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> Écho
des Congrès
> ECNP 2005 : la France au risque 5 %
>
P. Delbrouck, service de psychiatrie,centre hospitalier de Saint-Nazaire.
A
vec plus de 800 interventions,
l’European College of Neuropsychopharmacology (ECNP) s’impose, d’année en année, comme l’un
des principaux congrès européen de
psychiatrie. Avec près de 50 communications, la France a participé à cette
édition 2005 à hauteur de 5 % aux
interventions. Celles-ci émanaient pour
moitié de travaux menés conjointement
avec l’industrie pharmaceutique et pour
moitié de recherches indépendantes.
C’est à ces dernières que nous nous
intéresserons, ce qui ne retire rien à
l’intérêt des premières.
Les troubles de l’humeur représentaient
le thème principal de ces communications. Parmi les nombreux facteurs
physiopathologiques évoqués, L. Lanfumey et al. (1) se sont intéressés à l’axe
corticotrope et à l’influence négative de
taux élevés de glucocorticoïdes cérébraux sur la neurogenèse. Ces auteurs
montrent ainsi que si le déficit en
récepteurs aux glucocorticoïdes cérébraux induit bien une diminution de la
neurogenèse, de même que la stimulation forte de l’axe corticotrope, sa stimulation modérée aurait un effet
inverse. Ces travaux, menés sur des
souris, mettent en évidence toute la
complexité de la régulation neurohormonale. De leur côté, F. Duval et al.
(2) se sont penchés sur l’axe thyréotrope des patients dépressifs. Leurs
données suggèrent que l’hypersécrétion
d’hormone de libération de la thyréostimuline (TRH) constatée chez les
patients dépressifs non suicidaires correspondrait à un mécanisme de compensation pour maintenir des taux de
T3 et T4 constants, alors que chez les
déprimés suicidaires, ce mécanisme
dysfonctionnerait, nécessitant la transformation de T4 en T3 pour maintenir
des taux stables, au prix d’une diminu-
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tion du rapport T4/T3. Par ailleurs, la
même équipe s’est également intéressée à la voie dopaminergique (3) au
travers d’un test de suppression de la
sécrétion de prolactine par apomorphine chez des patients présentant un
trouble de l’humeur uni- ou bipolaire.
La moindre réponse retrouvée, chez les
patients bipolaires, ne serait pas due à
un déficit en hormones lactotropes ni à
une hyperactivité de l’axe corticotrope
(taux comparables dans les deux populations), mais à une altération des
récepteurs postsynaptiques D2 au
niveau des voies dopaminergiques
tubéro-infundibulaires. Du côté de la
sérotonine, c’est A. Daszuta (4) qui a
montré que l’activation des récepteurs
5-HT1A, et plus généralement du système sérotoninergique, avait une action
protectrice sur les neurones en stimulant la neurogenèse. Il pourrait s’agir
de l’un des modes d’action des antidépresseurs. Toujours en matière d’antidépresseur, l’équipe de M.A. QueraSalva (5) a étudié les effets sur le
sommeil d’une nouvelle molécule agissant sur la voie de la mélatonine. Cette
étude pilote met en évidence une augmentation de la continuité et de la qualité du sommeil chez les patients déprimés traités avec un recalage de phase
suggérant un effet chronobiologique
propre. En termes d’imagerie, P. Fossati
et al. (6) ont constaté l’existence d’une
corrélation entre le score à une échelle
d’évitement et l’activation du cortex
préfrontal médian, suggérant un dysfonctionnement du traitement des émotions chez les patients déprimés. Enfin,
pour terminer sur une note plus clinique, Y. Lecrubier (7) a présenté une
synthèse des relations entre comportement suicidaire et pathologies psychiatriques. La présence d’un diagnostic sur
l’axe I du DSM-IV est retrouvée chez
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. I - n° 5 - décembre 2005
plus de 90 % des sujets ayant effectué
un passage à l’acte. À court terme, la
présence d’un trouble de l’humeur ou
d’une schizophrénie associée à un
niveau d’anxiété élevé et une consommation de toxique sont des facteurs
classiques de gravité. Le sexe, les
conditions sociodémographiques et les
troubles de la personnalité constituent
des facteurs de risque à plus long
terme. La présence d’idées suicidaires
ne paraît pas être un facteur discriminant. Par ailleurs, si le nombre de tentatives antérieures est un facteur de
risque classique, il ne faut pas oublier
que la moitié des suicidés décèdent lors
de leur première tentative… Enfin, la
levée d’inhibition induite par les antidépresseurs en début de traitement
explique vraisemblablement les cas
récents rapportés de suicides chez les
adolescents.
Au niveau des psychoses, les communications se sont centrées sur la schizophrénie et l’autisme.
Dans la schizophrénie, C.S. Peretti et al.
(8) ont présenté les résultats préliminaires d’une étude mettant en relation
l’existence de signes neurologiques
mineurs, de dysfonctionnements cognitifs et la présence d’anomalies fonctionnelles cérébrales à l’IRM, en accord
avec les théories neurodéveloppementales de la maladie. De leur côté,
F. Duval et al. (9) ont retrouvé une
hypoactivité des récepteurs dopaminergiques hypothalamiques associée à une
augmentation de l’activité corticotrope
chez des sujets souffrant de schizophrénie paranoïde non traitée. Enfin,
S. Khaldi et al. (10) ont rappelé le
risque d’occlusion sous clozapine,
notamment en cas d’association avec
des antispasmodiques, à partir d’un cas
clinique ayant nécessité une hémicolectomie avec colostomie.
En matière d’autisme, M. Zilbovicius
(11) a rappelé les anomalies de fonctionnement des aires temporales,
retrouvées en imagerie cérébrale chez
les enfants souffrant d’autisme et dans
les régions impliquées dans la perception sociale, le langage et la théorie de
l’esprit. Des études plus récentes ont
également montré l’impossibilité, pour
certains enfants autistes, de discriminer la voie humaine du bruit ambiant.
De son côté, T. Bugeron (12) a insisté
sur les anomalies de l’architecture
synaptique retrouvées chez les enfants
souffrant du syndrome d’Asperger.
En ce qui concerne les troubles
anxieux, M. Hamon et al. (13) ont rappelé le rôle des récepteurs 5-HT1A dans
l’anxiété alors que T. Renoir et al. (14)
montraient que, chez la souris, l’administration répétée d’ecstasy entraînait
une augmentation des mêmes récepteurs, pouvant contribuer à l’induction
de troubles de l’humeur. Enfin, M. Le
Moal (15) a rappelé les deux approches
des addictions, celle centrée sur l’individu, chère au clinicien, et celle centrée
sur le produit, la préférée des chercheurs. Les premiers insistent sur la
forte comorbidité psychiatrique des
troubles addictifs, les seconds sur l’importance du rôle des voies dopaminergiques corticales et sous-corticales.
Les maladies dégénératives étaient également représentées dans les communications de A. Brice sur la physiopathologie de la maladie de Parkinson (16)
ou de C. Néri (17) sur la chorée de
Huntington. De son côté, P. Robert et
al. (18) ont rappelé l’intérêt des inhibiteurs de la cholinestérase (traitement
des troubles du comportement associés
à la maladie d’Alzheimer) et des antipsychotiques de seconde génération,
même si ces derniers doivent être utilisés avec précaution, compte tenu du
risque d’aggravation des pathologies
cérébrovasculaires.
Enfin, pour conclure ce rapide survol
des interventions françaises, citons les
deux communications de N. Younes et
al. (19, 20) sur les différences de composition et de prise en charge des
populations de patients des médecins
généralistes, des psychiatres libéraux et
hospitaliers, ainsi que sur l’intérêt du
travail en réseau.
■
Références bibliographiques
1. Lanfumey L, Paizanis E, Melfort M, et al. Hypothalamic-Pituitary-Adrenal (HPA) axis and hippocampal
neurogenesis in mice. ECNP 2005;abst. S.11.05.
2. Duval F, Mokrani MC, Monreal JA et al. Thyroid axis
activity and suicidal behavior in depressed patients.
ECNP 2005;abst. P.2.074.
3. Monreal JA, Duval F, Mokrani MC et al. Dopamine
dysregulation in bipolar depressed patients. ECNP
2005;abst. P.2.072.
4. Daszuta A. Serotonin and adult neurogenesis. ECNP
2005;abst. S.28.03.
5. Quera-Salva MA, Vanier B, Chapotot et al. Effect of
agomelatine on the sleep EEG in patients with major
depressive disorder (MMD). ECNP 2005;abst. P.2.102.
6. Fossati P, Le Bastard G, Lomogne C et al. Emotional
processing in mood disorders. ECNP 2005;abst.
S.27.04.
7. Lecrubier Y. What relation between psychiatric diagnosis and suicide? ECNP 2005;abst. E.04.01.
8. Peretti CS, Ferrei F, Agbokou C, Gierski F. Neurological
soft signs, neuropsychological performances and functional cerebral activation during cognitive and motor
inhibition tasks in young-aged patients with schizophrenia: a fRMI study. ECNP 2005;abst. P.1.026.
9. Duval F, Mokrami MC, Monreal JA et al. Dopaminergic dysfunction in schizophrenia : HPA, HPT and NA correlates. ECNP 2005;abst. P.3.106.
10. Khaldi S, Gourevitch R, Chauvolot-Moachon L, Olié
JP. Necritizing enterocolitis after clozapine treatment.
ECNP 2005;abst. P.3.148.
11. Zilbovicius M. Functional brain imaging and
autism.ECNP 2005;abst. S.06.01.
12. Bugeron T. Genetic stuides reveal atypical synaptic architectures in autism spectrum disorders. ECNP
2005;abst. S.06.04.
13. Hamon M, Hanoun N, Saurini L, Lanfumey L. 5HT
receptor and anxiety. ECNP 2005;abst. S.04.03.
14. Renoir T, Saurini F, Hamon M, Lanfumey L. Long
term effects of 3,4-methylenedioxymethamphetamine
(MDMA) on serotoninergic neurotransmission in mice.
ECNP 2005;abst. P.2.083.
15. Le Moal M. From drug use to dependence: facts and
hypotheses. ECNP 2005;abst. LP.02.
16. Brice A. Parkin: from genetics to physiopathology.
ECNP 2005;abst. S.08.05.
17. Néri C. The model system C. elegans in the development of therapeutic strategies for neurodegenerative diseases. ECNP 2005;abst. S.16.01.
18. Robert P, Michel E, Benoit M. Treatment of behavioural and psychological symptoms in dementia.
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19. Younes N, Hardy-Baylé MC, Kovess V et al. Differing
mental health practice among general practitioners,
private psychiatrists and public psychiatrists. ECNP
2005;abst. P.8.39.
20. Younes N, Hardy-Baylé MC, Falissard B, Kovess V.
Eraly effectiveness of an organizational intervention
for common mental health problems. A controled
before and after study. ECNP 2005;abst. P.8.41.
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. I - n° 5 - décembre 2005
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