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IMAGERIE
Imagerie de l’arthrose
Damien Loeuille*
Ce que l’on savait
Place de l’imagerie
dans l’arthrose
et hiérarchisation des examens
Le bilan radiographique permet d’établir le diagnostic d’arthrose, de classer les patients en fonction de la sévérité structurale (critères de Kellgren
et Lawrence) et demeure l’examen de référence
à effectuer en première intention quelle que soit
l’articulation examinée. À la hanche et au genou,
l’incidence et les conditions techniques ont été largement étudiées et, pour les autres articulations,
notamment portantes, la réalisation de clichés en
A
B
charge est indispensable. À l’exception de la main,
l’examen radiographique doit comporter des incidences de face et de profil.
Les autres techniques d’imagerie sont classiquement réalisées en seconde intention, dans le but
de confirmer une atteinte structurale infraradiographique, de préciser des lésions abarticulaires
articulaires ou osseuses et d’éliminer un autre
diagnostic.
L’IRM est la technique d’imagerie de choix pour l’évaluation des grosses articulations ou des articulations profondes (épaule, genou, hanche et rachis).
En dehors de son accessibilité limitée et de son coût
élevé, elle permet une évaluation directe du tissu
cartilagineux et visualise l’hypersignal T2 de l’os,
l’épanchement articulaire et les structures abarticulaires. Pour les petites articulations, l’échographie est
l’examen de seconde intention. Il précise l’existence
de signes inflammatoires (synovites, ténosynovites),
détermine la nature des tuméfactions périarticulaires (kyste, nodules) et élimine d’autres étiologies :
rhumatismes inflammatoires et pathologies microcristallines (goutte, chondrocalcinose).
Évaluation structurale
au cours de l’arthrose
Radiographie
C
* Service de rhumatologie, hôpital
Brabois, CHU de Nancy.
Figure 1. Radiographie du genou droit en schuss (A)
et en extension (B). L’alignement des bords doit
être respecté (C).
18 | La Lettre du Rhumatologue • Supplément 4 au no 370 - mars 2011
La radiographie de bassin en rotation interne de 10°
des membres inférieurs et le faux profil de Lequesne
constituent les examens de référence. Un cliché
centré de hanche ne se révèle pas supérieur à celui
du bassin de face, et ce, même pour une évaluation
structurale. Au genou, le bilan doit comporter des
incidences comparatives en charge de face, en extension et en schuss, de profil, et une incidence fémoropatellaire de 60° (1). Les incidences en charge en
schuss avec fluoroscopie sont actuellement recommandées pour évaluer un effet structural des médicaments (2). Ces incidences doivent être réalisées
dans des conditions techniques optimales, supposant
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que l’alignement des bords antérieur et postérieur
des plateaux tibiaux soit respecté (figure 1) [3].
◆ Kellgren et Lawrence
L’évolution radiographique de la maladie arthrosique
s’étend sur plusieurs décennies. Le score de Kellgren
et Lawrence est le plus largement utilisé et s’applique
à de nombreuses articulations. C’est un score composite qui permet de classer les sujets selon une variable
dichotomique, arthrosique ou non (4), et selon la
sévérité de la maladie. Ce score peut être utilisé pour
juger de l’aggravation de la maladie arthrosique et/ou
déterminer le nombre de “progresseurs” dans une
population d’arthrosiques par le changement d’au
minimum un grade au cours d’une période de suivi.
Pour certaines articulations et notamment la main,
des scores plus spécifiques ont été proposés, qui
tiennent compte à la fois de la sévérité, mais également de l’évolution de la maladie (5-7).
◆ Chondrométrie
Cette technique est actuellement recommandée
par les autorités sanitaires et les sociétés savantes.
Sa simplicité et son excellente reproductibilité lui
permettent d’identifier un plus grand nombre de
patients “progresseurs” sur une période de 1 an que
l’utilisation d’un score composite semi-quantitatif
(Kellgren et Lawrence) [8]. La différence minimale
entre 2 clichés successifs jugée cliniquement pertinente a été calculée à 0,40 mm à la hanche (9). La
plus petite différence minimale détectable (SDD) a
été calculée à 0,64 mm sur une incidence en semiflexion et à 0,12 mm pour une technique automatique réalisée à partir de clichés en schuss lyonnais
avec scopie. À la hanche, Maheu et al. ont montré
qu’une SDD au genou de 0,30 mm sur les incidences
de bassin et de 0,28 mm sur le cliché centré de la
hanche cible permet de classer les patients comme
“progresseurs” (10).
Évaluation structurale en IRM
◆ Score semi-quantitatif : WORMS
Cette approche repose sur le WORMS-cartilage
(Whole-Organ Magnetic Resonance Imaging
Score) [11]. Est considéré comme “progresseur”
tout patient témoignant d’une aggravation de plus
de 1 point dans au moins 1 des 14 régions étudiées.
Ce score présente une excellente reproductibilité
interlecteur (coefficient intraclasse de corrélation
[ICC] = 0,99) ainsi qu’une bonne sensibilité au changement (12). Il permet de déterminer rapidement
(en moins de 15 minutes) les lésions articulaires
responsables de chondrolyse et d’évaluer l’efficacité
structurale des traitements dans la gonarthrose.
Étude volumique du cartilage
L’étude volumique fournit une valeur numérique
qui est peu représentative de l’état structural de
l’articulation. De multiples ajustements sur les paramètres anthropométriques (poids, taille, surface du
plateau tibial, etc.) doivent être pratiqués et seule
l’évaluation du volume cartilagineux ou de l’épaisseur moyenne du cartilage sur les zones portantes
est pertinente. L’approche volumique nécessite une
station de travail et un logiciel de traitement d’image
permettant une présegmentation automatique du
cartilage : elle doit être validée coupe par coupe par
l’opérateur. Le temps nécessaire à une évaluation
volumique complète du genou varie entre 1 heure
et 1 heure et demie. Les mesures volumiques sont
précises, avec une faible variabilité de la mesure
(CV = 6,53 %) [13]. En recherche clinique, la différence minimale décelable correspond à 2,8 fois
le coefficient de variation de la mesure. Ainsi, des
variations de volume de 4 % pour le cartilage patellaire, de 5 % pour le cartilage fémoral, de 8 % pour
le cartilage tibial interne et de 10 % pour le cartilage
tibial externe peuvent être considérées comme pertinentes à l’échelon individuel (14-16). Comme pour
le WORMS, l’étude volumique permet de déterminer
les facteurs de chondrolyse et d’évaluer l’efficacité
structurale des traitements dans la gonarthrose.
Médicament
chondromodulateur
Le ralentissement du processus de dégradation du
cartilage renvoie à la notion de structuromodulation,
qui se définit comme la capacité d’un traitement à
prévenir, à retarder, à stabiliser, voire à réparer les
lésions arthrosiques chez l’homme (17). Deux études
cliniques ont été réalisées à la hanche (insaponifiables de soja et d’avocat et diacerhéine) [18, 19]
et 5 au genou (2 avec le sulfate de glucosamine,
1 avec le sulfate de chondroïtine [Chondrosulf®],
1 avec le risédronate et la dernière avec la doxycyline) [20-24]. En dehors de l’étude STOPP qui répond
sur le plan méthodologique aux recommandations
actuelles émises par les sociétés savantes, les autres
études montrent soit l’absence d’effet structuromodulateur, soit des limites méthodologiques qui
doivent pondérer certaines conclusions (25).
La Lettre du Rhumatologue • Supplément 4 au no 370 - mars 2011 |
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Imagerie de l’arthrose
L’arthrose digitale
Cette arthrose répond à une origine multifactorielle
avec un poids important des facteurs génétiques,
métaboliques et mécaniques. Les formes érosives
représentent entre 10 et 20 % des arthroses digitales
et se définissent par l’existence d’au moins 2 articulations érodées à la radiographie. L’IRM haute
résolution (100 μm) a montré que les premières
étapes de la maladie débutaient par une atteinte
des structures ligamentaires (épaississement ou
rupture ligamentaires) et un hypersignal T2 de l’os
trabéculaire juxta-ligamentaire, suivis de lésions plus
classiques : amincissement du cartilage, ostéophyte,
synovite modérée et hypersignal T2 de l’os juxtaarticulaire. Ces anomalies font évoquer davantage
une maladie de type “enthésitique” (26). Cependant,
il est possible de différencier un doigt arthrosique,
qui présente des lésions inflammatoires focales,
d’un doigt porteur d’un rhumatisme psoriasique,
qui présente une inflammation intraligamentaire,
un œdème osseux et une atteinte de la racine de
l’ongle plus sévères et diffuses (27).
Gonarthrose et coxarthrose
Des progrès considérables ont été accomplis ces
dernières années grâce à l’IRM, qui a permis de
mieux définir les mécanismes qui aboutissent à la
destruction du cartilage en précisant les différentes
entités anatomiques incriminées et en déterminant
A
B
Figure 2. A. Radiographie de genou en schuss, normale. B. IRM du même genou montrant
une destruction cartilagineuse du compartiment externe, un œdème osseux condylien
et un épanchement. L’interligne articulaire est préservé grâce à l’intégrité méniscale.
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les facteurs pronostiques cliniques et structuraux.
Cette approche quasi “arthroscopique” de l’articulation montre avec précision l’atteinte cartilagineuse,
l’épanchement articulaire, l’inflammation synoviale
et les atteintes méniscales. Ainsi, dans la coxarthrose à destruction rapide, l’atteinte articulaire
en IRM est associée à des lésions osseuses et à une
inflammation articulaire majeure (épanchement et
synovite) [28].
Cartilage
◆ Qu’apporte l’IRM par rapport à la radiographie
dans l’évaluation du cartilage ?
La radiographie montre certaines limites pour diagnostiquer les formes débutantes d’arthrose et
évaluer la progression structurale sur une courte
période. À visée diagnostique, l’IRM montre,
dans 35 % des cas, l’existence de lésions focales
du cartilage alors que la radiographie est jugée
normale (29) [figure 2]. En termes de suivi, l’IRM
permet de dépister 3 fois plus de patients “progresseurs” que l’examen radiographique (30) et de préciser l’origine de la perte de l’interligne articulaire
au genou (origine méniscale ou cartilagineuse) [31].
◆ Évaluation morphologique du cartilage en IRM
L’IRM permet une visualisation directe, tridimensionnelle du cartilage, qui apparaît comme une fine
bande régulière en isosignal sur les séquences pondérées T2, en hypersignal sur les séquences T1 en
écho de gradient, qui recouvre l’os sous-chondral
épiphysaire. Les lésions peuvent être évaluées selon
leur profondeur, leur étendue et leur localisation.
Classiquement, les lésions sont gradées en lésions
structurales (grade 1) et en lésions morphologiques
(grades 2 à 4) [32].
◆ Continuum entre lésion focale
et atteinte diffuse du cartilage
On sépare classiquement les lésions focales, souvent
post-traumatiques, de la maladie cartilagineuse, qui
se caractérise par une atteinte diffuse touchant un
ou plusieurs compartiments articulaires. Les lésions
focales du cartilage sont fréquentes : 33 % des
patients ayant des radiographies de genou jugées
normales en ont, avec une localisation préférentielle
dans le compartiment fémoro-tibial interne (33).
Ces lésions déstabilisent le cartilage avoisinant en
provoquant une diminution volumique par rapport
à une population normale sans lésion, ajustée sur
l’indice de masse corporelle (IMC) et les paramètres
anthropométriques (34).
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Hypersignal T2 de l’os et arthrose
La traduction anatomo-pathologique de cette lésion
IRM correspond à un véritable œdème osseux histologique dans seulement 4 % des cas ; mais l’aspect
histologique est le plus souvent celui d’un tissu osseux
normal (53 %), plus rarement celui d’une plage nécrotique (11 %), d’une zone fibrotique (4 %) ou d’une sclérose des travées osseuses (8 %) [35]. Fréquemment
observé en IRM – 50 à 80 % des gonarthroses en présentent –, cet hypersignal T2 de l’os est situé préférentiellement dans le compartiment de contrainte (36).
La fréquence de cet hypersignal T2 de l’os est directement corrélée à la sévérité de la gonarthrose (37, 38).
Des travaux récents ont montré une augmentation
du processus de remodelage osseux, notamment de
l’ostéoformation, ainsi que de la densité minérale
osseuse (figure 3) [39]. En revanche, aucune corrélation n’a jusqu’ici été mise en évidence entre cette
lésion de l’os trabéculaire et une fragilité osseuse (40).
Sur le plan clinique, cette lésion est associée aux manifestations douloureuses dans la gonarthrose, avec un
facteur de risque variant de 1,1 à 14,2 (41, 42).
Sur le plan structural, cette lésion joue un rôle délétère pour le cartilage adjacent et favorise sa disparition avec un odds-ratio compris entre 2,8 et 5,6 (43).
Méniscopathie
La lésion méniscale non traumatique, encore appelée
“dégénérative”, survient sans traumatisme vrai ou
est décompensée au cours d’un traumatisme mineur
chez un individu de la cinquantaine. On parle ici de
“ménisque maladie” (1). La lésion méniscale dégénérative primitive ou “maladie méniscale” est le prélude à
une arthrose secondaire ou évolue parallèlement à cette
dernière. Devant toute symptomatologie évocatrice de
lésion méniscale, il est donc indispensable de débuter
par un examen radiographique si le patient a plus de
40 ans. En présence d’une anomalie radiographique,
la gonalgie est, jusqu’à preuve clinique du contraire,
consécutive à la maladie arthrosique et non pas à la
lésion méniscale. En revanche, si le bilan radiographique
est normal, l’IRM, qui sera alors demandée, constitue
l’examen de référence. Compararativement à l’arthroscopie, l’IRM présente une excellente sensibilité (91 %),
une bonne spécificité (71 %) et d’excellentes valeurs
prédictives négative et positive. Au cours de la gonarthrose, l’objectif assigné à l’IRM est de préciser ce qui
fait mal dans un genou peu ou non arthrosique : la lésion
méniscale dégénérative, le cartilage usé (mise à nu de
l’os sous-chondral) ou l’inflammation (1), et d’éviter
Figure 3. L’hypersignal osseux en séquence T2
est associé à un processus d’ostéoformation dans
la gonarthrose (favorise également la formation
d’ostéophytes).
ainsi un geste chirurgical inutile. En effet, la prévalence
à l’IRM des hypersignaux méniscaux sans symptômes
est de 5 % avant 30 ans, de 15 % avant 45 ans et de
25 à 63 % après 65 ans. En cas d’arthrose et de douleurs associées, la prévalence des lésions méniscales
augmente encore et atteint 91 % (1). L’IRM est donc
peu utile, car elle montre des lésions articulaires arthrosiques algogènes (œdème osseux, lésions abarticulaires,
épanchement) et des lésions méniscales dégénératives
qui, dans la plupart des cas, se résolvent spontanément
de manière favorable en un peu moins de 1 an.
Ce que l’on a appris
Arthrose digitale
Évaluation radiographique
Les formes érosives se singularisent par un nombre
d’articulations douloureuses plus important, une
perte de la mobilité plus marquée et une perte fonctionnelle ainsi qu’un a priori esthétique négatif et mal
vécu (figure 4). L’évaluation structurale de l’arthrose
digitale est en pleine restructuration. La classique évaluation selon Kellgren et Lawrence est actuellement
revisitée. Le poids de la composante ostéophytique
est plus important que celui du pincement articulaire,
ce qui facilite la lecture (44). D’autres approches
ont également vu le jour dans le but de mieux
La Lettre du Rhumatologue • Supplément 4 au no 370 - mars 2011 |
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Imagerie de l’arthrose
appréhender un effet structuromodulateur (45). Ainsi,
G. Verbruggen et son équipe ont développé un score
radiographique reproductible, sensible au changement, qui évalue 3 domaines : l’interligne articulaire,
la forme du plateau sous-chondral et l’aspect de l’os
sous-chondral. Chaque articulation est évaluée de 0
à 100 (100 représentant une articulation normale et 0
une articulation complètement détruite) pour chacun
de ces domaines, et le score total varie de 0 à 300.
Avec d’excellentes corrélations comprises entre 0,71
et 0,99, supérieures à celles observées avec le score
de Kellgren et Lawrence, la plus petite différence identifiable a été calculée à 40 points à 12 mois. La progression radiographique articulaire peut être définie
et la chronologie des événements qui conduisent à la
destruction articulaire puis à la reconstruction a pu
être identifiée. Ainsi, à une phase quiescente, définie
par des changements structuraux mineurs, succèdent
une phase de chondrolyse articulaire, puis une phase
érosive. Cette dernière peut être suivie d’une phase
de reconstruction articulaire avec restitution quasi
ad integrum de l’articulation. L’ensemble de ces événements peut être observé sur une courte période
(30 mois). Ainsi, dans un essai clinique visant à évaluer
l’effet structural de l’adalimumab, Verbruggen et al.
montrent que, sur l’ensemble de la population, une
progression radiographique est observée dans 60 %
des cas avec leur méthode, contre seulement 33 %
avec le score de Kellgren et Lawrence.
Évaluation échographique
L’examen échographique est particulièrement performant pour diagnostiquer ces formes érosives, avec
une excellente concordance avec la radiographie
(94 %). L’examen échographique se révèle 2 fois plus
sensible que la radiographie pour déceler la présence d’ostéophytes. Les articulations érosives ne se
révèlent pas plus inflammatoires (synovite en mode
doppler B et synovite active en mode DP) que les
articulations arthrosiques classiques. En revanche,
lorsque l’articulation entre dans une phase érosive,
l’activité inflammatoire semble plus intense (46).
Gonarthrose
Épanchement et chondrolyse
Si l’œdème osseux et les lésions méniscales sont bien
documentés comme facteurs prédictifs de lésions
structurales radiographiques, qu’en est-il des autres
lésions articulaires ? Dans ce travail réalisé à partir de
l’analyse de 177 patients inclus dans un essai sur la
glucosamine, les auteurs ont étudié les facteurs conduisant à une destruction articulaire visible à l’IRM à court
terme (6 mois). La perte cartilagineuse a été évaluée à
l’aide du WORMS-cartilage. Tout patient dont le score
est aggravé de 0,5 point pour l’une des 8 régions déterminées est considéré comme “progresseur”.
Les facteurs de progression pour l’articulation
fémoro-patellaire sont l’épanchement articulaire
et la présence préalable de lésions du cartilage ; pour
le compartiment fémoro-tibial, ce sont l’œdème
osseux, les luxations méniscales et l’existence préalable de lésions cartilagineuses (47).
Chondrolyse et œdème osseux
Figure 4. Arthrose digitale érosive atteignant les interphalangiennes distales et épargnant les interphalangiennes proximales et la colonne du pouce.
22 | La Lettre du Rhumatologue • Supplément 4 au no 370 - mars 2011
◆ Vitamine D et effet sur l’œdème osseux
L’hypersignal T2 de l’os joue un rôle prépondérant dans
l’aggravation de la destruction du cartilage. Le mécanisme de cette destruction passe par une altération de
la texture osseuse liée à un processus d’ostéoformation et par une probable modification de la perfusion
vasculaire de l’os sous-chondral avec, comme conséquence, une réduction de l’apport nutritif des couches
profondes du cartilage. En revanche, l’hypersignal T2
de l’os ne semble pas s’associer à une fragilité de l’os
ou à un défaut de sa minéralisation. Dans une étude
présentée cette année à l’ACR est évalué l’impact de
la correction d’un déficit en vitamine D sur l’hypersignal T2 de l’os. Au cours d’un essai réalisé sur une
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période de 2 ans, 146 sujets atteints de gonarthrose
ont été randomisés en 2 groupes : un bras témoin
et un bras vitamine D, qui recevait une supplémentation adaptée en fonction de la concentration en
vitamine D à 3, 6 et 9 mois dans le but d’obtenir une
concentration en 25(OH)D3 ≥ 30 ng/ml. Une évaluation volumique du cartilage et de l’œdème osseux
a été effectuée à J0 et à 2 ans. La supplémentation
en vitamine D n’a pas amélioré le WOMAC douleur
ni l’épreuve de marche sur 20 mètres. Le volume du
cartilage est resté inchangé dans les 2 bras, de même
que le score d’œdème osseux.
La variation de pincement de l’interligne articulaire
était inchangée dans les 2 bras. La correction de
vitamine D n’améliore pas les paramètres cliniques
et structuraux dans la gonarthrose (48).
◆ Sulfate de chondroïtine et effet structural
en IRM
L’étude de Pelletier et al. est la première étude IRM qui
évalue l’efficacité du sulfate de chondroïtine (800 mg)
sur le volume cartilagineux et sur les lésions osseuses
de la gonarthrose à 6 mois. Cet essai contrôlé en
double aveugle, d’une durée de 6 mois, suit en période
ouverte les 2 groupes de patients qui reçoivent alors du
sulfate de chondroïtine. Les patients inclus souffrent de
gonarthroses de grades 2 et 3. Des études volumiques
du cartilage du genou et une évaluation quantitative
de l’hypersignal T2 de l’os ont été effectuées à J0 puis
à 6 et 12 mois. Cette étude montre une réduction
de la diminution du volume cartilagineux global à
6 mois (p = 0,06) et à 12 mois (p = 0,025) sous sulfate
de chondroïtine. Cette diminution a également été
observée dans le compartiment fémoro-tibial latéral
à 6 mois (p = 0,015) et à 12 mois (p = 0,004), mais
non dans le compartiment médial. Une diminution
significative du score d’hypersignal T2 de l’os global
et latéral est notée, mais non dans le compartiment
médial sous sulfate de chondroïtine. Cette étude pilote
montre des résultats prometteurs et confirmerait les
résultats structuraux de l’étude STOPP. Les mécanismes évoqués passeraient par une action directe sur
le cartilage et indirecte sur l’hypersignal T2 de l’os (49).
Ce qui peut changer
Dans la pratique
Le diagnostic d’arthrose reste clinico-radiographique.
La maladie évolue classiquement sur plus d’une
décennie. Cependant, l’IRM a permis de modifier
profondément notre conduite clinique.
➤ La connaissance des lésions articulaires visibles
à l’IRM au cours de la gonarthrose constitue un
enjeu important pour le rhumatologue en le repositionnant au centre de la prise en charge thérapeutique du patient âgé de 50 ans souffrant de
gonalgie. En effet, cet examen permet une approche
quasi arthroscopique de l’articulation et offre la possibilité d’identifier des lésions invisibles à l’arthroscopie
(atteinte osseuse). La connaissance de ces lésions
doit permettre au rhumatologue de :
• différencier les lésions algogènes de celles qui ne
le sont pas ;
• éviter le recours à une exploration invasive inutile
(contexte de lésions méniscales sur gonarthrose) ;
• établir une liste de facteurs de mauvais pronostic
structural (lésions méniscales, épanchement, œdème
osseux) qui doit conduire à une prise en charge mieux
adaptée (lavage articulaire, infiltration, décharge
partielle de l’articulation pendant 2 à 3 semaines) ;
• informer le patient sur l’état de l’articulation et
expliquer ainsi la discordance radioclinique parfois
observée en cas de gonalgie intense et de retentissement fonctionnel important à radiographie normale.
L’IRM permet, dans ce cas, le diagnostic de lésions
chondrales sévères (mise à nu de l’os sous-chondral)
infraradiographiques. Cette démarche permet au
patient d’adhérer à la prise en charge thérapeutique
(lavage articulaire, infiltration, viscosupplémentation,
décharge) et, en cas d’échec du traitement médical
bien conduit, d’envisager avec plus de confiance un
traitement chirurgical (ostéotomie de réaxation chez
un sujet de moins de 50 ans avec troubles statiques des
membres inférieurs ou mise en place d’une prothèse).
➤ L’IRM devrait permettre de mieux comprendre
le point d’impact des traitements symptomatiques
dans l’arthrose et, plus particulièrement, dans la
gonarthrose. Nous disposons actuellement d’outils
cliniques performants (indices algofonctionnels,
PASS, critères OARSI de réponse) susceptibles d’évaluer l’efficacité des thérapeutiques. En revanche,
nous sommes dans l’impossibilité d’expliquer par
quel mécanisme agissent ces traitements et quels
sont leurs points d’impact sur les structures articulaires (cartilage, os ménisque, synoviale).
➤ Et pourquoi pas l’échographie ? Le recours à
l’IRM est quasiment impossible en pratique clinique.
En effet, cet examen est réalisé généralement plusieurs
mois après le début des symptômes alors que le traitement est déjà entrepris. D’autres stratégies d’imagerie
doivent être alors proposées. L’essor récent de l’échographie dans le diagnostic et le suivi des rhumatismes
inflammatoires est incontestable. Dans l’arthrose digitale, des travaux récents ont permis de caractériser
La Lettre du Rhumatologue • Supplément 4 au no 370 - mars 2011 |
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Imagerie de l’arthrose
des lésions structurales infraradiographiques, d’en
diagnostiquer un plus grand nombre et de mettre en
évidence des signes inflammatoires (synovites). Au
genou et à la hanche, l’examen échographique est un
complément de l’examen radiographique, car il décèle
des signes d’inflammation articulaires. Cet examen
permet de mieux discerner les formes cliniques d’arthrose, sèche ou congestive. Comme pour la polyarthrite
rhumatoïde, la standardisation des plans d’acquisition
et la définition échographique des lésions élémentaires
est en cours de validation. Sur le plan osseux, la scintigraphie constitue une excellente alternative à l’IRM. En
effet, dans le cadre d’une gonarthrose fémoro-tibiale
interne, la mise en évidence d’une hyperfixation du
compartiment interne à J0 prédit une perte de hauteur
de l’interligne fémoro-tibial à 2 ans (50).
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