É D I T O R I A L L’éducation des patients : un traitement orphelin ? ● J.S. Giraudet-Le Quintrec* E n ce début de XXIe siècle, le rhumatologue est confronté à plusieurs défis : – les maladies chroniques qu’il ne guérit pas encore et pour lesquelles les patients doivent prendre des traitements au long cours (polyarthrite rhumatoïde, arthrose, ostéoporose, lombalgies...) ; – les risques liés au mode de vie (stress, sédentarité, tabac, régimes alimentaires carencés, médecines parallèles...) et les difficultés socio-professionnelles qui peuvent retentir sur la santé ; – le grand nombre d’“informations médicales” dont disposent les patients via les médias grand public (presse, télévision, radio, Internet...) et les associations de malades. La spirale des connaissances s’est emballée (trop d’information tue l’information) au risque de lasser, voire de perturber ; – enfin, le devoir du médecin d’informer complètement les patients (et d’être en mesure de le prouver). Il s’agit donc de concevoir de nouveaux moyens d’aider les malades à se prendre en charge, de dialoguer avec eux et de les accompagner. L’objectif n’est plus simplement de lutter contre les maladies chroniques, mais d’inciter les patients à participer activement à la gestion de leur maladie et des traitements : un patient n’est plus l’objet des soins qui lui sont délivrés mais l’un des acteurs essentiels de sa santé (“malade partenaire”). La démarche médicale classique fondée sur la prescription doit faire maintenant une large place à un travail d’accompagnement et de conseils. Une nouvelle démarche médicale L’information, étape préalable à tout soin, consiste à transmettre la connaissance, à fournir des explications, à donner des conseils, à instruire. Le message est reçu passivement. L’information donnée lors du colloque singulier doit être “simple, accessible, intelligible et loyale”, mais également prudente, pondérée, pour éveiller la curiosité du patient et son désir de participer acti* Services de rhumatologie A (Pr A. Kahan) et d’orthopédie A (Pr J.P. Courpied), hôpital Cochin, Paris. La Lettre du Rhumatologue - n° 274 - septembre 2001 vement à la gestion de sa maladie et de ses traitements. Primum non nocere, il faut rappeler que le refus d’information est également un droit des patients, et que le médecin ne doit pas informer à tout prix, au risque d’inquiéter. Lorsque le rhumatologue prend en charge un patient souffrant d’un rhumatisme chronique, cette communication d’un savoir médical a tout intérêt à être renforcée par une démarche éducative, car la transmission du message ne suffit plus. Le patient doit vivre au jour le jour (et parfois la nuit) avec une maladie responsable de douleurs chroniques et lui interdisant de mener une vie normale ; le caractère harcelant et l’évolution incertaine de la douleur sont à l’origine d’un stress épuisant. L’éducation a pour but d’aboutir à une modification profonde des habitudes et du comportement (véritable formation, acquisition, apprentissage). Ce processus d’apprentissage comporte plusieurs étapes : ✔ l’information est l’étape préalable incontournable (transmission du savoir) ; ✔ la deuxième étape implique la compréhension et la mémorisation de l’information, pour acquérir le savoirfaire, la compétence, ✔ la troisième étape représente le transfert des connaissances acquises pour modifier un comportement, changer une habitude (le “faire”), ✔ la dernière étape est une démarche personnelle active pour “savoir être”, “faire face” (coping des Anglo-Saxons, du verbe to cope : adopter des stratégies d’adaptation face à l’adversité), de sorte que le patient, qui est dans la maladie, dans la souffrance, puisse négocier avec l’adversité, trouver des solutions concrètes pour “positiver” la situation. Ainsi, l’éducation est caractérisée par un transfert planifié et organisé des compétences du soignant vers le soigné. Un développement timide L’éducation individuelle (colloque singulier) est incontournable. Proposée lors de la consultation (en ville ou à l’hôpital), elle permet de délivrer des informations personnalisées et de répondre aux questions d’un patient. Toutefois, le temps est compté, les patients sont de plus en plus “savants”, les soins de plus en plus techniques, les informations nécessaires au consentement de plus en plus nombreuses... 3