Lire l'article complet

publicité
Médecine
& enfance
Informations préoccupantes et signalements :
quelques clés à l’usage des pédiatres
et des professionnels de la santé de l’enfant
B. Samson, pédiatre, Pôle enfance et famille, Direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse, Cellule de recueil des informations préoccupantes
et d’accueil d’urgence, Santé des enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance, Créteil
Tout pédiatre, tout professionnel de la santé de l’enfant, peut
être confronté à des situations d’enfants en danger (enfants en
risque de danger ou maltraités). La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a modifié le contexte, notamment par rapport au secret professionnel. La création des Cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) a pour
but de clarifier et de sécuriser le circuit de prise en charge de
ces enfants, qu’il faut tout d’abord savoir reconnaître. Cet article a pour objectif d’apporter aux professionnels concernés
quelques clés dans le domaine des informations préoccupantes et des signalements, sans oublier le rôle capital de
l’évaluation pluridisciplinaire.
a loi n° 2007-293 du 5 mars 2007
réformant la protection de l’enfance renforce la prévention et
confirme le rôle central du président du
Conseil général. Elle vise à améliorer la
détection et la protection des enfants en
danger, introduit le terme d’information
préoccupante et réserve celui de signalement aux transmissions judiciaires. La
protection judiciaire devient subsidiaire
à la protection administrative. Pour cela, elle a prévu la mise en place, dans
chaque département, d’une cellule centralisée de recueil, d’évaluation et de
traitement des informations préoccupantes (CRIP). La CRIP vise à rationaliser et à sécuriser le circuit de prise en
charge des situations où des enfants
sont susceptibles d’être en danger, le
Conseil général étant désigné comme
chef de file de ce circuit*. La CRIP est un
des services de l’Aide sociale à l’enfance
(ASE), service départemental dont la
mission première, obligatoire, est la prévention et la protection de l’enfance.
En élargissant désormais la notion d’enfants maltraités à celle d’enfants en
danger, la loi a augmenté le nombre
d’enfants concernés. Elle a introduit la
notion de développement et d’intérêt de
l’enfant, et renforcé la place des parents
L
dans l’appréhension des problématiques de danger.
Il appartient aux pédiatres et à tous les
professionnels de la santé de l’enfant de
savoir reconnaître les enfants en danger
et de contribuer à leur prise en charge.
Dans cet article, le terme « enfant »
concerne tout sujet de moins de dixhuit ans, au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20
novembre 1989.
Nous aborderons les outils de repérage
des enfants en danger, ainsi que le
contexte légal, notamment par rapport
au secret professionnel, et la prise en
charge.
COMMENT RECONNAÎTRE
UN ENFANT EN DANGER ?
SAVOIR Y PENSER
QUELQUES DÉFINITIONS
Information préoccupante : est désigné
par ce terme tout élément d’information, y compris médical, qui est susceptible de laisser craindre qu’un enfant se
trouve en situation de danger ou de
risque de danger, ou puisse avoir besoin
d’aide, et qui doit faire l’objet d’une
janvier-février 2013
page 39
transmission à la CRIP pour évaluation
et suite à donner. Selon l’origine de l’information, les difficultés d’ordre familial peuvent être de nature et d’intensité
très différentes.
L’enfant maltraité est celui qui est victime de violences physiques, de violences
sexuelles, de négligences lourdes, de
violences psychologiques ayant des
conséquences graves sur son développement physique et psychologique (environ 19 000 par an en France, chiffre
stable).
L’enfant en risque de danger est celui qui
connaît des conditions d’existence qui
risquent de mettre en danger sa santé,
sa sécurité, sa moralité, son éducation
ou son entretien, mais qui n’est pas
pour autant maltraité (en progression,
plus de 80 000 par an).
L’enfant en danger : sous ce terme sont
regroupés tous les enfants signalés comme maltraités ou en risque (environ
100 000 par an en France). La frontière
est floue entre les deux catégories.
Comment prévenir l’aggravation des situations à risque ? On distingue à ce
titre les enfants maltraités des enfants
en risque de danger.
* Code de l’action sociale et des familles, articles L226-1 à L226-13.
Médecine
& enfance
Le diagnostic reste difficile, car la pathologie traumatique très voyante est
rare ; les signes de carences éducatives
ou de soins sont beaucoup plus fréquents, mais plus difficiles à remarquer.
Les signes qui doivent alerter sont rarement isolés, il s’agit plutôt d’un faisceau
de symptômes. Il est un point capital à
ne jamais oublier : tous les milieux sont
concernés.
la voyez un temps seule, et elle finit par
vous dire que son cousin de quinze ans,
qu’elle aimait et admirait beaucoup, l’a
emmenée dans le fond du jardin… mais
que c’est un secret… il lui a fait promettre de ne rien dire… et elle se met à
fondre en larmes. Vous ne saurez rien
de plus.
EXEMPLES CLINIQUES
Un certain nombre de facteurs de vulnérabilité, de « clignotants », ont été identifiés et peuvent alerter. Leur repérage
permet de mettre en œuvre une stratégie de prévention.
1. Vous voyez Mathieu, d’âge scolaire,
pour un traumatisme a priori banal,
mais, à la vue du carnet de santé, il y a
manifestement répétition des traumatismes. Pourquoi ? Interrogés, les parents banalisent : « il est très actif ».
2. Agathe, six mois, qui ne se déplace
pas seule, vous est amenée pour des hématomes, car elle se serait « cognée
dans son berceau ». Une fois éliminés
les troubles de la coagulation, quelle est
la cause de ce traumatisme « non accidentel » ? Ce serait encore plus inquiétant s’il s’agissait d’une fracture.
3. Antoine consulte après une « chute
de vélo ». Certes ses genoux sont égratignés, mais en le déshabillant vous apercevez de grandes traces rouges linéaires dans son dos. Ces lésions sontelles compatibles avec le traumatisme
allégué ?
4. Vous voyez Kevin, sept ans, pour difficultés scolaires. Vous remarquez tout
de suite son inhibition et les remarques
de ses parents : « il est nul, il ne veut pas
travailler, pourtant nous le faisons travailler une heure chaque soir après
l’école, mais c’est un bon à rien… ».
5. Vous faites hospitaliser Emma, deux
ans, pour le bilan d’une stagnation staturo-pondérale. Non seulement le bilan
est normal en dehors de quelques
signes carentiels, mais elle se met à
« dévorer », et sa courbe de croissance
est rapidement ascendante. N’est-on
pas devant une forme de « nanisme psychosocial » ?
6. Vous connaissez bien Julie, dix ans.
Sa mère vous l’amène, car « sa fille a
beaucoup changé et ne veut plus aller
chez ses cousins, or elle devait y retourner en vacances dans trois jours ». Vous
REPÉRER LES FACTEURS
DE VULNÉRABILITÉ
Facteurs de vulnérabilité liés à l’enfant :
un enfant, plus exposé, peut être désigné « comme enfant cible » : les enfants
les plus à risque sont les enfants prématurés et/ou séparés de leur mère en période néonatale ou de retour après un
placement, les enfants non désirés, les
enfants porteurs de handicap ou de maladie chronique.
Facteurs de vulnérabilité liés à l’environnement : les caractéristiques les plus
marquantes sont la solitude, l’absence
de communication, les difficultés d’insertion dans la vie économique, sociale
et culturelle, renforcées par le chômage,
les difficultés de logement (logement
indigne, voire familles hébergées à l’hôtel ou même SDF).
Facteurs de vulnérabilité liés aux parents :
ils sont parfois au premier plan, par
exemple dans les cas de grossesses non
déclarées, non ou mal surveillées, voire
déniées, ou de pathologie mentale parentale évidente. Mais ils sont très souvent cachés, qu’il s’agisse d’alcoolisme,
de toxicomanie, de maladies mentales
ou psychoaffectives, de personnalités
fragiles, carencées, dépressives, de violences conjugales, de séparations
conflictuelles ou de conflits de couple
massifs.
Les antécédents de maltraitance subie
par les parents durant leur enfance sont
souvent retrouvés a posteriori ; ils peuvent avoir des conséquences positives
ou négatives sur leurs capacités parentales.
Devant ces situations à risque, il y a
janvier-février 2013
page 40
possibilité de prévention. Parfois le repérage de « clignotants » dès la grossesse, notamment lors de l’entretien du
quatrième mois, permet de proposer
des aides à la famille. Le personnel soignant a un rôle notable de détection
des situations à risque, car il est important d’accompagner ensuite le retour à
la maison.
SIGNES ÉVOQUANT
UNE MALTRAITANCE PHYSIQUE
Les lésions traumatiques peuvent être
très variées : hématomes, ecchymoses,
plaies, entorses, fractures…
Attention à la répétition dans le temps
de faits considérés comme mineurs,
d’où la nécessité de remplir le carnet de
santé pour suivre le parcours de l’enfant
(cf. exemple 1).
Certains signes inquiètent en présence
d’un tout-petit :
첸 le bébé pleure beaucoup, il est tendu,
il vomit sans arrêt…
첸 la mère paraît épuisée ou déprimée,
elle pleure…
첸 la mère porte très mal son bébé, comme s’il allait tomber…
첸 les parents manquent les rendez-vous
de visite à domicile ou de consultation…
첸 les parents tiennent des propos inquiétants : « Mon bébé est méchant »,
« Il me regarde mal », « Pour l’endormir,
je suis obligé(e) de le secouer »…
Attention aux traumatismes chez un bébé : un bébé qui ne se déplace pas ne
peut pas se faire tout seul un hématome,
a fortiori une fracture (cf. exemple 2).
Cela peut aller jusqu’au syndrome du
« bébé secoué »*.
Attention aux traumatismes sans cause
claire, aux lésions sans cohérence avec
le traumatisme allégué du fait de leur
importance ou de leur nature (cf.
exemple 3). On parlera alors de « traumatisme non accidentel ».
LA MALTRAITANCE
PSYCHOLOGIQUE
La maltraitance psychologique est
* Cf. sur le site de la Haute Autorité de santé les recommandations
de bonnes pratiques en matière de syndrome du bébé secoué
(mai 2011).
Médecine
& enfance
beaucoup plus difficile à repérer, qu’il
s’agisse de dénigrement, de dévalorisation, d’exigences démesurées (cf.
exemple 4). Les conséquences : perte de
l’estime de soi, tristesse, dépression…
LES NÉGLIGENCES LOURDES
Les négligences lourdes peuvent retentir sur le développement staturo-pondéral et/ou psychomoteur. Cela peut aller
jusqu’au nanisme psychosocial [1] et engendrer des troubles graves du développement psychoaffectif (cf. exemple 5).
Dans tous les cas, il est très important
d’être vigilant devant tout changement
du comportement habituel de l’enfant.
LES ABUS SEXUELS
Les enfants victimes d’abus sexuels :
« Une violence impensable » [2]. Dans les
situations les plus graves, on observe
très souvent une grande confusion intergénérationnelle et la récidive transgénérationnelle de la maltraitance.
Les abus sexuels incluent toutes les
agressions sexuelles commises sur des
enfants. S’il y a eu pénétration, il s’agit
alors d’un viol et c’est un crime. Les
autres agressions sexuelles sont des délits, aggravés s’ils sont commis sur des
mineurs de moins de quinze ans et/ou
par des personnes ayant autorité.
Le plus souvent, les abus sexuels sont
commis par des personnes connues de
l’enfant et commencent avant dix ans.
Les relations incestueuses prédominent.
Si l’enfant vous choisit pour se confier,
notez précisément ses paroles pour pouvoir les rapporter avec exactitude.
Beaucoup d’abus sexuels ne sont jamais
révélés. Parmi ceux qui le sont, beaucoup le sont tardivement. Parfois l’enfant peut n’en parler qu’une fois mis à
l’abri, « protégé », car interviennent ici
la honte, la culpabilité, la peur (menaces de l’agresseur), sans parler de
l’emprise affective et des conflits de
loyauté que connaissent les victimes
d’inceste au sein de leur famille (cf.
exemple 6).
Tout abus sexuel avéré et révélé doit
faire l’objet en urgence d’un signalement judiciaire auprès du procureur de
la République et si possible d’un dépôt
de plainte de la part des parents, en cas
d’abus extra-familial. L’enfant sera ensuite interrogé par la brigade des mineurs et examiné dans une unité de
consultation médico-judiciaire.
QUE FAIRE QUAND ON
SUSPECTE QUE L’ENFANT
EST EN DANGER ?
Dans ces situations, il faut :
첸 prendre le temps, sauf urgence extrême, de réfléchir ;
첸 penser à l’enfant ;
첸 privilégier le dialogue avec les parents, sauf cas exceptionnel et sauf intérêt contraire de l’enfant : reprendre ce
qui nous inquiète et les prévenir que
nous ne pouvons pas garder cela pour
nous ;
첸 ne jamais rester seul avec ses doutes,
mais en parler. Il faut donc connaître le
réseau de professionnels proches à qui
l’on peut faire appel ;
첸 transmettre une information préoccupante, voire un signalement, selon
que l’enfant est en risque de danger ou
en situation de danger avéré, voire maltraité, afin de le protéger. Cette transmission se fait par écrit et doit comporter l’état civil de l’enfant et de la famille
ainsi que les éléments d’observation
motivant la transmission.
À QUI PARLER,
À QUI TRANSMETTRE ?
Sauf urgence grave, la transmission doit
être faite à la cellule de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes (CRIP).
La majorité des départements se sont
dotés d’une CRIP. Le sigle la désignant
change selon les départements ; ses
coor données sont habituellement faciles à trouver sur le site internet de
chaque Conseil général. La CRIP compétente est celle du domicile de l’enfant.
La loi n’a pas prévu qu’un médecin soit
présent au sein de toutes les CRIP. Les
situations sont variables d’un département à l’autre. Les CRIP de certains départements ont un médecin permanent,
janvier-février 2013
page 41
LE SIGNALEMENT
La loi réserve le terme de signalement à la
saisine du procureur de la République (parquet des mineurs).
첸 Le signalement peut être défini comme
un acte professionnel écrit, présentant,
après évaluation, la situation d’un enfant en
danger qui nécessite une protection judiciaire.
첸 Le signalement judiciaire direct est toujours possible, réservé aux urgences graves,
c’est-à-dire : en cas de danger avéré et/ou
de maltraitance grave nécessitant un placement de l’enfant en urgence et/ou une enquête pénale. Une copie doit être envoyée à
la CRIP.
첸 Le parquet des mineurs concerné est celui du tribunal de grande instance du lieu
où se trouve l’enfant ; la CRIP, le standard
du tribunal de grande instance ou la police
en communiquent les coordonnées.
첸 La saisine de l’autorité judiciaire par le
président du Conseil général n’est possible,
sauf urgence, qu’à des conditions précises :
– si l’enfant est considéré comme un enfant
en danger, au titre de l’article 375 du Code
civil,
et
– si l’enfant a fait l’objet d’actions dans le
cadre administratif qui n’ont pas amélioré
la situation, ou s’il y a non adhésion de la
famille aux mesures proposées, ou impossibilité de la famille de collaborer avec le service, ou impossibilité d’évaluer du fait de la
famille.
médecin de l’ASE ou de la Protection
maternelle et infantile (PMI) ; les autres
font appel pour les situations médicales
à un pédiatre hospitalier ou à un médecin de PMI.
La CRIP a un rôle de conseil, afin qu’un
professionnel ne soit pas seul dans ces
situations. Face aux difficultés que peuvent ressentir certains professionnels de
santé à signaler leurs inquiétudes pour
des enfants, le médecin de la CRIP peut
être le premier interlocuteur à qui demander conseil et de qui recevoir de
l’aide pour la rédaction, si nécessaire,
d’une information préoccupante ou
d’un signalement.
Médecine
& enfance
En effet, la majorité des situations sont
loin d’être faciles à traiter. En dehors
des cas évidents de maltraitance grave,
qui heureusement sont rares, nous
sommes souvent confrontés à des situations complexes, auxquelles s’ajoutent
souvent conflits de couple, séparations
conflictuelles et autres violences conjugales dans lesquels les enfants peuvent
se retrouver pris en otages.
Après une analyse de premier niveau, la
CRIP prendra une décision : soit signalement au parquet (voir encadré supra), soit,
dans la majorité des cas, évaluation de
la situation de cet enfant, réalisée sur le
terrain par une équipe pluridisciplinaire
(PMI, ASE, service social). En cas d’hospitalisation de l’enfant, l’observation et
l’évaluation conduites à l’hôpital complètent celles des évaluateurs.
LES OBLIGATIONS
LÉGALES : SECRET
PROFESSIONNEL,
DÉROGATIONS, DEVOIR
D’ASSISTANCE
Le secret professionnel : une obligation
de se taire sous peine de sanctions pénales (article 226-13 du Code pénal).
En sont dépositaires par profession : les
médecins, sages-femmes, infirmiers et
tous les professionnels de santé, les assistants sociaux, les avocats… En sont
dépositaires par fonction ou mission :
notamment toutes les personnes qui
participent aux missions de l’ASE ou de
la PMI, les personnels des cabinets médicaux, des services de soins…
EXCEPTIONS AU SECRET
PROFESSIONNEL
Les possibilités de parler (article 226-14
du Code pénal) permettent la révélation de privations ou de sévices infligés
à un mineur ou à une personne vulnérable, en cas de violences physiques,
sexuelles ou psychiques.
Article 226-14 du Code pénal : « L’article 226-13 n’est pas applicable dans
les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas
applicable : 1º à celui qui informe les
autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il
a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui
n’est pas en mesure de se protéger en
raison de son âge ou de son incapacité
physique ou psychique ; 2º au médecin
qui, avec l’accord de la victime, porte à
la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a
constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession
et qui lui permettent de présumer que
des violences physiques, sexuelles ou
psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur
ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge
ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire
l’objet d’aucune sanction disciplinaire ».
Les obligations d’intervenir, les obligations de parler. Le but : permettre aux
autorités administrative ou judiciaire
d’exercer leurs missions de protection.
Il en découle :
첸 l’obligation pour tout citoyen de dénoncer un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets ;
첸 l’obligation pour toute personne
concourant aux missions de protection
de l’enfance de transmettre les informations préoccupantes au président du
Conseil général (à la CRIP). Cela concerne en particulier le personnel de PMI ;
첸 des obligations liées à une réquisition : toute personne soumise au secret
professionnel doit se libérer du secret
professionnel ou missionnel pour remettre à l’officier de police judiciaire
agissant dans le cadre d’une enquête
pénale sur instruction du parquet ou sur
commission rogatoire du juge d’instruction, ou encore directement à ce dernier, les documents requis par eux.
Le secret partagé (article 226-2-2 du Code de l’action sociale et des familles). Le
janvier-février 2013
page 42
partage d’informations à caractère secret est autorisé entre professionnels
soumis au secret professionnel, dans le
cadre de la protection de l’enfance. Il
est limité à ce qui est strictement indispensable à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance. Le(s)
détenteur(s) de l’autorité parentale et
l’enfant sont informés au préalable, sauf
intérêt contraire de l’enfant.
Le devoir d’assistance. Dans tous les cas,
c’est l’obligation de porter assistance à
personne en danger qui prime (article
223-6 du Code pénal). Aucune exemption n’est prévue. Il y a obligation
d’agir, devoir d’ingérence. En cas de
maltraitance, le professionnel doit intervenir lui-même ou provoquer une intervention extérieure, par exemple en
hospitalisant l’enfant (mis à l’abri) et en
prévenant l’équipe hospitalière.
UN MÉDECIN PEUT-IL ENVOYER
UNE INFORMATION
PRÉOCCUPANTE OU UN
SIGNALEMENT À LA CRIP ?
Oui, car :
첸 le Conseil général est le chef de file
de la protection de l’enfance ;
첸 la copie de tout signalement adressé
au procureur de la République doit être
adressée à la CRIP ;
첸 bien que le Code pénal (article 22614) ne prévoie de dérogation au secret
professionnel pour les médecins qu’en
cas de signalement au procureur de la
République, des protocoles sont établis
dans chaque département entre le président du Conseil général, le représentant de l’Etat dans le département, les
partenaires institutionnels concernés et
l’autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein de la CRIP. Ces protocoles, auxquels peut être associé le
conseil départemental de l’ordre des
médecins, autorisent le plus souvent les
médecins à transmettre les informations préoccupantes et les signalements
à la CRIP. La présence d’un médecin au
sein de la CRIP facilite cette démarche.
C’est le cas dans le Val-de-Marne depuis
2005 ;
첸 en pratique, dans les situations inquié-
Médecine
& enfance
햳
CRIP
Fait une analyse de
premier niveau
Complète les
informations
Anime la commission
Information
préoccupante
accuse réception
mandate
햴
Responsable
équipe
enfance
retour
avec propositions
restitue
Binôme
ASE,
polyvalence,
PMI
informe
organise et anime
signale
햵
Commission
de coordination
signale
désigne
햶
Inspecteur
ASE
demande
d’évaluation
transmet le dossier final
signalement
Mesures
administratives :
AED, AP
Classement
sans suite
ou MAD
햷
Parquet
saisi en cas
de danger grave ou
d’infraction pénale
Suivi
secteur, PMI, psy,
prévention
AED : aide éducative à domicile, contractualisée entre les parents et l’ASE
(l’équivalent judiciaire est l’AEMO : assistance éducative en milieu ouvert)
AP : accueil provisoire, contractualisé entre les parents et l’ASE
(l’équivalent judiciaire est la mesure de GP, garde provisoire).
ASE : Aide sociale à l’enfance
CRIP : Cellule de recueil des informations préoccupantes.
EDS : Espace départemental des solidarités (dans le Val-de-Marne, c’est le
nom actuel des anciennes circonscriptions d’action sanitaire et sociale, où
sont regroupés les trois services, ASE, PMI et service social).
MAD : mise à disposition.
OPP : ordonnance de placement provisoire.
PMI : Protection maternelle et infantile.
SNATED : Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en
danger (numéro vert gratuit 119).
pante dans le Val-de-Marne et le tableau
de l’activité chiffrée de la CRIP 94.
Activité 2005-2010 de la CRIP du Val-de-Marne
2005
2006
2007
2008
Informations préoccupantes
reçues (n)
Informations préoccupantes
traitées par la CRIP (n)
Signalements judiciaires (n)
Pourcentage de signalements
par rapport aux informations préoccupantes
traitées (%)
tantes mais non urgentes, il est plus facile de dire à un enfant et à ses parents :
« je suis inquiet, car… et je vais transmettre mes inquiétudes (donc une information préoccupante) à la CRIP »,
que de parler de « signalement », car ce-
2193
Classement sans suite
Enquête de police
Saisine du juge des enfants
OPP
Retour CRIP pour évaluation
PHASE DE DÉCISION
햲
Sources :
Education nationale,
SNATED, EDS,
services municipaux,
hôpitaux, parquet,
citoyen, médecin,
association
PHASE D’ÉVALUATION
Dispositif de recueil et de traitement des informations préoccupantes dans le Val-de-Marne
2009
2010
2905
3286
2510
2181
2335
2532
2804
826
670
715
730
801
32,9
30,7
30,6
28,9
28,6
la fait souvent très peur aux familles
(crainte de placement). Le médecin
peut de plus préciser qu’une aide pourra être apportée après l’évaluation.
Voir ci-dessus le dispositif de recueil et
de traitement de l’information préoccujanvier-février 2013
page 43
QUEL EST L’IMPACT
DE LA LOI DE 2007
SUR L’ÉVALUATION ?
첸 L’évaluation doit être menée avec
plus de rigueur. Pour cela, plusieurs départements, dont le Val-de-Marne, sont
en train de généraliser l’utilisation d’un
référentiel d’évaluation diagnostique
des situations familiales, pour lequel la
formation de tous les professionnels impliqués est en cours [3].
첸 L’évaluation est menée par une équipe
pluridisciplinaire (PMI, ASE, service social). Son objectif est d’apprécier le degré de danger, les ressources parentales
et l’adhésion des parents à une aide.
Médecine
& enfance
첸 L’évaluation porte sur plusieurs domaines d’observation : le contexte socioéconomique, culturel et environnemental
de l’enfant, sa santé et son développement, la parentalité et l’exercice des fonctions parentales. Puis elle élabore de façon partagée une stratégie d’accompagnement, formule des hypothèses, caractérise la situation et fait des propositions
de prévention ou de protection.
Dans notre expérience, la mise en place
d’une cellule centralisée de recueil,
d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes, telle que prévue par la loi, est une aide pour mieux
appréhender la situation des enfants
concernés dans toute sa complexité.
Une évaluation de son efficience, dans
le respect de l’éthique, pourra permettre de progresser dans la protection
des enfants, tout en respectant le droit
des familles. La prééminence de la pro-
tection administrative sur la protection
judiciaire renforce la place des parents,
mais sans oublier l’intérêt supérieur de
첸
l’enfant.
Références
[1] RAPOPORT D., ROUBERGUE-SCHLUMBERGER A. : BlancheNeige, les sept nains et autres maltraitances, la croissance empêchée, Belin, 2003.
[2] GRUYER F., FADIER-NISSE M., SABOURIN P. : « La violence
impensable, inceste et maltraitance », Le Coq Héron, 1991 ; 121.
[3] ROBIN P., GREGOIRE P., CORBET E. : L’évaluation participative des situations familiales, Dunod, collection Enfances, 2012.
TROUBLES DIGESTIFS
BÉNINS HAUTS ET BAS
DU NOURRISSON
Rejets physiologiques, gaz, ballonnements, coliques, constipation
Dans plus de 60 % des cas, ces troubles sont associés [1] [2] :
 quelles sont les associations les plus fréquentes ?
 quel retentissement sur le bien-être des nourrissons ?
 comment en tenir compte pour la prise en charge en première
intention ?
Pour le savoir, Médecine & Enfance met en place
l’observatoire ADAN
Approche de première intention des troubles Digestifs bénins
Associés du Nourrisson
sous la coordination du Dr Bellaïche, hôpital Robert-Debré, Paris
L’enquête sera menée à partir de février 2013
Cet observatoire est réalisé en partenariat avec le Laboratoire Gallia
[1] Roy P. et al., Arch. Pédiatr., 2004; 11 : 1546-54.
[2] Enquête de ville EMMA (Education de la Maman par le Médecin sur l’Alimentation)
réalisée par BSA sur plus de 1 500 nourrissons âgés de 0 à 4 mois, 2006, France.
janvier-février 2013
page 44
Téléchargement