Carcinome canalaire in situ : problèmes particuliers D

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Carcinome canalaire in situ : problèmes particuliers
Ductal carcinoma in situ: special problems
Dossier
D ossier
IP. B. Cutuli*
CCIS et femme âgée
Les données sur les CCIS chez les femmes de 70 ans et plus
sont rares. Dans l’étude française intercentre, parmi 1 223
patientes traitées de 1985 à 1996 par chirurgie conservatrice
seule (n = 265), CC + RT (n = 600) ou mastectomie (n = 358),
76 (6 %) avaient 70 ans ou plus (1). Avec un suivi de 75 mois,
on a observé 1 RL parmi 26 mastectomies, (4 %), 4 RL après
18 CC seule (22 %) et aucune RL parmi les 32 patientes traitées
par CC + RT.
Dans la dernière étude de l’International Collaborative Group,
parmi 1 003 patientes avec un CCIS diagnostiqué par mammographie, 98 (10 %) avaient 70 ans et plus (2). Toutefois, il
n’y avait dans cette étude aucune donnée spécifique pour cette
tranche d’âge. Dans l’Observatoire national français de 20032004, parmi 1 289 patientes, 173 (13 %) avaient 70 ans et plus
(3). Cette proportion plus importante est vraisemblablement
due à l’instauration du “nouveau” dépistage incluant les femmes jusqu’à 74 ans. Une récente étude américaine fondée sur
les données du registre SEER (Surveillance, epidemiology and
end results) de 1992 à 1999 a analysé 3 409 patientes de 66 ans
ou plus dont 2 558 de 70 ans et plus avec un CCIS traité de façon conservatrice avec (44 %) ou sans (56 %) RT : globalement,
les taux de LR à 5 ans sont de 3,6 % et 10,7 % avec et sans RT
(p < 0,001). Ils passent à 6,4 % et 15,4 % à 8 ans (4).
CCIS chez l’homme
À l’heure actuelle, environ 300 cas de CCIS chez l’homme ont
été décrits (5). La proportion de CCIS dans les séries de cancers du sein masculin est d’environ 7 % (6). Dans une récente
étude ayant analysé les données de la base SEER de 1973 à
2001, on retrouve une fréquence des CCIS de 9,4 % chez
l’homme et de 11,9 % chez la femme (7).
Les deux séries les plus importantes ont été répertoriées en
France (31 cas) et aux États-Unis (84 cas) (6, 8). Dans la série
française, l’âge médian était de 58 ans, soit 5 ans de moins par
rapport aux cancers infiltrants, avec 6/31 (19 %) de moins de
40 ans. Dans la série américaine, l’âge médian au diagnostic
était de 62 ans (68 pour les cancers invasifs). Les principaux
symptômes étaient, pour les deux séries, la tumeur rétroaréolaire et l’écoulement séro-sanglant.
* Département de radiothérapie-oncologie, polyclinique de Courlancy, Reims.
La Lettre du Sénologue - n° 35 - janvier-février-mars 2007
On note chez l’homme une nette prédominance des soustypes papillaire et cribriforme. Dans la série américaine, on
retrouve 53 % de CCIS de grade 1 et 47 % de grade 2. La mastectomie simple sans curage permet un contrôle local à 100 %,
alors que la tumorectomie donne un taux élevé de RL.
CCIS après irradiation thoracique
Le cancer du sein est la tumeur secondaire la plus fréquente
chez les femmes traitées au préalable pour une maladie de
Hodgkin par radiothérapie avec ou sans chimiothérapie (9,
11). Le risque est particulièrement élevé chez les adolescentes
et les jeunes femmes traitées entre 12 et 25 ans. Le délai médian de survenue était de 16 ans dans une série multicentrique
internationale de 133 cas dont 15 (11 %) étaient des CCIS (9).
La majorité des patientes (11/15 : 73 %) avaient eu une RT exclusive, et le délai médian de survenue était plus élevé (20 ans)
que pour les cancers infiltrants. Les auteurs anglo-saxons recommandent une mastectomie chez ces femmes, mais, dans
notre expérience, un traitement conservateur radiochirurgical
a pu être réalisé dans 29 % des cas sans difficulté ou complication particulière après évaluation des traitements préalables et
réalisation d’une exérèse lésionnelle complète (9).
Cancer du sein controlatÉral (CSC)
Dans la littérature, on retrouve environ 1 à 2 % de CCIS bilatéraux synchrones. Dans l’étude de Claus, parmi 3 506 patientes
ayant été traitées pour un CCIS, les taux cumulés de CSC métachrone à 5 et 10 ans étaient de 4,3 % et 6,8 % respectivement,
sans différence selon les traitements (12).
Dans l’étude multicentrique française, les taux de CSC métachrones à 8 ans étaient de 4,8 % (17/358), 8,3 % (22/265) et
7,3 % (44/600) respectivement après mastectomie, chirurgie
conservatrice exclusive et chirurgie conservatrice avec radiothérapie (1).
Dans l’étude de l’équipe de Philadelphie (à partir d’une cohorte
de 1 800 femmes traitées de 1977 à 2000 par association radiochirurgicale conservatrice pour une tumeur de stade 0-2), le
risque de CSC est de 13 % à 15 ans, légèrement plus élevé que
celui des carcinomes infiltrants (11 %). Parmi ces CSC, on note
85 % d’invasifs et 15 % de CCIS (13).
Dans l’essai NSAB B-17, avec 90 mois de suivi, le taux de cancers controlatéraux était de 3,9 % (dont les deux tiers d’invasifs)
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avec un pourcentage légèrement plus élevé (mais non significatif) parmi les patientes ayant eu une irradiation (14). Dans l’essai
NSABP B-24, les taux de cancers controlatéraux étaient de 5 %
dans le bras contrôle (3,3 % d’infiltrants et 1,7 de CCIS) (15, 16)
versus 2,8 % dans le bras tamoxifène (2,2 % d’infiltrants et 0,6 %
de CCIS). Globalement, on peut estimer que le risque est de
0,5-1% par an, et qu’il est constant dans le temps. Il n’y a pas
de facteurs spécifiques prédictifs de ce risque, mais certaines
études ont suggéré l’influence de l’âge jeune (12).
Dans l’actualisation de l’essai EORTC 10 583, on retrouve à
10 ans, 22/503 CSC dans le groupe tumorectomie (5,8 %) versus
38/507 CSC (7,5 %) dans le groupe tumorectomie et radiothérapie (17). La différence n’est pas significative (p = 0,16) et 70 %
des CSC sont de type invasif. Dans l’essai suédois (18), les taux
de CSC étaient de 22/520 (4,2 %) et 26/546 (4,8 %) dans les groupes tumorectomie exclusive et tumorectomie avec radiothérapie (p = NS), 79 % étaient globalement de type invasif.
n
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