R E V U E D E P R E S S E Revue de presse ● A. Travade* MONOGRAPHIES Le numéro 5 de la Rev Fr Gynecol Obst (1998 ; 93 (5) : 313416) est consacré à la pathologie mammaire : un article de fond sur le cancer du sein par M. Espié, suivi d’articles divers concernant des formes anatomopathologiques parfois rares. Reproduction humaine et hormones. À l’occasion du vingtième anniversaire du Centre des maladies du sein de l’hôpital Saint-Louis, créé par M. Boiron et A. Gorins, le premier numéro de l’année 1999 est consacré à la pathologie mammaire. Nous vous en conseillons le lecture. En ce qui concerne les lésions bénignes, signalons un article intéressant sur la place de la cytoponction et du trucut (F. Perret et A. de Roquancourt) et sur les kystes (B. Tournant). On peut toutefois regretter que la part dévolue à l’échographie ne soit pas mieux développée, le classique triplet clinique-radiologie-cytologie étant actuellement complété avec un bénéfice certain par les données de l’imagerie ultrasonore et devenant un “quartet”. De même, l’analyse cytologique systématique des kystes typiques à la fois sur le plan clinique et échographique n’est plus un dogme actuellement. En ce qui concerne les carcinomes canalaires in situ, l’article de A. de Roquancourt rappelle de façon particulièrement claire et didactique les différentes classifications anatomopathologiques, et en particulier la classification pronostique de Van Nuys. Celui de M. Espié rappelle les modalités thérapeutiques, en insistant sur l’absence de consensus actuel. Plusieurs papiers s’adressent ensuite au traitement des formes invasives, qu’il soit local ou général. Signalons l’important travail de M. Espié reprenant les résultats de trois études de chimiothérapie adjuvante dans les cancers localisés. Les dernières acquisitions thérapeutiques sont reprises de façon concise et didactique dans les articles de C. Gisselbrecht : intensification thérapeutique et autogreffe, de F. Morvan : les nouvelles antiaromatases, et de C. Cuvier sur les taxanes. Ne pouvant tout détailler ici, nous citerons enfin l’expérience de A. Gorins sur la possibilité de prescrire un traitement hormonosubstitutif à une patiente déjà atteinte d’un cancer du sein ; nous avons apprécié la part laissée aux répercussions psychosomatiques et psychologiques liées à la pathologie mammaire. CHIRURGIE DU CANCER DU SEIN ❒ Mastectomie ou conservation ? Si l’on peut souvent éviter une mutilation, avec le même taux de guérison, elle reste parfois nécessaire, et les indications sont alors bien précises. * Centre de sénologie République, 63000 Clermont-Ferrand. La Lettre du Sénologue - n° 5 - septembre 1999 Weber B. et coll. Que reste-t-il des indications de mastectomie totale pour cancer ? Bull Cancer 1998 ; 85 : 755. Article bien documenté réalisant une synthèse des données actuelles sur les indications de mammectomie, soit mammectomie d’emblée, soit mammectomie en deuxième intention une fois obtenus les résultats histologiques concernant une tumorectomie, soit mammectomie secondaire après traitement chimiothérapique néoadjuvant ou récidive. Zinzindohoué C., Bobin J.Y. Questions non résolues dans les indications du traitement conservateur du cancer invasif du sein. Bull Cancer 1998 ; 85 : 763. Article complémentaire au précédent. Quels sont les problèmes posés par les traitements conservateurs et les indications de celui-ci ? ❒ Durée d’hospitalisation La tendance actuelle est aux économies, et donc au raccourcissement de la durée d’hospitalisation. Est-ce possible après un curage axillaire ? Bundred N. et coll. Randomized controlled trial of effects of early discharge after surgery for breast cancer. Br Med J 1998 ; 317 : 1275. Les auteurs ont étudié les effets de la durée de l’hospitalisation chez des femmes opérées d’un cancer du sein. Habituellement, les femmes restent en moyenne six jours et ne sortent qu’après ablation du drain. Cette étude randomisée a comparé les suites dans deux groupes : patientes sortant à deux jours avec leur drain et patientes sortant après ablation du drain. Les conséquences physiques et psychologiques ne sont pas plus néfastes quand l’hospitalisation est de courte durée, et le coût économique est bien entendu nettement diminué. Il semble en outre qu’il y ait moins de douleurs et une récupération plus rapide de la mobilité de l’épaule dans le premier groupe. Les auteurs proposent cette solution aux patientes qui peuvent bénéficier d’une aide à domicile. ❒ Place de la chirurgie dans le cycle menstruel Contrairement à ce que l’on pensait, cela n’aurait plus d’importance. Silvestrini R. et coll. Effect of menstrual phase on cell proliferative rate of breast cancer. Breast Cancer Research Treatment 1998 ; 48 : 93. Certaines études ont montré que lorsque l’acte chirurgical est réalisé pendant la phase lutéale du cycle, un pronostic plus favorable est observé soit chez toutes les patientes, soit seulement chez celles qui ont un envahissement ganglionnaire. D’autres travaux n’ont pas mentionné de relation. Les auteurs de cet article n’ont pas retrouvé de lien entre la place de la chirurgie dans le cycle menstruel et les indicateurs de prolifération cellulaire, représentés dans cette étude 39 R E V U E D par l’index de marquage à la thymidine chez 800 patientes non ménopausées avec ou sans envahissement ganglionnaire. Harlap S. et coll. Survival of premenopausal women with breast carcinoma. Cancer 1998 ; 83 : 76. Étude de la survie en fonction du moment de la chirurgie dans le cycle menstruel sur 614 patientes non ménopausées. Les auteurs n’ont pas trouvé de lien entre mortalité et phase du cycle. E P R E S S E sein. Celles dont la lésion bénigne s’accompagnait ou était représentée par une cicatrice radiaire ont deux fois plus de risques que les autres de développer un cancer du sein, quel que soit par ailleurs le type de la lésion bénigne, hyperplasie proliférante ou non, avec ou sans atypie. La cicatrice radiaire est donc pour les auteurs un facteur de risque indépendant. CARCINOME CANALAIRE IN SITU ❒ Mastectomie prophylactique Est-ce une solution acceptable dans des cas bien sélectionnés ? Hartmann L.C. et coll. Efficacy of bilateral prophylactic mastectomy in women with a family history of breast cancer. N Engl J Med 1999 ; 340 : 77. Étude rétrospective concernant des femmes ayant subi à la Mayo Clinic une mastectomie bilatérale prophylactique pour des antécédents familiaux entre 1960 et 1993. Deux groupes sont formés : 214 patientes à haut risque et 425 à risque modéré. Le groupe contrôle est constitué par les sœurs de ces femmes. Les auteurs ont ainsi montré qu’une mammectomie bilatérale prophylactique réduit l’incidence du cancer du sein d’au moins 90 %. Un éditorial de A. Eisen et B. Weber intitulé “Le prix de la peur” insiste sur le coût psychologique d’une telle stratégie. Avec le développement du dépistage des gènes de prédisposition BRCA1 et BRCA2, le problème va se poser de plus en plus souvent. Cinquante pour cent seulement de femmes porteuses d’un tel gène vont développer un cancer du sein, mais faut-il proposer une intervention aussi lourde psychologiquement ? Les progrès dans la chimioprévention et l’amélioration du dépistage pourraient être une alternative plus séduisante. (N Engl J Med 1999 ; 340 : 137). BIOLOGIE ET ÉPIDÉMIOLOGIE Faut-il poursuivre les traitements substitutifs continus ? Desreux J. et coll. Effets des progestatifs sur l’apoptose des cellules épithéliales mammaires in vivo et in vitro. Reprod Hum Horm 1998 ; XI : 273. Très intéressante étude avec belle iconographie sur les cellules en apoptose avec marquage TUNEL. Les auteurs ont cherché à détecter et quantifier l’apoptose (mort cellulaire programmée) des cellules épithéliales mammaires normales et l’influence sur celles-ci des hormones ovariennes. L’apoptose ne peut se déclencher que si la cellule est en phase active du cycle cellulaire (G1, S ou G2). Le retrait du progestatif déclenche l’apoptose des cellules normales, mais non des cellules tumorales ni des fibroadénomes. Si cela est confirmé, cela pose bien entendu le problème des THS dits “en continu” sans interruption de progestatif. Cicatrice radiaire et risque de cancer du sein. Faut-il mieux surveiller après cicatrice radiaire (nodule d’Aschoff) ? Jacobs T.W. et coll. Radial scars in benign breast biopsy specimens and the risk of breast cancer. N Engl J Med 1999 ; 340 : 430. Étude cas-témoin chez 1 396 femmes (étude des infirmières de Boston) avec relecture des lames histologiques des lésions bénignes. 255 de ces femmes ont eu par la suite un cancer du 40 Welch H.G. et coll. Using autopsy series to estimate the disease “reservoir” for ductal carcinoma in situ of the breast : how much more breast cancer can we find ? Ann Intern Med 1997 ; 127 : 1023. Analyse bibliographique à l’aide de Medline de 1966 à 1997 permettant de sélectionner sept séries d’autopsies pour chercher les cancers du sein, CCIS ou invasifs occultes, chez des femmes non connues pour avoir un cancer du sein. La prévalence est définie comme le rapport du nombre de patientes atteintes de cancer occulte sur le nombre de patientes examinées. Elle est en moyenne de 1,3 % pour les invasifs et de 8,9 % pour les CCIS. Le nombre de cancers trouvés est lié au nombre de coupes histologiques. Il existe en outre des discordances notables entre les groupes de pathologistes. Les implications pratiques sont évidentes ; quelle est en effet la signification pronostique d’un diagnostic de CCIS, et quelle attitude thérapeutique adopter s’il l’on retient d’après cette étude qu’en moyenne 9 % des femmes de 40 à 50 ans autopsiées ont un CCIS ? Fisher B. et coll. Lumpectomy and radiation therapy for the treatment of intraductal breast cancer : Findings from National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project B-17. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 441. Étude randomisée pour 818 patientes porteuses d’un CCIS localisé permettant de comparer tumorectomie seule ou tumorectomie plus radiothérapie (50 Gy). Dans cette étude, les marges d’exérèse sont saines. Après un suivi moyen de huit ans, les résultats locaux sont meilleurs après radiothérapie, avec réduction de la récidive in situ ou invasive dans le même sein. La survie globale n’est pas modifiée à huit ans ; elle est de 94 % dans le premier groupe et de 95 % dans le deuxième groupe. À noter que l’incidence cumulée de cancer controlatéral est de 4,5 % à huit ans. Netter et coll. Carcinome canalaire in situ du sein : place de l’imagerie. J Radiol 1998 ; 79 : 651. Une mise au point bien documentée sur les CCIS, aspect histologique, signification de la maladie, imagerie et alternatives thérapeutiques. Jourdain et coll. Les récidives après traitement des carcinomes intracanalaires du sein. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1998 ; 27 : 403. Étude rétrospective de 331 patientes traitées à l’institut Bergonié de Bordeaux pour CCIS et ayant au moins cinq ans de recul, traitées par tumorectomie seule, tumorectomie plus radiothérapie ou mammectomie. Tous les blocs anatomopathologiques ont été relus et interprétés au vu des conceptions actuelles. Il y a eu 40 récidives locales dont 23 lésions infiltrantes. Une seule patiente a rechuté après mastectomie. La survie après rechute est de 97,5 % à cinq ans et 84 % à dix ans. La qualité de l’exérèse reste un facteur important, le risque de récidive étant majoré lorsque les berges sont envahies. La récidive, lorsqu’elle survient, se fait une fois sur deux sur un mode infiltrant. La Lettre du Sénologue - n° 5 - septembre 1999