La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000
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epuis la proposition de Moll et Wright en 1974 (1)
de rassembler dans un même groupe différentes enti-
tés rhumatologiques susceptibles de s’associer, le
concept de spondylarthropathie s’est développé et affirmé dans
la nosologie des maladies rhumatismales. Mais sa dimension
dépasse les problèmes de classification pour s’intégrer dans
la pratique courante.
LES DIFFÉRENTES ENTITÉS DU GROUPE DES
SPONDYLARTHROPATHIES
(2, 3)
(figure)
Elles comprennent des maladies par ailleurs bien définies, avec
leurs propres critères de diagnostic, telles la spondylarthrite
ankylosante, certaines formes cliniques de maladies à déter-
mination rhumatologique (rhumatisme psoriasique, rhuma-
tisme des entérocolopathies), mais avec une place également
pour des spondylarthropathies indifférenciées, dont la fré-
quence est loin d’être négligeable dans certaines séries
récentes.
CE REGROUPEMENT EST JUSTIFIÉ POUR
PLUSIEURS RAISONS
!Des formes de passage et d’association entre les différents
membres du groupe de spondylarthropathies sont possibles.
!Il existe des caractéristiques radio-cliniques communes :
Une atteinte axiale, très évocatrice, s’exprimant par un syn-
drome pelvi-rachidien, auquel s’associe parfois une atteinte
de la paroi thoracique antérieure.
Un syndrome articulaire périphérique prenant les traits d’une
oligoarthrite asymétrique prédominant aux membres infé-
rieurs ; on y inclut également certaines manifestations évoca-
trices telles que les doigts ou orteils “en saucisse”.
Un syndrome enthésopathique, qui est une des caractéris-
tiques de ce groupe d’affections (talalgie, syndesmophyte,
tubérosité tibiale antérieure...) avec des éléments d’imagerie
caractéristiques.
Il existe aussi des manifestations extra-articulaires communes :
l’atteinte ophtalmologique, les manifestations cutanéo-
muqueuses, ou encore les manifestations digestives, desquelles
il faut rapprocher les constatations d’iléocolonoscopie systé-
matique.
!Le terrain génétique, matérialisé par l’association aux anti-
gènes HLA de classe I, et en particulier HLA B27, représente
à la fois un élément du diagnostic accessible en pratique cou-
rante et une pièce maîtresse de la construction physiopatho-
logique.
!Enfin, des anomalies biologiques et des mécanismes phy-
siopathogéniques communs font jouer un rôle tout à fait ori-
ginal aux agents infectieux bactériens, à l’immunité humorale
muqueuse, avec une faible implication des lymphocytes mais
avec des modifications de fonction des polynucléaires.
ÉDITORIAL
Les spondylarthropathies :
un concept utile au clinicien
"D. Wendling*
*Service de rhumatologie, CHU Jean-Minjoz, Besançon.
D
Spondylarthrite
ankylosante
Spondylarthropathies
indifférenciées
Rhumatisme
psoriasique
Syndrome de
Fiessinger-Leroy-
Reiter et arthrites
réactionnelles
Manifestations
articulaires
des entéropathies
inflammatoires
(Crohn, RCH,
Whipple)
Figure. Les spondylarthropathies.
Manifestations
articulaires
des affections
dermatologiques (acné,
pustulose), SAPHO ?
Maladie de Behçet ?
Maladie périodique ?
CRITÈRES DE CLASSIFICATION
Les spondylarthropathies répondent à des critères de classifi-
cation qui reprennent les éléments anamnestiques, cliniques
et paracliniques (4).
Deux systèmes de critères aux performances sensiblement
comparables ont été proposés : les critères d’Amor et les cri-
tères de l’ESSG (European Spondylarthropathy Study Group)
(tableaux I et II).
Ces critères validés représentent une aide au diagnostic et sont
aisément utilisables en pratique courante.
INTÉRÊT DE CE CONCEPT
L’ensemble paraît donc logique et cohérent. Ce concept est
utile en pratique car :
il permet de délimiter un cadre nosologique relativement
homogène,
il permet d’inclure des formes indifférenciées, frustes ou
débutantes de spondylarthropathies ne remplissant pas les cri-
tères des entités définies telles que la spondylarthrite ankylo-
sante ou le rhumatisme psoriasique, réduisant ainsi le nombre
de patients sans diagnostic,
il est applicable à tous les groupes de population, en parti-
culier les sujets jeunes (5), chez qui les critères radiologiques
sont difficilement applicables, et les sujets âgés.
Conclusion. Ce concept est utile sur un plan diagnostique ;
par ailleurs, il favorise le classement des malades dans les
études épidémiologiques thérapeutiques et de recherche
clinique.
#
Rachialgies inflammatoires ou synovites :
asymétrique,
ou prédominant aux membres inférieurs,
et au moins un des critères suivants :
histoire familiale de spondylarthropathie, d’uvéite ou d’en-
térocolopathie,
psoriasis,
entérocolopathie inflammatoire,
urétrite, cervicite ou diarrhée aiguë dans le mois ayant pré-
cédé l’arthrite,
douleur de fesse à bascule,
enthésopathie,
sacro-iliite.
La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000
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ÉDITORIAL
Pour en savoir plus...
1. Moll J.M., Haslock I., Macrae I.F., Wright V. Association bet-
ween ankylosing spondylitis, psoriasic arthritis, Reiter’s disease, the
intestinal arthropathies and Behçet syndrome. Medicine
(Baltimore) 1974 ; 53 : 343-64.
2. Wendling D. Spondylarthrite ankylosante. Encycl Med Chir
(Elsevier, Paris), Appareil locomoteur 14-230-A-10, 1998 (14 p.).
3. Wendling D. Le concept de spondylarthropathie. Presse
Thermale et Climatique 1995 ; 132 : 12-4.
4. Wendling D., Toussirot E. Spondylarthropathies : critères et
indices. Rhumatologie 1997 ; 49 : 299-306.
5. Job-Deslandre C. Spondylarthropathie juvénile. La Lettre du
Rhumatologue 1998 ; 245 : 27-31.
Points Points
Présence ou histoire clinique Signes radiologiques
Tableau I. Critères d’Amor.
!de douleurs nocturnes ou
dorsales et/ou de raideur mati-
nale lombaire ou dorsale
!de fessalgie sans précision
ou fessalgie à bascule
!d’oligoarthrite asymétrique
!
de doigts ou orteils en saucisse
!de talalgie ou autre enthéso-
pathie bien définie
!d’uvéite antérieure aiguë
!d’urétrite ou de cervicite
moins d’un mois avant une
arthrite
!de diarrhée moins d’un mois
avant une arthrite
!
de psoriasis et/ou de balanite
et/ou d’entérocolopathie inflam-
matoire chronique
1
1 ou 2
2
2
2
2
1
1
1
3
2
2
Sacro-iliite :
stade > 2 si bilatérale,
stade > 3 si unilatérale
Terrain génétique
Présence de l’antigène
HLA B27 et/ou anté-
cédents familiaux de
spondylarthrite anky-
losante et/ou d’arthri-
te réactionnelle et/ou
d’uvéite et/ou de pso-
riasis et/ou d’entéro-
colopathie inflamma-
toire chronique
Sensibilité au traite-
ment
Amélioration des dou-
leurs en 48 heures sous
AINS et/ou rechute des
douleurs en 48 heures
après arrêt des AINS
Le malade est déclaré atteint d’une spondylarthropathie
si la somme des points est égale ou supérieure à 6
Tableau II. Critères de l’ESSG.
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