L Aspects thérapeutiques des spondylarthropathies T

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H É R A P E U T I Q U E S
Aspects thérapeutiques
des spondylarthropathies
!
P o i n t s
E. Toussirot, D. Wendling*
f o r t s
" Les spondylarthropathies regroupent des
affections ayant certaines caractéristiques cliniques, biologiques, génétiques et évolutives
communes. De même, elles ont en commun leur
grande sensibilité aux AINS.
" Les AINS restent la classe médicamenteuse de
choix à utiliser en première intention dans la
spondylarthrite ankylosante.
" Un traitement de fond est indiqué dans les
formes rebelles de spondylarthrite ankylosante
et/ou résistantes aux AINS. Seule la sulfasalazine
a démontré son efficacité dans cette pathologie.
" La sulfasalazine a également démontré son
efficacité dans les formes résistantes aux AINS
et/ou d’évolution chronique de rhumatisme
psoriasique et d’arthrite réactionnelle.
" Parallèlement aux traitements médicamenteux, l’éducation et la rééducation occupent
une place importante dans la prise en charge
d’une spondylarthrite ankylosante.
Mots-clés : Spondylarthropathie - Anti-inflammatoires non stéroïdiens - Sulfasalazine.
* Service de rhumatologie, CHU hôpital Jean-Minjoz, Besançon.
La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000
L
es spondylarthropathies regroupent un ensemble d’affections présentant des caractéristiques cliniques, biologiques, génétiques et radiologiques communes. Elles
ont également en commun quelques grandes lignes thérapeutiques, notamment leur sensibilité aux anti-inflammatoires non
stéroïdiens (AINS). Toutefois, les circonstances de survenue
et l’évolution restent propres à chacune de ces affections, ce
qui fait que la thérapeutique ne peut se généraliser à l’ensemble
du groupe des spondylarthropathies.
Dans ce chapitre seront évoqués les aspects thérapeutiques des
trois principales spondylarthropathies rencontrées par le rhumatologue, c’est-à-dire la spondylarthrite ankylosante (SA),
les arthrites réactionnelles (AR) et le rhumatisme psoriasique
(RP). Le cas particulier des entérocolopathies inflammatoires
sera également abordé.
THÉRAPEUTIQUES DE LA SPONDYLARTHRITE
ANKYLOSANTE
La SA se caractérise par des poussées douloureuses intéressant le rachis dorso-lombaire et les articulations sacro-iliaques,
pouvant aboutir au long cours à l’ankylose rachidienne, source
de handicap fonctionnel entravant la qualité de vie du patient.
Des atteintes périphériques sont également possibles, tout
comme des atteintes extra-articulaires, dominées par les
uvéites, les atteintes cardiaques et pulmonaires. Les objectifs
du traitement sont donc de réduire les douleurs, de lutter contre
les poussées douloureuses et la raideur rachidienne, ainsi que
de dépister et prévenir les complications (1).
Les thérapeutiques actuellement disponibles dans la SA comportent essentiellement les AINS et la rééducation (1-3). La
plupart des médicaments disponibles et utilisés dans la SA ont
démontré une efficacité sur la douleur et la raideur rachidienne ;
toutefois, il n’est pas démontré que ces produits soient actifs
sur l’évolution de la maladie, notamment sur les complications
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telles les ossifications rachidiennes progressives et la survenue
de manifestations extra-articulaires (l’amylose rénale par
exemple) (1, 4).
Médicaments de la spondylarthrite ankylosante
Les médicaments qui sont à la disposition du praticien pour
traiter une SA peuvent être divisés en quatre groupes (1, 2) :
– les AINS, qui restent la classe médicamenteuse de référence
dans cette pathologie,
– les traitements adjuvants tels les antalgiques, les myorelaxants,
– les corticoïdes,
– enfin, les traitements dits de fond, qui ont théoriquement un
effet sur le cours évolutif de la maladie.
Les AINS
Ils restent les produits les plus utilisés dans cette maladie, et
la sensibilité de la SA (et des autres spondylarthropathies) à
ces médicaments fait même partie des critères diagnostiques
des spondylarthropathies d’Amor. Selon les études, la majorité des malades atteints de SA prennent des AINS (1, 2, 5).
De nombreuses études (ouvertes, contre placebo, comparatives, en cross-over) ont été réalisées, et il est donc difficile
d’évaluer la supériorité de tel ou tel AINS par rapport à un
autre. Selon les données de la littérature anglo-saxonne, l’indométacine, le naproxène, le piroxicam, le diclofénac seraient
les AINS les plus utilisés par les patients. Ces données sont
toutefois anciennes (1985) et ne permettent pas d’apprécier
l’usage des AINS de nouvelle génération (1). L’efficacité de
la phénylbutazone est bien connue au cours de la SA, et elle
est même considérée comme un test diagnostique par certains.
Toutefois, la tolérance de ce médicament reste médiocre, avec
des effets secondaires hématologiques sévères qui restreignent
son utilisation. Les AINS sont efficaces dans la SA, quelle que
soit la forme, axiale ou périphérique, et quelle que soit l’ancienneté de la maladie. L’efficacité est constatée cliniquement
sur la réduction des douleurs, de la raideur matinale et l’amélioration de la mobilité rachidienne. Certaines études rapportent un effet sur les marqueurs biologiques inflammatoires. La
phénylbutazone pourrait, par ailleurs, retarder les phénomènes
d’ossification au rachis (1, 2).
Le principal écueil des AINS reste celui de leur tolérance. Les
effets secondaires sont dominés par la gastrotoxicité et la
néphrotoxicité. Les AINS de nouvelle génération, ou antiCOX-2 sélectifs, devraient permettre une utilisation plus facile,
avec une efficacité identique et des effets secondaires
moindres. Une administration au long cours des AINS n’est
pas conseillée, la prescription étant plutôt réservée au traitement d’une poussée douloureuse.
Les traitement adjuvants
On peut ici regrouper les antalgiques et les myorelaxants (1,
2). Les antalgiques sont d’un apport appréciable en cas de mauvaise tolérance des AINS. Aucune molécule n’a fait la preuve
de sa supériorité par rapport à une autre. Les myorelaxants sont,
de la même façon, un traitement adjuvant permettant de lutter
40
contre la raideur rachidienne. L’amitriptyline a démontré son
intérêt en tant que traitement de la douleur chronique (1).
Les corticoïdes
La corticothérapie par voie générale, et notamment sous forme
de bolus intraveineux, a montré une efficacité dans certaines
études, y compris sur les manifestations axiales (1). De faibles
doses par voie orale ( 10 mg/j) peuvent être proposées en cas
de contre-indications aux AINS, mais n’ont pas fait l’objet
d’études contrôlées.
Les traitements de fond
Ils sont réservés aux formes évolutives qui résistent ou répondent insuffisamment aux AINS, ou aux formes avec atteinte
extra-articulaire (2, 5).
Dans ce groupe, la sulfasalazine tient une place de choix. La
raison de son utilisation dans la SA repose sur l’association
de cette maladie avec les entéropathies inflammatoires et la
constatation fréquente de lésions inflammatoires de la
muqueuse digestive iléale dans la SA. De nombreuses études
(ouvertes puis contrôlées contre placebo) ont démontré l’efficacité de la sulfasalazine dans la SA (1, 2, 5, 6, 7). Ceci
concerne surtout les formes actives, récentes et avec atteinte
articulaire périphérique prédominante. L’amélioration est
constatée sur les paramètres habituels, c’est-à-dire la douleur,
la vitesse de sédimentation (VS) et la CRP, ainsi que le taux
d’IgA circulant. Une méta-analyse réalisée en 1990 concluait
à l’efficacité de la sulfasalazine dans la SA avec amélioration
de la raideur matinale, de la douleur et de la VS (8). Toutefois,
ces études ont, pour la plupart, été menées sur une période
courte, ne permettant pas d’apprécier l’influence de la sulfasalazine sur le cours évolutif de la maladie. La tolérance reste
habituellement bonne, avec des effets secondaires bien connus
(gastrotoxicité, vertiges, céphalées, cytolyse hépatique, leucopénie, anémie mégaloblastique, lupus induit).
D’autres traitements de fond ont été proposés dans la SA (Dpénicillamine, antipaludéens de synthèse, sels d’or, immunosuppresseurs [cyclophosphamide, ciclosporine]), donnant des
résultats variables (1). Pour tous ces produits, aucune étude
contrôlée n’est disponible, ne permettant ainsi aucune conclusion. Le méthotrexate a été essayé dans le cadre d’études ouvertes
donnant des résultats intéressants, mais peu spectaculaires (1).
Les gestes locaux dans la SA
Les arthrites périphériques peuvent bénéficier d’une infiltration cortisonique, voire d’une synoviorthèse. De la même
façon, certaines enthésopathies rebelles peuvent également
être traitées par infiltration cortisonique. La talalgie de la SA
pose parfois des problèmes difficiles et certaines formes
rebelles aux AINS, infiltrations et orthèses plantaires, nécessitent parfois le recours à la radiothérapie anti-inflammatoire,
qui reste cependant d’indication exceptionnelle. Des études
ouvertes, puis contrôlées, ont démontré l’intérêt des infiltrations sous repérage scopique ou tomodensitométrique des articulations sacro-iliaques, dans le cas de douleurs persistantes
malgré le traitement par voie générale (1) (figure 1, p. 42).
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demment restent des traitements expérimentaux qui n’ont pas
fait la preuve de leur efficacité. Une telle approche s’apparente
beaucoup à la classique pyramide thérapeutique de la PR (1).
THÉRAPEUTIQUES DU RHUMATISME PSORIASIQUE
Figure 1.
La rééducation
La rééducation occupe une place importante dans la prise en
charge thérapeutique de la SA (1, 3). Elle a pour but de lutter
contre les douleurs, l’enraidissement et de permettre la poursuite de l’activité quotidienne du patient ou sa réadaptation
socio-professionnelle. Un programme d’exercices quotidiens
doit être défini et adapté à chaque patient. Des études ont
démontré l’importance de cette prise en charge, avec pour
résultat une amélioration significative des indices rachidiens,
tels que la distance main-sol, l’indice de Schober et la distance
occiput-mur. Les périodes inflammatoires font appel à des
mesures appropriées pour diminuer les douleurs, alors que
durant les périodes de rémission, il est indiqué de lutter contre
l’ankylose rachidienne et thoracique, de diminuer les rétractions musculaires et d’éduquer le patient à la dynamique ventilatoire (3). Dans les formes graves et enraidies avec attitude
vicieuse, l’utilisation d’un corset peut être indiquée.
Prise en charge “globale” du patient atteint de
spondylarthrite ankylosante
Ces différentes mesures thérapeutiques doivent s’adapter au
patient et aux caractéristiques propres de sa maladie. Une première approche concerne son éducation, comme cela est
conseillé dans la polyarthrite rhumatoïde (PR). Le patient doit
être mis au courant de sa maladie, de ses complications et des
bases du traitement. Les fascicules d’information sur la SA
sont à cet égard un apport important pour le malade (9), tout
comme peuvent l’être les associations de malades (ACSAC :
Association Contre la Spondylarthrite Ankylosante et ses
Conséquences).
La rééducation constitue la deuxième ligne thérapeutique,
avant les AINS, qui correspondent à la classe médicamenteuse
la plus utilisée dans la SA. Les antalgiques, myorelaxants et/ou
une corticothérapie à faible dose ont un intérêt secondaire et
ne sont que des adjuvants. C’est ensuite que doit se poser l’indication d’un traitement de fond en cas de formes rebelles aux
mesures thérapeutiques précédentes, en proposant avant tout
la sulfasalazine. Les autres traitements de fond cités précé42
Le rhumatisme psoriasique (RP) constitue une entité à part du
fait de son expression clinique polymorphe, de son caractère
évolutif jugé bénin en comparaison avec la PR et de sa place
à mi-chemin entre la PR et la SA. Ce polymorphisme permet
ainsi d’individualiser plusieurs formes (polyarticulaire ressemblant à la PR, mono- ou oligoarticulaire, atteinte axiale
prédominante ressemblant à la SA, atteinte des interphalangiennes distales et forme mutilante) (2, 5). Les thérapeutiques
du RP doivent tenir compte de la forme clinique du patient et
de l’atteinte cutanée concomitante qui contre-indique, ou du
moins limite, l’usage de certains médicaments (10).
Les traitements qui sont disponibles dans l’arsenal thérapeutique du RP sont nombreux et se subdivisent en traitements
symptomatiques, traitements dits de fond, qui limitent et/ou
contrôlent l’évolution de ce rhumatisme inflammatoire et certains traitements à visée dermatologique qui ont, parallèlement, une action sur les manifestations articulaires (2, 5).
Les traitements symptomatiques
Les antalgiques sont utiles pour contrôler et/ou limiter les douleurs. Une réserve doit être formulée pour les salicylés, accusés par les dermatologues de provoquer des poussées de psoriasis pustuleux (10).
Les AINS sont efficaces et doivent être utilisés en première
intention (2, 5, 11). Comme pour la SA, il n’existe pas de données quant à la supériorité d’une molécule par rapport à une
autre. Certains produits (indométacine, phénylbutazone) sont
susceptibles de provoquer des poussées de psoriasis, les rendant ainsi contre-indiqués pour les dermatologues (10). En
fait, ces accidents sont rares, et il serait abusif d’interdire totalement tous les AINS dans le RP, d’autant qu’ils font preuve
d’efficacité. Dans le même sens, la corticothérapie à faible
dose peut déstabiliser un psoriasis et même provoquer une
poussée de psoriasis pustuleux, accident heureusement exceptionnel qui ne doit pas interdire totalement l’usage de cette
classe thérapeutique dans le RP (10). Des bolus de corticoïdes
ont également été réalisés, donnant de bons résultats sur les
manifestations articulaires (5, 11).
Les traitements de fond
Ils sont nombreux et la plupart des molécules utilisées dans la
PR ont également été testées dans le RP (2, 5, 11). Certaines
molécules ont fait l’objet d’études contrôlées (méthotrexate,
sels d’or, sulfasalazine, D-pénicillamine), alors que pour
d’autres (auranofine, antipaludéens, ciclosporine), seules des
études ouvertes ont été réalisées jusqu’à présent.
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Deux molécules dominent la scène thérapeutique dans le RP :
il s’agit de la sulfasalazine (6, 12, 13) et du méthotrexate (14,
15). Chacune a démontré son efficacité dans des études contrôlées contre placebo, ainsi que sa bonne tolérance, sans exacerbation de la dermatose (15). La sulfasalazine pourrait même
améliorer les plaques de psoriasis, et cette molécule est parfois utilisée en cas d’atteinte cutanée isolée. Concernant les
lésions radiologiques, le méthotrexate ne semble pas ralentir
leur progression (14).
La ciclosporine est également un produit très actif dans le RP
(agissant sur les articulations et la dermatose), mais aucune
étude contrôlée n’a été réalisée (16).
Les antipaludéens de synthèse sont très controversés et ne font
pas l’unanimité dans les milieux dermatologiques, à cause du
risque d’aggravation cutanée ; de plus, aucune étude contrôlée n’est actuellement disponible, ce qui ne plaide guère en
faveur de leur utilisation (2, 5, 11).
Les sels d’or sont également soupçonnés d’induire des réactions d’exacerbation du psoriasis, mais ces accidents sont rares
(moins de 5 % des cas) et ce traitement reste efficace dans le
RP (11).
Citons également la colchicine, qui est une alternative intéressante aux AINS et la bromocriptine, qui a donné des résultats rapides dans des essais ouverts (2, 11). Certains immunosuppresseurs ont été essayés dans le RP (azathioprine,
6-mercaptopurine), mais les effets secondaires hématologiques
graves limitent leur utilisation (11).
Les traitements propres du psoriasis
Outre leur efficacité sur la dermatose, ils présentent un certain
intérêt pour l’atteinte articulaire concomitante. La puvathérapie permet ainsi une amélioration articulaire. Les rétinoïdes,
utilisés dans le psoriasis et les troubles de la kératinisation,
sont actifs sur les manifestations articulaires du RP. L’étrétinate, qui n’est actuellement plus disponible, a démontré une
efficacité dans le RP (amélioration des indices articulaires).
Toutefois, des études contrôlées sont nécessaires pour déterminer le réel intérêt de ces produits dans le RP (2, 5).
La prise en charge du rhumatisme psoriasique
Elle dépend de la forme clinique du patient et de la dermatose
associée. Les formes mono- ou oligoarticulaires peuvent bénéficier de gestes locaux et des AINS. Les atteintes polyarticulaires périphériques peuvent être traitées par méthotrexate ou
sulfasalazine, voire par sels d’or, si l’on reste vigilant sur l’état
cutané. Les formes avec atteinte axiale prédominante, lorsqu’elles résistent aux AINS, sont des candidates à la sulfasalazine. L’usage de la ciclosporine doit être réservé aux formes
particulièrement rebelles. De la même façon que dans la SA,
la kinésithérapie est utile et nécessaire dans les formes avec
atteinte axiale ; l’éducation du patient, avec notamment un
abord psychologique, constitue également un point important
de sa prise en charge.
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THÉRAPEUTIQUES DES ARTHRITES RÉACTIONNELLES
Les arthrites réactionnelles (AR) et le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter restent des affections peu fréquentes, ce qui
explique les difficultés d’évaluation des traitements dans ce
groupe. Elles surviennent classiquement au décours d’une
infection génitale ou intestinale. En outre, la mise en évidence,
ces dernières années, d’antigènes, voire d’acides nucléiques
bactériens au sein du liquide et/ou tissu synovial, a relancé le
débat sur la nature véritablement infectieuse de ces affections.
L’évolution est relativement polymorphe, avec des patients
évoluant en une seule poussée d’une durée variable, d’autres
récidivant avec plusieurs poussées, ou enfin évoluant sur un
mode chronique qui ressemble à la SA (17, 18). La thérapeutique est surtout fonction de cette forme clinique évolutive.
D’autre part, l’infection déclenchante et la mise en évidence
de fragments antigéniques bactériens au sein de l’articulation
soulèvent le problème de l’antibiothérapie (18, 19).
Ainsi, les traitements actuellement utilisés dans les AR se divisent en traitements symptomatiques, traitements de fond et les
antibiotiques.
Les traitements symptomatiques
Il s’agit à nouveau des AINS, qui restent la classe médicamenteuse de référence dans cette pathologie (2, 5, 18). Comme
pour les autres spondylarthropathies, il n’y a pas de données
sur la supériorité d’une molécule par rapport à une autre, et
ceci s’applique également à la phénylbutazone. Les traitements
symptomatiques comportent également les antalgiques, qui
limitent les phénomènes douloureux, et les gestes locaux, utiles
en cas d’atteinte monoarticulaire.
Les traitements de fond
La sulfasalazine est efficace : cela a été constaté dans des études
ouvertes, puis contrôlées contre placebo (2, 5, 18, 20). Ce traitement est, par ailleurs, bien toléré dans cette indication. Le
méthotrexate a été essayé ponctuellement et donne des résultats dans les AR avec lésions cutanées florides. Il n’y a, en
revanche, pas de données concernant les autres molécules habituellement utilisées dans les rhumatismes inflammatoires de
l’adulte, comme les sels d’or ou la D-pénicillamine (2, 5).
Les antibiotiques
Les germes incriminés dans le déclenchement des AR étant le
plus souvent des organismes intracellulaires, les antibiotiques
de la classe des cyclines ont surtout été testés dans cette indication. Les résultats favorables concernent particulièrement
les AR d’origine génitale. Les cyclines instituées précocement
ont en effet montré, chez les sujets ayant déjà souffert d’AR,
un effet sur la diminution de la fréquence des poussées d’arthrite après une nouvelle infection génitale (19). D’autre part,
la durée des AR induites par Chlamydia trachomatis est diminuée lors du traitement prolongé (3 mois) par lymécycline (18,
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19). Pour les AR d’évolution chronique, les antibiotiques
(cyclines ou fluoroquinolones) n’ont montré aucun intérêt.
L’évolution des AR d’origine intestinale est peu modifiée par
les antibiotiques (fluoroquinolones) (18).
La prise en charge des arthrites réactionnelles
Comme pour les autres spondylarthropathies, la prise en
charge dépend de la forme clinique et évolutive. Les formes
évoluant en une seule poussée relèvent d’un traitement AINS
et de gestes locaux. Les formes récurrentes ou d’évolution
chronique justifient la mise sous sulfasalazine, en cas d’échec
ou d’insuffisance de réponse aux AINS. L’utilisation des antibiotiques reste controversée. Les données récentes suggèrent
leur intérêt dans les AR d’origine génitale ou causées par Chlamydia trachomatis. Toutefois, hormis leur utilisation à visée
curatrice de l’infection causale, l’usage des antibiotiques pour
traiter l’AR n’est pas entré pour le moment dans les habitudes
des praticiens et nécessite des lignes de conduite claires et précises, qui restent à établir.
corticothérapie générale, l’azathioprine et le méthotrexate ont
démontré leur efficacité sur les manifestations articulaires.
Cependant, aucune étude contrôlée n’est disponible sur le versant rhumatologique pour ces molécules. La sulfasalazine
représente là encore une option logique, active sur la maladie
inflammatoire digestive, et sur les manifestations rhumatologiques, en particulier périphériques.
Pour les spondylarthropathies indifférenciées, le traitement
répond aux mêmes principes généraux que les affections précédentes : AINS en première ligne, traitements d’action lente
en seconde intention.
PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES
Des essais sont actuellement en cours avec le pamidronate et
les agents anti-TNF (étanercept et infliximab) dans les formes
sévères et/ou rebelles de SA et de rhumatismes psoriasiques
respectivement. De même, la thalidomide a été essayée dans
quelques cas de SA. L’efficacité, la tolérance et les indications
de ces différentes molécules restent toutefois à préciser dans
des études contrôlées.
CAS PARTICULIERS DES ENTÉROCOLOPATHIES
INFLAMMATOIRES ET DES SPONDYLARTHROPATHIES INDIFFÉRENCIÉES
CONCLUSION
Les spondylarthropathies peuvent être associées ou secondaires aux entérocolopathies. Ce terrain pose des problèmes
thérapeutiques particuliers. En effet, l’utilisation des AINS
doit être proposée avec la plus grande prudence et le plus grand
discernement, car cette classe thérapeutique peut être à l’origine d’aggravation de la maladie intestinale, voire du déclenchement de poussées (21). Il est donc le plus souvent nécessaire de recourir à d’autres types de thérapeutiques. Le premier
objectif global du traitement est d’obtenir la rémission de l’entérocolopathie qui, à côté de l’amélioration de la qualité de
vie, exerce le plus souvent un effet tout à fait favorable sur
l’évolution des arthrites périphériques. Dans ce contexte, la
Les spondylarthropathies ne se limitent pas à ces affections
mais comportent également le syndrome SAPHO et les spondylarthropathies du sujet âgé. Chaque affection a des particularités thérapeutiques, mais le groupe des spondylarthropathies s’individualise par sa grande sensibilité aux AINS et par
sa réponse potentielle à la sulfasalazine en cas de nécessité
d’un traitement de fond. La thérapeutique de ces spondylarthropathies ne se limite pas à ces médicaments, mais comporte
également l’éducation des patients et la rééducation, qui doit
être adaptée à chacun d’entre eux et à sa forme évolutive. Cette
prise en charge globale conditionne l’amélioration du patient,
lui permettant ainsi une qualité de vie satisfaisante.
"
Pour en
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AUTOQUESTIONNAIRE FMC
1. Dans la spondylarthrite ankylosante, la sulfasalazine :
a. est surtout efficace dans les formes axiales
b. peut provoquer une hépatite cytolytique
c. ne doit jamais être associée aux AINS
d. n’a jamais fait la preuve de son efficacité
e. entraîne des gastralgies
2. Dans le rhumatisme psoriasique :
a. la corticothérapie est strictement contre- indiquée,
même à faible dose
b. aucun traitement de fond n’est efficace
c. les AINS sont très efficaces sur les manifestations articulaires
d. la ciclosporine est indiquée dans les formes sévères et
rebelles.
e. le méthotrexate est un traitement actif à la fois sur la
dermatose et les atteintes articulaires.
RÉPONSES FMC
1. b, e ; 2. c, d, e.
ERRATUM
Dans l’article “Infiltrations périradiculaires lombaires (première partie : bases anatomiques et physiopathologiques)”, paru dans
La Lettre du Rhumatologue n° 260 - mars 2000, il fallait lire :
– p. 26 (bas de la première colonne) : “L’infiltration périradiculaire sera réalisée dans les deux cas à la sortie de la racine L5 du
foramen intervertébral L5-S1.”
– p. 28 (réponses à la question 2) : “Quel que soit le siège de la compression radiculaire, médiane ou latérale à l’étage inférieur,
l’injection est située à l’issue de la racine douloureuse, donc à la sortie du foramen intervertébral L5-S1 pour la racine L5”.
La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000
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