sévices ou de privations sans besoin de
l’accord de la personne pour les mi-
neurs et personnes vulnérables.
C’est pourquoi, dans le but de «protéger
l’ensemble des médecins des poursuites
qui pourraient leur être intentées [en cas
de signalement] et, de ce fait, renforcer
et encourager leur mission de protection
des mineurs faisant l’objet de violences »,
des modifications législatives ont été ap-
portées. La loi du 5 novembre 2015 vient
renforcer le rôle des professionnels de
santé dans la détection et la prise en
charge des situations de maltraitance,
tout en les protégeant contre l’engage-
ment de leur responsabilité civile, pénale
et disciplinaire [7]. La procédure de si-
gnalement des situations de maltraitan-
ce est également désormais étendue à
l’ensemble des professionnels de santé :
infirmières, puéricultrices, kinésithéra-
peutes, sages-femmes, etc.
Qui plus est, l’article L226-14 du Code
pénal délie le professionnel de santé du
secret professionnel lorsqu’il porte à la
connaissance du procureur de la Répu-
blique, mais aussi de la CRIP, les sévices
ou privations qu’il a constatés dans
l’exercice de sa profession et qui lui per-
mettent de présumer que des violences
physiques, sexuelles ou psychiques de
toute nature ont été commises.
Par ailleurs, il est utile de rappeler que,
depuis 2007, les personnes soumises au
secret professionnel qui mettent en
œuvre la politique de protection de l’en-
fance ou qui lui apportent leur concours
sont autorisées à partager entre elles
des informations à caractère secret [8].
Dans ce cadre, seules les informations
nécessaires à la prise en charge sont au-
torisées à être partagées.
QUELS ÉLÉMENTS
CLINIQUES POUR
MIEUX REPÉRER ?
Les blessures chez des nourrissons qui
ne marchent pas, celles qui sont inexpli-
quées par l’histoire rapportée, celles qui
sont multiples ou qui atteignent plu-
sieurs organes devraient toujours soule-
ver des doutes. Pour autant, la maltrai-
tance n’est pas que physique, elle peut
être sexuelle, psychologique (isole-
ment, manque d’affection, terreur, ex-
ploitation) ou prendre les traits de l’ex-
position à la violence conjugale, de la
négligence (en termes d’alimentation,
d’hygiène, de supervision, de vie dange-
reuse ou instable). Ainsi tout change-
ment de comportement ou de l’état
émotionnel d’un enfant ou d’un adoles-
cent non expliqué par une situation
stressante, tels une séparation des pa-
rents, un deuil ou un problème médical,
doit interpeller le soignant. Des cauche-
mars répétés de thèmes similaires, un
comportement d’opposition marqué,
une agressivité nouvelle, un repli sur soi
doivent aussi faire sens. Un comporte-
ment curieux avec les autres, comme la
recherche de contact ou d’affection sans
discernement, un besoin excessif de se
coller ou de s’accrocher, sont d’autres
signes qui peuvent également attirer
l’attention [9]. Des questionnaires (figu-
re 1) ont été mis au point, notamment
aux urgences pédiatriques, afin de favo-
riser la détection des situations de mal-
traitance [10, 11].
QU’EST-CE
QU’UNE INFORMATION
PRÉOCCUPANTE ?
L’information préoccupante (IP) est une
information transmise à la cellule dépar-
tementale pour alerter le président du
Médecine
& enfance
avril 2016
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VIGNETTE CLINIQUE
« J’ai repéré des stigmates sur le corps d’un enfant que j’ai reçu en consultation, et je soupçon-
ne fortement une situation de maltraitance. Que dois-je faire ? »
L’article 44 du Code de déontologie sur les sévices stipule : « Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou
d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état
physique ou psychique, [le médecin] alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf
circonstances particulières qu’il apprécie en conscience ». Dès que le médecin estime que les
faits dont il a été témoin, ou qui lui ont été rapportés, revêtent un caractère de gravité rele-
vant de la juridiction pénale, il avertit le procureur de la République auprès du tribunal de
grande instance du lieu de résidence habituel du mineur. L’Ordre a créé une fiche type de si-
gnalement d’enfant en danger, téléchargeable sur www.conseil-national.medecin.fr. Elle doit
être remplie en fonction de ce que le médecin a constaté uniquement, et ne doit en aucun cas
mettre en cause un tiers. Après avoir rapporté aussi fidèlement que possible les paroles de
l’enfant recueillies au cours de l’entretien et citées entre guillemets, le praticien décrit les
signes relevés à l’examen clinique. En cas de suspicion de mauvais traitements (lorsque l’en-
fant risque d’être en danger), le médecin informe la cellule départementale de la CRIP, qui
est rattachée au président du conseil départemental. Dans les deux cas (signalement au pro-
cureur ou information transmise à la CRIP), le partage d’informations concernant « les mi-
neurs en danger ou risquant de l’être » fait partie des dérogations au secret professionnel, ce
qui met les médecins à l’abri de toute poursuite pour violation du secret médical (art. 226-14
du Code pénal et L.226-2-2 du Code de l’action sociale et des familles), à la condition expres-
se de ne dénoncer que les faits et non des auteurs allégués !
Figure 1
Checklist de détection d’après le
questionnaire SPUTOVAMO-R
1. Est-ce que l’histoire est cohérente,
répétable dans le temps ?
2. La consultation a-t-elle été inutilement
retardée ?
3. Le type de blessure est-il plausible au
regard du niveau de compétence motrice
de l’enfant ?
4. Le comportement de l’enfant et ses
interactions avec ses parents ou son
entourage sont-elles appropriées ?
5. L’examen complet est-il en accord avec la
présentation de l’histoire ?
6. Y a-t-il des antécédents de traumatismes
inexpliqués ?
7. Y a-t-il d’autres signes qui vous font douter
de la sécurité de l’enfant ou d’autres
membres de la famille ?
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