La Lettre du Rhumatologue - n° 249 - février 1999
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C
AS CLINIQUE
Après une amélioration transitoire, on note, en juin 1994, une
nouvelle majoration de la taille des calcifications, avec récidive
des phénomènes douloureux. Le patient bénéficie alors d’un trai-
tement chélateur de l’aluminium par déféroxamine en raison des
dosages élevés de l’aluminium osseux. L’évolution clinique et
radiologique est très satisfaisante et la déféroxamine est inter-
rompue en juin 1995.
DISCUSSION
Les calcinoses pseudo-tumorales sont des lésions calcifiées juxta-
articulaires observées chez 0,5 à 1,2 % des patients dialysés. Plus
que leur taille (2 à 25 cm), c’est leur disproportion par rapport à
l’articulation voisine qui les distingue des autres calcifications
des tissus mous. Elles apparaissent après un délai moyen de
cinq ans de dialyse, avec des extrêmes allant de sept mois à dix-
sept ans, la fréquence de l’affection augmentant avec l’ancien-
neté de la dialyse. Les calcinoses pseudo-tumorales se dévelop-
pent préférentiellement au voisinage de la hanche et de l’épaule.
Par ordre décroissant de fréquence viennent ensuite le coude, le
genou et la main. Toutes les articulations peuvent être atteintes,
et des localisations atypiques, comme la paroi thoracique, la
région latéro-cervicale, l’omoplate, le creux sus-claviculaire et
la face antérieure de l’avant-bras, ont été observées. Les calci-
noses pseudo-tumorales peuvent être uniques (deux tiers des cas)
ou multiples (un tiers des cas).
En raison de son caractère indolore, le diagnostic de calcinose
pseudo-tumorale est fréquemment posé au décours d’une com-
plication. On peut ainsi observer :
– une limitation de la mobilité articulaire liée au volume de la
tumeur,
– un ou plusieurs épisodes inflammatoires locaux, probablement
secondaires à la migration intra-articulaire de matériel calcique,
– une compression nerveuse, en particulier au niveau du coude,
ou vasculaire, préférentiellement dans le creux poplité, pouvant
aboutir à une thrombose veineuse,
– une fistulisation cutanée, avec écoulement d’un liquide crayeux
ou laiteux, qui peut secondairement se surinfecter.
La lésion radiographique caractéristique est “multiloculaire” et
de siège para-articulaire. Elle est composée d’une juxtaposition
en grappes de petites images denses, arrondies ou ovalaires, bien
limitées par un cerne. La paroi de ces formations est radiotrans-
parente si elle est purement conjonctive ou plus dense lorsqu’elle
est calcifiée. Dans certains cas, on peut observer un aspect spé-
cifique, mais non pathognomonique, qui est le “signe de la sédi-
mentation”. Ce signe correspond à un niveau liquide au sein d’une
formation élémentaire et est lié à la sédimentation des cristaux
calciques avec un surnageant séreux. Considérées initialement
comme exceptionnelles, des images d’érosions osseuses conti-
guës à la calcinose ont été observées par plusieurs auteurs. L’exa-
men scanographique a peu d’intérêt dans le diagnostic positif
d’une calcinose pseudo-tumorale. Son apport principal est de pré-
ciser l’extension locale de la tumeur et ses rapports avec les tis-
sus adjacents lorsqu’un geste chirurgical est envisagé. La scinti-
graphie osseuse détecte très précocement les calcifications
périarticulaires, avant leur visualisation radiographique, mais
cette technique est non spécifique. L’apport de l’IRM paraît limité
à la mise en évidence de lésions de type inflammatoire dans les
séquences pondérées en T2, ce qui pourrait permettre d’appré-
cier l’activité des lésions granulomateuses, et éventuellement le
pronostic après un geste chirurgical.
Histologiquement, la calcinose pseudo-tumorale est constituée
de cavités contenant des sels calciques entourés par une réaction
granulomateuse où l’on peut identifier des cellules mononucléées,
des cellules géantes et des macrophages ayant phagocyté des cris-
taux d’hydroxyapatite ou en phase de dégénérescence lipidique.
Le stroma est plus ou moins riche en cellules inflammatoires en
fonction du degré d’activité de la tumeur. Les cristaux dans les
cavités sont principalement constitués d’apatites carbonatées
associées à d’autres phosphates calciques : phosphates de cal-
cium amorphes, phosphates octocalciques et/ou phosphates tri-
calciques.
Les mécanismes physiopathologiques de la calcinose pseudo-
tumorale sont mal connus. Les anomalies biologiques le plus fré-
quemment rencontrées sont l’hyperphosphorémie avec augmen-
tation du produit phosphocalcique et l’hyperparathyroïdie, mais
la correction de ces anomalies n’entraîne pas toujours une régres-
sion des calcifications. L’intoxication aluminique représente pro-
bablement un facteur étiologique important, mais qui devrait dis-
paraître dans les années à venir. En effet, celle-ci est secondaire
à l’utilisation de chélateurs aluminiques du phosphore qui ne sont
actuellement plus utilisés par les néphrologues. On évoque, outre
les facteurs métaboliques déjà cités, un rôle favorisant de l’in-
toxication à la vitamine D, de l’hypermagnésémie, de l’hypervi-
taminose K et de l’alcalose post-dialyse.
La prise en charge thérapeutique des calcinoses pseudo-tumo-
rales commence par une correction des troubles métaboliques
impliqués, avec en particulier une intensification des séances de
dialyse et le traitement d’une éventuelle intoxication aluminique
par déféroxamine. La parathyroïdectomie n’est indiquée qu’en
cas d’hyperparathyroïdie sévère non contrôlée par le traitement
médical. Ces mesures sont cependant souvent insuffisantes et
elles peuvent être associées à une résection chirurgicale lors de
complications locales ou d’une gêne mécanique invalidante. Tou-
tefois, les récidives après chirurgie sont fréquentes.
La découverte d’une calcinose pseudo-tumorale nécessite un
bilan étiologique exhaustif, et le traitement doit être discuté
pour chaque patient, puisqu’il n’existe actuellement aucune
attitude thérapeutique consensuelle. La mise en évidence d’une
anomalie biologique, comme l’hyperphosphorémie ou une
hyperparathyroïdie, ne doit pas empêcher la recherche d’autres
facteurs étiologiques associés, en particulier une intoxication
aluminique. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
❏ Fernandez E., Amoedo M.L., Borras M., Pais B., Montoliu J. Tumoral calcino-
sis in hemodialysis patients without severe hyperparathyroïdism. Nephrol Dial
Transplant 1993 ; 8 : 1270-3.