GRIO Coordonné par T. Thomas (Saint-Étienne) www. g r i o . o r g Suivi densitométrique des patientes ostéoporotiques traitées : est-ce utile ? B. Cortet*, B. Sutter** * Département universitaire de rhumatologie et EA 4490, Lille. ** Institut Calot, Berck-sur-Mer. Aspects “métrologiques” Pour un même patient, comparer des valeurs de densité minérale osseuse (DMO) paraît très simple. Oui, mais à quelles conditions ? Parmi celles-ci, deux règles sont à respecter : suivre sur le même appareil et ne comparer que les valeurs de DMO mesurées en g/cm2 et non les T-scores. Pour pouvoir comparer des valeurs de DMO, il faut tout d’abord avoir établi la reproductibilité du densitomètre, et non se fonder sur les “données de la littérature” ou les “données du constructeur”. Cette reproductibilité est calculée pour les sites utilisés en pratique clinique : rachis lombaire et fémur proximal (col et fémur total). Elle est exprimée en g/cm² ou en mg/cm² et non en pourcentage. Elle est nécessaire au calcul de la plus petite variation significative à l’échelon individuel (PPVS), qui conditionne le choix du délai entre 2 examens. Applications cliniques : les mesures de DMO reflètent-elles l’efficacité du traitement ? En 2006, la Haute Autorité de santé (HAS) a proposé des critères de remboursement de la densitométrie osseuse pour un premier et un deuxième examen. Pour les patientes traitées, l’examen n’est remboursé qu’à la fin d’un cycle thérapeutique, ce qui suggère que, en dehors de ces conditions, le suivi densitométrique n’a pas d’intérêt. Les données de la littérature dans le domaine sont plus nuancées. Les conclusions sont variables en fonction du mécanisme d’action de la molécule et au sein d’une classe thérapeutique en fonction du traitement pris en considération. Pour les traitements inhibiteurs de la résorption osseuse, il a été bien démontré que la seule augmentation de DMO n’expliquait que très imparfaitement l’efficacité antifracturaire. Dans des conditions de pratique clinique quotidienne, la question posée est de savoir si l’existence d’une perte osseuse significative sous traitement témoigne d’une moindre efficacité de la thérapeutique. Différentes publications plus ou moins récentes ont montré que, avec l’alendronate, le risédronate et, plus récemment, l’ibandronate, l’efficacité du traitement était moindre, au minimum dans la prévention des fractures vertébrales, chez les patientes ayant une perte osseuse significative sous traitement comparativement à celles n’en ayant pas. En revanche, même en cas de perte osseuse, l’efficacité était toujours supérieure à celle observée dans le groupe placebo. Des données non encore publiées montrent également que cette relation existe avec le dénosumab en ce qui concerne les fractures vertébrales ou non vertébrales. Quant au raloxifène, aucune relation significative n’a été mise en évidence entre l’importance du gain densitométrique et l’importance de la protection antifracturaire. Il convient néanmoins de préciser que les gains observés sous raloxifène sont très modérés. Dans le cas du tériparatide, agent anabolique osseux, il a été montré que les gains densitométriques expliquaient entre 30 et 41 % de la variabilité de l’efficacité antifracturaire de cette molécule en fonction de la DMO initiale. Enfin, pour le ranélate de strontium, les gains densitométriques sont expliqués à hauteur d’environ 50 % par le fait que le strontium a un poids moléculaire supérieur à celui du calcium. Néanmoins, et en l’absence de toute correction, il a pu être démontré que l’augmentation de la DMO observée sous ranélate de strontium rendait compte de 75 % de la variabilité de l’efficacité antifracturaire. En dernier lieu, et bien que les données soient peu nombreuses, certaines études suggèrent que le suivi densitométrique pourrait améliorer l’observance. En conclusion Le suivi densitométrique est un outil imparfait dans le cadre de la prise en charge des patientes ostéoporotiques sous traitement. Son but principal est de dépister les patients ayant une perte osseuse accélérée, laquelle est associée à une ■ moindre efficacité antifracturaire. La Lettre du Rhumatologue • No 370 - mars 2011 | 23