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Mise au point
Mise au point
L’acquisition ou l’expression d’habileté
psychosociale fait intervenir la
mémoire de travail et la mémoire
explicite. L’altération de ces fonctions
cognitives chez le patient schizophrène
entraîne donc une altération des capa-
cités d’adaptation (11).
Ce déficit des habiletés fonctionnelles
est préjudiciable aux interactions
sociales et interpersonnelles, ainsi
qu’aux soins personnels de base.
Par conséquent, un patient schizophrène
qui manifeste de bonnes capacités
mnésiques a un meilleur pronostic sur
le plan du fonctionnement quotidien
qu’un patient schizophrène ayant un
déficit mnésique, même si les symp-
tômes cliniques du premier sont plus
marqués.
Quelles sont les nouvelles
données dans la prise
en charge thérapeutique
du patient schizophrène ?
L’étude des neuromédiateurs impli-
qués dans la cognition permet de
mieux comprendre l’action des neuro-
leptiques sur la cognition, et leur inté-
rêt pour pallier les dysfonctionne-
ments cognitifs dans la schizophrénie.
Des recherches pharmacologiques ont
vu le jour, dans le but d’approfondir
les connaissances sur le rôle des neu-
roleptiques dans l’amélioration des
troubles cognitifs du patient schizo-
phrène.
Liens unissant les neuromédiateurs
et la cognition
Nous ferons un bref rappel de la rela-
tion des neuromédiateurs intervenant
dans la cognition et nous décrirons les
effets des neuroleptiques sur la neuro-
transmission cognitive.
Le système noradrénergique a une
action sur l’éveil, le stress, l’apprentis-
sage et la mémoire de travail.
Le système dopaminergique agit sur la
mémoire de travail, la planification,
l’organisation des séquences compor-
tementales et sur la mémoire procédu-
rale (mémorisation de séquences com-
portementales).
Ces fonctions cognitives sont dépen-
dantes de l’action dopaminergique au
niveau du cortex préfrontal (12).
Lorsqu’il existe un déficit du système
sérotoninergique, on remarque une
désinhibition comportementale et une
impulsivité.
Le système cholinergique augmente
l’éveil et a une action sur la mémoire.
La stimulation des neurones noradré-
nergiques, cholinergiques et peut-être
dopaminergiques augmente la sensibi-
lité des aires corticales aux stimuli.
Cette stimulation intensifie l’éveil en
majorant le rapport signal sur bruit.
Chez le patient schizophrène, c’est la
région corticale frontale qui est
perturbée (13). Les études pharmaco-
logiques portent donc sur les neuro-
médiateurs et les neuroleptiques agis-
sant au niveau de cette région du cor-
tex cérébral.
Effets des neuroleptiques typiques
et atypiques
La comparaison des résultats des
effets des neuroleptiques, qu’ils soient
typiques ou atypiques, doit tenir
compte de paramètres importants tels
que les doses des neuroleptiques utili-
sées, la durée d’administration, les
autres traitements associés, les tâches
d’évaluation cognitives sélectionnées
et les profils des différentes formes
cliniques de la schizophrénie au sein
de la population de patients étudiée.
Les neuroleptiques typiques
Sur le plan mnésique, les neuro-
leptiques classiques n’ont pas d’action
reconnue au niveau de la mémoire
explicite, sauf à des posologies éle-
vées. En revanche, ils altèrent la
mémoire procédurale cognitive
(mémoire implicite). Il est toutefois
difficile de discerner exactement la
part des déficits liée à la maladie de
celle liée aux neuroleptiques.
Sur le plan cognitif, les neuroleptiques
classiques n’agissent, théoriquement,
que peu ou pas sur les fonctions intel-
lectuelles supérieures. Ils sont donc
sans effet sur les habiletés perceptives
de base, la mémoire de travail et les
fonctions éxécutives. Toutefois, une
légère aggravation des performances
cognitives de patients traités par des
neuroleptiques conventionnels a été
rapportée. Plus précisément, une alté-
ration de l’attention et de la vigilance
en prise unique ou en traitement court
(inférieur à trois jours) et une absence
de retentissement cognitif significatif
lors de traitements chroniques ont été
mises en évidence (14-16).
Certaines modifications des fonctions
cognitives ont été étudiées (17) chez
des volontaires sains à qui on a admi-
nistré de l’halopéridol (molécule de
référence) en prise unique : l’halopéri-
dol perturbe le shifting, c’est-à-dire la
capacité de passer d’un schéma de
résolution de problème à un autre. Le
shifting est une forme de flexibilité
mentale utilisée lorsque les sujets
confrontés à un problème doivent
adapter leur stratégie de résolution,
abandonnant une solution longue ou
complexe pour une résolution courte
ou plus efficace. L’halopéridol altère
également le processus de la méta-
cognition (ou métamémoire), c’est-à-
dire la capacité des sujets à juger de
leur propre performance de résolution.
En revanche, la mémoire ne semble
pas significativement altérée par la
prise d’halopéridol.
Trois effets pharmacologiques des
neuroleptiques classiques sont invo-
qués (figure 1) :
– d’une part, l’hypothèse d’un effet
délétère du blocage dopaminergique
D2 au niveau du cortex préfrontal sur
les fonctions cognitives est émise par
de nombreux auteurs (14, 18) ;
– d’autre part, l’effet sédatif des neu-
roleptiques classiques consécutif au
blocage des récepteurs histaminiques
H1 est corrélé à un dysfonctionnement
cognitif et on a pu mettre en évidence
que le blocage des récepteurs histami-
niques H1 entraînait une altération des
capacités d’apprentissage et des per-
formances mnésiques (19) ;
- enfin, la coprescription de correc-