prednisone à 10 mg/j + DES à 1 mg/j), ou l’association estra-
mustine + vinorelbine si le temps de doublement du taux de
PSA est inférieur à 2 mois.
En cas de traitement adjuvant, par exemple après prostatecto-
mie totale chez un patient à haut risque ou en néoadjuvant,
l’association la plus utilisée actuellement est estramustine +
docétaxel. Il y a, à ce stade, de nombreux protocoles, et les
patients sont souvent inclus dans l’un d’eux.
Pr Flam – Quels résultats peut-on attendre
de la chimiothérapie ?
!Pr Pienta – Le taux de PSA est un excellent marqueur
objectif de la réponse au traitement, et la corrélation entre la
réponse des localisations des tissus mous et celle du PSA a été
démontrée. La scintigraphie osseuse ne peut être utilisée
comme critère de réponse.
La chimiothérapie n’a pas encore montré un avantage en
termes de survie. Cela nécessite des études de phase III, qui
sont en cours, mais non encore matures.
Pr Flam – Peut-on imaginer l’utilisation de la chimiothérapie
comme traitement de première ligne ?
!Pr Pienta – En fait, nous avons actuellement un protocole qui
concerne des patients ayant un cancer de la prostate métasta-
tique “naïf”. Ils ont 6 mois de suppression hormonale et 4 cycles
de chimiothérapie ou 4 cycles de chimiothérapie suivis d’une
suppression hormonale. Nous avons également un protocole en
néoadjuvant comprenant 2 cycles d’estramustine + docétaxel
suivis d’une prostatectomie totale. Chez des patients à haut
risque traités par radiothérapie, nous avons un protocole national
(RTOG 9902) qui randomise les patients en deux groupes,
radiothérapie + traitement hormonal pendant 2 ans, ou radiothé-
rapie + 4 cycles de chimiothérapie + traitement hormonal.
Notre objectif est d’avancer le moment de la chimiothérapie, en
particulier en cas de récidive biologique après traitement radical.
Pr Flam – Quand faut-il commencer la chimiothérapie ?
!Pr Pienta – Cela est très subjectif. Évidemment, tous les
patients symptomatiques doivent être traités – comme les
patients ayant des métastases viscérales (foie, ganglions) car
les lésions sont évolutives. En cas de récidive uniquement bio-
logique, je pense que la chimiothérapie doit être débutée si le
temps de doublement du PSA est inférieur à 2 mois. La survie
médiane de tous ces patients est d’environ 8 mois.
En utilisant un protocole associant estramustine + étoposide,
nous avons observé que les patients dont le taux de PSA a
diminué de plus de 50 % après 2 cycles ont eu une survie
médiane de 2 ans, contre 8 mois dans le groupe contrôle
(NDLR : résultats non encore publiés).
Pr Flam – À ce congrès, nous avons assisté à une
présentation sur le rôle des anti-COX-2 sur le cancer de la
prostate. Qu’en pensez-vous ?
!Pr Pienta – L’inhibiteur de la COX-2 semble pouvoir inhiber
l’angiogenèse intratumorale, permettre la réinduction d’une
réponse au traitement hormonal et, bien sûr, traiter les douleurs.
En cas de tumeur hormonorésistante symptomatique, l’inhibi-
teur de la COX-2 est donc particulièrement indiqué, en cas
d’augmentation du taux de PSA sous traitement hormonal. Il
semble pouvoir bloquer l’augmentation du taux de PSA. L’anti-
COX-2 semble, par ailleurs, avoir un rôle potentiel dans la chi-
mioprévention des cancers, probablement en inhibant l’angio-
genèse. Il n’y a pas actuellement de réelles preuves d’efficacité
de l’anti-COX-2 dans le cancer prostatique, mais des présomp-
tions sérieuses qui ouvrent un large champ d’études.
Pr Flam – Quelles sont les futures directions
de la chimiothérapie ?
!Pr Pienta –L’avenir immédiat devrait être particulièrement
stimulant. Dans les deux prochaines années, nous allons en
savoir beaucoup plus sur les biphosphonates, et sur leur rôle dans
le traitement et, surtout, la prévention des métastases. Ils sont uti-
lisés dans le traitement des métastases douloureuses, mais ils
semblent pouvoir également inhiber leur développement.
Les essais de “vaccin” ont été jusqu’à présent très décevants
dans les cancers hormonorésistants, mais l’utilisation d’anti-
corps humanisés anti-PSMA radioactifs devrait ouvrir une
nouvelle voie de traitement.
Commentaires du Dr Beuzeboc (Institut Curie)
La chimiothérapie du cancer de prostate en échappement hormo-
nal est en train de changer. Nous n’avions, jusqu’à une période
très récente, que des traitements peu efficaces, aucun n’ayant
démontré de gain en survie dans les essais de phase III. Il était dif-
ficile de se contenter de standards n’entraînant que de faibles taux
de réponses objectives, avec pour seul bénéfice une amélioration
certes significative, mais discrète, de la qualité de vie et des symp-
tômes. Comme aux États-Unis, actuellement, notre intérêt se porte
essentiellement, en ce qui concerne les cytotoxiques, sur les
taxanes seuls ou associés à l’estramustine. Si le Pr Pienta a bien
exposé le rationnel fondamental justifiant cette combinaison, je
voudrais ajouter que les premières données cliniques semblent le
confirmer. En effet, Hudes, en session orale à l’ASCO 2001 (abs-
tract 696), a rapporté une amélioration significative du taux de
réponses thérapeutiques avec une combinaison de paclitaxel heb-
domadaire et d’estramustine par rapport au même schéma avec
paclitaxel seul. Des essais multicentriques de phase II randomisés
(avec le taux de réponses comme critère de jugement principal)
ou de phase III (avec analyse de la survie comme “end point”)
comparant le protocole de référence de Tannock (mitoxantrone et
prednisone) au docétaxel seul ou associé à l’estramustine sont
actuellement en cours, et bien avancés, en France et en Europe. Il
faut également attendre les résultats de l’essai de phase III multi-
centrique européen comparant l’aminoglutéthimide associé ou
non à la vinorelbine et dont le recrutement est clos. L’analyse de
la tolérance dans ces essais sera encore une fois fondamentale, car
il ne faut pas oublier l’âge souvent avancé de ces patients.
Enfin, nous espérons que dans un avenir assez proche, l’apport
d’inhibiteurs de tyrosines kinases ou d’anticorps monoclonaux
pourra améliorer les résultats obtenus avec les cytotoxiques,
comme cela est déjà le cas dans d’autres localisations tumo-
rales. Signalons enfin la nouvelle piste intéressante que repré-
sente l’atrasentan (inhibiteur du récepteur de l’endothéline A),
qui a montré des résultats encourageants dans un essai contrôlé
rapporté également à l’ASCO (abstract 694)."
INTERVIEW
200
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 5 - septembre-octobre 2001