10 | La Lettre du Sénologue 44 - avril-mai-juin 2009
Effets secondaires et séquelles des traitements après cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
L
a chirurgie conservatrice pour cancer du sein
(tumorectomie, ganglion sentinelle ou curage
axillaire) associée à la radiothérapie peut laisser
des séquelles esthétiques dans 20 à 30 % des cas
associant des déformations du sein, des malpositions
de l’aréole et des séquelles cutanées. Elles nécessitent
une reprise chirurgicale dans 5 à 10 % des cas.
Il faut donc connaître ces séquelles pour les prévenir dès
la prise en charge chirurgicale initiale, car un geste de
chirurgie plastique pour correction esthétique est très
souvent hasardeux sur un sein après radiothérapie.
Type de séquelles
C’est l’association chirurgie-radiothérapie externe
qui est responsable des séquelles.
Les séquelles des traitements radio-chirurgicaux
nécessitent 5 ans de recul pour être considérées
comme définitives et stables (1). En pratique, le
suivi régulier des patientes nous apprend que toute
séquelle installée plus de 6 mois après la radiothé-
rapie ne va pas s’arranger avec le temps et que, au
contraire, un certain nombre de rétractions vont
s’aggraver au fil des ans, transformant une défor-
mation réelle mais supportable en une rétraction
majeure. Les résultats esthétiques après traitement
conservateur se dégradent avec le temps.
Les séquelles les plus fréquentes sont :
– une déformation du sein ;
– une asymétrie mammaire ;
– une malposition de l’aréole.
La localisation par quadrant entraîne des séquelles
variables.
Les tumeurs des quadrants inférieurs entraînent
après exérèse une ptose du sein avec bascule de la
plaque aréolo-mamelonnaire (PAM) vers le bas très
inesthétique : déformations en “bec d’aigle” avec
rétractation cutanée au niveau du sillon.
Les tumeurs du quadrant supéro-interne (QSI) sur
un petit sein sont souvent source de déformation.
Les tumeurs des quadrants externes, et notam-
ment du quadrant supéro-externe (QSE) après
exérèse, laissent souvent moins de séquelles ; elles
peuvent entraîner une attraction de l’aréole en
externe, qui se retrouve excentrée par rapport au
cône mammaire. Les déformations les plus impor-
tantes ont été observées pour les tumeurs de loca-
lisation centrale ou inférieure.
Les résultats esthétiques doivent être classifiés pour
en faire une évaluation fiable. Deux classifications
sont utilisées pour comparer les résultats :
Échelle de Harris (2) :
– Résultat excellent : aucune différence avec le sein
controlatéral.
– Résultat satisfaisant : légères différences.
– Résultat médiocre : différences marquées.
– Résultat mauvais : déformation importante du
sein traité.
Léchelle de Clough (3, 4) et de l’équipe de Curie.
Une première publication il y a dix ans comprenait
trois stades, une nouvelle classification en cinq
stades a été proposée récemment (1) :
Type I : les déformations sont mineures, en général
bien acceptées par les patientes.
Type II : le sein traité a une apparence normale
sans déformation, mais il y a une asymétrie dans
le volume ou la forme entre les deux seins. Le sein
non opéré est plus large et plus ptosé.
Type III : en plus de l’asymétrie de forme et de
volume entre les deux seins, le sein traité est déformé
de manière suffisamment nette pour être gênante,
la plaque aréolaire peut être excentrée.
Type IV : les anomalies sont similaires à celles du type
Séquelles esthétiques
des traitements conservateurs
du cancer du sein
The surgical cosmetic sequels
F. Rimareix*, J.R. Garbay*, C. Mazouni*, I. Cothier**
* Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-
Desmoulins 94805 Villejuif Cedex.
** Centre René-Huguenin, 35, rue
Dailly, 92100 Saint-Cloud.
Figure. Tumeur de
l’union des quadrants
inférieurs du sein droit.
Taille de soutien-gorge :
90B. Chimiothérapie
oadjuvante-onco-
plastie. Pièce de 50 x
40 mm.
La Lettre du Sénologue 44 - avril-mai-juin 2009 | 11
Mots-clés
Cancer du sein
Chirurgie
Séquelles esthétiques
III mais les déformations du sein traité sont majeures, il
manque une partie importante du volume mammaire.
Les cicatrices sont souvent rétractées ou adhérentes.
Type V : le sein traité présente, outre une déforma-
tion majeure, une fibrose diffuse avec une consis-
tance très dure. Il est impossible à mobiliser sur la
paroi. On parle de sein de marbre.
Des facteurs de risque de mauvais résultats esthé-
tiques doivent être considérés :
– l’obésité et l’hypertrophie mammaire (l’irradiation
du tissu graisseux entraîne plus de sclérose que l’ir-
radiation glandulaire) ;
– le type de sein glandulaire ou graisseux : les seins
graisseux traités présentent souvent des cytostéa-
tonécroses responsables de séquelles esthétiques
et de lymphocèles localisées récidivantes. Il existe
une contraction du tissu glandulaire résultant de la
cicatrice qui est augmentée par la sclérose induite
par les traitements adjuvants ;
la texture de la peau plus ou moins élastique,
responsable de rétractions cutanées importantes
après la radiothérapie ;
le rapport entre volume tumoral et volume
mammaire supérieur à un quart ;
– le siège dans les quadrants inférieur ou central.
– le type de radiothérapie : dose totale > 50 Gy ;
– le fractionnement > 2 Gy par fraction en étalement
conventionnel ;
– l’utilisation d’énergie de moyenne fraction ;
– la surimpression (boost) ;
la chimiothérapie (aggravation de la sclérose
postradique).
Prévention des séquelles
C’est en 1968 que Umberto Veronesi, à l’Institut de
cancérologie de Milan, propose une étude multicen-
trique randomisée comparant la mastectomie de
Halsted et un traitement conservateur associé à une
radiothérapie pour des tumeurs cancéreuses ≤ à 2
cm de diamètre. Après de nombreuses polémiques,
la première étude débute en 1970 et les résultats
à long terme, publiés en 1986, concluent que le
traitement conservateur du sein (quadrantectomie
associée à un curage axillaire et radiothérapie) est
aussi sûr que la mastectomie de Halsted.
Jusqu’aux années 1970, la chirurgie plastique permet
la réparation des séquelles de la radiothérapie et
de la chirurgie d’exérèse.
Ce n’est que dans les années 1990 que l’on
commence à parler de chirurgie oncoplastique :
traiter les tumeurs tout en préservant l’esthétique
du sein.
Incisions
Cette prévention des séquelles commence dès le
type d’incision mammaire (5). Il faut prévoir à la fois
une incision harmonieuse par rapport aux quadrants
et qu’éventuellement cette incision rentre dans le
tracé d’une future mastectomie.
Dans les quadrants surieurs, elle doit être arciforme,
radiaire à l’union des quadrants externes et internes et
dans les quadrants inférieurs et séparée de l’incision du
curage axillaire en cas de tumeur du QSE, sous peine
d’une attraction du sein vers le QSE très difficile à corriger
ultérieurement. Il peut exister des brides rétractiles du
creux axillaire lorsque la même incision est utilisée pour
le curage axillaire et la quadrantectomie supérieure.
Remodelage glandulaire simple
Il doit être systématique pour des rapports volume
tumoral/volume mammaire inférieurs à un quart,
dès que la perte de substance glandulaire engendrée
par la tumorectomie est responsable d’un défect qui
déforme le sein.
Il faut décoller deux lambeaux glandulaires de rota-
tion du plan cutané et du plan du pectoral, ces deux
lambeaux sont suturés en pilier l’un sur l’autre au fils
résorbable 1 ou 2/0 pour combler le défect. Un drain
n’est pas nécessaire si le saignement peropératoire
est limité.
Plasties mammaires pour cancer
Il faut les faire dès que le rapport volume tumoral/
volume mammaire est supérieur à un quart. En
connaissant les différents types de plasties esthéti-
ques, le chirurgien peut les adapter à l’anatomie de la
patiente : le principe étant de réséquer la lésion tout
en conservant un pédicule porte-mamelon dont on
choisit la vascularisation en fonction de l’exérèse.
Exemple : garder un pédicule supérieur si on fait une
résection des quadrants inférieurs, garder un pédicule
inférieur si on fait une résection supérieure.
Il existe une possibilité de greffer les aréoles en greffe
de peau totale selon la technique de Thorek pour
de très gros seins.
Traitement de séquelles
constituées
Les corrections secondaires sur terrain irradié sont
difficiles et aboutissent à des résultats esthétiques
décevants et aléatoires. De plus, ces résultats ont
Keywords
Breast carcinoma
Surgery
Cosmetic sequels
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Effets secondaires et séquelles des traitements après cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
tendance à se dégrader avec le temps : les télan-
giectasies et la fibrose continuent d’évoluer plusieurs
années après la fin du traitement, c’est la radio-
dystrophie cutanée.
Les tissus sont moins bien vascularisés et la peau
est fragile avec parfois des séquelles cutanées. Tous
les gestes de chirurgie plastique sur ces seins traités
peuvent être responsables de nécroses de la peau ou de
la PAM ou d’aggravation des cytostéatonécroses.
Abstention
C’est parfois la meilleure indication devant le risque
de problèmes de cicatrisation, souvent supérieur au
bénéfice escompté.
Oncoplastie
Elle n’a quasiment pas de place dans le traitement
des séquelles, la plastie pour cure de ptose sur un
sein traité est hasardeuse ; seuls de petits gestes
comme une reprise de cicatrice, un recentrage de
l’aréole peuvent être envisagés. En cas de séquelles
majeures, c’est ici que la prise en charge est la plus
difficile et risquée. Les décisions sont prises au cas
par cas. L’ablation du sein traité avec reconstruction
immédiate peut être discutée.
Lipofilling
Il n’y a pas à l’heure actuelle d’indication de lipofil-
ling sur traitement conservateur selon les recom-
mandations de la Société française de chirurgie
plastique (SOFCPRE) depuis novembre 2008. En
effet, on ne sait pas si le fait de greffer des cellules
graisseuses dans un sein traité pour cancer ne peut
pas être responsable de réactivation de la tumeur par
activation de facteurs de croissance tissulaire néces-
saire à toute cicatrisation. Un programme hospitalier
de recherche clinique est en cours d’initiation par
l’équipe du Centre de lutte contre le cancer (CLCC)
de Toulouse pour évaluer sur 12 ans les récidives et
les images radiologiques.
Léquipe du CLCC de Lyon a néanmoins eu des résul-
tats esthétiques et carcinologiques prometteurs sur
des lipofilling pour traitement conservateur (6).
Prothèses
La mise en place de prothèse en silicone peut se
faire en cas de sein traité plus petit que le contro-
latéral ; il faut de préférence mettre la prothèse en
rétropectoral pour bien surveiller la glande et faire
une voie d’abord en dehors de la peau séquellaire et
ne pas aggraver des rétractions cutanées.
Reconstruction partielle
La reconstruction partielle (7) d’un sein traité par l’ap-
port d’un lambeau après exérèse de la zone rétractée
a très peu de place à notre avis. En effet, si la patiente
récidive et qu’elle a besoin d’une mastectomie avec
reconstruction immédiate, le lambeau a déjà été
utilisé et la reconstruction sera plus difficile, voire
impossible. Il vaut mieux garder le lambeau pour une
reconstruction mammaire totale plutôt que d’utiliser
une “cartouche” pour une reconstruction partielle
avec difficulté de surveillance de la glande restante.
Mastectomie
Elle peut être une option à discuter avec la patiente
tout en vérifiant qu’il n’y aura pas de souci de ferme-
ture cutanée ou de couverture du fait des séquelles
cutanées.
Conclusion
Références
bibliographiques
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raud B et al. Oncoplastie avec
conservation mammaire dans
le traitement du cancer du sein.
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Helman S. Analysis of cosmetic
results following primary radia-
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of the breast. Int J Radiat Oncol
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3. Clough KB, Cuminet J, Fitoussi
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sification and results of surgical
correction. Ann Plast Surg 1998;
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Plast Esthet 2008;53(2):190-8.
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A, Couturaud B, Inguenault C,
Sarfati I. Partial reconstruction
after conservative treatment
for breast cancer: classifica-
tion of sequelae and treatment
options. Ann Chir Plast Esthet
2008;53(2):88-101.
Le seul moyen efficace de traiter les séquelles
esthétiques est de les prévenir dès le geste chirur-
gical initial en commençant par adapter l’incision
et le type de remodelage à la tumeur et à sa loca-
lisation dans le sein.
La pratique courante de l’oncoplastie dans le trai-
tement conservateur du cancer du sein est donc
le meilleur moyen de prévention (voir figure p.
10). Le chirurgien sénologue doit connaître les
différents gestes indiqués selon les localisations,
en cherchant toujours à utiliser la technique la
plus simple possible.
Du 10 au 22 octobre 2009
Ruban de l’Espoir, une action nationale de solidarité pour lutter contre le cancer du sein
Le Ruban de l’Espoir, grand tour de France de solidarité, se déroulera du 10 au 22 octobre 2009 dans 13 villes-étapes de nombreuses
manifestations destinées au grand public vont être organisées. Cet événement national est initié et soutenu par Amoena, leader mondial des
solutions pour les femmes opérées d’un cancer du sein (prothèses mammaires externes, lingerie, maillots de bain). Depuis 2003, Amoena,
apporte son soutien aux associations françaises impliquées dans la lutte contre le cancer du sein à travers différentes actions. Ce partenariat
entre Amoena et les associations a permis la réalisation, en 2008, d’un événement national inédit et fédérateur, le Ruban de l’Espoir.
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