ÉDITORIAL “Poignantes mamelles valent or fin ; Mais les séquelles sont moult cruelles à la parfin” (1) J.R. Garbay*, N. Dohollou** L * Institut Gustave-Roussy, 39, rue Camille-Desmoulins, 94805 Villejuif Cedex. ** Polyclinique de Bordeaux Nord Aquitaine, 15, rue Claude-Boucher, 33000 Bordeaux. e dossier de ce numéro est consacré aux différentes séquelles qui peuvent apparaître après le traitement initial du cancer du sein. C’est un domaine encore mal connu, car il n’est pas si loin le temps où peu importaient les séquelles pourvu que les patientes soient guéries… Outre un intérêt assez tardif, ces séquelles sont aussi victimes de difficultés d’évaluation liées à leur part de subjectivité. Elles sont cependant assez fréquentes et restent souvent “moult cruelles”. Aujourd’hui, des connaissances simples et des messages pratiques existent, et il nous est apparu important de vous les faire partager. C’est donc un dossier “de terrain” que nous avons voulu réaliser. À une époque où la surveillance est de plus en plus déléguée aux médecins de proximité, vous serez plus souvent confrontés à leur prise en charge. Les séquelles de la chirurgie sont essentiellement fonctionnelles pour l’épaule et le bras, et esthétiques pour le sein ; mais les deux restent très liées. Il est primordial de souligner que la qualité de la prise en charge chirurgicale est le garant d’une qualité de vie, d’intégrité physique ou morale et de réinsertion. La prise en charge précoce des séquelles possibles de la chirurgie de l’aisselle est une vraie urgence thérapeutique, encore mal connue, alors qu’agir vite permettrait souvent une récupération ad integrum. Même si le traitement du lymphœdème est devenu bien codifié aujourd’hui (S. Vignes), mieux vaut prévenir que guérir. Les séquelles esthétiques de la chirurgie sont naturellement vécues de manière très variable et imprévisible par les patientes. Lorsque le résultat est bon ou correct, il existe parfois une discordance entre l’avis du corps médical et le vécu par la patiente, en mieux comme en moins bien. Cependant, un résultat franchement mauvais sera jugé mauvais par tous et très difficilement rattrapable. C’est en amont qu’il faut intervenir, en favorisant la formation de tous les chirurgiens sénologues à l’oncoplastie, quelle que soit leur spécialité d’origine. Après la radiothérapie, toutes ces séquelles sont fixées et bien difficiles à corriger. Si l’impact de la radiothérapie en termes de guérison n’est plus à démontrer, la qualité de 4 | La Lettre du Sénologue • n° 44 - avril-mai-juin 2009 sa réalisation est essentielle pour l’obtention d’un résultat cosmétique de qualité à long terme. Le fait d’insister sur cette qualité permettra aussi de redorer le blason de la radiothérapie, dans l’esprit du grand public, car sa réputation a été fortement ternie à la suite des différentes affaires de surirradiation (Epinal). L’article de C. Becker sur les greffes de tissu ganglionnaire est un avis d’expert dans un domaine très difficile, où les solutions efficaces sont rares et les résultats très hétérogènes dans la littérature. Les traitements médicaux adjuvants apportent un bénéfice en termes de survie, que ce soit par chimiothérapie ou hormonothérapie, mais au prix de toxicités immédiates et à long terme qui sont de mieux en mieux connues, mais établir le rapport bénéfice/risque de ces différents traitements n’est pas toujours une tâche aisée pour l’oncologue médical. Les séquelles psychoaffectives sont peut-être les plus difficiles à apprécier car non visibles, et la fin des traitements représente pour beaucoup de psychologues une période à risque, nécessitant très souvent un travail de restauration psychique, méconnu des soignants, travail qui peut se faire à travers des groupes de paroles ou des ateliers. La prise en charge des douleurs chroniques séquellaires aurait justifié un chapitre entier ; elle n’a pas été détaillée ici faute de place, mais le premier niveau de prise en charge est indiqué dans l’article de J.R. Garbay. Finalement, même si beaucoup de nos patientes forcent l’admiration par la manière dont elles surmontent leurs séquelles, nous en sommes de plus en plus préoccupés et espérons bien que des marges d’amélioration existent. L’évaluation grandissante des pratiques médicales – notamment de la chirurgie qui est en retard par rapport aux autres spécialités – et une prise en charge globale dans des centres spécialisés sont vraisemblablement les deux éléments majeurs qui devraient permettre de diminuer encore les séquelles à long terme dans les années à venir. ■ (1) Le Blason des faulces amours de Jean-Baptiste de Lacurne de Sainte Palaye.