Recommandations pour la gonarthrose : toujours plus d’éducation et d’exercices Knee osteoarthritis practice guidelines:

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Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - Octobre - novembre - décembre 2013
Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
MISE AU POINT
* Service
demédecine
physique
etderéadaptation,
CHU de Clermont-
Ferrand.
L’arthrose est la plus fréquente des pathologies arti-
culaires chroniques.
Les traitements non pharmacologiques ont une place
centrale dans la prise en charge de l’arthrose.
L’éducation des patients sur la gestion de la maladie
et sur la pratique régulière de l’activité physique est
essentielle dans l’arthrose.
L’application des recommandations non pharmaco-
logiques en pratique clinique courante reste faible.
Une meilleure implication des médecins de MPR
dans le champ de l’arthrose pourrait permettre
d’améliorer la prise en charge non pharmacologique
de cette pathologie.
Osteoarthritis is the most common chronic joint
disease.
Non-pharmacological treatments play a pivotal place
in the management of osteoarthritis.
Patient education on disease management and
regular physical activity practice is essential in
osteoarthritis.
The implementation of non-pharmacological guide-
lines in everyday clinical practice remains low.
Greater involvement of PMR physicians in the fi eld
of osteoarthritis could improve its non-pharmaco-
logical management.
Mots-clés : Arthrose - Recommandations - Exercices -
Éducation - Genou
Keywords: Osteoarthritis - Guidelines - Exercises -
Education - Knee
POINTS FORTS
HIGHLIGHTS
Recommandations pourlagonarthrose :
toujours plus d’éducation etd’exercices
Knee osteoarthritis practice guidelines:
more and more patient education and exercises
Emmanuel Coudeyre*
L’arthrose est la plus fréquente des pathologies arti-
culaires chroniques et contribue largement à l’incapa-
cité fonctionnelle et à la perte d’autonomie des sujets
âgés
(1)
. La hanche et le genou sont les articulations les
plus souvent atteintes par cette arthropathie dégéné-
rative. Ainsi, près de 40 % des plus de 65ans souffrent
d’une arthrose symptomatique
(2)
. Dans un grand
nombre de cas, la résistance au traitement médical
et le niveau d’incapacité fonctionnelle conduisent à
proposer un traitement chirurgical
(3)
.
La prise en charge de l’arthrose associe des théra-
peutiques pharmacologiques et non pharmacologiques.
En l’absence de traitement curatif en dehors de la
chirurgie prothétique, le recours aux thérapeutiques
non pharmacologiques doit conduire à des modifi ca-
tions du mode de vie. De plus, cette prise en charge
doit être pluridisciplinaire, mobilisant de multiples
intervenants autour du patient, qu’ils soient médecins
(généraliste, médecin physique et de réadaptation,
rhumatologue), chirurgiens orthopédistes, rééduca-
teurs (kinésithérapeutes et ergothérapeutes), diété-
ticiens ou psychologues.
Recommandations générales
Au début des années2000, les premières recommanda-
tions, établies à partir de revues de la littérature et/ ou
de l’avis d’experts sur la prise en charge de l’arthrose,
ont été publiées
(4,5)
. Elles ont été discutées en raison
du manque de rigueur méthodologique dans leur élabo-
ration (simple avis d’experts pour les recommandations
de l’EULAR en 2000) et de leur diffi culté d’application
en pratique courante
(6)
. La place des traitements non
pharmacologiques était limitée (1item sur10 pour les
recommandations de l’EULAR2000 révisées en2003)
et leur contenu était peu précis
(“Non-pharmacological
treatment of knee OA should include regular education,
exercises, appliances [sticks, insoles, knee bracing],
and weight reduction”)
.
Dans les recommandations plus récentes, les trai-
tements non pharmacologiques sont davantage mis
en valeur et plus explicites. Ainsi, dans les recom-
mandations nord-américaines de lAmerican Academy
of Orthopaedic Surgeons (AAOS)
[7]
, le premier item
concerne l’éducation du patient (gradeB), via des
programmes d’autogestion de la pathologie et les
adaptations du mode de vie. Le deuxième concerne
la rééducation, qui peut comporter des exercices aéro-
bies à faible impact (gradeA), du renforcement mus-
culaire du quadriceps (gradeB) et des étirements et
du gain d’amplitude articulaire (gradeC).
Dans les recommandations anglaises du National Ins-
titute for Health and Clinical Excellence (NICE)
[8]
, le
cœur de la prise en charge de l’arthrose s’appuie sur
l’information du patient, qu’elle soit écrite ou orale, afi n
d’améliorer la compréhension et de lutter contre les
idées reçues, sur la pratique d’une activité physique
aérobie et d’exercices de renforcement musculaire, et
sur les mesures de réduction pondérale. En complé-
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et de Réadaptation
ment, l’autonomie du patient dans sa prise en charge
doit être encouragée, en particulier pour la pratique
de l’activité physique. Il est également recommandé de
cibler des modifi cations de comportement adaptées à
chaque patient, afi n de limiter les effets rebonds (arrêt
ou reprise brutale de l’activité physique).
Les recommandations de l’Osteoarthritis Research
Society International (OARSI) ont bien précisé les diffé-
rents domaines sur lesquels doit porter l’éducation des
patients (niveau de preuve Ia)
[9]
. Ceux-ci concernent les
objectifs du traitement et l’importance des modifi cations
du mode de vie, de l’exercice physique, de l’adaptation
des activités, de la perte de poids et d’autres mesures
pour décharger la ou les articulations endommagées.
Le contenu des programmes d’exercices est également
précisé (niveau de preuve Ia) ; les patients doivent être
encouragés à pratiquer et à continuer de pratiquer
régulièrement des exercices aérobies, de muscula-
tion et de mobilisation articulaire. Le patient doit ainsi
devenir acteur de sa prise en charge plutôt que d’avoir
recours à des stratégies passives de traitement. Il faut
toutefois dissocier, dans ces recommandations, ce qui
relève d’une simple information, d’un réel processus
éducatif visant à modifi er le mode de vie des patients,
en particulier pour ce qui concerne la pratique d’acti-
vités physiques ou la perte de poids.
Enfi n, les dernières recommandations de lAmerican
College of Rheumatology (ACR)
[10]
reprennent le
tryptique exercice, éducation et réduction pondérale.
Elles introduisent les exercices en balnéothérapie et
insistent sur les programmes d’autogestion prenant
en compte les dimensions psychosociales des patients.
Recommandations spécifi ques
surlaprise encharge
nonpharmacologique
Des recommandations centrées spécifi quement sur
les traitements non pharmacologiques de l’arthrose
ont récemment été publiées par la European League
Against Rheumatism (EULAR)
[11]
. Elles s’appuient
sur une approche biopsychosociale prenant en compte
l’individu et son environnement, ainsi que ses attentes
(grade Ib). Plusieurs items sont consacrés à l’éducation
du patient, à la fois sur le contenu mais également sur
la forme (individualisation, type de média). Les items
concernant la perte de poids sont ainsi particulière-
ment détaillés
(encadré)
. Concernant le contenu des
programmes d’exercices, il est tout à fait conforme aux
autres recommandations les plus récentes.
L’accent est également mis, dans les différentes recom-
mandations, sur l’importance de l’adhésion du patient
aux traitements non pharmacologiques dont l’intérêt
est majeur, en particulier pour assurer un bénéfi ce
clinique suite à la pratique d’une activité aérobie ou
d’un programme d’exercices. Les recommandations
établies par les Sociétés françaises de médecine phy-
sique et de réadaptation (Sofmer) et de rhumatologie
(SFR) sur la rééducation de l’arthrose des membres
inférieurs ont bien pris en compte l’importance de
l’éducation vis-à-vis de la pratique d’un programme
d’exercices
(12)
. Ainsi, il est recommandé d’expliquer
à un patient arthrosique le résultat attendu de ces pro-
grammes d’exercices, de proposer une auto-évaluation
par journal de bord quotidien ainsi qu’une évaluation
au long cours, par téléphone, par courrier, ou au cours
des consultations de suivi.
Diffi cultés d’implémentation
desrecommandations
nonpharmacologiques
La prise en charge une pathologie chronique comme
l’arthrose suppose un changement de comportement
des patients. Ces derniers doivent être éduqués sur
leur maladie et comprendre l’objectif des traitements
proposés. Le recours à l’ensemble des mesures non
pharmacologiques est probablement insuffi sant. Ainsi,
une étude observationnelle, multicentrique, menée sur
le territoire français auprès de 1 030médecins géné-
ralistes, a montré que seuls 48,7 % d’entre eux pres-
crivaient de l’activité physique pour une gonarthrose,
alors qu’ils étaient 95,8 % à prescrire du paracé-
tamol
(13)
. Des résultats équivalents sont retrouvés
dans la littérature concernant la perte de poids : moins
de 1patient sur2 souffrant d’arthrose déclare avoir
reçu des conseils à ce sujet
(14)
.
L’établissement d’une prise en charge non pharmaco-
logique s’appuyant sur des exercices physiques et
de l’éducation thérapeutique est très chronophage
Recommandations de l’EULAR
sur les stratégies de réduction pondérale
(11)
L’éducation concernant la réduction pondérale
doit s’appuyer sur des stratégies individua lisées
dont l’effi cacité est reconnue pour perdre du
poids sans en reprendre :
pesée régulière par le sujet en notant son poids
1fois par mois ;
réunions régulières de groupe de soutien
pour évaluer et discuter les progrès ;
augmentation du niveau d’activité physique ;
suivi d’un plan de menus structuré
dès le petit-déjeuner ;
réduction des apports en graisses
(en parti culier saturées), en sucre et en sel,
augmentation de la prise de fruits et légumes
(auminimum 5fois par jour) ;
limitation de la taille des portions ;
abord des comportements alimentaires
etdesfacteurs déclenchant la prise
(le stress par exemple) ;
réalisation d’une éducation nutritionnelle ;
apprentissage de la prévention des rechutes
(recours aux stratégies de
coping
par exemple).
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Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
MISE AU POINT
et difficilement compatible avec une consultation
classique en soins primaires. Le défaut de mise en
œuvre des recommandations de la littérature pour
le traitement de l’arthrose est probablement lié aux
diffi cultés à informer les patients sur les différentes
thérapeutiques non pharmacologiques au cours d’une
simple consultation. Pour yremédier, certains auteurs
ont proposé une approche pragmatique qui consiste
à ne délivrer qu’un message à chaque consultation,
avec une effi cacité signifi cative en termes de réduc-
tion pondérale et de pratique d’une activité physique
régulière
(15)
.
Une autre limite de ces recommandations concerne
l’absence de précision sur la “posologie” de l’activité
physique prescrite. On dispose en effet aujourd’hui
d’assez peu de données validées concernant la durée,
l’intensité et la fréquence de pratique, en dehors des
recommandations s’adressant à l’ensemble de la popu-
lation qui préconisent 3 à 5séances hebdomadaires,
de 1demi-heure à 1heure. Ce manque de précision
dans les recommandations peut également s’expliquer
par l’absence d’implication de médecins de MPR dans
l’élaboration de la plupart des recommandations
(9)
.
En effet, seules les recommandations publiées par
la Sofmer
(12)
se sont intéressées aux modalités des
programmes d’exercices, qui peuvent être spécifi ques
(centrées sur l’articulation) ou non (activité aérobie),
réalisées de manière individuelle ou en groupe, avec
ou sans supervision.
Conclusion
La prise en charge de l’arthrose au stade médical doit
prioritairement s’appuyer sur une prise en charge non
pharmacologique comprenant de l’éducation théra-
peutique, un programme d’exercices comportant du
renforcement musculaire et du reconditionnement
aérobie, ainsi qu’une stratégie de perte de poids si
nécessaire. Les médecins de MPR qui ont une com-
pétence dans l’approche globale et pluridisciplinaire
des pathologies doivent s’impliquer davantage dans la
prise en charge des patients arthrosiques. Des travaux
de recherche sont nécessaires afi n de mieux préciser
l’effi cacité à moyen et à long terme et le contenu des
traitements non pharmacologiques.
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1 / 3 100%

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