VOCABULAIRE
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La Lettre du Pneumologue - Volume V - no5 - sept.-oct. 2002
L
es recommandations internationales, ou celles
plus récentes définies par l’ANAES, insistent sur
l’importance de l’éducation thérapeutique du
patient asthmatique. Dans ce contexte, certains profession-
nels de santé font référence à la capacité du patient à faire
face à la situation et à ses stratégies cognitives et comporte-
mentales. Pourriez-vous approfondir ce concept ?
A. Taytard : L’éducation thérapeutique fait partie aujourd’hui
de toutes les recommandations sur la prise en charge de l’asth-
matique. Elle est essentielle si on veut que le malade soit,
pour lui-même, un producteur de soins de qualité. Mais la façon
dont il perçoit sa maladie et son traitement et sa façon d’y
faire face sont deux éléments cruciaux de la prise en charge.
Sans aller trop loin dans l’analyse comparée des vocabulaires
anglais et français, ce “faire face” est la meilleure traduction
française dont on dispose pour “to cope with”, le verbe anglais
dont est issu le néologisme “coping”, traduit par “stratégies
d’ajustement” (1).
Si on retourne aux sources, le coping, défini par Lazarus et Folk-
man (2), désigne les “efforts cognitifs et comportementaux des-
tinés à gérer les exigences externes et/ou internes spécifiques
qui sont perçues comme menaçant ou débordant les ressources
d’une personne”. Cette notion est issue d’une conception selon
laquelle le stress n’est ni une caractéristique des situations ni
une caractéristique des individus mais une “transaction parti-
culière entre la personne et l’environnement dans laquelle la
situation est évaluée par la personne comme excédant ses res-
sources et menaçant son bien-être”.
Différentes stratégies d’ajustement ont été identifiées dans la
population générale :
–coping centré sur le problème : ensemble des efforts entrepris
pour affronter la situation (recherche d’informations, de moyens
d’action, plans d’action...) ;
–coping centré sur l’émotion : ensemble de tentatives effec-
tuées pour contrôler la tension émotionnelle induite par la situa-
tion (évitement, réévaluation, expression émotionnelle, auto-
accusation...) ;
–recherche de soutien social : ensemble de comportements visant
à obtenir l’aide d’autrui (parler à quelqu’un, accepter la sympa-
thie, demander des conseils...).
Certains auteurs n’adhèrent pas totalement à cette classifi-
cation et aboutissent à trois autres catégories : le coping “évi-
tant”, le coping“vigilant” et la réévaluation du problème. Par
ailleurs, chez Lazarus et Folkman, la recherche de soutien
social, réel ou perçu comme tel, fait partie du coping centré
sur l’émotion, la quête de la compréhension ou de la sympa-
thie d’autrui diminuant la tension mais ne changeant rien au
problème. Aujourd’hui, la recherche de soutien social semble
être une nouvelle stratégie. En quoi est-elle spécifique ?
A. T. : Je ne crois pas que la recherche de soutien social, dans
ce qui nous occupe ici, à savoir la façon de faire face à l’asthme
sous ses différents aspects, se réduise à l’émotion (même si, à
l’évidence, les deux phénomènes ne sont pas étrangers l’un à
l’autre) ; le social ne se résume pas à la psychologie indivi-
duelle. Par exemple, avoir une stratégie d’évitement dans
l’asthme conduit à retarder l’action efficace face à la crise ;
avoir une stratégie de soutien social peut conduire à chercher
l’appui de son médecin, de façon quelquefois exagérée, voire
abusive (pour ce qui est de l’asthme et du point de vue du méde-
cin), mais cela a toutes les chances d’apporter une réponse adap-
tée et rapide au problème posé.
Au-delà de la controverse sur la classification, le coping
est-il un processus, à savoir une interaction entre un sujet et
une situation, ou une disposition stable de la personnalité ?
A. T. : Les sujets ne sont pas fixés dans un type de coping et
peuvent en changer selon les situations, passant, par exemple,
d’une stratégie centrée sur le problème lorsque la situation est
objectivement contrôlable à une stratégie centrée sur l’émotion
dans le cas contraire. On peut, par ailleurs, distinguer un coping
qui renvoie à la façon dont le malade fait face à sa maladie dans
la vie quotidienne et un coping qui se réfère à son comporte-
ment immédiat, face à une exacerbation par exemple.
Si on accepte cette conception et si on prend l’asthme comme
exemple, on peut observer que les modèles de coping des asth-
matiques ne diffèrent pas des modèles de la population géné-
rale mais que les asthmatiques ont plus souvent recours au
coping centré sur l’émotion (3).
Ces stratégies sont-elles fonctionnelles, efficaces en termes de
réduction de tension ?
A. T. : Elles ne sont pas sans conséquences sur la prise en charge
de la maladie et la qualité de vie. On a pu montrer qu’une stra-
Coping
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D’après un entretien avec A. Taytard*, propos recueillis par L. Halimi**
* Service des maladies respiratoires, hôpital du Haut-Lévêque, CHU de
Bordeaux.
** Psychologue, CHU de Montpellier.