Éditorial “L’intolérance immunitaire”

actualité dans la sclérose en
plaques fut riche d’enseignements
ces derniers mois. Les avancées de
la recherche clinique et des essais
thérapeutiques ont ébranlé nos critères
diagnostiques et nos prises en charge,
modifié nos attitudes quant à l’annonce de
la maladie ou à l’instauration et au choix
des traitements immunomodulateurs ou
immunosuppresseurs. Et pourtant, malgré
toutes ces avancées, les causes de la
sclérose en plaques restent mystérieuses et
son évolution imprévisible.
Il en va de même de l’actualité politique ces
derniers jours… Malgré les prédictions des
sondages, le microcosme médiatique ainsi
que la plupart des Français furent ébranlés,
tel le couple cohabitant “système immuni-
taire-système nerveux central”. Personne
ne s’attendait à cette “poussée” d’intolé-
rance aux conséquences potentielles
impressionnantes pour le système.
Les Informations Rapportées par les
Médias étaient pourtant annonciatrices
d’un second tour conforme aux habitudes
démocratiques où les TH1 et TH2 s’expri-
meraient dans un souci d’équilibre plus ou
moins salutaire. Les cytokines citoyennes
auraient eu le choix entre des acteurs
lymphocytaires somme toute tolérants vis-
à-vis du fonctionnement normal de la
démocratie et de ses valeurs républicaines,
gage de tolérance. Et voilà que, surgis des
périodes noires de notre passé ou de notre
mémoire immunitaire, de nouveaux
lymphocytes auto-agressifs xénophobes et
racistes ont fait irruption dans le micro-
cosme, tel un coup de tonnerre,
programmés pour détruire ou chasser des
éléments considérés comme étrangers.
Mais sont-ils réellement tous antigéniques
ces étrangers qui, dans le passé, pour
nombre d’entre eux, se sont intégrés au bon
fonctionnement du système pour faire
partie aujourd’hui de notre mémoire collec-
tive, de notre histoire, de notre entité du
“soi” ? N’existe-t-il pas une analogie entre
intégration et tolérance immunitaire ?
Nous en sommes actuellement à la phase
inflammatoire du mal, celle où il faut agir
avant que ces “terminators” n’engendrent
des dégâts en cascades irréversibles :
dégénérescence, atrophie et sclérose aux
conséquences physiques, psychologiques et
socioéconomiques imprévisibles. Le traite-
ment doit être “précoce”. Actuellement, le
système “immunitaire” est emballé. Les
mauvaises cytokines se frottent aux bonnes.
Des facteurs neurotropes surgissent et
s’expriment pour appeler à endiguer la
marée montante des Facteurs Neurotoxiques,
manifestant la colère et la souffrance des
neurones. Ils ne suffisent pourtant pas à
traiter la poussée, encore moins à
éradiquer les causes du mal et, de plus,
sont-ils salutaires ? Ne risquent-ils pas, au
contraire, de majorer dans un premier
temps le risque d’une deuxième poussée ou
de plusieurs ? Alors comment agir ?
Pour certains, l’inflammation est dans une
certaine mesure bénéfique puisque sa
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Éditorial
Éditorial
“L’intolérance immunitaire”
P. Hautecœur*
*Patrick Hautecœur est professeur de neurologie
à la faculté libre de médecine de Lille et chef de
service de neurologie à l’hôpital Saint-Philibert.
Ce service est notamment spécialisé dans la
prise en charge pluridisciplinaire de la SEP. Il
participe activement au réseau G-SEP. Il travaille
principalement sur les aspects biologiques
(isoélectrophorèse des larmes, protéine Mxa) et
socio-économiques de la sclérose en plaques.
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 5, mai 2002
L’

Éditorial
finalité est de répondre à un danger, une
agression. Mais la laisser mijoter pourrait
avoir des conséquences graves. Pour
d’autres, elle doit être éliminée dans un
délai bref. La poussée doit être combattue
au risque de la voir réapparaître ou
d’amorcer la sclérose et l’apoptose du
système tout entier. Le handicap s’accumu-
lerait, les chiffres de l’EDSS (qui, comme la
démocratie, est la pire des échelles… à
l’exclusion de toutes les autres) grimpe-
raient sur les courbes… Mais les attitudes
divergent : modulateurs d’emblée, parfois
combinés à des armes nouvelles n’ayant
pas encore fait leurs preuves pour laisser
derrière la “barrière” ces éléments
lymphocytaires ou macrophagiques extré-
mistes et virulents, emploi d’emblée de
l’arme absolue immunosuppressive, emploi
de leurres…
Mais seront-elles efficaces ? À court terme
oui, probablement, comme peut le symbo-
liser l’arme du vote citoyen ! Mais à long
terme, ne seront-elles pas impuissantes ?
Pour autant, l’homéostasie et la fraternité
intercellulaire ne reprendront leur place et
leur droit que lorsque les causes profondes,
dont les événements ne sont que le reflet,
auront été disséquées et endiguées. Les
dirigeants “immunitaires” à venir ont un
rôle majeur à jouer. Ils devront agir avec
fermeté mais aussi intelligence et tolérance,
rapidement et sur la durée, pour voir dispa-
raître le terreau sur lequel poussent les
germes de cette intolérance… Le challenge
est d’importance.
Pardon pour cette parabole un peu
délirante. La sclérose en plaques traverse
l’histoire depuis plus d’un siècle, mais sa
connaissance actuelle et les interrogations
qu’elle induit se calquent parfaitement à la
situation nationale et politique présente.
Certains trouveront cet éditorial imprévi-
sible déroutant ou provocant comme cette
maladie inflammatoire. Mais c’est une
contribution personnelle parmi tant
d’autres au souhait de voir s’élever la
conscience civique et au souci de lutter en
permanence contre toutes les intolérances,
qu’elles soient immunitaires ou non.
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Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 5, mai 2002