On entend par le terme “neurologie”, l’étude
des désordres qui affectent le système ner-
veux central (cerveau et moelle épinière) et
périphérique, les désordres liés à une dysfonc-
tion organique explicable par une lésion visible
ou identifiable, par exemple, par un mécanisme
neurochimique. Ce point de vue permet de
distinguer la neurologie de la psychiatrie. En
effet, celle-ci a pour champ d’application les
désordres cérébraux, qui, eux, ne sont pas
directement corrélés à une lésion identifiable du
système nerveux. Cette distinction est néan-
moins insuffisante car il existe tout un ensemble
de domaines qui sont aux confins de la neuro-
logie et de la psychiatrie.
Méthode d’investigation
La méthode anatomo-clinique est née de tra-
vaux pionniers, comme ceux de Broca, qui a
apparenté un trouble acquis du langage, c’est-à-
dire une aphasie, à une lésion touchant le cor-
tex cérébral de l’hémisphère gauche.
La corrélation entre des signes neurologiques
déficitaires, par exemple une hémiplégie et une
localisation neurologique, a fondé cette méthode.
En associant l’étude précise des lésions céré-
brales chez un patient après son décès et
l’analyse clinique fine des troubles neurolo-
giques qu’il a présentés de son vivant, cette
méthode fonde la notion de localisation céré-
brale, c’est-à-dire l’association d’une zone du
cerveau à une fonction.
Ce concept très puissant a apporté un grand
nombre de résultats qui ont permis de faire la
description des différentes maladies neurolo-
giques, c’est-à-dire la nosologie actuelle
Sommaire
Des domaines
pathologiques variés
L’interférence
avec toutes
les neurosciences
Sclérose en plaques :
le rôle de l’infirmière
Alzheimer
Épilepsie
Autres pathologies
Escarres
Urgence en neuro
Neurologie
Une discipline
nécessairement liée
aux autres
19
●●●
CORTEX
moteur sensitif
THALAMUS
TRONC
CÉRÉBRAL
MOELLE
spécifique non spécifique
NOYAUX
CENTRAUX
CERVELET
FONCTIONNEMENT DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL
VOIE
PYRAMIDALE
FACE
MUSCLES
DU TRONC
ET DES
MEMBRES
RÉCEPTEURS
PÉRIPHÉ-
RIQUES
Nerfs crâniens
moteurs
VOIES
EXTRAPYRAMIDALES
2e motoneurone
VOIE
LEMNISCALE
TÉGUMENTS
DE LA FACE
V
Nerfs trijumeaux
VOIES
EXTRALEMNISCALES
La discipline neurologique est relativement récente.
Elle a été individualisée à la fin du siècle dernier,
grâce à Jean-Martin Charcot, qui en a tracé le domaine
de compétence et les limites avec la psychiatrie.
La méthode d’investigation qui a apporté la plupart
des informations jusqu’à la moitié de ce siècle est la méthode
anatomo-clinique. Mais les progrès scientifiques
et techniques bouleversent l’analyse clinique.
20
Neurologie
en neurologie. Mais les classifications sont
bouleversées par de nouvelles méthodes d’analy-
se des lésions cérébrales et, en pratique, le rai-
sonnement est aujourd’hui fondé davantage sur
la notion de réseaux neuronaux qui sont plus ou
moins altérés (par exemple, les réseaux qui sous-
tendent la mémorisation et qui peuvent être
lésés à différents niveaux du cerveau, donnant le
même trouble de la mémoire). De même la
notion explicative de lésions génétiques concer-
nent, notamment plusieurs types de mutations
touchant des chromosomes différents peuvent
donner la même maladie clinique, comme dans
le cas de la maladie d’Alzheimer ou de la mala-
die de Parkinson.
Pr Pierre Cesaro
Service de neurologie, INSERM U 421,
Hôpital Henri-Mondor, Créteil
●●●
La neurologie repose sur un examen précis et clinique
du patient, ce qui en fait sa force et sa richesse.
La nosologie peut être articulée suivant plusieurs
classifications, fondées entre autres sur des symptômes,
des connaissances acquises sur l’organisation du système
nerveux et la localisation des fonctions du cerveau.
Cette classification a permis de lister un grand
nombre de symptômes qui sont le premier
motif de consultation.
Le deuxième type de classification se fonde
sur la connaissance précise que nous avons de
l’organisation du système nerveux central et péri-
phérique. On peut identifier différentes maladies
qui touchent le muscle (myopathies, myosite), la
jonction neuromusculaire (myasthénie), les
troncs nerveux (névrites ou multinévrites), l’en-
semble des fibres nerveuses périphériques (poly-
neuropathies) ou les racines ou les plexus ner-
veux (polyradiculonévrites, plexopathie).
De la même façon, on distingue les affections qui
touchent la moelle épinière (compression de la
moelle épinière, tabès, myélopathie par carence
vitaminique...) et les lésions du tronc cérébral.
La localisation a permis de reconnaître une
lésion du tronc par l’existence d’un syndrome
alterne, avec, d’un côté, une paralysie d’un nerf
crânien (diplopie ou vision double, hypoesthé-
sie du visage par atteinte du nerf trijumeau,
paralysie faciale par atteinte du nerf facial, sur-
dité par atteinte du nerf cochléaire et, de l’autre
La classification sémiologique se fonde sur le
symptôme majeur présenté par le patient, par
exemple une céphalée, une crise d’épilepsie, un
trouble de la mémoire, un trouble de la marche,
un vertige, une baisse de la vue, etc.
Des domaines
pathologiques variés
La localisation en neurologie est un élément très
important du diagnostic et elle est aujourd’hui
aidée de façon majeure par les méthodes mo-
dernes d’imagerie. Le scanner par mesure de l’ab-
sorption des rayons X et réalisation d’une image du
cerveau en trois dimensions ou l’imagerie par réso-
nance magnétique permettent de visualiser, en
fonction de la technique utilisée, le tissu cérébral
lui-même, les cavités ou les espaces liquidiens, les
vaisseaux par angiographie de résonance magné-
tique. Les performances des appareils d’imagerie
sont telles, que la clinique neurologique a perdu,
pour certains, de son intérêt. Au contraire, les pro-
grès réalisés en neurosciences cliniques sont en
grande partie fondés sur une analyse clinique en-
core plus fine des symptômes que présentent les
patients.
côté, une atteinte des voies qui traversent le
tronc cérébral comme la voie pyramidale (hémi-
plégie) ou les voies de la sensibilité (troubles
proprioceptifs).
Au niveau cérébral, on distingue, d’une façon
similaire, des noyaux gris centraux, du thala-
mus et du striatum, les lésions de la substance
blanche située en dessous du cortex cérébral et
enfin les lésions du cortex cérébral lui-même.
La troisième classification est véritablement
nosologique. Elle concerne le mécanisme en
cause dans la maladie présentée par un patient.
Cette classification est à l’origine de “sur-spécia-
lité” comme, par exemple, les unités de traite-
ment des accidents vasculaires cérébraux, les
unités d’évaluation de patients épileptiques, etc.
On distingue, entre autres, la pathologie vascu-
laire qui étudie les lésions ischémiques du cer-
veau (hémiplégie vasculaire par infarctus céré-
bral), les lésions hémorragiques du cerveau ou
des méninges et, un peu à part, les lésions par
occlusion des veines intracérébrales qui rendent
compte des phlébites, assez fréquentes chez la
femme jeune. Ces maladies vasculaires peuvent
avoir des mécanismes extrêmement variés, qui
vont de l’embolie cardiaque à la maladie des
artères inflammatoire (lupus) ou dégénératives
(amylose du système nerveux).
Un autre grand domaine est représenté par
les pathologies inflammatoires. La maladie la
plus connue dans ce domaine est la sclérose en
plaques, d’ailleurs identifiée par les travaux de
Jean-Martin Charcot. Dans ce cas, une lésion
focale auto-immune de la myéline de la sub-
stance blanche sous-corticale a été identifiée
depuis longtemps, mais on insiste aujourd’hui
également sur l’importance des lésions des
axones qui rendent compte des déficits moteurs
ou sensitifs présentés par les patients.
Dans le domaine inflammatoire, il existe de
nombreuses autres affections comme la sarcoï-
dose, la maladie de Behçet, les angiopathies
inflammatoires.
Le domaine tumoral est malheureusement
très important et les tumeurs intracérébrales
sont plus sévères du fait de l’endroit où elles se
trouvent et de l’exiguïté de la boîte crânienne,
du fait de la vitesse de croissance de ces lésions.
On distingue des tumeurs qui dérivent des
méninges (méningiomes), celles qui dérivent de
la glie (gliomes) et les métastases qui viennent
de cancers viscéraux. Il existe également des
tumeurs dérivées de structures autres, comme
l’épendyme (épendymomes) ou des vaisseaux
intracérébraux (angiomes).
La thérapeutique des tumeurs cérébrales repré-
sente un enjeu majeur. La neurochirurgie, inté-
ressante pour les tumeurs bénignes, est malheu-
reusement inefficace pour les tumeurs malignes,
notamment celles qui sont infiltrantes, comme
les gliomes. Dans ce cas, la radiothérapie et la
chimiothérapie ne représentent pas aujourd’hui
une réponse satisfaisante.
Les maladies liées aux traumatismes crâniens
sont source de handicaps importants dans la
population, notamment du fait de la fréquence
des accidents de la voie publique pour les-
quels on décrit des complications aiguës
(hémorragies extradurales ou sous-durales) et
des complications chroniques, comme les
hématomes sous-duraux ou les hydrocéphalies
post-traumatiques.
Les maladies infectieuses concernent natu-
rellement le cerveau et l’on peut citer des mala-
dies à germe banal, comme certaines ménin-
gites ou les abcès du cerveau, des maladies à
virus, comme les encéphalites herpétiques, des
maladies à prions qui sont transmissibles,
21
●●●
Confins neuropsychiatriques
Il est intéressant de noter que certaines maladies
neurologiques donnent un tableau qui ressemble
àune affection psychiatrique, par exemple une
dépression nerveuse, un état obsessionnel compul-
sif dans le cas du striatum par piqûres de guêpe et
que, à l’inverse, certains tableaux psychiatriques
sont associés à des troubles neurologiques.
La distinction, qui est fondée sur l’absence de lé-
sion identifiable, n’est pas valable dans tous les cas,
puisque, par exemple, certaines formes de trem-
blements ne sont pas expliquées par une lésion fo-
cale ou fonctionnelle du système nerveux central.
A contrario, certaines maladies psychiatriques, no-
tamment certaines psychoses organiques, sont ex-
pliquées par un dysfonctionnement neurochimique
du cerveau et, à n’en pas douter, les progrès des
neurosciences bouleverseront à la fois les limites
entre neurologie et psychiatrie et la classification
nosologique de ces affections.
Il y a quelques lustres, la neurologie et la psychia-
trie représentaient la même spécialité en France et
il est possible que, dans le futur, certains thèmes
neuropsychiatriques reviendront dans le cadre
d’une spécialité unique.
22
Neurologie
mais non contagieuses directement, comme
la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Les complications neurologiques de certaines
infections comme le sida sont multiples, car il
faut ajouter à l’infection directe du cerveau par
le virus VIH, la possibilité de maladies opportu-
nistes qui viennent se greffer sur l’encéphalite
elle-même.
Les maladies dégénératives représentent un
domaine majeur de la pathologie et on y dis-
tingue le cadre des démences dégénératives,
comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie
de Pick, avec comme nouveauté récente, l’iden-
tification de plusieurs gènes occasionnant un
même tableau neurologique.
La maladie neurodégénérative la plus connue
est la maladie de Parkinson qui donne essen-
tiellement des troubles moteurs (akinésie, rigi-
dité, tremblements) et des troubles végétatifs et
cognitifs à la suite d’une déplétion intracéré-
brale progessive en dopamine. Le mécanisme
de cette affection est inconnu, mais on com-
mence à identifier certaines mutations qui peu-
vent entraîner une maladie de Parkinson, ainsi
que des intoxications exogènes qui sont en
cause dans d’autres syndromes parkinsoniens.
Il existe de très nombreuses pathologies dégé-
nératives du système nerveux central ou péri-
phérique et celles-ci sont caractérisées par leur
localisation qui est encore appelée “systémati-
sation”. Ainsi, la maladie de Huntington donne
une dégénérescence qui touche essentiellement
le striatum, les dégénérescences spino-céré-
belleuses détruisent le cervelet et la moelle épi-
nière... Ce type d’affection peut concerner éga-
lement le système nerveux périphérique avec
des neuropathies héréditaires. Là encore, l’ap-
port majeur des neurosciences modernes et
l’identification des mécanismes génétiques en
cause peuvent être des mutations, des délétions
ou encore des répétitions de gènes. De nom-
breux autres mécanismes sont éventuellement
rencontrés dans les maladies du système ner-
veux comme les intoxications médicamenteuses
ou exogènes, les carences en vitamines ou nu-
tritionnelles, les troubles de la circulation du
liquide céphalo-rachidien, les malformations
congénitales.
Pr P. Cesaro
●●●
L’interférence avec
toutes les neurosciences
La neurospychologie étudie les altérations
cognitives observées au cours des maladies
neurologiques, par exemple les troubles du lan-
gage ou aphasie, les troubles de l’identification
sensorielle ou agnosie, les troubles de la mémoi-
re, les troubles de l’identification, l’organisation
de la pensée, etc. La “neuropsychologie” est
enrichie aujourd’hui de méthodes d’imagerie
fonctionnelle qui permettent de corréler les dis-
torsions de la pensée et les anomalies de l’acti-
vation de certaines zones cérébrales. Cette dis-
cipline apporte un éclairage nouveau à ce que
nous savons des fonctions cérébrales.
Dans un domaine totalement différent, la neu-
rogénétique prend une importance majeure
avec l’identification de mutations génétiques
qui expliquent des affections de mécanismes
jusque-là inconnus, comme, par exemple, la
maladie de Huntington ou la maladie de
Creutzfeldt-Jakob.
Dans un domaine plus restreint, la neurophar-
macologie et la biologie moléculaire ont permis
Il ne semble pas possible d’identifier une discipline
“neurologique” indépendante des autres disciplines
médicales et/ou chirurgicales, mais plutôt d’accepter le
terme de neurosciences cliniques qui relèvent de l’ensemble
des champs d’intérêt médical ou scientifique.
23
d’identifier des mécanismes pathologiques
jusque-là totalement inconnus, comme l’hypo-
thèse des prions, protéines pathologiques
transmissibles à l’origine de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob. La biologie moléculaire est
également à l’origine de l’identification du
mécanisme physiopathologique de certaines
affections et de diagnostic. Ainsi, aujourd’hui, la
nature neuronale ou gliale de certaines tumeurs
est identifiée grâce à la mise en évidence d’anti-
gènes spécifiques par des méthodes de neuro-
immunologie.
L’électrophysiologie est également un domaine
très important d’investigation du
système nerveux central, soit au
niveau périphérique (électromio-
gramme, vitesse de la conduc-
tion nerveuse), soit au niveau
de la moelle épinière et du cer-
veau, par les potentiels évo-
qués sensitifs ou moteurs.
Ces domaines transversaux
appartiennent au cadre géné-
ral des neurosciences et des
neurosciences biologiques. Ils
dépassent de loin le champ
gérer des affections apparues brutalement ou
nécessitant des soins urgents, comme les
infarctus cérébraux, les polyradiculonévrites
de Guillain-Barré, les crises comitiales, les
hypertensions intracrâniennes, etc. Dans ce
cadre, il existe des secteurs plutôt médicaux,
comme le traitement d’accidents vasculaires
cérébraux, et des secteurs qui relèvent de la
neurochirurgie. Ils sont gérés par un système
de garde 24 heures sur 24, en tout cas à l’inté-
rieur de l’hexagone.
Ceci amène à identifier un secteur thérapeu-
tique nouveau qui devient de plus en plus
actif et qui met en jeu des neurologues, mais
surtout et également des neuroradiologues ou
des neurochirurgiens, c’est la “neurologie inter-
ventionnelle”. On peut ainsi, sans ouvrir le
crâne, aller occlure des malformations vascu-
laires intracrâniennes par des méthodes neuro-
radiologiques endovasculaires, aller biopsier
des tumeurs développées dans les ventricules
par des méthodes de ventriculographie, ou
encore modifier l’état neurologique de patient,
comme des troubles moteurs, des tremble-
ments ou un syndrome parkinsonien, par des
lésions cérébrales ou de la stimulation cérébra-
le profonde selon une technique que l’on
appelle la “stéréotaxie”.
Pr P. Cesaro
Corps
cellulaire
Axone
Myéline
Dendrites
Informations
Influx
Jonction
neuromusculaire
Muscle Synapse
FONCTIONNEMENT D’UN NEURONE
scientifique de la neurologie clinique, interfèrent
avec cette discipline de façon majeure et abouti-
ront sans doute à des progrès déterminants dans
un futur proche, comme cela a été illustré dans
les dix dernières années par la mise en place de
la “décade du cerveau” aux États-Unis.
Il faut également signaler le développement
de secteurs de neurologie d’urgence aptes à
©
A
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P
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©CMEABG-UCBL/Joubert-Phanie
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