Un chef sans langue de bois

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Date : 31/12/2016
Heure : 00:31:58
Journaliste : Laurent Bromberger
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Pays : France
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Un chef sans langue de bois
Notre invité, en ce dernier samedi de l’année 2016, n’est autre que notre confrère Laurent Bromberger ( Paris
Bistro ), qui publiait voici quelques semaines une interview d’Alain Dutournier au discours sans détours qui
fait plaisir à lire.
Alors que d’autres chefs polissent leur image à coup (coût ?) de stratégie de «com» sophistiquée, Alain
Dutournier, le chef gascon doublement étoilé du «Carré des Feuillants» , demeure le Cyrano des fourneaux.
Il pourfend, embroche et s’emporte contre un CHR parisien qui égrène burgers et sushis et où les chefs
japonais sont placés aux cuisines des «bistronomics» pour faire «tendance».
«Bien sûr qu’il y a des Japonais merveilleux qu’on a formé, mais de nombreux jeunes chefs nippons ont peu
travaillé les produits français. On leur donne la responsabilité de la cuisine dans le moindre petit bistrot à la
mode. Résultat, on se retrouve avec des assiettes décorées de petits légumes et de fruits qui n’ont rien à
faire ensemble. Le Japonais ne fait pas la différence entre le cru et le cuit. Le culte de la fadeur ne fait pas
partie de ma culture. Sur l’Asie, il y a des grandes cuisines chinoises, vietnamiennes ou thaï, beaucoup plus
significatives que la cuisine japonaise limitée à la crudité. »
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Un cuisinier sans produits ne peut pas faire de miracles
«Il n’y a plus rien de nos sept siècles de cuisine » explique-t-il, confronté à des «gens qui veulent faire du
fric» et à l’incapacité d’un public qui n’est plus éduqué à distinguer le vrai du faux. Ce qu’il craint c’est que
cette perte des sens ne conduise à la fin des vrais produits. Et à la fin de son métier, car «un cuisinier sans
produits ne peut pas faire de miracles.»
Et de donner l’exemple des glaces à la vanille qu’il faisait autrefois «tellement différentes qu’on nous
demandait si c’était vraiment de la vanille» ou encore de citer le cas d’Alain Ducasse à New-York, «qui lors
du lancement de son restaurant servait des pommes frites à la graisse de confit. Les Américains les laissaient
de côté, il a dû racheter des McCain. Et McCain, c’est une uniformisation, un danger. C’est tellement plus
intéressant d’avoir une histoire à raconter.»
Le cèpe d’émotion du père Dutournier… mariné à cru, le pied en petit pâté chaud, le chapeau poêlé, en pulpe
mousseuse et séché
L’envolée actuelle du burger comme tendance lourde interpelle également Alain Dutournier surtout quand elle
se rajoute à la médiatisation de certains bouchers. «La viande hachée n’est pas de la cuisine. Le burger
est une facilité pour “fourguer“ tout ce qui n’est pas net. On ne consomme que de la vache de réforme
allemande “piquousée“ dans la bistronomie… Le problème des Allemands c’est qu’ils ne mangent pas de
viande saignante, ils valorisent leurs “bestioles“ dans des fermes de 1000 vaches. Et c’est la France qui achète
les arrières.» Il rappelle qu’il est le seul cuisinier à siéger à l’Académie de la Viande.
Autre coup de gueule contre les coopératives agricoles géantes. «Alors que dans le vin, on voit des
coopératives comme Plaimont reprendre le virage de la qualité, dans l’alimentaire c’est décevant. Et pourtant
au lendemain de la guerre, ces coopératives permettaient aux paysans de se regrouper pour développer des
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marchés. Aujourd’hui, elles sont devenues des pieuvres tentaculaires aux mains de financiers qui se moquent
de l’humain et n’ont qu’une idée, le fric…»
Et de donner l’exemple du foie gras du sud-ouest où les coopératives géantes «favorisent ceux qui font du
canard gavé en six jours, avec des toupies qui déversent de l’aliment qui n’a plus rien à voir avec le maïs.
Alors que si on mange un foie gras venant d’une zone précise avec un maïs poussé dans le même climat on
peut identifier son origine, de Chalosse, du Gers ou du Périgord. Ces foies (industriels), c’est hérétique. C’est
gras, ça sent le viscère et la plume et c’est le goût que les gens attribuent au foie gras. Alors qu’un vrai foie
gras sur la langue doit être fruité et élégant. Ni animal, ni vulgaire. »
Laurent Bromberger
www.alaindutournier.com
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