DOSSIER THÉMATIQUE Effets secondaires et séquelles des traitements après cancer du sein Séquelles esthétiques des traitements conservateurs du cancer du sein F i g u re . T u m e u r d e l’union des quadrants inférieurs du sein droit. Taille de soutien-gorge : 90B. Chimiothérapie néoadjuvante-oncoplastie. Pièce de 50 x 40 mm. The surgical cosmetic sequels F. Rimareix*, J.R. Garbay*, C. Mazouni*, I. Cothier** L a chirurgie conservatrice pour cancer du sein (tumorectomie, ganglion sentinelle ou curage axillaire) associée à la radiothérapie peut laisser des séquelles esthétiques dans 20 à 30 % des cas associant des déformations du sein, des malpositions de l’aréole et des séquelles cutanées. Elles nécessitent une reprise chirurgicale dans 5 à 10 % des cas. Il faut donc connaître ces séquelles pour les prévenir dès la prise en charge chirurgicale initiale, car un geste de chirurgie plastique pour correction esthétique est très souvent hasardeux sur un sein après radiothérapie. Type de séquelles * InstitutGustave-Roussy, 39, rueCamilleDesmoulins 94805 Villejuif Cedex. ** Centre René-Huguenin, 35, rue Dailly, 92100 Saint-Cloud. C’est l’association chirurgie-radiothérapie externe qui est responsable des séquelles. Les séquelles des traitements radio-chirurgicaux nécessitent 5 ans de recul pour être considérées comme définitives et stables (1). En pratique, le suivi régulier des patientes nous apprend que toute séquelle installée plus de 6 mois après la radiothérapie ne va pas s’arranger avec le temps et que, au contraire, un certain nombre de rétractions vont s’aggraver au fil des ans, transformant une déformation réelle mais supportable en une rétraction majeure. Les résultats esthétiques après traitement conservateur se dégradent avec le temps. Les séquelles les plus fréquentes sont : – une déformation du sein ; – une asymétrie mammaire ; – une malposition de l’aréole. La localisation par quadrant entraîne des séquelles variables. ➤➤ Les tumeurs des quadrants inférieurs entraînent après exérèse une ptose du sein avec bascule de la plaque aréolo-mamelonnaire (PAM) vers le bas très 10 | La Lettre du Sénologue • n° 44 - avril-mai-juin 2009 inesthétique : déformations en “bec d’aigle” avec rétractation cutanée au niveau du sillon. ➤➤ Les tumeurs du quadrant supéro-interne (QSI) sur un petit sein sont souvent source de déformation. ➤➤ Les tumeurs des quadrants externes, et notamment du quadrant supéro-externe (QSE) après exérèse, laissent souvent moins de séquelles ; elles peuvent entraîner une attraction de l’aréole en externe, qui se retrouve excentrée par rapport au cône mammaire. Les déformations les plus importantes ont été observées pour les tumeurs de localisation centrale ou inférieure. Les résultats esthétiques doivent être classifiés pour en faire une évaluation fiable. Deux classifications sont utilisées pour comparer les résultats : ➤➤ Échelle de Harris (2) : – Résultat excellent : aucune différence avec le sein controlatéral. – Résultat satisfaisant : légères différences. – Résultat médiocre : différences marquées. – Résultat mauvais : déformation importante du sein traité. ➤➤ L’échelle de Clough (3, 4) et de l’équipe de Curie. Une première publication il y a dix ans comprenait trois stades, une nouvelle classification en cinq stades a été proposée récemment (1) : – Type I : les déformations sont mineures, en général bien acceptées par les patientes. – Type II : le sein traité a une apparence normale sans déformation, mais il y a une asymétrie dans le volume ou la forme entre les deux seins. Le sein non opéré est plus large et plus ptosé. – Type III : en plus de l’asymétrie de forme et de volume entre les deux seins, le sein traité est déformé de manière suffisamment nette pour être gênante, la plaque aréolaire peut être excentrée. – Type IV : les anomalies sont similaires à celles du type Mots-clés Cancer du sein Chirurgie Séquelles esthétiques III mais les déformations du sein traité sont majeures, il manque une partie importante du volume mammaire. Les cicatrices sont souvent rétractées ou adhérentes. – Type V : le sein traité présente, outre une déformation majeure, une fibrose diffuse avec une consistance très dure. Il est impossible à mobiliser sur la paroi. On parle de sein de marbre. Des facteurs de risque de mauvais résultats esthétiques doivent être considérés : – l’obésité et l’hypertrophie mammaire (l’irradiation du tissu graisseux entraîne plus de sclérose que l’irradiation glandulaire) ; – le type de sein glandulaire ou graisseux : les seins graisseux traités présentent souvent des cytostéatonécroses responsables de séquelles esthétiques et de lymphocèles localisées récidivantes. Il existe une contraction du tissu glandulaire résultant de la cicatrice qui est augmentée par la sclérose induite par les traitements adjuvants ; – la texture de la peau plus ou moins élastique, responsable de rétractions cutanées importantes après la radiothérapie ; – le rapport entre volume tumoral et volume mammaire supérieur à un quart ; – le siège dans les quadrants inférieur ou central. – le type de radiothérapie : dose totale > 50 Gy ; – le fractionnement > 2 Gy par fraction en étalement conventionnel ; – l’utilisation d’énergie de moyenne fraction ; – la surimpression (boost) ; – la chimiothérapie (aggravation de la sclérose postradique). Prévention des séquelles C’est en 1968 que Umberto Veronesi, à l’Institut de cancérologie de Milan, propose une étude multicentrique randomisée comparant la mastectomie de Halsted et un traitement conservateur associé à une radiothérapie pour des tumeurs cancéreuses ≤ à 2 cm de diamètre. Après de nombreuses polémiques, la première étude débute en 1970 et les résultats à long terme, publiés en 1986, concluent que le traitement conservateur du sein (quadrantectomie associée à un curage axillaire et radiothérapie) est aussi sûr que la mastectomie de Halsted. Jusqu’aux années 1970, la chirurgie plastique permet la réparation des séquelles de la radiothérapie et de la chirurgie d’exérèse. Ce n’est que dans les années 1990 que l’on commence à parler de chirurgie oncoplastique : traiter les tumeurs tout en préservant l’esthétique du sein. Incisions Cette prévention des séquelles commence dès le type d’incision mammaire (5). Il faut prévoir à la fois une incision harmonieuse par rapport aux quadrants et qu’éventuellement cette incision rentre dans le tracé d’une future mastectomie. Dans les quadrants supérieurs, elle doit être arciforme, radiaire à l’union des quadrants externes et internes et dans les quadrants inférieurs et séparée de l’incision du curage axillaire en cas de tumeur du QSE, sous peine d’une attraction du sein vers le QSE très difficile à corriger ultérieurement. Il peut exister des brides rétractiles du creux axillaire lorsque la même incision est utilisée pour le curage axillaire et la quadrantectomie supérieure. Keywords Breast carcinoma Surgery Cosmetic sequels Remodelage glandulaire simple Il doit être systématique pour des rapports volume tumoral/volume mammaire inférieurs à un quart, dès que la perte de substance glandulaire engendrée par la tumorectomie est responsable d’un défect qui déforme le sein. Il faut décoller deux lambeaux glandulaires de rotation du plan cutané et du plan du pectoral, ces deux lambeaux sont suturés en pilier l’un sur l’autre au fils résorbable 1 ou 2/0 pour combler le défect. Un drain n’est pas nécessaire si le saignement peropératoire est limité. Plasties mammaires pour cancer Il faut les faire dès que le rapport volume tumoral/ volume mammaire est supérieur à un quart. En connaissant les différents types de plasties esthétiques, le chirurgien peut les adapter à l’anatomie de la patiente : le principe étant de réséquer la lésion tout en conservant un pédicule porte-mamelon dont on choisit la vascularisation en fonction de l’exérèse. Exemple : garder un pédicule supérieur si on fait une résection des quadrants inférieurs, garder un pédicule inférieur si on fait une résection supérieure. Il existe une possibilité de greffer les aréoles en greffe de peau totale selon la technique de Thorek pour de très gros seins. Traitement de séquelles constituées Les corrections secondaires sur terrain irradié sont difficiles et aboutissent à des résultats esthétiques décevants et aléatoires. De plus, ces résultats ont La Lettre du Sénologue • n° 44 - avril-mai-juin 2009 | 11 DOSSIER THÉMATIQUE Références bibliographiques 1. Fitoussi A, Alran S, Couturaud B et al. Oncoplastie avec conservation mammaire dans le traitement du cancer du sein. EMC Techniques chirurgicales, gynécologie 2008;41-975:24p. 2. Harris J, Luene M, Svensson G, Helman S. Analysis of cosmetic results following primary radiation for stages I and II carcinoma of the breast. Int J Radiat Oncol Biol Phys 1979;5:257. 3. Clough KB, Cuminet J, Fitoussi A, Nos C, Mosseri V. Cosmetic sequelae after conservative treatment for breast cancer: classification and results of surgical correction. Ann Plast Surg 1998; 41:471-81. 4. Clough KB, Thomas SS, Fitoussi AD, Couturaud B, Reyal F, Falcou MC. Reconstruction after conservative treatment for breast cancer: cosmetic sequelae classification revisited. Plast Reconstr Surg 2004;114(7):1743-53. 5. Cothier-Savey I, Rimareix F, Belichard C. Principes généraux de la chirurgie oncoplastique et de la reconstruction mammaire immédiate et différée. EMC Techniques chirurgicales, chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique 2002;45-664:14p. 6. Gosset J, Flageul G, Toussoun G, Guérin N, Tourasse C, Delay E. Lipomodelling for correction of breast conservative treatment sequelae. Medicolegal aspects. Expert opinion on five problematic clinical cases. Ann Chir Plast Esthet 2008;53(2):190-8. 7. Clough KB, Nos C, Fitoussi A, Couturaud B, Inguenault C, Sarfati I. Partial reconstruction after conservative treatment for breast cancer: classification of sequelae and treatment options. Ann Chir Plast Esthet 2008;53(2):88-101. Effets secondaires et séquelles des traitements après cancer du sein tendance à se dégrader avec le temps : les télangiectasies et la fibrose continuent d’évoluer plusieurs années après la fin du traitement, c’est la radiodystrophie cutanée. Les tissus sont moins bien vascularisés et la peau est fragile avec parfois des séquelles cutanées. Tous les gestes de chirurgie plastique sur ces seins traités peuvent être responsables de nécroses de la peau ou de la PAM ou d’aggravation des cytostéatonécroses. Abstention C’est parfois la meilleure indication devant le risque de problèmes de cicatrisation, souvent supérieur au bénéfice escompté. Oncoplastie Elle n’a quasiment pas de place dans le traitement des séquelles, la plastie pour cure de ptose sur un sein traité est hasardeuse ; seuls de petits gestes comme une reprise de cicatrice, un recentrage de l’aréole peuvent être envisagés. En cas de séquelles majeures, c’est ici que la prise en charge est la plus difficile et risquée. Les décisions sont prises au cas par cas. L’ablation du sein traité avec reconstruction immédiate peut être discutée. Lipofilling Il n’y a pas à l’heure actuelle d’indication de lipofilling sur traitement conservateur selon les recommandations de la Société française de chirurgie plastique (SOFCPRE) depuis novembre 2008. En effet, on ne sait pas si le fait de greffer des cellules graisseuses dans un sein traité pour cancer ne peut pas être responsable de réactivation de la tumeur par activation de facteurs de croissance tissulaire nécessaire à toute cicatrisation. Un programme hospitalier de recherche clinique est en cours d’initiation par l’équipe du Centre de lutte contre le cancer (CLCC) de Toulouse pour évaluer sur 12 ans les récidives et les images radiologiques. L’équipe du CLCC de Lyon a néanmoins eu des résultats esthétiques et carcinologiques prometteurs sur des lipofilling pour traitement conservateur (6). Prothèses La mise en place de prothèse en silicone peut se faire en cas de sein traité plus petit que le controlatéral ; il faut de préférence mettre la prothèse en rétropectoral pour bien surveiller la glande et faire une voie d’abord en dehors de la peau séquellaire et ne pas aggraver des rétractions cutanées. Reconstruction partielle La reconstruction partielle (7) d’un sein traité par l’apport d’un lambeau après exérèse de la zone rétractée a très peu de place à notre avis. En effet, si la patiente récidive et qu’elle a besoin d’une mastectomie avec reconstruction immédiate, le lambeau a déjà été utilisé et la reconstruction sera plus difficile, voire impossible. Il vaut mieux garder le lambeau pour une reconstruction mammaire totale plutôt que d’utiliser une “cartouche” pour une reconstruction partielle avec difficulté de surveillance de la glande restante. Mastectomie Elle peut être une option à discuter avec la patiente tout en vérifiant qu’il n’y aura pas de souci de fermeture cutanée ou de couverture du fait des séquelles cutanées. Conclusion Le seul moyen efficace de traiter les séquelles esthétiques est de les prévenir dès le geste chirurgical initial en commençant par adapter l’incision et le type de remodelage à la tumeur et à sa localisation dans le sein. La pratique courante de l’oncoplastie dans le traitement conservateur du cancer du sein est donc le meilleur moyen de prévention (voir figure p. 10). Le chirurgien sénologue doit connaître les différents gestes indiqués selon les localisations, en cherchant toujours à utiliser la technique la plus simple possible. ■ Du 10 au 22 octobre 2009 Ruban de l’Espoir, une action nationale de solidarité pour lutter contre le cancer du sein Le Ruban de l’Espoir, grand tour de France de solidarité, se déroulera du 10 au 22 octobre 2009 dans 13 villes-étapes où de nombreuses manifestations destinées au grand public vont être organisées. Cet événement national est initié et soutenu par Amoena, leader mondial des solutions pour les femmes opérées d’un cancer du sein (prothèses mammaires externes, lingerie, maillots de bain). Depuis 2003, Amoena, apporte son soutien aux associations françaises impliquées dans la lutte contre le cancer du sein à travers différentes actions. Ce partenariat entre Amoena et les associations a permis la réalisation, en 2008, d’un événement national inédit et fédérateur, le Ruban de l’Espoir. 12 | La Lettre du Sénologue • n° 44 - avril-mai-juin 2009