nausées et/ou vomissements, ou rare-
ment une hypoacousie ou des troubles de la motilité
oculaire. Les antalgiques sont inefficaces mais le
blood-patch est efficace dans environ 95 % des cas.
En cas de persistance des céphalées et/ou d’appa-
rition de signes neurologiques centraux, il faudra
penser à une complication rare mais potentielle-
ment grave du syndrome d’hypotension intracrâ-
nienne, qui indique la survenue d’un hématome
sous-dural.
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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 1, vol. III - janvier/février/mars 2003
Complications neuropérinéales de l’accouchement
Des troubles neurologiques, parfois suivis de
troubles cardiaques, peuvent être liés à la toxicité
des anesthésiques locaux lorsque ceux-ci sont injec-
tés dans une veine péridurale. Les patientes se plai-
gnent alors de vertiges, de difficultés d’élocution,
puis surviennent des convulsions. Les troubles car-
diaques associent troubles du rythme divers et
défaillance myocardique.
Une blessure radiculaire par l’aiguille est possible
lors de la mise en place d’une analgésie péridu-
rale.
Une neurolyse d’une racine peut avoir lieu si l’anes-
thésique est injecté directement dans une racine.
Elle est exceptionnelle et peut entraîner des
séquelles neurologiques définitives.
Les complications d’origine médullaire, exception-
nelles, sont liées soit à la compression, soit à une
hypovascularisation médullaire. La compression
est liée soit à un hématome péridural, soit à un
abcès. L’hématome péridural (1/500 000 accou-
chements) associe des douleurs lombaires en
ceinture, une diminution progressive de la force
musculaire au niveau des membres inférieurs et
des troubles urinaires avec évolution vers la para-
plégie en quelques heures. Le diagnostic, évoqué
sur la clinique, repose sur l’IRM médullaire. Un trai-
tement chirurgical par laminectomie doit être prati-
qué en urgence afin d’espérer une récupération
satisfaisante. La clinique de l’abcès péridural est
superposable à celle de l’hématome péridural avec
cependant des signes extrêmement progressifs,
sur plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Le
traitement associe chirurgie et antibiothérapie
adaptée.
Quelques cas de méningites après analgésie péri-
durale avec guérison sans séquelles ont été rappor-
tés.
D
ÉCOMPENSATION D
UNE PATHOLOGIE
NEUROLOGIQUE CHRONIQUE
Neuropathie
Une polyneuropathie chronique inflammatoire peut
être aggravée dans le post-partum. Ces aggrava-
tions sont sensibles aux corticoïdes, plasmaphé-
rèses ou veinoglobulines.
Épilepsie
Dans environ 25 % des cas, on observe une aug-
mentation de la fréquence des crises, particulière-
ment en début et en fin de grossesse et dans le post-
partum immédiat (7).
Sclérose en plaques
Tandis que, durant la grossesse, une relative protec-
tion est observée concernant les poussées, la
période du post-partum est une période propice aux
nouvelles poussées. Dans les 3 à 6 premiers mois
après l’accouchement, on observe un risque de
poussées multiplié par 2 à 3 par rapport à la période
ayant précédé la grossesse. De plus, ces poussées
tendent à être plus sévères (8).
Pathologies vasculaires
Dans les 6 semaines suivant le post-partum, il existe
une multiplication du risque d’AVC ischémique par
9, et du risque d’AVC hémorragique par 28. La fré-
quence estimée du nombre d’AVC durant les
6semaines suivant l’accouchement est d’environ
8pour 100 000 (9).
Ainsi, tout signe déficitaire neurologique focal cen-
tral survenant dans le post-partum doit conduire à
pratiquer un scanner cérébral en urgence, avec si
possible une IRM avec séquences de diffusion.
La thrombophlébite cérébrale est observée avec
une plus grande fréquence pendant la grossesse, et
surtout pendant le post-partum. Sa fréquence est
évaluée à 10 à 20 pour 100 000 grossesses.
Initialement, elle se présente, dans environ 60 %
des cas, par des céphalées plus ou moins associées
à des crises comitiales, un déficit moteur ou sensitif
ou, rarement, des troubles de conscience. À la
phase d’état, on observe un déficit moteur dans
70 % des cas, des céphalées dans la même propor-
tion, des crises comitiales dans 60 % des cas, des
troubles de conscience dans 60 % des cas, un défi-
cit sensitif dans 28 % des cas et une aphasie dans
20 % des cas. Le diagnostic doit être affirmé en
urgence par un scanner ou, mieux, une IRM avec
séquences angiographiques. Le traitement doit être
entrepris en urgence avec de l’héparine i.v. (10).
Céphalées
Dans la première semaine du post-partum, des
céphalées sont observées chez 30 à 40 % des
patientes. Elles sont d’autant plus fréquentes que
les femmes étaient auparavant migraineuses. Leurs
causes sont variables. Il peut s’agir de céphalées de
tension, spécialement quand il existe un syndrome
dépressif, ou de crises migraineuses souvent moins
sévères que celles observées avant la grossesse.
Myasthénie
Les risques d’aggravation de la myasthénie sont
augmentés dans une période allant de quelques
semaines à quelques mois après l’accouchement.
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