26 | La Lettre du Sénologue • n° 45 - juillet-août-septembre 2009
Les inhibiteurs de l’aromatase dans le cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
rapie sur la zone mammaire ? Compte tenu de l’ac-
tion potentiellement proliférative du PTHrp sur les
cellules cancéreuses, Forstéo® doit être administré
avec grande précaution chez des patientes ayant eu
des antécédents récents de cancer du sein.
Le ranélate de strontium (Protélos®) n’a pas fait
l’objet d’études spécifiques chez ces patientes.
Les autres facteurs de risque de fractures ostéopo-
rotiques devront être prévenus : arrêt d’une impré-
gnation alcoolotabagique, maintien d’une activité
physique, prévention des chutes, substitution vita-
mino-calcique.
Douleurs articulaires
et musculaires sous
antiaromatases
L’étude ATAC démontrait que les manifestations arti-
culaires étaient plus fréquentes sous anastrozole que
sous tamoxifène (7). Les chiffres cependant étaient
peu différents : 36 % versus 29 %.
En pratique, les douleurs sous tamoxifène étaient le
plus souvent modérées et n’entraînaient pas réelle-
ment d’altération de la qualité de vie des patientes.
À l’opposé, les douleurs sous antiaromatases peuvent
être importantes, invalidantes au quotidien (13). On
peut craindre, en outre, une mauvaise observance
chez les patientes algiques.
À Toulouse, nous avons institué, dès 2006, une consulta-
tion spécialisée où les patientes prenant des antiaroma-
tases ayant des douleurs articulaires jugées invalidantes
par la malade et l’oncologue, étaient prises en charge
par un rhumatologue. Cette consultation a pour but
d’essayer de trouver une solution thérapeutique à ces
patientes et de mieux comprendre le mécanisme de
leurs douleurs. Elle comprend un examen clinique, des
radiographies des mains, des avant-pieds et des arti-
culations douloureuses, une échographie des mains et
des poignets. Un bilan biologique (vitesse de sédimen-
tation [vs], protéine C-réactive [CRP], électrophorèse
des protides) et immunologique (dosage des anticorps
antinucléaires, des facteurs rhumatoïdes, des anticorps
antiprotéines citrullinées, des anticorps antithyroïdiens
et, s’il existe un syndrome sec, une biopsie des glandes
salivaires accessoires) [14]. Le suivi de 70 patientes
permet d’individualiser trois types de situations :
➤
Pour 10 % des malades, les symptômes sont
liés à un problème local spécifique : coxarthrose
décompensée, périarthrite d’épaule, douleurs dans
le cadre d’un rhumatisme paranéoplasique avec
aponévrosite, etc.
➤
Pour 30 % des malades, les douleurs sont liées à
l’arthrose. Celle-ci devient symptomatique par la priva-
tion estrogénique liée aux antiaromatases comme elle
peut l’être après la ménopause : arthrose digitale ou
rhizarthrose devenant douloureuses, gonarthrose,
arthrose rachidienne. Dans ce cas, un traitement de
fond antiarthrosique et des mesures locales (infiltra-
tions, kinésithérapie) améliorent les patientes.
➤
Pour 60 % des patientes, les arthralgies sont surtout
distales. Elles concernent les mains, avec sensation de
doigts boudinés, difficultés à enlever les bagues, enraidis-
sement matinal. Les douleurs concernent aussi les pieds
et les chevilles et apparaissent surtout à la mise en charge
et sont handicapantes aux premiers pas. Plus rarement,
genoux, épaules, hanches peuvent être touchés. À ces
douleurs articulaires s’associent fréquemment des myal-
gies. Les radiographies sont normales ou montrent des
signes d’arthrose antérieure. L’échographie, près d’une
fois sur deux, objective des arthrites ou des ténosynovites
des mains, infracliniques.
Sur le plan biologique, il n’existe pas, ou peu, de
syndrome inflammatoire, mais la moitié de ces
patientes ont un syndrome sec, des anticorps antinu-
cléaires à des taux significatifs sans spécificité, parfois
des facteurs rhumatoïdes, parfois des infiltrats lympho-
cytaires des glandes salivaires, parfois des anticorps
antithyroïdiens. Ces malades semblent donc avoir des
arthralgies qui s’intègrent dans le cadre de syndrome de
Sjögren-like avec anticorps antinucléaires (14). Dans ce
cadre, il faut savoir qu’un modèle de souris knock-out
pour l’aromatase développe un syndrome apparenté
au Sjögren avec atteinte exocrine et atteinte rénale.
Les antiaromatases pourraient donc provoquer des
douleurs inflammatoires, pas uniquement du fait de
la privation complète en estrogène, mais par déclen-
chement d’un processus auto-immun.
Sur le plan pratique, chez ces malades, les antalgiques
sont peu efficaces. Les anti-inflammatoires ne le sont
qu’une fois sur deux et de façon modérée. Les corti-
coïdes à faible dose (10 mg par jour de prednisone) le
sont un peu plus souvent. Bien sûr, il n’est pas recom-
mandé de poursuivre une corticothérapie au long cours
chez ces patientes sous antiaromatases, car les deux
traitements pourraient favoriser l’ostéoporose. en
revanche, nous avons déjà donné à quelques malades
des antipaludéens de synthèse avec succès. Une solu-
tion est parfois envisagée : revenir au tamoxifène si ce
dernier n’est pas contre-indiqué. ■
Références
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