Métastases condensantes d’origine mammaire C OBSERVATION

CAS CLINIQUE
La Lettre du Rhumatologue - n° 275 - octobre 2001
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OBSERVATION
Un patient de 65 ans a été hospitalisé pour le bilan d’ostéo-
condensations diffuses. Dans ses antécédents, on note un
cancer du sein bilatéral, traité dix ans auparavant par chi-
rurgie et radiothérapie, ainsi qu’un adénome de la prostate.
Il n’y a pas d’altération de l’état général, mais des douleurs
lombaires mécaniques assez banales.
Les examens complémentaires n’ont pas montré de syn-
drome inflammatoire, mais une augmentation des phos-
phatases alcalines à 969 UI/l (N < 110 UI/l).
Les radiographies du rachis dorsolombaire (figures 1 et 2)
ont révélé plusieurs ostéocondensations vertébrales, avec
un aspect de “vertèbre ivoire” (sans tassement vertébral)
ainsi que des condensations pelviennes, en particulier juxta-
sacro-iliaque (figure 3). La scintigraphie osseuse (figure 4)
a mis en évidence de multiples hyperfixations, vertébrales,
costales et pelviennes.
Métastases condensantes d’origine mammaire
ou prostatique chez un homme de 65 ans
1
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*Service de rhumatologie et thérapeutique, CHU Dupuytren, 87042
Limoges Cedex.
Figures 1 et 2. Radiographies de la colonne lombaire (face-profil) :
présence de plusieurs ostéocondensations, en particulier de L1 et L2.
R.M. Grilo, C. Scotto Di Fazano, P. Bertin, R. Trèves*
Le dosage de marqueurs tumoraux (CA 15-3 et CA 19-9)
était normal, mais les PSA étaient fortement élevées, à
178 ng/ml (N < 3,5 ng/l). La biopsie prostatique a mis en
évidence un adénocarcinome et la biopsie osseuse de la
crête iliaque droite a révélé l’existence d’une prolifération
carcinomateuse sans que les marquages immunohisto-
chimiques permettent un typage formel de l’origine des
cellules néoplasiques.
Le diagnostic retenu est donc celui d’un adénocarcinome
de prostate compliqué de métastases osseuses condensantes.
L’hypothèse de métastases tardives d’origine mammaire a
été évoquée, mais elle n’a pas été retenue, en l’absence
d’élément d’orientation, en particulier de récidive objecti-
vable de cancer de la loge mammaire.
DISCUSSION
Dans cette observation, le patient avait été traité dix ans
auparavant pour un cancer du sein bilatéral, puis il a déve-
loppé un cancer de la prostate, vraisemblablement méta-
statique. Cette association n’est probablement pas fortuite.
En effet, plusieurs auteurs ont démontré une corrélation sta-
tistiquement significative entre la survenue de ces deux can-
cers (4, 12). Ainsi, dans une population de 404 cancers du
sein chez l’homme, 68 avaient développé un second can-
cer, en majorité un cancer de prostate. À noter également
la survenue d’un cancer du sein contemporain et controla-
téral chez 2,5 % des patients (12). Le risque de développer
un second cancer, principalement un cancer de la prostate,
est très important, mais il a aussi été décrit des cancers pul-
monaires, colorectaux, œsophagiens et hématologiques
(12).
Facteurs de risque
Si l’on s’intéresse plus particulièrement au cancer mam-
maire de l’homme, différents éléments sont caractéristiques.
Le cancer du sein chez l’homme est rare, sa fréquence étant
estimée à 1 % des cancers de ce type. L’âge moyen de sur-
venue est de 67 ans, soit 5 ans de plus que chez la femme,
et il est exceptionnel avant 40 ans (3). Il présente certaines
similitudes épidémiologiques avec le cancer du sein de la
femme ; cependant, son incidence serait plus élevée sur le
continent africain (1). Il existerait une disparité ethnique,
puisqu’il est plus fréquent dans la population noire améri-
caine et chez les Juifs d’Israël (2). En Europe comme aux
États-Unis, l’incidence du cancer du sein chez l’homme est
estimée à 1/100 000 (1).
S’ajoutent à ces critères ethniques et géographiques
d’autres facteurs de risque, comme des antécédents per-
sonnels ou familiaux de cancer du sein, de tumeur bénigne
et de gynécomastie, ainsi que des antécédents de patholo-
gie testiculaire (1, 4) :tumeurs malignes, bénignes, orchite
(oreillons). Certains métiers seraient plus à risque (5) :c’est
le cas des bouchers exposés à la viande provenant d’ani-
maux traités aux hormones ou des ouvriers de fonderies,
où la température excessivement élevée serait néfaste pour
les testicules. En Afrique, la fréquence du cancer du sein
chez l’homme est plus élevée en cas d’antécédent de schis-
tosomiase, et dans d’autres situations s’il existe une sécré-
tion élevée de prolactine, que l’on peut rencontrer lors de
traumatismes crâniens ou d’une prise de certains médica-
ments (6, 7).
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CAS CLINIQUE
Figure 3. Radiographie du bassin (face) : présence de multiples ostéo-
condensations, en particulier pelviennes postérieures (juxta-sacro-
iliaques).
Figure 4. Scintigraphie osseuse au technétium 99DP : présence d’hyper-
fixations multiples, surtout axiales et corticales.
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CAS CLINIQUE
Toutes ces situations cliniques et thérapeutiques aboutis-
sent à un état d’hyperestrogénie (4), qui est le facteur de
risque principal du cancer du sein chez l’homme.
Il existe aussi un terrain génétique prédisposant, comme
dans le syndrome de Klinefelter (8),caractérisé par le caryo-
type XXY avec un rapport estrogène sur testostérone élevé.
La présentation clinique du cancer du sein chez l’homme
diffère peu de celle de la femme. Il s’agit fréquemment de
la découverte fortuite d’un nodule mammaire à la palpation
ou bien d’un écoulement suspect. Dans 50 % des cas, il
existe une extension métastatique ganglionnaire, le plus
souvent axillaire, ou plus diffuse d’emblée (3, 9).
L’adénocarcinome est la forme histologique la plus fré-
quente, mais, tout comme chez la femme, on peut rencon-
trer des formes tubulaires, médullaires et pagétoïdes (10).
À noter une forte positivité des récepteurs hormonaux.
Traitement
Le traitement est en règle générale fonction de la classifi-
cation TNM ; il s’agit classiquement d’une chirurgie (tumo-
rectomie ou mastectomie) avec un curage ganglionnaire,
suivis soit d’une radiothérapie, soit d’une chimiothérapie.
Chez l’homme, l’hormonothérapie est peu utilisée, car la
réponse hormonale est médiocre (11) et cette thérapeutique
expose à de nombreux effets indésirables.
CONCLUSION
Deux remarques peuvent être faites pour souligner l’inté-
rêt de cette observation :
il faut connaître la possibilité de survenue du cancer du
sein chez l’homme ;
il ne faut pas s’arrêter au diagnostic de métastase d’un pre-
mier cancer connu pour ne pas méconnaître un autre cancer
associé, car le traitement et le pronostic en dépendent.
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