É D I T O R I A L Les spondylarthropathies : un concept utile au clinicien " D. Wendling* D epuis la proposition de Moll et Wright en 1974 (1) de rassembler dans un même groupe différentes entités rhumatologiques susceptibles de s’associer, le concept de spondylarthropathie s’est développé et affirmé dans la nosologie des maladies rhumatismales. Mais sa dimension dépasse les problèmes de classification pour s’intégrer dans la pratique courante. tisme des entérocolopathies), mais avec une place également pour des spondylarthropathies indifférenciées, dont la fréquence est loin d’être négligeable dans certaines séries récentes. LES DIFFÉRENTES ENTITÉS DU GROUPE DES SPONDYLARTHROPATHIES (2, 3) (figure) ! Des formes de passage et d’association entre les différents membres du groupe de spondylarthropathies sont possibles. Elles comprennent des maladies par ailleurs bien définies, avec leurs propres critères de diagnostic, telles la spondylarthrite ankylosante, certaines formes cliniques de maladies à détermination rhumatologique (rhumatisme psoriasique, rhuma- ! Il existe des caractéristiques radio-cliniques communes : – Une atteinte axiale, très évocatrice, s’exprimant par un syndrome pelvi-rachidien, auquel s’associe parfois une atteinte de la paroi thoracique antérieure. – Un syndrome articulaire périphérique prenant les traits d’une oligoarthrite asymétrique prédominant aux membres inférieurs ; on y inclut également certaines manifestations évocatrices telles que les doigts ou orteils “en saucisse”. – Un syndrome enthésopathique, qui est une des caractéristiques de ce groupe d’affections (talalgie, syndesmophyte, tubérosité tibiale antérieure...) avec des éléments d’imagerie caractéristiques. Il existe aussi des manifestations extra-articulaires communes : l’atteinte ophtalmologique, les manifestations cutanéomuqueuses, ou encore les manifestations digestives, desquelles il faut rapprocher les constatations d’iléocolonoscopie systématique. Manifestations articulaires des entéropathies inflammatoires (Crohn, RCH, Whipple) Syndrome de Fiessinger-LeroyReiter et arthrites réactionnelles Spondylarthrite ankylosante Rhumatisme psoriasique Spondylarthropathies indifférenciées Manifestations articulaires des affections dermatologiques (acné, pustulose), SAPHO ? Maladie de Behçet ? Maladie périodique ? Figure. Les spondylarthropathies. * Service de rhumatologie, CHU Jean-Minjoz, Besançon. 4 CE REGROUPEMENT EST JUSTIFIÉ POUR PLUSIEURS RAISONS ! Le terrain génétique, matérialisé par l’association aux antigènes HLA de classe I, et en particulier HLA B27, représente à la fois un élément du diagnostic accessible en pratique courante et une pièce maîtresse de la construction physiopathologique. ! Enfin, des anomalies biologiques et des mécanismes physiopathogéniques communs font jouer un rôle tout à fait original aux agents infectieux bactériens, à l’immunité humorale muqueuse, avec une faible implication des lymphocytes mais avec des modifications de fonction des polynucléaires. La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000 É CRITÈRES DE CLASSIFICATION Tableau II. Critères de l’ESSG. Les spondylarthropathies répondent à des critères de classification qui reprennent les éléments anamnestiques, cliniques et paracliniques (4). Deux systèmes de critères aux performances sensiblement comparables ont été proposés : les critères d’Amor et les critères de l’ESSG (European Spondylarthropathy Study Group) (tableaux I et II). Ces critères validés représentent une aide au diagnostic et sont aisément utilisables en pratique courante. Tableau I. Critères d’Amor. Points Présence ou histoire clinique ! de douleurs nocturnes ou dorsales et/ou de raideur matinale lombaire ou dorsale ! de fessalgie sans précision ou fessalgie à bascule ! d’oligoarthrite asymétrique ! de doigts ou orteils en saucisse ! de talalgie ou autre enthésopathie bien définie ! d’uvéite antérieure aiguë ! d’urétrite ou de cervicite moins d’un mois avant une arthrite ! de diarrhée moins d’un mois avant une arthrite ! de psoriasis et/ou de balanite et/ou d’entérocolopathie inflammatoire chronique Points Signes radiologiques 1 D I T O R I A L Sacro-iliite : stade > 2 si bilatérale, stade > 3 si unilatérale 3 Terrain génétique Présence de l’antigène HLA B27 et/ou antécédents familiaux de spondylarthrite ankylosante et/ou d’arthrite réactionnelle et/ou d’uvéite et/ou de psoriasis et/ou d’entérocolopathie inflammatoire chronique 2 Sensibilité au traitement Amélioration des douleurs en 48 heures sous AINS et/ou rechute des douleurs en 48 heures après arrêt des AINS 2 Rachialgies inflammatoires ou synovites : – asymétrique, – ou prédominant aux membres inférieurs, et au moins un des critères suivants : – histoire familiale de spondylarthropathie, d’uvéite ou d’entérocolopathie, – psoriasis, – entérocolopathie inflammatoire, – urétrite, cervicite ou diarrhée aiguë dans le mois ayant précédé l’arthrite, – douleur de fesse à bascule, – enthésopathie, – sacro-iliite. 1 ou 2 2 2 2 2 1 1 INTÉRÊT DE CE CONCEPT 1 Le malade est déclaré atteint d’une spondylarthropathie si la somme des points est égale ou supérieure à 6 Pour en 1. Moll J.M., Haslock I., Macrae I.F., Wright V. Association between ankylosing spondylitis, psoriasic arthritis, Reiter’s disease, the intestinal arthropathies and Behçet syndrome. Medicine (Baltimore) 1974 ; 53 : 343-64. 2. Wendling D. Spondylarthrite ankylosante. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Appareil locomoteur 14-230-A-10, 1998 (14 p.). La Lettre du Rhumatologue - n° 261 - avril 2000 L’ensemble paraît donc logique et cohérent. Ce concept est utile en pratique car : – il permet de délimiter un cadre nosologique relativement homogène, – il permet d’inclure des formes indifférenciées, frustes ou débutantes de spondylarthropathies ne remplissant pas les critères des entités définies telles que la spondylarthrite ankylosante ou le rhumatisme psoriasique, réduisant ainsi le nombre de patients sans diagnostic, – il est applicable à tous les groupes de population, en particulier les sujets jeunes (5), chez qui les critères radiologiques sont difficilement applicables, et les sujets âgés. Conclusion. Ce concept est utile sur un plan diagnostique ; par ailleurs, il favorise le classement des malades dans les études épidémiologiques thérapeutiques et de recherche clinique. # savoir plu s... 3. Wendling D. Le concept de spondylarthropathie. Presse Thermale et Climatique 1995 ; 132 : 12-4. 4. Wendling D., Toussirot E. Spondylarthropathies : critères et indices. Rhumatologie 1997 ; 49 : 299-306. 5. Job-Deslandre C. Spondylarthropathie juvénile. La Lettre du Rhumatologue 1998 ; 245 : 27-31. 5