Médecine & enfance Informations préoccupantes et signalements : quelques clés à l’usage des pédiatres et des professionnels de la santé de l’enfant B. Samson, pédiatre, Pôle enfance et famille, Direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse, Cellule de recueil des informations préoccupantes et d’accueil d’urgence, Santé des enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance, Créteil Tout pédiatre, tout professionnel de la santé de l’enfant, peut être confronté à des situations d’enfants en danger (enfants en risque de danger ou maltraités). La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a modifié le contexte, notamment par rapport au secret professionnel. La création des Cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) a pour but de clarifier et de sécuriser le circuit de prise en charge de ces enfants, qu’il faut tout d’abord savoir reconnaître. Cet article a pour objectif d’apporter aux professionnels concernés quelques clés dans le domaine des informations préoccupantes et des signalements, sans oublier le rôle capital de l’évaluation pluridisciplinaire. a loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance renforce la prévention et confirme le rôle central du président du Conseil général. Elle vise à améliorer la détection et la protection des enfants en danger, introduit le terme d’information préoccupante et réserve celui de signalement aux transmissions judiciaires. La protection judiciaire devient subsidiaire à la protection administrative. Pour cela, elle a prévu la mise en place, dans chaque département, d’une cellule centralisée de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes (CRIP). La CRIP vise à rationaliser et à sécuriser le circuit de prise en charge des situations où des enfants sont susceptibles d’être en danger, le Conseil général étant désigné comme chef de file de ce circuit*. La CRIP est un des services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), service départemental dont la mission première, obligatoire, est la prévention et la protection de l’enfance. En élargissant désormais la notion d’enfants maltraités à celle d’enfants en danger, la loi a augmenté le nombre d’enfants concernés. Elle a introduit la notion de développement et d’intérêt de l’enfant, et renforcé la place des parents L dans l’appréhension des problématiques de danger. Il appartient aux pédiatres et à tous les professionnels de la santé de l’enfant de savoir reconnaître les enfants en danger et de contribuer à leur prise en charge. Dans cet article, le terme « enfant » concerne tout sujet de moins de dixhuit ans, au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989. Nous aborderons les outils de repérage des enfants en danger, ainsi que le contexte légal, notamment par rapport au secret professionnel, et la prise en charge. COMMENT RECONNAÎTRE UN ENFANT EN DANGER ? SAVOIR Y PENSER QUELQUES DÉFINITIONS Information préoccupante : est désigné par ce terme tout élément d’information, y compris médical, qui est susceptible de laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou de risque de danger, ou puisse avoir besoin d’aide, et qui doit faire l’objet d’une janvier-février 2013 page 39 transmission à la CRIP pour évaluation et suite à donner. Selon l’origine de l’information, les difficultés d’ordre familial peuvent être de nature et d’intensité très différentes. L’enfant maltraité est celui qui est victime de violences physiques, de violences sexuelles, de négligences lourdes, de violences psychologiques ayant des conséquences graves sur son développement physique et psychologique (environ 19 000 par an en France, chiffre stable). L’enfant en risque de danger est celui qui connaît des conditions d’existence qui risquent de mettre en danger sa santé, sa sécurité, sa moralité, son éducation ou son entretien, mais qui n’est pas pour autant maltraité (en progression, plus de 80 000 par an). L’enfant en danger : sous ce terme sont regroupés tous les enfants signalés comme maltraités ou en risque (environ 100 000 par an en France). La frontière est floue entre les deux catégories. Comment prévenir l’aggravation des situations à risque ? On distingue à ce titre les enfants maltraités des enfants en risque de danger. * Code de l’action sociale et des familles, articles L226-1 à L226-13. Médecine & enfance Le diagnostic reste difficile, car la pathologie traumatique très voyante est rare ; les signes de carences éducatives ou de soins sont beaucoup plus fréquents, mais plus difficiles à remarquer. Les signes qui doivent alerter sont rarement isolés, il s’agit plutôt d’un faisceau de symptômes. Il est un point capital à ne jamais oublier : tous les milieux sont concernés. la voyez un temps seule, et elle finit par vous dire que son cousin de quinze ans, qu’elle aimait et admirait beaucoup, l’a emmenée dans le fond du jardin… mais que c’est un secret… il lui a fait promettre de ne rien dire… et elle se met à fondre en larmes. Vous ne saurez rien de plus. EXEMPLES CLINIQUES Un certain nombre de facteurs de vulnérabilité, de « clignotants », ont été identifiés et peuvent alerter. Leur repérage permet de mettre en œuvre une stratégie de prévention. 1. Vous voyez Mathieu, d’âge scolaire, pour un traumatisme a priori banal, mais, à la vue du carnet de santé, il y a manifestement répétition des traumatismes. Pourquoi ? Interrogés, les parents banalisent : « il est très actif ». 2. Agathe, six mois, qui ne se déplace pas seule, vous est amenée pour des hématomes, car elle se serait « cognée dans son berceau ». Une fois éliminés les troubles de la coagulation, quelle est la cause de ce traumatisme « non accidentel » ? Ce serait encore plus inquiétant s’il s’agissait d’une fracture. 3. Antoine consulte après une « chute de vélo ». Certes ses genoux sont égratignés, mais en le déshabillant vous apercevez de grandes traces rouges linéaires dans son dos. Ces lésions sontelles compatibles avec le traumatisme allégué ? 4. Vous voyez Kevin, sept ans, pour difficultés scolaires. Vous remarquez tout de suite son inhibition et les remarques de ses parents : « il est nul, il ne veut pas travailler, pourtant nous le faisons travailler une heure chaque soir après l’école, mais c’est un bon à rien… ». 5. Vous faites hospitaliser Emma, deux ans, pour le bilan d’une stagnation staturo-pondérale. Non seulement le bilan est normal en dehors de quelques signes carentiels, mais elle se met à « dévorer », et sa courbe de croissance est rapidement ascendante. N’est-on pas devant une forme de « nanisme psychosocial » ? 6. Vous connaissez bien Julie, dix ans. Sa mère vous l’amène, car « sa fille a beaucoup changé et ne veut plus aller chez ses cousins, or elle devait y retourner en vacances dans trois jours ». Vous REPÉRER LES FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ Facteurs de vulnérabilité liés à l’enfant : un enfant, plus exposé, peut être désigné « comme enfant cible » : les enfants les plus à risque sont les enfants prématurés et/ou séparés de leur mère en période néonatale ou de retour après un placement, les enfants non désirés, les enfants porteurs de handicap ou de maladie chronique. Facteurs de vulnérabilité liés à l’environnement : les caractéristiques les plus marquantes sont la solitude, l’absence de communication, les difficultés d’insertion dans la vie économique, sociale et culturelle, renforcées par le chômage, les difficultés de logement (logement indigne, voire familles hébergées à l’hôtel ou même SDF). Facteurs de vulnérabilité liés aux parents : ils sont parfois au premier plan, par exemple dans les cas de grossesses non déclarées, non ou mal surveillées, voire déniées, ou de pathologie mentale parentale évidente. Mais ils sont très souvent cachés, qu’il s’agisse d’alcoolisme, de toxicomanie, de maladies mentales ou psychoaffectives, de personnalités fragiles, carencées, dépressives, de violences conjugales, de séparations conflictuelles ou de conflits de couple massifs. Les antécédents de maltraitance subie par les parents durant leur enfance sont souvent retrouvés a posteriori ; ils peuvent avoir des conséquences positives ou négatives sur leurs capacités parentales. Devant ces situations à risque, il y a janvier-février 2013 page 40 possibilité de prévention. Parfois le repérage de « clignotants » dès la grossesse, notamment lors de l’entretien du quatrième mois, permet de proposer des aides à la famille. Le personnel soignant a un rôle notable de détection des situations à risque, car il est important d’accompagner ensuite le retour à la maison. SIGNES ÉVOQUANT UNE MALTRAITANCE PHYSIQUE Les lésions traumatiques peuvent être très variées : hématomes, ecchymoses, plaies, entorses, fractures… Attention à la répétition dans le temps de faits considérés comme mineurs, d’où la nécessité de remplir le carnet de santé pour suivre le parcours de l’enfant (cf. exemple 1). Certains signes inquiètent en présence d’un tout-petit : 첸 le bébé pleure beaucoup, il est tendu, il vomit sans arrêt… 첸 la mère paraît épuisée ou déprimée, elle pleure… 첸 la mère porte très mal son bébé, comme s’il allait tomber… 첸 les parents manquent les rendez-vous de visite à domicile ou de consultation… 첸 les parents tiennent des propos inquiétants : « Mon bébé est méchant », « Il me regarde mal », « Pour l’endormir, je suis obligé(e) de le secouer »… Attention aux traumatismes chez un bébé : un bébé qui ne se déplace pas ne peut pas se faire tout seul un hématome, a fortiori une fracture (cf. exemple 2). Cela peut aller jusqu’au syndrome du « bébé secoué »*. Attention aux traumatismes sans cause claire, aux lésions sans cohérence avec le traumatisme allégué du fait de leur importance ou de leur nature (cf. exemple 3). On parlera alors de « traumatisme non accidentel ». LA MALTRAITANCE PSYCHOLOGIQUE La maltraitance psychologique est * Cf. sur le site de la Haute Autorité de santé les recommandations de bonnes pratiques en matière de syndrome du bébé secoué (mai 2011). Médecine & enfance beaucoup plus difficile à repérer, qu’il s’agisse de dénigrement, de dévalorisation, d’exigences démesurées (cf. exemple 4). Les conséquences : perte de l’estime de soi, tristesse, dépression… LES NÉGLIGENCES LOURDES Les négligences lourdes peuvent retentir sur le développement staturo-pondéral et/ou psychomoteur. Cela peut aller jusqu’au nanisme psychosocial [1] et engendrer des troubles graves du développement psychoaffectif (cf. exemple 5). Dans tous les cas, il est très important d’être vigilant devant tout changement du comportement habituel de l’enfant. LES ABUS SEXUELS Les enfants victimes d’abus sexuels : « Une violence impensable » [2]. Dans les situations les plus graves, on observe très souvent une grande confusion intergénérationnelle et la récidive transgénérationnelle de la maltraitance. Les abus sexuels incluent toutes les agressions sexuelles commises sur des enfants. S’il y a eu pénétration, il s’agit alors d’un viol et c’est un crime. Les autres agressions sexuelles sont des délits, aggravés s’ils sont commis sur des mineurs de moins de quinze ans et/ou par des personnes ayant autorité. Le plus souvent, les abus sexuels sont commis par des personnes connues de l’enfant et commencent avant dix ans. Les relations incestueuses prédominent. Si l’enfant vous choisit pour se confier, notez précisément ses paroles pour pouvoir les rapporter avec exactitude. Beaucoup d’abus sexuels ne sont jamais révélés. Parmi ceux qui le sont, beaucoup le sont tardivement. Parfois l’enfant peut n’en parler qu’une fois mis à l’abri, « protégé », car interviennent ici la honte, la culpabilité, la peur (menaces de l’agresseur), sans parler de l’emprise affective et des conflits de loyauté que connaissent les victimes d’inceste au sein de leur famille (cf. exemple 6). Tout abus sexuel avéré et révélé doit faire l’objet en urgence d’un signalement judiciaire auprès du procureur de la République et si possible d’un dépôt de plainte de la part des parents, en cas d’abus extra-familial. L’enfant sera ensuite interrogé par la brigade des mineurs et examiné dans une unité de consultation médico-judiciaire. QUE FAIRE QUAND ON SUSPECTE QUE L’ENFANT EST EN DANGER ? Dans ces situations, il faut : 첸 prendre le temps, sauf urgence extrême, de réfléchir ; 첸 penser à l’enfant ; 첸 privilégier le dialogue avec les parents, sauf cas exceptionnel et sauf intérêt contraire de l’enfant : reprendre ce qui nous inquiète et les prévenir que nous ne pouvons pas garder cela pour nous ; 첸 ne jamais rester seul avec ses doutes, mais en parler. Il faut donc connaître le réseau de professionnels proches à qui l’on peut faire appel ; 첸 transmettre une information préoccupante, voire un signalement, selon que l’enfant est en risque de danger ou en situation de danger avéré, voire maltraité, afin de le protéger. Cette transmission se fait par écrit et doit comporter l’état civil de l’enfant et de la famille ainsi que les éléments d’observation motivant la transmission. À QUI PARLER, À QUI TRANSMETTRE ? Sauf urgence grave, la transmission doit être faite à la cellule de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes (CRIP). La majorité des départements se sont dotés d’une CRIP. Le sigle la désignant change selon les départements ; ses coor données sont habituellement faciles à trouver sur le site internet de chaque Conseil général. La CRIP compétente est celle du domicile de l’enfant. La loi n’a pas prévu qu’un médecin soit présent au sein de toutes les CRIP. Les situations sont variables d’un département à l’autre. Les CRIP de certains départements ont un médecin permanent, janvier-février 2013 page 41 LE SIGNALEMENT La loi réserve le terme de signalement à la saisine du procureur de la République (parquet des mineurs). 첸 Le signalement peut être défini comme un acte professionnel écrit, présentant, après évaluation, la situation d’un enfant en danger qui nécessite une protection judiciaire. 첸 Le signalement judiciaire direct est toujours possible, réservé aux urgences graves, c’est-à-dire : en cas de danger avéré et/ou de maltraitance grave nécessitant un placement de l’enfant en urgence et/ou une enquête pénale. Une copie doit être envoyée à la CRIP. 첸 Le parquet des mineurs concerné est celui du tribunal de grande instance du lieu où se trouve l’enfant ; la CRIP, le standard du tribunal de grande instance ou la police en communiquent les coordonnées. 첸 La saisine de l’autorité judiciaire par le président du Conseil général n’est possible, sauf urgence, qu’à des conditions précises : – si l’enfant est considéré comme un enfant en danger, au titre de l’article 375 du Code civil, et – si l’enfant a fait l’objet d’actions dans le cadre administratif qui n’ont pas amélioré la situation, ou s’il y a non adhésion de la famille aux mesures proposées, ou impossibilité de la famille de collaborer avec le service, ou impossibilité d’évaluer du fait de la famille. médecin de l’ASE ou de la Protection maternelle et infantile (PMI) ; les autres font appel pour les situations médicales à un pédiatre hospitalier ou à un médecin de PMI. La CRIP a un rôle de conseil, afin qu’un professionnel ne soit pas seul dans ces situations. Face aux difficultés que peuvent ressentir certains professionnels de santé à signaler leurs inquiétudes pour des enfants, le médecin de la CRIP peut être le premier interlocuteur à qui demander conseil et de qui recevoir de l’aide pour la rédaction, si nécessaire, d’une information préoccupante ou d’un signalement. Médecine & enfance En effet, la majorité des situations sont loin d’être faciles à traiter. En dehors des cas évidents de maltraitance grave, qui heureusement sont rares, nous sommes souvent confrontés à des situations complexes, auxquelles s’ajoutent souvent conflits de couple, séparations conflictuelles et autres violences conjugales dans lesquels les enfants peuvent se retrouver pris en otages. Après une analyse de premier niveau, la CRIP prendra une décision : soit signalement au parquet (voir encadré supra), soit, dans la majorité des cas, évaluation de la situation de cet enfant, réalisée sur le terrain par une équipe pluridisciplinaire (PMI, ASE, service social). En cas d’hospitalisation de l’enfant, l’observation et l’évaluation conduites à l’hôpital complètent celles des évaluateurs. LES OBLIGATIONS LÉGALES : SECRET PROFESSIONNEL, DÉROGATIONS, DEVOIR D’ASSISTANCE Le secret professionnel : une obligation de se taire sous peine de sanctions pénales (article 226-13 du Code pénal). En sont dépositaires par profession : les médecins, sages-femmes, infirmiers et tous les professionnels de santé, les assistants sociaux, les avocats… En sont dépositaires par fonction ou mission : notamment toutes les personnes qui participent aux missions de l’ASE ou de la PMI, les personnels des cabinets médicaux, des services de soins… EXCEPTIONS AU SECRET PROFESSIONNEL Les possibilités de parler (article 226-14 du Code pénal) permettent la révélation de privations ou de sévices infligés à un mineur ou à une personne vulnérable, en cas de violences physiques, sexuelles ou psychiques. Article 226-14 du Code pénal : « L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable : 1º à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ; 2º au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire. Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire ». Les obligations d’intervenir, les obligations de parler. Le but : permettre aux autorités administrative ou judiciaire d’exercer leurs missions de protection. Il en découle : 첸 l’obligation pour tout citoyen de dénoncer un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets ; 첸 l’obligation pour toute personne concourant aux missions de protection de l’enfance de transmettre les informations préoccupantes au président du Conseil général (à la CRIP). Cela concerne en particulier le personnel de PMI ; 첸 des obligations liées à une réquisition : toute personne soumise au secret professionnel doit se libérer du secret professionnel ou missionnel pour remettre à l’officier de police judiciaire agissant dans le cadre d’une enquête pénale sur instruction du parquet ou sur commission rogatoire du juge d’instruction, ou encore directement à ce dernier, les documents requis par eux. Le secret partagé (article 226-2-2 du Code de l’action sociale et des familles). Le janvier-février 2013 page 42 partage d’informations à caractère secret est autorisé entre professionnels soumis au secret professionnel, dans le cadre de la protection de l’enfance. Il est limité à ce qui est strictement indispensable à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance. Le(s) détenteur(s) de l’autorité parentale et l’enfant sont informés au préalable, sauf intérêt contraire de l’enfant. Le devoir d’assistance. Dans tous les cas, c’est l’obligation de porter assistance à personne en danger qui prime (article 223-6 du Code pénal). Aucune exemption n’est prévue. Il y a obligation d’agir, devoir d’ingérence. En cas de maltraitance, le professionnel doit intervenir lui-même ou provoquer une intervention extérieure, par exemple en hospitalisant l’enfant (mis à l’abri) et en prévenant l’équipe hospitalière. UN MÉDECIN PEUT-IL ENVOYER UNE INFORMATION PRÉOCCUPANTE OU UN SIGNALEMENT À LA CRIP ? Oui, car : 첸 le Conseil général est le chef de file de la protection de l’enfance ; 첸 la copie de tout signalement adressé au procureur de la République doit être adressée à la CRIP ; 첸 bien que le Code pénal (article 22614) ne prévoie de dérogation au secret professionnel pour les médecins qu’en cas de signalement au procureur de la République, des protocoles sont établis dans chaque département entre le président du Conseil général, le représentant de l’Etat dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l’autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein de la CRIP. Ces protocoles, auxquels peut être associé le conseil départemental de l’ordre des médecins, autorisent le plus souvent les médecins à transmettre les informations préoccupantes et les signalements à la CRIP. La présence d’un médecin au sein de la CRIP facilite cette démarche. C’est le cas dans le Val-de-Marne depuis 2005 ; 첸 en pratique, dans les situations inquié- Médecine & enfance 햳 CRIP Fait une analyse de premier niveau Complète les informations Anime la commission Information préoccupante accuse réception mandate 햴 Responsable équipe enfance retour avec propositions restitue Binôme ASE, polyvalence, PMI informe organise et anime signale 햵 Commission de coordination signale désigne 햶 Inspecteur ASE demande d’évaluation transmet le dossier final signalement Mesures administratives : AED, AP Classement sans suite ou MAD 햷 Parquet saisi en cas de danger grave ou d’infraction pénale Suivi secteur, PMI, psy, prévention AED : aide éducative à domicile, contractualisée entre les parents et l’ASE (l’équivalent judiciaire est l’AEMO : assistance éducative en milieu ouvert) AP : accueil provisoire, contractualisé entre les parents et l’ASE (l’équivalent judiciaire est la mesure de GP, garde provisoire). ASE : Aide sociale à l’enfance CRIP : Cellule de recueil des informations préoccupantes. EDS : Espace départemental des solidarités (dans le Val-de-Marne, c’est le nom actuel des anciennes circonscriptions d’action sanitaire et sociale, où sont regroupés les trois services, ASE, PMI et service social). MAD : mise à disposition. OPP : ordonnance de placement provisoire. PMI : Protection maternelle et infantile. SNATED : Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (numéro vert gratuit 119). pante dans le Val-de-Marne et le tableau de l’activité chiffrée de la CRIP 94. Activité 2005-2010 de la CRIP du Val-de-Marne 2005 2006 2007 2008 Informations préoccupantes reçues (n) Informations préoccupantes traitées par la CRIP (n) Signalements judiciaires (n) Pourcentage de signalements par rapport aux informations préoccupantes traitées (%) tantes mais non urgentes, il est plus facile de dire à un enfant et à ses parents : « je suis inquiet, car… et je vais transmettre mes inquiétudes (donc une information préoccupante) à la CRIP », que de parler de « signalement », car ce- 2193 Classement sans suite Enquête de police Saisine du juge des enfants OPP Retour CRIP pour évaluation PHASE DE DÉCISION 햲 Sources : Education nationale, SNATED, EDS, services municipaux, hôpitaux, parquet, citoyen, médecin, association PHASE D’ÉVALUATION Dispositif de recueil et de traitement des informations préoccupantes dans le Val-de-Marne 2009 2010 2905 3286 2510 2181 2335 2532 2804 826 670 715 730 801 32,9 30,7 30,6 28,9 28,6 la fait souvent très peur aux familles (crainte de placement). Le médecin peut de plus préciser qu’une aide pourra être apportée après l’évaluation. Voir ci-dessus le dispositif de recueil et de traitement de l’information préoccujanvier-février 2013 page 43 QUEL EST L’IMPACT DE LA LOI DE 2007 SUR L’ÉVALUATION ? 첸 L’évaluation doit être menée avec plus de rigueur. Pour cela, plusieurs départements, dont le Val-de-Marne, sont en train de généraliser l’utilisation d’un référentiel d’évaluation diagnostique des situations familiales, pour lequel la formation de tous les professionnels impliqués est en cours [3]. 첸 L’évaluation est menée par une équipe pluridisciplinaire (PMI, ASE, service social). Son objectif est d’apprécier le degré de danger, les ressources parentales et l’adhésion des parents à une aide. Médecine & enfance 첸 L’évaluation porte sur plusieurs domaines d’observation : le contexte socioéconomique, culturel et environnemental de l’enfant, sa santé et son développement, la parentalité et l’exercice des fonctions parentales. Puis elle élabore de façon partagée une stratégie d’accompagnement, formule des hypothèses, caractérise la situation et fait des propositions de prévention ou de protection. Dans notre expérience, la mise en place d’une cellule centralisée de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes, telle que prévue par la loi, est une aide pour mieux appréhender la situation des enfants concernés dans toute sa complexité. Une évaluation de son efficience, dans le respect de l’éthique, pourra permettre de progresser dans la protection des enfants, tout en respectant le droit des familles. La prééminence de la pro- tection administrative sur la protection judiciaire renforce la place des parents, mais sans oublier l’intérêt supérieur de 첸 l’enfant. Références [1] RAPOPORT D., ROUBERGUE-SCHLUMBERGER A. : BlancheNeige, les sept nains et autres maltraitances, la croissance empêchée, Belin, 2003. [2] GRUYER F., FADIER-NISSE M., SABOURIN P. : « La violence impensable, inceste et maltraitance », Le Coq Héron, 1991 ; 121. [3] ROBIN P., GREGOIRE P., CORBET E. : L’évaluation participative des situations familiales, Dunod, collection Enfances, 2012. TROUBLES DIGESTIFS BÉNINS HAUTS ET BAS DU NOURRISSON Rejets physiologiques, gaz, ballonnements, coliques, constipation Dans plus de 60 % des cas, ces troubles sont associés [1] [2] : quelles sont les associations les plus fréquentes ? quel retentissement sur le bien-être des nourrissons ? comment en tenir compte pour la prise en charge en première intention ? Pour le savoir, Médecine & Enfance met en place l’observatoire ADAN Approche de première intention des troubles Digestifs bénins Associés du Nourrisson sous la coordination du Dr Bellaïche, hôpital Robert-Debré, Paris L’enquête sera menée à partir de février 2013 Cet observatoire est réalisé en partenariat avec le Laboratoire Gallia [1] Roy P. et al., Arch. Pédiatr., 2004; 11 : 1546-54. [2] Enquête de ville EMMA (Education de la Maman par le Médecin sur l’Alimentation) réalisée par BSA sur plus de 1 500 nourrissons âgés de 0 à 4 mois, 2006, France. janvier-février 2013 page 44