REVUE DE PRESSE
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La Lettre du Sénologue - n° 5 - septembre 1999
MONOGRAPHIES
Le numéro 5 de la Rev Fr Gynecol Obst (1998 ; 93 (5) : 313-
416) est consacré à la pathologie mammaire : un article de
fond sur le cancer du sein par M. Espié, suivi d’articles divers
concernant des formes anatomopathologiques parfois rares.
CHIRURGIE DU CANCER DU SEIN
Mastectomie ou conservation ?
Si l’on peut souvent éviter une mutilation, avec le même taux
de guérison, elle reste parfois nécessaire, et les indications sont
alors bien précises.
Weber B. et coll. Que reste-t-il des indications de mastecto-
mie totale pour cancer ? Bull Cancer 1998 ; 85 : 755. Article
bien documenté réalisant une synthèse des données actuelles
sur les indications de mammectomie, soit mammectomie
d’emblée, soit mammectomie en deuxième intention une fois
obtenus les résultats histologiques concernant une tumorecto-
mie, soit mammectomie secondaire après traitement chimio-
thérapique néoadjuvant ou récidive.
Zinzindohoué C., Bobin J.Y. Questions non résolues dans les
indications du traitement conservateur du cancer invasif du
sein. Bull Cancer 1998 ; 85 : 763. Article complémentaire au
précédent. Quels sont les problèmes posés par les traitements
conservateurs et les indications de celui-ci ?
Durée d’hospitalisation
La tendance actuelle est aux économies, et donc au raccourcis-
sement de la durée d’hospitalisation. Est-ce possible après un
curage axillaire ?
Bundred N. et coll. Randomized controlled trial of effects of
early discharge after surgery for breast cancer. Br Med J
1998 ; 317 : 1275. Les auteurs ont étudié les effets de la durée
de l’hospitalisation chez des femmes opérées d’un cancer du
sein. Habituellement, les femmes restent en moyenne six jours
et ne sortent qu’après ablation du drain. Cette étude randomi-
sée a comparé les suites dans deux groupes : patientes sortant à
deux jours avec leur drain et patientes sortant après ablation du
drain. Les conséquences physiques et psychologiques ne sont
pas plus néfastes quand l’hospitalisation est de courte durée, et
le coût économique est bien entendu nettement diminué. Il
semble en outre qu’il y ait moins de douleurs et une récupéra-
tion plus rapide de la mobilité de l’épaule dans le premier
groupe. Les auteurs proposent cette solution aux patientes qui
peuvent bénéficier d’une aide à domicile.
Place de la chirurgie dans le cycle menstruel
Contrairement à ce que l’on pensait, cela n’aurait plus
d’importance.
Silvestrini R. et coll. Effect of menstrual phase on cell proli-
ferative rate of breast cancer. Breast Cancer Research Treat-
ment 1998 ; 48 : 93. Certaines études ont montré que lorsque
l’acte chirurgical est réalisé pendant la phase lutéale du cycle,
un pronostic plus favorable est observé soit chez toutes les
patientes, soit seulement chez celles qui ont un envahissement
ganglionnaire. D’autres travaux n’ont pas mentionné de rela-
tion. Les auteurs de cet article n’ont pas retrouvé de lien entre
la place de la chirurgie dans le cycle menstruel et les indica-
teurs de prolifération cellulaire, représentés dans cette étude
Revue de presse
A. Travade*
* Centre de sénologie République, 63000 Clermont-Ferrand.
Reproduction humaine et hormones. À l’occasion du vingtième
anniversaire du Centre des maladies du sein de l’hôpital Saint-Louis,
créé par M. Boiron et A. Gorins, le premier numéro de l’année 1999
est consacré à la pathologie mammaire. Nous vous en conseillons le
lecture.
En ce qui concerne les lésions bénignes, signalons un article intéres-
sant sur la place de la cytoponction et du trucut (F. Perret et
A. de Roquancourt) et sur les kystes (B. Tournant). On peut toutefois
regretter que la part dévolue à l’échographie ne soit pas mieux déve-
loppée, le classique triplet clinique-radiologie-cytologie étant actuel-
lement complété avec un bénéfice certain par les données de l’ima-
gerie ultrasonore et devenant un “quartet”. De même, l’analyse cyto-
logique systématique des kystes typiques à la fois sur le plan clinique
et échographique n’est plus un dogme actuellement.
En ce qui concerne les carcinomes canalaires in situ, l’article de
A. de Roquancourt rappelle de façon particulièrement claire et didac-
tique les différentes classifications anatomopathologiques, et en par-
ticulier la classification pronostique de Van Nuys. Celui de M. Espié
rappelle les modalités thérapeutiques, en insistant sur l’absence de
consensus actuel.
Plusieurs papiers s’adressent ensuite au traitement des formes inva-
sives, qu’il soit local ou général. Signalons l’important travail de
M. Espié reprenant les résultats de trois études de chimiothérapie
adjuvante dans les cancers localisés. Les dernières acquisitions thé-
rapeutiques sont reprises de façon concise et didactique dans les
articles de C. Gisselbrecht : intensification thérapeutique et auto-
greffe, de F. Morvan : les nouvelles antiaromatases, et de C. Cuvier
sur les taxanes.
Ne pouvant tout détailler ici, nous citerons enfin l’expérience de
A. Gorins sur la possibilité de prescrire un traitement hormonosubsti-
tutif à une patiente déjà atteinte d’un cancer du sein ; nous avons
apprécié la part laissée aux répercussions psychosomatiques et psy-
chologiques liées à la pathologie mammaire.
par l’index de marquage à la thymidine chez 800 patientes non
ménopausées avec ou sans envahissement ganglionnaire.
Harlap S. et coll. Survival of premenopausal women with
breast carcinoma. Cancer 1998 ; 83 : 76. Étude de la survie
en fonction du moment de la chirurgie dans le cycle menstruel
sur 614 patientes non ménopausées. Les auteurs n’ont pas
trouvé de lien entre mortalité et phase du cycle.
Mastectomie prophylactique
Est-ce une solution acceptable dans des cas bien sélectionnés ?
Hartmann L.C. et coll. Efficacy of bilateral prophylactic
mastectomy in women with a family history of breast cancer.
N Engl J Med 1999 ; 340 : 77. Étude rétrospective concernant
des femmes ayant subi à la Mayo Clinic une mastectomie bila-
térale prophylactique pour des antécédents familiaux entre
1960 et 1993. Deux groupes sont formés : 214 patientes à haut
risque et 425 à risque modéré. Le groupe contrôle est constitué
par les sœurs de ces femmes. Les auteurs ont ainsi montré
qu’une mammectomie bilatérale prophylactique réduit l’inci-
dence du cancer du sein d’au moins 90 %.
Un éditorial de A. Eisen et B. Weber intitulé “Le prix de la
peur” insiste sur le coût psychologique d’une telle stratégie.
Avec le développement du dépistage des gènes de prédisposi-
tion BRCA1 et BRCA2, le problème va se poser de plus en plus
souvent. Cinquante pour cent seulement de femmes porteuses
d’un tel gène vont développer un cancer du sein, mais faut-il
proposer une intervention aussi lourde psychologiquement ?
Les progrès dans la chimioprévention et l’amélioration du
dépistage pourraient être une alternative plus séduisante.
(N Engl J Med 1999 ; 340 : 137).
BIOLOGIE ET ÉPIDÉMIOLOGIE
Faut-il poursuivre les traitements substitutifs continus ?
Desreux J. et coll. Effets des progestatifs sur l’apoptose des
cellules épithéliales mammaires in vivo et in vitro. Reprod
Hum Horm 1998 ; XI : 273.
Très intéressante étude avec belle iconographie sur les cellules
en apoptose avec marquage TUNEL. Les auteurs ont cherché à
détecter et quantifier l’apoptose (mort cellulaire programmée)
des cellules épithéliales mammaires normales et l’influence sur
celles-ci des hormones ovariennes. L’apoptose ne peut se
déclencher que si la cellule est en phase active du cycle cellu-
laire (G1, S ou G2). Le retrait du progestatif déclenche l’apop-
tose des cellules normales, mais non des cellules tumorales ni
des fibroadénomes. Si cela est confirmé, cela pose bien
entendu le problème des THS dits “en continu” sans interrup-
tion de progestatif.
Cicatrice radiaire et risque de cancer du sein.
Faut-il mieux surveiller après cicatrice radiaire (nodule
d’Aschoff) ?
Jacobs T.W. et coll. Radial scars in benign breast biopsy spe-
cimens and the risk of breast cancer. N Engl J Med 1999 ;
340 : 430.
Étude cas-témoin chez 1 396 femmes (étude des infirmières de
Boston) avec relecture des lames histologiques des lésions
bénignes. 255 de ces femmes ont eu par la suite un cancer du
sein. Celles dont la lésion bénigne s’accompagnait ou était
représentée par une cicatrice radiaire ont deux fois plus de
risques que les autres de développer un cancer du sein, quel
que soit par ailleurs le type de la lésion bénigne, hyperplasie
proliférante ou non, avec ou sans atypie. La cicatrice radiaire
est donc pour les auteurs un facteur de risque indépendant.
CARCINOME CANALAIRE IN SITU
Welch H.G. et coll. Using autopsy series to estimate the
disease “reservoir” for ductal carcinoma in situ of the
breast : how much more breast cancer can we find ? Ann
Intern Med 1997 ; 127 : 1023. Analyse bibliographique à
l’aide de Medline de 1966 à 1997 permettant de sélectionner
sept séries d’autopsies pour chercher les cancers du sein, CCIS
ou invasifs occultes, chez des femmes non connues pour avoir
un cancer du sein. La prévalence est définie comme le rapport
du nombre de patientes atteintes de cancer occulte sur le
nombre de patientes examinées. Elle est en moyenne de 1,3 %
pour les invasifs et de 8,9 % pour les CCIS. Le nombre de can-
cers trouvés est lié au nombre de coupes histologiques. Il
existe en outre des discordances notables entre les groupes de
pathologistes. Les implications pratiques sont évidentes ;
quelle est en effet la signification pronostique d’un diagnostic
de CCIS, et quelle attitude thérapeutique adopter s’il l’on
retient d’après cette étude qu’en moyenne 9 % des femmes de
40 à 50 ans autopsiées ont un CCIS ?
Fisher B. et coll. Lumpectomy and radiation therapy for the
treatment of intraductal breast cancer : Findings from Natio-
nal Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project B-17. J Clin
Oncol 1998 ; 16 : 441. Étude randomisée pour 818 patientes
porteuses d’un CCIS localisé permettant de comparer tumorec-
tomie seule ou tumorectomie plus radiothérapie (50 Gy). Dans
cette étude, les marges d’exérèse sont saines. Après un suivi
moyen de huit ans, les résultats locaux sont meilleurs après
radiothérapie, avec réduction de la récidive in situ ou invasive
dans le même sein. La survie globale n’est pas modifiée à huit
ans ; elle est de 94 % dans le premier groupe et de 95 % dans
le deuxième groupe. À noter que l’incidence cumulée de can-
cer controlatéral est de 4,5 % à huit ans.
Netter et coll. Carcinome canalaire in situ du sein : place de
l’imagerie. J Radiol 1998 ; 79 : 651. Une mise au point bien
documentée sur les CCIS, aspect histologique, signification de
la maladie, imagerie et alternatives thérapeutiques.
Jourdain et coll. Les récidives après traitement des carci-
nomes intracanalaires du sein. J Gynecol Obstet Biol Reprod
1998 ; 27 : 403. Étude rétrospective de 331 patientes traitées à
l’institut Bergonié de Bordeaux pour CCIS et ayant au moins
cinq ans de recul, traitées par tumorectomie seule, tumorecto-
mie plus radiothérapie ou mammectomie. Tous les blocs ana-
tomopathologiques ont été relus et interprétés au vu des
conceptions actuelles. Il y a eu 40 récidives locales dont
23 lésions infiltrantes. Une seule patiente a rechuté après mas-
tectomie. La survie après rechute est de 97,5 % à cinq ans et
84 % à dix ans. La qualité de l’exérèse reste un facteur impor-
tant, le risque de récidive étant majoré lorsque les berges sont
envahies. La récidive, lorsqu’elle survient, se fait une fois sur
deux sur un mode infiltrant.
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