36 La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. I - n° 5 - décembre 2005
>Écho
des Congrès
A
vec plus de 800 interventions,
l’European College of Neuro-
psychopharmacology (ECNP) s’im-
pose, d’année en année, comme l’un
des principaux congrès européen de
psychiatrie. Avec près de 50 communi-
cations, la France a participé à cette
édition 2005 à hauteur de 5 % aux
interventions. Celles-ci émanaient pour
moitié de travaux menés conjointement
avec l’industrie pharmaceutique et pour
moitié de recherches indépendantes.
C’est à ces dernières que nous nous
intéresserons, ce qui ne retire rien à
l’intérêt des premières.
Les troubles de l’humeur représentaient
le thème principal de ces communica-
tions. Parmi les nombreux facteurs
physiopathologiques évoqués, L. Lanfu-
mey et al. (1) se sont intéressés à l’axe
corticotrope et à l’influence négative de
taux élevés de glucocorticoïdes céré-
braux sur la neurogenèse. Ces auteurs
montrent ainsi que si le déficit en
récepteurs aux glucocorticoïdes céré-
braux induit bien une diminution de la
neurogenèse, de même que la stimula-
tion forte de l’axe corticotrope, sa sti-
mulation modérée aurait un effet
inverse. Ces travaux, menés sur des
souris, mettent en évidence toute la
complexité de la régulation neuro-
hormonale. De leur côté, F. Duval et al.
(2) se sont penchés sur l’axe thyréo-
trope des patients dépressifs. Leurs
données suggèrent que l’hypersécrétion
d’hormone de libération de la thyréosti-
muline (TRH) constatée chez les
patients dépressifs non suicidaires cor-
respondrait à un mécanisme de com-
pensation pour maintenir des taux de
T3 et T4 constants, alors que chez les
déprimés suicidaires, ce mécanisme
dysfonctionnerait, nécessitant la trans-
formation de T4 en T3 pour maintenir
des taux stables, au prix d’une diminu-
tion du rapport T4/T3. Par ailleurs, la
même équipe s’est également intéres-
sée à la voie dopaminergique (3) au
travers d’un test de suppression de la
sécrétion de prolactine par apomor-
phine chez des patients présentant un
trouble de l’humeur uni- ou bipolaire.
La moindre réponse retrouvée, chez les
patients bipolaires, ne serait pas due à
un déficit en hormones lactotropes ni à
une hyperactivité de l’axe corticotrope
(taux comparables dans les deux popu-
lations), mais à une altération des
récepteurs postsynaptiques D2 au
niveau des voies dopaminergiques
tubéro-infundibulaires. Du côté de la
sérotonine, c’est A. Daszuta (4) qui a
montré que l’activation des récepteurs
5-HT1A, et plus généralement du sys-
tème sérotoninergique, avait une action
protectrice sur les neurones en stimu-
lant la neurogenèse. Il pourrait s’agir
de l’un des modes d’action des antidé-
presseurs. Toujours en matière d’anti-
dépresseur, l’équipe de M.A. Quera-
Salva (5) a étudié les effets sur le
sommeil d’une nouvelle molécule agis-
sant sur la voie de la mélatonine. Cette
étude pilote met en évidence une aug-
mentation de la continuité et de la qua-
lité du sommeil chez les patients dépri-
més traités avec un recalage de phase
suggérant un effet chronobiologique
propre. En termes d’imagerie, P. Fossati
et al. (6) ont constaté l’existence d’une
corrélation entre le score à une échelle
d’évitement et l’activation du cortex
préfrontal médian, suggérant un dys-
fonctionnement du traitement des émo-
tions chez les patients déprimés. Enfin,
pour terminer sur une note plus cli-
nique, Y. Lecrubier (7) a présenté une
synthèse des relations entre comporte-
ment suicidaire et pathologies psychia-
triques. La présence d’un diagnostic sur
l’axe I du DSM-IV est retrouvée chez
plus de 90 % des sujets ayant effectué
un passage à l’acte. À court terme, la
présence d’un trouble de l’humeur ou
d’une schizophrénie associée à un
niveau d’anxiété élevé et une consom-
mation de toxique sont des facteurs
classiques de gravité. Le sexe, les
conditions sociodémographiques et les
troubles de la personnalité constituent
des facteurs de risque à plus long
terme. La présence d’idées suicidaires
ne paraît pas être un facteur discrimi-
nant. Par ailleurs, si le nombre de ten-
tatives antérieures est un facteur de
risque classique, il ne faut pas oublier
que la moitié des suicidés décèdent lors
de leur première tentative… Enfin, la
levée d’inhibition induite par les anti-
dépresseurs en début de traitement
explique vraisemblablement les cas
récents rapportés de suicides chez les
adolescents.
Au niveau des psychoses, les communi-
cations se sont centrées sur la schizo-
phrénie et l’autisme.
Dans la schizophrénie, C.S. Peretti et al.
(8) ont présenté les résultats prélimi-
naires d’une étude mettant en relation
l’existence de signes neurologiques
mineurs, de dysfonctionnements cogni-
tifs et la présence d’anomalies fonc-
tionnelles cérébrales à l’IRM, en accord
avec les théories neurodéveloppemen-
tales de la maladie. De leur côté,
F. Duval et al. (9) ont retrouvé une
hypoactivité des récepteurs dopaminer-
giques hypothalamiques associée à une
augmentation de l’activité corticotrope
chez des sujets souffrant de schizo-
phrénie paranoïde non traitée. Enfin,
S. Khaldi et al. (10) ont rappelé le
risque d’occlusion sous clozapine,
notamment en cas d’association avec
des antispasmodiques, à partir d’un cas
clinique ayant nécessité une hémico-
lectomie avec colostomie.
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ECNP 2005 : la France au risque 5 %
P. Delbrouck, service de psychiatrie,centre hospitalier de Saint-Nazaire.
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La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. I - n° 5 - décembre 2005
En matière d’autisme, M. Zilbovicius
(11) a rappelé les anomalies de fonc-
tionnement des aires temporales,
retrouvées en imagerie cérébrale chez
les enfants souffrant d’autisme et dans
les régions impliquées dans la percep-
tion sociale, le langage et la théorie de
l’esprit. Des études plus récentes ont
également montré l’impossibilité, pour
certains enfants autistes, de discrimi-
ner la voie humaine du bruit ambiant.
De son côté, T. Bugeron (12) a insisté
sur les anomalies de l’architecture
synaptique retrouvées chez les enfants
souffrant du syndrome d’Asperger.
En ce qui concerne les troubles
anxieux, M. Hamon et al. (13) ont rap-
pelé le rôle des récepteurs 5-HT1A dans
l’anxiété alors que T. Renoir et al. (14)
montraient que, chez la souris, l’admi-
nistration répétée d’ecstasy entraînait
une augmentation des mêmes récep-
teurs, pouvant contribuer à l’induction
de troubles de l’humeur. Enfin, M. Le
Moal (15) a rappelé les deux approches
des addictions, celle centrée sur l’indi-
vidu, chère au clinicien, et celle centrée
sur le produit, la préférée des cher-
cheurs. Les premiers insistent sur la
forte comorbidité psychiatrique des
troubles addictifs, les seconds sur l’im-
portance du rôle des voies dopaminer-
giques corticales et sous-corticales.
Les maladies dégénératives étaient éga-
lement représentées dans les communi-
cations de A. Brice sur la physiopatho-
logie de la maladie de Parkinson (16)
ou de C. Néri (17) sur la chorée de
Huntington. De son côté, P. Robert et
al. (18) ont rappelé l’intérêt des inhi-
biteurs de la cholinestérase (traitement
des troubles du comportement associés
à la maladie d’Alzheimer) et des anti-
psychotiques de seconde génération,
même si ces derniers doivent être utili-
sés avec précaution, compte tenu du
risque d’aggravation des pathologies
cérébrovasculaires.
Enfin, pour conclure ce rapide survol
des interventions françaises, citons les
deux communications de N. Younes et
al. (19, 20) sur les différences de com-
position et de prise en charge des
populations de patients des médecins
généralistes, des psychiatres libéraux et
hospitaliers, ainsi que sur l’intérêt du
travail en réseau.
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Eraly effectiveness of an organizational intervention
for common mental health problems. A controled
before and after study. ECNP 2005;abst. P.8.41.
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