Recommandations pour la gonarthrose : toujours plus d’éducation et d’exercices Knee osteoarthritis practice guidelines:

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Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
MISE AU POINT
Recommandations pour la gonarthrose :
toujours plus d’éducation et d’exercices
Knee osteoarthritis practice guidelines:
more and more patient education and exercises
▸ L’arthrose est la plus fréquente des pathologies arti-
▸ Osteoarthritis is the most common chronic joint
▸ Les traitements non pharmacologiques ont une place
centrale dans la prise en charge de l’arthrose.
▸ Non-pharmacological treatments play a pivotal place
▸ L’éducation des patients sur la gestion de la maladie
et sur la pratique régulière de l’activité physique est
essentielle dans l’arthrose.
▸ Patient education on disease management and
▸ L’application des recommandations non pharmaco-
▸ The implementation of non-pharmacological guide-
▸ Une meilleure implication des médecins de MPR
▸ Greater involvement of PMR physicians in the field
Mots-clés : Arthrose - Recommandations - Exercices Éducation - Genou
Keywords: Osteoarthritis - Guidelines - Exercises Education - Knee
L’arthrose est la plus fréquente des pathologies articulaires chroniques et contribue largement à l’incapacité fonctionnelle et à la perte d’autonomie des sujets
âgés (1). La hanche et le genou sont les articulations les
plus souvent atteintes par cette arthropathie dégénérative. Ainsi, près de 40 % des plus de 65 ans souffrent
d’une arthrose symptomatique (2). Dans un grand
nombre de cas, la résistance au traitement médical
et le niveau d’incapacité fonctionnelle conduisent à
proposer un traitement chirurgical (3).
La prise en charge de l’arthrose associe des thérapeutiques pharmacologiques et non pharmacologiques.
En l’absence de traitement curatif en dehors de la
chirurgie prothétique, le recours aux thérapeutiques
non pharmacologiques doit conduire à des modifications du mode de vie. De plus, cette prise en charge
doit être pluridisciplinaire, mobilisant de multiples
intervenants autour du patient, qu’ils soient médecins
(généraliste, médecin physique et de réadaptation,
rhumatologue), chirurgiens orthopédistes, rééducateurs (kinésithérapeutes et ergothérapeutes), diététiciens ou psychologues.
du manque de rigueur méthodologique dans leur élaboration (simple avis d’experts pour les recommandations
de l’EULAR en 2000) et de leur difficulté d’application
en pratique courante (6). La place des traitements non
pharmacologiques était limitée (1 item sur 10 pour les
recommandations de l’EULAR 2000 révisées en 2003)
et leur contenu était peu précis (“Non-pharmacological
treatment of knee OA should include regular education,
exercises, appliances [sticks, insoles, knee bracing],
and weight reduction”).
Dans les recommandations plus récentes, les traitements non pharmacologiques sont davantage mis
en valeur et plus explicites. Ainsi, dans les recommandations nord-américaines de l’American Academy
of Orthopaedic Surgeons (AAOS) [7], le premier item
concerne l’éducation du patient (grade B), via des
programmes d’autogestion de la pathologie et les
adaptations du mode de vie. Le deuxième concerne
la rééducation, qui peut comporter des exercices aérobies à faible impact (grade A), du renforcement musculaire du quadriceps (grade B) et des étirements et
du gain d’amplitude articulaire (grade C).
Dans les recommandations anglaises du National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) [8], le
cœur de la prise en charge de l’arthrose s’appuie sur
l’information du patient, qu’elle soit écrite ou orale, afin
d’améliorer la compréhension et de lutter contre les
idées reçues, sur la pratique d’une activité physique
aérobie et d’exercices de renforcement musculaire, et
sur les mesures de réduction pondérale. En complé-
culaires chroniques.
logiques en pratique clinique courante reste faible.
dans le champ de l’arthrose pourrait permettre
d’améliorer la prise en charge non pharmacologique
de cette pathologie.
Recommandations générales
* Service
de médecine
physique
et de réadaptation,
CHU de ClermontFerrand.
8
Au début des années 2000, les premières recommandations, établies à partir de revues de la littérature et/ou
de l’avis d’experts sur la prise en charge de l’arthrose,
ont été publiées (4, 5). Elles ont été discutées en raison
disease.
in the management of osteoarthritis.
regular physical activity practice is essential in
osteoarthritis.
lines in everyday clinical practice remains low.
of osteoarthritis could improve its non-pharmacological management.
Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - Octobre - novembre - décembre 2013
HIGHLIGHTS
POINTS FORTS
Emmanuel Coudeyre*
Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
ment, l’autonomie du patient dans sa prise en charge
doit être encouragée, en particulier pour la pratique
de l’activité physique. Il est également recommandé de
cibler des modifications de comportement adaptées à
chaque patient, afin de limiter les effets rebonds (arrêt
ou reprise brutale de l’activité physique).
Les recommandations de l’Osteoarthritis Research
Society International (OARSI) ont bien précisé les différents domaines sur lesquels doit porter l’éducation des
patients (niveau de preuve Ia) [9]. Ceux-ci concernent les
objectifs du traitement et l’importance des modifications
du mode de vie, de l’exercice physique, de l’adaptation
des activités, de la perte de poids et d’autres mesures
pour décharger la ou les articulations endommagées.
Le contenu des programmes d’exercices est également
précisé (niveau de preuve Ia) ; les patients doivent être
encouragés à pratiquer et à continuer de pratiquer
régulièrement des exercices aérobies, de musculation et de mobilisation articulaire. Le patient doit ainsi
devenir acteur de sa prise en charge plutôt que d’avoir
recours à des stratégies passives de traitement. Il faut
toutefois dissocier, dans ces recommandations, ce qui
relève d’une simple information, d’un réel processus
éducatif visant à modifier le mode de vie des patients,
en particulier pour ce qui concerne la pratique d’activités physiques ou la perte de poids.
Enfin, les dernières recommandations de l’American
College of Rheumatology (ACR) [10] reprennent le
tryptique exercice, éducation et réduction pondérale.
Elles introduisent les exercices en balnéothérapie et
insistent sur les programmes d’autogestion prenant
en compte les dimensions psychosociales des patients.
Recommandations spécifiques
sur la prise en charge
non pharmacologique
Des recommandations centrées spécifiquement sur
les traitements non pharmacologiques de l’arthrose
ont récemment été publiées par la European League
Against Rheumatism (EULAR) [11]. Elles s’appuient
sur une approche biopsychosociale prenant en compte
l’individu et son environnement, ainsi que ses attentes
(grade Ib). Plusieurs items sont consacrés à l’éducation
du patient, à la fois sur le contenu mais également sur
la forme (individualisation, type de média). Les items
concernant la perte de poids sont ainsi particulièrement détaillés (encadré). Concernant le contenu des
programmes d’exercices, il est tout à fait conforme aux
autres recommandations les plus récentes.
L’accent est également mis, dans les différentes recommandations, sur l’importance de l’adhésion du patient
aux traitements non pharmacologiques dont l’intérêt
est majeur, en particulier pour assurer un bénéfice
clinique suite à la pratique d’une activité aérobie ou
d’un programme d’exercices. Les recommandations
établies par les Sociétés françaises de médecine physique et de réadaptation (Sofmer) et de rhumatologie
(SFR) sur la rééducation de l’arthrose des membres
inférieurs ont bien pris en compte l’importance de
Recommandations de l’EULAR
sur les stratégies de réduction pondérale (11)
L’éducation concernant la réduction pondérale
doit s’appuyer sur des stratégies individualisées
dont l’efficacité est reconnue pour perdre du
poids sans en reprendre :
• pesée régulière par le sujet en notant son poids
1 fois par mois ;
réunions
régulières de groupe de soutien
•
pour évaluer et discuter les progrès ;
• augmentation du niveau d’activité physique ;
• suivi d’un plan de menus structuré
dès le petit-déjeuner ;
réduction
des apports en graisses
•
(en particulier saturées), en sucre et en sel,
augmentation de la prise de fruits et légumes
(au minimum 5 fois par jour) ;
limitation
de la taille des portions ;
•
abord
des
comportements alimentaires
•
et des facteurs déclenchant la prise
(le stress par exemple) ;
• réalisation d’une éducation nutritionnelle ;
• apprentissage de la prévention des rechutes
(recours aux stratégies de coping par exemple).
l’éducation vis-à-vis de la pratique d’un programme
d’exercices (12). Ainsi, il est recommandé d’expliquer
à un patient arthrosique le résultat attendu de ces programmes d’exercices, de proposer une auto-évaluation
par journal de bord quotidien ainsi qu’une évaluation
au long cours, par téléphone, par courrier, ou au cours
des consultations de suivi.
Difficultés d’implémentation
des recommandations
non pharmacologiques
La prise en charge une pathologie chronique comme
l’arthrose suppose un changement de comportement
des patients. Ces derniers doivent être éduqués sur
leur maladie et comprendre l’objectif des traitements
proposés. Le recours à l’ensemble des mesures non
pharmacologiques est probablement insuffisant. Ainsi,
une étude observationnelle, multicentrique, menée sur
le territoire français auprès de 1 030 médecins généralistes, a montré que seuls 48,7 % d’entre eux prescrivaient de l’activité physique pour une gonarthrose,
alors qu’ils étaient 95,8 % à prescrire du paracétamol (13). Des résultats équivalents sont retrouvés
dans la littérature concernant la perte de poids : moins
de 1 patient sur 2 souffrant d’arthrose déclare avoir
reçu des conseils à ce sujet (14).
L’établissement d’une prise en charge non pharmacologique s’appuyant sur des exercices physiques et
de l’éducation thérapeutique est très chronophage
Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01 - Octobre - novembre - décembre 2013
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et de Réadaptation
MISE AU POINT
et difficilement compatible avec une consultation
classique en soins primaires. Le défaut de mise en
œuvre des recommandations de la littérature pour
le traitement de l’arthrose est probablement lié aux
difficultés à informer les patients sur les différentes
thérapeutiques non pharmacologiques au cours d’une
simple consultation. Pour y remédier, certains auteurs
ont proposé une approche pragmatique qui consiste
à ne délivrer qu’un message à chaque consultation,
avec une efficacité significative en termes de réduction pondérale et de pratique d’une activité physique
régulière (15).
Une autre limite de ces recommandations concerne
l’absence de précision sur la “posologie” de l’activité
physique prescrite. On dispose en effet aujourd’hui
d’assez peu de données validées concernant la durée,
l’intensité et la fréquence de pratique, en dehors des
recommandations s’adressant à l’ensemble de la population qui préconisent 3 à 5 séances hebdomadaires,
de 1 demi-heure à 1 heure. Ce manque de précision
dans les recommandations peut également s’expliquer
par l’absence d’implication de médecins de MPR dans
l’élaboration de la plupart des recommandations (9).
En effet, seules les recommandations publiées par
la Sofmer (12) se sont intéressées aux modalités des
programmes d’exercices, qui peuvent être spécifiques
(centrées sur l’articulation) ou non (activité aérobie),
réalisées de manière individuelle ou en groupe, avec
ou sans supervision.
Conclusion
La prise en charge de l’arthrose au stade médical doit
prioritairement s’appuyer sur une prise en charge non
pharmacologique comprenant de l’éducation thérapeutique, un programme d’exercices comportant du
renforcement musculaire et du reconditionnement
aérobie, ainsi qu’une stratégie de perte de poids si
nécessaire. Les médecins de MPR qui ont une compétence dans l’approche globale et pluridisciplinaire
des pathologies doivent s’impliquer davantage dans la
prise en charge des patients arthrosiques. Des travaux
de recherche sont nécessaires afin de mieux préciser
l’efficacité à moyen et à long terme et le contenu des
traitements non pharmacologiques.
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