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Coping
● D’après un entretien avec A. Taytard*, propos recueillis par L. Halimi**
es recommandations internationales, ou celles
plus récentes définies par l’ANAES, insistent sur
l’importance de l’éducation thérapeutique du
patient asthmatique. Dans ce contexte, certains professionnels de santé font référence à la capacité du patient à faire
face à la situation et à ses stratégies cognitives et comportementales. Pourriez-vous approfondir ce concept ?
A. Taytard : L’éducation thérapeutique fait partie aujourd’hui
de toutes les recommandations sur la prise en charge de l’asthmatique. Elle est essentielle si on veut que le malade soit,
pour lui-même, un producteur de soins de qualité. Mais la façon
dont il perçoit sa maladie et son traitement et sa façon d’y
faire face sont deux éléments cruciaux de la prise en charge.
Sans aller trop loin dans l’analyse comparée des vocabulaires
anglais et français, ce “faire face” est la meilleure traduction
française dont on dispose pour “to cope with”, le verbe anglais
dont est issu le néologisme “coping”, traduit par “stratégies
d’ajustement” (1).
Si on retourne aux sources, le coping, défini par Lazarus et Folkman (2), désigne les “efforts cognitifs et comportementaux destinés à gérer les exigences externes et/ou internes spécifiques
qui sont perçues comme menaçant ou débordant les ressources
d’une personne”. Cette notion est issue d’une conception selon
laquelle le stress n’est ni une caractéristique des situations ni
une caractéristique des individus mais une “transaction particulière entre la personne et l’environnement dans laquelle la
situation est évaluée par la personne comme excédant ses ressources et menaçant son bien-être”.
Différentes stratégies d’ajustement ont été identifiées dans la
population générale :
– coping centré sur le problème : ensemble des efforts entrepris
pour affronter la situation (recherche d’informations, de moyens
d’action, plans d’action...) ;
– coping centré sur l’émotion : ensemble de tentatives effectuées pour contrôler la tension émotionnelle induite par la situation (évitement, réévaluation, expression émotionnelle, autoaccusation...) ;
– recherche de soutien social : ensemble de comportements visant
à obtenir l’aide d’autrui (parler à quelqu’un, accepter la sympathie, demander des conseils...).
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* Service des maladies respiratoires, hôpital du Haut-Lévêque, CHU de
Bordeaux.
** Psychologue, CHU de Montpellier.
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Certains auteurs n’adhèrent pas totalement à cette classification et aboutissent à trois autres catégories : le coping “évitant”, le coping “vigilant” et la réévaluation du problème. Par
ailleurs, chez Lazarus et Folkman, la recherche de soutien
social, réel ou perçu comme tel, fait partie du coping centré
sur l’émotion, la quête de la compréhension ou de la sympathie d’autrui diminuant la tension mais ne changeant rien au
problème. Aujourd’hui, la recherche de soutien social semble
être une nouvelle stratégie. En quoi est-elle spécifique ?
A. T. : Je ne crois pas que la recherche de soutien social, dans
ce qui nous occupe ici, à savoir la façon de faire face à l’asthme
sous ses différents aspects, se réduise à l’émotion (même si, à
l’évidence, les deux phénomènes ne sont pas étrangers l’un à
l’autre) ; le social ne se résume pas à la psychologie individuelle. Par exemple, avoir une stratégie d’évitement dans
l’asthme conduit à retarder l’action efficace face à la crise ;
avoir une stratégie de soutien social peut conduire à chercher
l’appui de son médecin, de façon quelquefois exagérée, voire
abusive (pour ce qui est de l’asthme et du point de vue du médecin), mais cela a toutes les chances d’apporter une réponse adaptée et rapide au problème posé.
Au-delà de la controverse sur la classification, le coping
est-il un processus, à savoir une interaction entre un sujet et
une situation, ou une disposition stable de la personnalité ?
A. T. : Les sujets ne sont pas fixés dans un type de coping et
peuvent en changer selon les situations, passant, par exemple,
d’une stratégie centrée sur le problème lorsque la situation est
objectivement contrôlable à une stratégie centrée sur l’émotion
dans le cas contraire. On peut, par ailleurs, distinguer un coping
qui renvoie à la façon dont le malade fait face à sa maladie dans
la vie quotidienne et un coping qui se réfère à son comportement immédiat, face à une exacerbation par exemple.
Si on accepte cette conception et si on prend l’asthme comme
exemple, on peut observer que les modèles de coping des asthmatiques ne diffèrent pas des modèles de la population générale mais que les asthmatiques ont plus souvent recours au
coping centré sur l’émotion (3).
Ces stratégies sont-elles fonctionnelles, efficaces en termes de
réduction de tension ?
A. T. : Elles ne sont pas sans conséquences sur la prise en charge
de la maladie et la qualité de vie. On a pu montrer qu’une straLa Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002
tégie purement émotionnelle prédisait une moins bonne qualité
de vie ; elle peut aussi expliquer la répugnance à s’engager dans
la démarche éducative et une faible attirance pour l’autonomie
dans les décisions concernant la gestion de la maladie ; elle peut
enfin rendre contre-productive, voire néfaste, une information
donnée. À l’inverse, un coping centré sur le problème, qui permet de voir et de gérer sa maladie comme extérieure, est très favorable à l’éducation.
Pourtant, selon Lazarus et Folkman, les individus qui attribuent ce qui leur arrive à des causes internes utilisent davantage des stratégies centrées sur le problème que les individus qui attribuent ce qui leur arrive à des causes externes
incontrôlables.
A. T. : Il est clair que la maladie est “interne”, aucun médecin
ne peut croire le contraire ; mais avoir la capacité de la gérer
comme un “problème”, au sens quasi mathématique (donc in-
différent) de ce terme, traduit une capacité de distanciation
qui peut faire envisager cela comme une “externalisation”.
Connaître les stratégies de coping utilisées peut donc conduire à
mieux adapter les types de prise en charge à proposer et l’information à donner.
L’éducation et la prise en charge adéquate des malades ne peuvent faire l’économie de cette analyse de la façon dont l’individu perçoit la situation et des moyens qu’il met en place pour
y faire face.
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1. Bruchon-Schweitzer M, Dantzer R. Introduction à la psychologie de la
santé. Paris : PUF, 1994.
2. Lazarus RS, Folkman S. Stress, appraisal, and coping. New York : Springer,
1984.
3. Cousson-Gélie F, Taytard A. Stratégies d’ajustement habituelles mises en
place par des patients asthmatiques. Rev Mal Respir 1999 ; 16 : 353-9.
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