Sommaire "Histoire naturelle" des métastases des cancers du sein suivant la localisation métastatique et la biologie de la tumeur primitive. Méthodologie des Ponctions et Biopsies de cancers du sein métastatiques. Bilan d'extension nécessaire après découverte d'une métastase d'un cancer du sein. Variations phénotypiques et génotypiques entre la tumeur primitive et les métastases des Cancers du Sein. Conséquences sur la prise en charge. Cellules Tumorales Circulantes dans les cancers du sein : Techniques de mise en évidence et Biologie des CTC. Cellules tumorales circulantes dans le cancer du sein métastatique : étude quantitative avant et pendant traitement. L’inclusion dans les protocoles de recherche clinique peut-elle permettre d’optimiser la prise en charge des patientes présentant un cancer du sein métastatique ? Imagerie interventionnelle des métastases viscérales des cancers du sein. Place de la radiofréquence et des embolisations. Rôle du Chirurgien dans les Métastases Viscérales du sein. Place de la chirurgie dans les métastases cérébrales du cancer du sein. Métastases cérébrales des cancers du sein : place du traitement local et systémique en fonction de la présentation phénotypique. Traitement systémique des métastases cérébrales de cancer du sein. Traitements percutanés des métastases osseuses du cancer du sein. Prise en charge chirurgicale des métastases d’origine mammaire du cotyle et de l’extrémité supérieure du fémur. Les traitements ciblant le récepteur HER2 présents et futurs. Faut-il associer les antiHER2 entre eux et/ou avec une chimiothérapie ? Certitudes actuelles et stratégies du futur. Quand peut-on considérer qu’un cancer HER2 positif est résistant au Trastuzumab et quelles options thérapeutiques pourrait-on proposer pour prévenir ou pour prendre en charge cette situation ? Doit-on traiter différemment les tumeurs métastatiques HER2 + RH - et HER2 + RH + ? Cancers Triple négatifs M+ : bilan anatomo –pathologique nécessaire. Prise en charge médicale des cancers du sein triple négatifs métastatiques, hors inhibiteurs de PARP. Inhibiteurs de la Poly(ADP-ribose) Polymerase et cancer du sein. Cancer du sein métastatique en première ligne : Quand faut il associer un anti angiogénique à la CT et laquelle? Dogmes anciens et doutes actuels. Quelle est la place des Chimiothérapies Orales dans la prise en charge d’un cancer du sein Métastatique de la 1er à la 3eme Ligne ? 2 P4 P16 P37 P47 P58 P75 P84 P91 P100 P106 P110 P126 P135 P143 P155 P163 P181 P186 P196 P208 P214 P232 Sommaire Peut-on poursuivre indéfiniment les traitements en phase avancéee ? Fondements Historiques et sociaux d’un « Droit à l’Obstination Déraisonnable » Spécificités des soins oncologiques de support en situation métastatique : aspects cliniques et organisationnels. L’annonce d’une rechute d’un cancer du sein : le pont de vue du psychiatre. Le point de vue de l’infirmière spécialisée sur l’annonce de la rechute. Définition et stratégie pratique en matière de douleurs rebelles. Complications secondaires à l’emploi des antiangiogéniques : diagnostic, prévision et prise en charge. Syndrome d’Épuisement Professionnel des Soignants. Document extrait des recommandations nationales de St Paul de Vence 2011. Les cancers du sein métastasés d’emblée : prise en charge chirurgicale locorégionale. Rôle de la Radiothérapie Locorégionale dans la prise en charge des cancers du sein d’emblée métastatiques. Cancers du sein des personnes âgées. Qui soigner ? Quand la décision est liée à la personne. Importance des scores gériatriques. Cancers du sein des personnes âgées. Comment soigner ? Quand la décision est liée au protocole proposé. Importance des données pharmacologiques influencées par l’âge. Évaluation de l’efficacité des traitements effectués par la biologie : les marqueurs sérologiques circulants. Décision d’arrêt des traitements spécifiques. Critères cliniques et biologiques. Les décisions d’arrêt des traitements spécifiques. Critères subjectifs et psychologiques. L’information au patient: des mots souvent difficiles à dire et à entendre. Référentiels pour la prise en charge des cancers du sein Métastatiques. Recommandations du NCCN. Recommandations de l’ “European Society of Medical Oncology” (ESMO) sur les cancers du sein Métastatique RPC SPDV : Cancer du sein traitements de première ligne métastatique. Recommandations des référentiels régionaux sur le Cancer du sein métastatique. Similarités et variabilités. 3 P239 P247 P250 P261 P264 P273 P293 P305 P313 P321 P326 P331 P336 P342 P354 P359 P367 P382 P423 "HISTOIRE NATURELLE" DES METASTASES DES CANCERS DU SEIN SUIVANT LA LOCALISATION METASTATIQUE ET LA BIOLOGIE DE LA TUMEUR PRIMITIVE Auteurs R. Largillier, J. Gal, E. Chamorey, E. Teissier, A. Courdi, F. Ettore, P. Follana, B. Flipo, J. Barriere, M. Namer, J.M. Ferrero 4 Introduction Depuis 30 ans, la prise en charge des cancers du sein en situation adjuvante et métastatique s’est considérablement modifiée avec l’apparition de nouvelles thérapeutiques d’hormonothérapie, de chimiothérapie et de thérapeutique ciblée. L’objectif de cette étude est d’évaluer les facteurs pronostiques classiques influençant la survie des patientes et donc la décision thérapeutique au diagnostic de la métastase ainsi que l’évolution de la survie liées aux modifications thérapeutiques pendant la période de l’étude. L’ensemble de ces résultats a été publié en 2008, l’article est disponible dans son intégralité sur Pub Med. Prognostic factors in 1,038 women with metastatic breast cancer. Largillier R, et al. Ann Oncol. 2008 Dec 19 (12):2012-9. Cette présentation est l’actualisation des données à 5 ans avec l’intégration du test HER2 disponible pour la période 2000-2005. Patientes et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective à partir d’analyses des bases de données du Centre Antoine Lacassagne. Plus de 5.000 patientes ont été opérées avec un traitement loco-régional standard entre 1980 et 2005. Elles ont été prises en charge avec le traitement adjuvant standard proposé au moment du diagnostic initial. Parmi ces patientes, 1.223 ont évolué sur un mode métastatique. Ces patientes métastatiques ont constitué notre cohorte d’étude. Les caractéristiques initiales des tumeurs, les thérapeutiques adjuvantes et le devenir de ces patientes ont été étudiés pour la survie spécifique en analyse univariée par le test de LogRank et en analyse multivariée en utilisant un modèle de Cox. Pour les 5.000 patientes incluses dans la base de données, la prise en charge s’est considérablement modifiée sur la période de 30 ans avec une réduction de la taille tumorale et de l’importance de l’envahissement ganglionnaire axillaire suite à la mise en place d’un dépistage organisé des cancers du sein. Facteurs pronostiques initiaux. Population globale (n=5089) Taille tumorale [80-84] [85-89] [90-94] [95-99] ADP Axillaire [73-79] [00-06] [80-84] [85-89] [90-94] [95-99] [00-06] N2-N3 N1 >T1 N- T1 [73-79] Traitements adjuvants [80-84] [85-89] [90-94] [95-99] Evolution métastatique [73-79] [00-06] Chimio+Hormono hormono Oui Chimio Non Pas de Trt [73-79] 5 [80-84] [85-89] [90-94] [95-99] [00-06] Sur la même période, on remarquera la très nette intensification des traitements adjuvants par hormonothérapie et chimiothérapie puisque actuellement la quasi-totalité des patientes présentant un cancer du sein bénéficieront d’un traitement complémentaire. On assiste donc sur le temps de l’étude à une plus faible fréquence d’évolution métastatique dans notre population particulièrement pour les métastases précoces survenant dans les cinq premières années de suivi. Fréquence d’évolution métastatique en fonction du délai d’apparition de la métastase [85-89] [90-94] [95-99] [00-04] >5 ans 2-5ans <2ans [80-84] L’ensemble des innovations thérapeutiques mises en place depuis 30 ans aussi bien au niveau du dépistage organisé, de la prise en charge loco-régionale, adjuvante ou en situation métastatique se traduit fort heureusement par une amélioration de la survie globale chez les patientes atteintes d’un cancer du sein entre 1980 et 2005. 0.8 1.0 Survie globale des cancers du sein opérés 1980-2005 (n=4360) 0.4 0.6 1980-1984 1985-1989 1990-1994 1995-1999 2000-2004 0.0 0.2 p<0.001 (Test LogRank) 0 20 40 60 Mois 6 80 100 120 Résultats (analyse de facteurs pronostic chez les patientes métastatiques) Les variables pronostiques significatives de la survie sur le plan statistique en situation métastatique sont l’atteinte ganglionnaire axillaire initiale, les récepteurs hormonaux, le type de la première localisation métastatique, le traitement adjuvant post opératoire, le délai de l’apparition de la métastase, le grade SBR, la taille tumorale, l’âge au diagnostic de la métastase et la période de la prise en charge thérapeutique. Le test HER2 n’a été pratiqué dans notre étude qu’à partir des années 2000, il n’a pas d’impact pronostic sur la survie chez des patientes qui ont été traitées par Herceptine. Variables pronostiques significatives de la survie spécifique après métastases Log Rank Test R. Hormonaux <0.0001 Loc Métastatique <0.0001 Trt adjuvant <0.0001 N axillaire <0.0001 Délais de la métastase <0.0001 Grade SBR 0.00022 Taille tumorale 0.00121 Age 0.00167 Périodes de 5 ans <0.0001 HER2 (20%) 0.340217 Analyse univariée (n=1038) En analyse multivariée les variables pronostiques significatives de la survie en situation métastatique sont le type de la première localisation métastatique, les récepteurs hormonaux, la notion de traitement adjuvant antérieur et l’âge. 7 Variables pronostiques significatives de la survie spécifique après métastases analyse multivariée n=765 (291 exclue données manquantes HR HR IC 95% p peau gg - - - ref. os 1.458 1.133 1.876 0.008500 Localisation de la poumon métastase foie 1.896 1.43 2.514 0.000770 3.264 2.408 4.424 0.000000 multiple 4.183 3.105 5.635 0.000000 cerveau 7.645 4.627 12.629 0.000000 rh négatif - - - ref. rh positif 0.575 0.468 0.707 0.000100 pas de trt - - - ref. Ct+/- hormo 1.872 1.481 2.366 0.003500 hormo 1.51 1.195 1.908 0.017000 RH Trt (N ?) adjuvant < 50 ans ref. Age >= 50 ans 1.206 1.019 1.426 < 1985 Période traitement métastase de ref. < 1990 0.795 0.587 1.078 0.560000 < 1995 0.61 0.449 0.828 0.240000 < 2000 0.532 0.389 0.726 0.160000 < 2005 0.542 0.388 0.759 0.240000 < 2 ans Délais de rechute la 0.000055 ref. 2-5 ans 0.96 0.765 1.202 0.720000 > 5 ans 0.89 0.702 1.135 0.350000 Analyse univariée (n=765) Modèle de COX 8 La notion du délai d’apparition des métastases après le traitement initial n’apparaît pas comme un facteur pronostique indépendant mais peut refléter à lui seul le degré d’agressivité de la maladie exprimant la valeur d’un "index pronostique naturel" de la maladie. On voit ici que le risque de décès précoce après la survenue de la métastase est corrélé à la précocité de la rechute de manière linéaire. -1 -2 -4 -3 Hasard Ratio (CI95%) 0 1 Evolution du risque de décès (survie spécifique) en fonction du délai d’apparition de la métastase 0 50 100 150 200 250 300 Delai apparition métastases (Mois) 1.0 Survie spécifique après métastases en fonction du délai d’apparition des métastases (n=1225) 0.8 <2ans 2-5ans >5 ans 0.0 0.2 0.4 0.6 p<0.001 (Test LogRank) 0 10 20 30 40 50 60 Mois Et si l’on s’intéresse uniquement aux variables significatives influençant la décision thérapeutique chez une patiente au diagnostic de la métastase, au-delà du délai qui donne donc une idée immédiate du pronostic, on peut donc prendre en considération l’âge de la patiente, la localisation de la métastase initiale, la notion du traitement adjuvant antérieur et la positivité des récepteurs hormonaux. Le récepteur HER2 étant un facteur prédictif de la réponse aux thérapeutiques ciblées. 9 Pour l’âge, le pronostic est globalement plus défavorable chez les patientes très jeunes (< 35 ans) et les chez les patientes ménopausées, paradoxalement le pronostic le plus péjoratif se rencontre chez les patientes de plus de 75 ans. 1.0 Influence de l’âge – Survie spécifique après métastases (n=1021) 0.8 <35 ans 35-50ans 50-75ans >75ans 0.0 0.2 0.4 0.6 p<0.001 (Test LogRank) 0 10 20 30 40 50 60 Mois En fonction des traitements adjuvants antérieurs, le pronostic est meilleur chez les patientes qui n’ont jamais reçu d’hormonothérapie ou de chimiothérapie. Lorsque les patientes ont déjà reçu un traitement adjuvant cela influence le pronostic de la phase métastatique probablement par sélection de patientes réfractaires ou résistantes à ces traitements. 1.0 Survie spécifique après métastases en fonction du traitement adjuvant (n=1019) 0.8 pas de TRT Chimio Hormono Chimio+Hormono 0.0 0.2 0.4 0.6 p<0.001 (Test LogRank) 0 10 20 30 Mois 10 40 50 60 Les deux facteurs pronostics majeurs sont la localisation du 1er organe atteint par la métastase et la positivité des récepteurs hormonaux qui influencent le pronostic et la réponse au traitement. 1.0 Survie spécifique : patientes métastatiques quelque soit les récepteurs en fonction de la localisation de la métastase (n=983) 0.8 peau + ADP loco régionale pulmonaire hépatique os cerveau méta-multiples 0.0 0.2 0.4 0.6 p<0.001 (Test LogRank) 0 10 20 30 40 50 60 Mois 1.0 Survie spécifique : patientes métastatiques RH + en fonction de la localisation de la métastase (n=753) Peau : 55,12 Pulmonaire : 25 Hépatique : 15 Os : 34 Cerveau : 4 Multiples : 11 0.8 peau + ADP loco régionale pulmonaire hépatique os cerveau méta-multiples 0.0 0.2 0.4 0.6 p<0.001 (Test LogRank) 0 10 20 30 40 50 60 Mois Chez les patientes sensibles aux traitements hormonaux, il existe une nette différence de pronostic en fonction de l’organe atteint avec une survie généralement comprise entre 2 et 3 ans en moyenne. Chez les patientes récepteurs hormonaux négatifs, le pronostic est nettement plus péjoratif et la différence entre les organes atteints est moins nette. 11 1.0 Survie spécifique : patientes métastatiques RH - en fonction de la localisation de la métastase (n=154) 0.8 peau + ADP loco régionale pulmonaire hépatique os cerveau méta-multiples Os : 21 mois Peau : 23 mois Pulmonaire : 11 mois Hépatique : 5 mois Multiples : 4 mois Cerveau : 3 mois 0.0 0.2 0.4 0.6 p<0.001 (Test LogRank) 0 10 20 30 40 50 60 Mois Chez les patientes HER2 surexprimées (étude uniquement entre 2000 et 2005), le pronostic est identique aux patientes sensibles aux hormones cependant, le type d’organe atteint influence beaucoup moins la survie. 1.0 Survie spécifique après métastases chez les patientes HER+ (n=48) Os : 38,5 mois Pulmonaire : 36 mois Hépatique : 26 mois Multiples : 26 mois Peau : 24 mois Cerveau : 3 mois 0.2 0.4 0.6 0.8 peau + ADP loco régionale pulmonaire hépatique os cerveau méta-multiples 0.0 p=0.027 (Test LogRank) 0 10 20 30 40 50 60 Mois L’évaluation de la survie des patientes métastatique prise en charge entre 1980-2005 met en évidence une amélioration de la médiane de survie des patientes en fonction du moment de leur prise en charge uniquement après les années 90 pour les patientes récepteurs hormonaux positifs. La prise en charge des patientes récepteurs hormonaux négatifs ne s’est pas améliorée en 30 ans avec des médianes de survie globale inférieure à 1 an. 12 1.0 Survie spécifique après métastases (n=1023) [80-84] 8 mois [85-89] 6 mois [90-94] 13 mois [95-99] 10 mois [10-2004] 7 mois 0.8 1980-1984 1985-1989 1990-1994 1995-1999 2000-2004 0.0 0.2 0.4 0.6 p=0.16 (Test LogRank) 0 10 20 30 40 50 60 Mois 1.0 Survie spécifique après métastases chez les patientes RH-(n=145) [80-84] 8 mois [85-89] 6 mois [90-94] 13 mois [95-99] 10 mois [20000-2004] 7 mois 0.8 1980-1984 1985-1989 1990-1994 1995-1999 2000-2004 0.0 0.2 0.4 0.6 p=0.5(Test LogRank) 0 10 20 30 40 Mois 13 50 60 1.0 Survie spécifique après métastases chez les patientes RH+ (n=773) [80-84] [85-89] [90-94] [95-99] [20000-2004] 0.8 1980-1984 1985-1989 1990-1994 1995-1999 2000-2004 17 mois 22 mois 31 mois 30 mois 32mois 0.0 0.2 0.4 0.6 p=0.001 (Test LogRank) 0 10 20 30 40 50 60 Mois 1.0 Survie spécifique après métastases (n=260) Délais < 2 ans 0.6 0.8 DIAG META[1980-1984] et META < 2ans DIAG META[1985-1989] et META < 2ans DIAG META[1990-1994] et META < 2ans DIAG META[1995-1999] et META < 2ans DIAG META[2000-2004] et META < 2ans 0.0 0.2 0.4 p=0.284 (Test LogRank) 0 10 20 30 40 Mois 14 50 60 1.0 Survie spécifique après métastases (n=348) Délais > 5 ans 0.4 0.6 0.8 p=0.18 (Test LogRank) 0.0 0.2 DIAG META[1980-1984] et META>5ans DIAG META[1985-1989] et META>5ans DIAG META[1990-1994] et META>5ans DIAG META[1995-1999] et META>5ans DIAG META[2000-2004] et META>5ans 0 10 20 30 40 50 60 Mois Conclusion Les facteurs pronostiques significatifs de la survie spécifique en situation métastatique d’un cancer du sein, que l’on peut retenir pour aider les décisions thérapeutiques, sont le type de localisation métastatique, la notion de positivité des récepteurs hormonaux, de traitement adjuvant antérieur, et l’âge au diagnostic des métastases. Le délai d’apparition des métastases par rapport au traitement initial n’est pas significatif en analyse multivariée et n’est que le reflet de l’ensemble des autres variables. Nous n’avons mis en évidence une amélioration significative de la survie des patientes depuis 30 ans uniquement chez les patientes récepteurs hormonaux positifs après les années 90. 15 MÉTHODOLOGIE DES PONCTIONS ET BIOPSIES DE CANCERS DU SEIN MÉTASTATIQUES Auteur Patrick IANNESSI 16 La problématique métastatique générale et appliquée au cancer du sein Métastases et biopsies De manière générale, on privilégie la biopsie de la métastase plutôt que du primitif car cela permet à la fois le diagnostic positif par l’histologie et cela confirme également le statut de la maladie. Si le primitif est inconnu, cela orientera les recherches pour confirmer ce dernier grâce à l’histologie. Devant une présentation métastatique secondairement à la déclaration d’un primitif, un contexte équivoque nécessite également une confirmation : double antécédent de primitif, localisation ou présentation inhabituelle pour le primitif connu, diagnostic différentiel. Les développements technologiques ont permis de remplacer les biopsies jadis réalisées par les chirurgiens par des abords mini-invasifs percutanés aidés d’un guidage radiologique. Ces gestes sont effectués en ambulatoire dans les services de radiologie et représentent désormais une partie incontournable de leur activité. Cancer du sein et biopsie des métastases C’est l’imagerie au cours du bilan d’extension initial et de la surveillance qui permet de dépister les métastases. Le statut métastatique du patient présentant un cancer du sein est un facteur pronostic péjoratif majeur puisqu’en moyenne la médiane de survie est de 16 à 30 mois selon les études. Les localisations préférentiellement atteintes sont le squelette (40%), les viscères (40%, poumon >foie> cerveau) et les tissus mous (15%, peau et ganglions).1, 2 Par ailleurs, les métastases des cancers du sein sont d’emblée multiples dans 15 à 30 % des cas imposant un bilan d’extension complet pour permettre de cibler une lésion simple d’accès pour la biopsie. Concernant la métastase, la durée courte de l’intervalle libre avant sa découverte, le nombre de localisations et les localisations viscérales sont de moins bon pronostic. Même si les progrès en matière de traitement ont permis un allongement sensible de la survie des patientes métastatiques, ce statut reste un marqueur de risque de décès précoce. Il est aussi un facteur prédictif de réponse au traitement et le dépistage précoce des métastases parait justifié pour instituer rapidement un traitement systémique et discuter d’un traitement local par radiothérapie, radiologie interventionnelle ou chirurgie. Parallèlement à l’évolution des thérapies ciblées, la mise en évidence de différences géno-phénotypiques entre la tumeur primitive et ses métastases soulève la question des différences de réponse au traitement de la maladie métastatique et du primitif. C’est l’objectif des essais ESOPE : (évolution phénotypique et génotypique des cancers du sein au cours du processus métastatique et optimisation du ciblage thérapeutique) SAFIR01 (analyse des anomalies génétiques présentes au sein des métastases chez 400 patientes porteuses de cancer du sein métastatiques et traitement ciblé sur l’anomalie génétique). Ce challenge est en partie rendu possible que grâce à l’avancée de la technique de biopsie guidée par l’imagerie. 17 La méthodologie des ponctions Le guidage : la meilleure technique est finalement celle que l’on maitrise le mieux La cible métastatique est objectivée une première fois par l’imagerie de diagnostic réalisée souvent dans une position différente de l’imagerie de planification qui sera effectuée le jour de la ponction. Le choix de la modalité est l’affaire du radiologue, il est fonction de la disponibilité, de la localisation métastatique, de ses préférences. Il existe 4 modalités de guidages : Echographie, Scanner, Fluoroscopie, IRM. Chaque modalité a ses avantages et ses limites (Tableau 1). En pratique, les plus utilisées sont l’échographie pour les biopsies superficielle et d’organes (foie, rein) et le scanner pour tout le reste. En effet, l’échographie est si possible privilégiée pour son caractère non irradiant, facilement disponible et la sécurité qu’elle procure par la visualisation de la progression de l’aiguille en temps réel. Mais parfois, certaines lésions détectées par une modalité d’imagerie ne sont pas visibles par une autre. C’est fréquemment le cas des lésions hépatiques. On peut alors s’aider de l’injection de contraste ultrasonore pour sensibiliser la technique ou bien d’une fusion d’image avec le scanner diagnostic3. Toutefois, dès que la cible est profonde le scanner est mieux adapté à la biopsie et l’irradiation pour est faible dès lors que le guidage séquentiel est utilisé (progression de l’aiguille contrôlée par la réalisation de plusieurs coupes successives millimétriques). De cette manière, on repère parfaitement les structures dangereuses à éviter (vaisseaux, nerfs, tube digestif, voies excrétrices urinaires). Parfois si la fonction rénale le permet, on peut s’aider d’une injection de produit de contraste au temps vasculaire, parenchymateux ou d’excrétion urinaire. Une des principales limites du guidage sous scanner est qu’il ne permet pas aisément de ponctionner avec un trajet sortant du plan de coupe x,y (Figure 1). L’inclinaison cranio-caudale du statif est possible mais limitée et encore peu de scanners sont véritablement optimisés pour la planification des trajets complexes. Il existe un mode de scanner dit Fluoro-CT qui permet un guidage en temps réel mais entraine un surplus d’irradiation (opérateur à proximité du tube à RX) si bien qu’on le réserve aux cas difficiles4. On peut s’aider d’un guidage fluoroscopique soit en complément du scanner (arceau de scopie) soit en usage autonome comme c’est le cas sur les nouvelles tables capteurs plan commercialisées. Dans ce dernier cas, les constructeurs fournissent désormais des aides à la planification qui matérialisent le trajet de l’aiguille avant même la ponction et permettent rapidement et surement d’atteindre la cible. Par ailleurs ces tables autorisent maintenant un contrôle tridimensionnel équivalent au scanner grâce à la rotation du tube à rayon X et il est probable qu’un certain nombre de biopsies soit bientôt réalisées sur ces tables nouvelles génération car elles ont l’avantage d’être souvent intégrées dans un environnement stérile type bloc opératoire et libère des plages de scanner. Toutefois, l’utilisation de cette modalité n’est optimale que pour les ponctions des nodules pulmonaires et de l’os qui sont bien visualisés grâce au différentiel de densité qu’il existe entre la métastase et son environnement ou à la densité même de l’os5, 6. L’IRM est quant à lui déjà utilisé pour les biopsies de primitif mammaire mais en ce qui concerne les métastases viscérales son utilisation est peu développé. D’abord en raison de sa faible disponibilité, ensuite en raison de l’absence de module dédié chez la plupart des constructeurs et enfin car le matériel utilisé doit être amagnétique. Toutefois, son utilisation a l’avantage d’être non irradiante, temps réel et permet une planification de trajets complexes très récurrents. Ceci rend la technique avantageuse pour l’atteinte du dôme hépatique et des surrénales par voie ascendante. Enfin, sa résolution en contraste permet de mettre en évidence des lésions non visibles autrement (foie, rein, pancréas)7, 8. Il est à parier que les biopsies guidées par scanner d’aujourd’hui sont probablement les indications des biopsies IRM de demain. 18 La connaissance des aiguilles est fondamentale. Il existe aujourd’hui de très nombreuses aiguilles permettant de prélever une lésion. On a choisi de volontairement simplifier la présentation du matériel en privilégiant le côté pratique. Les critères de décision sont ainsi représentés dans le logigramme (Figure 2). On choisit une aiguille en fonction de sa taille en centimètres adaptée à la longueur du trajet de ponction et de son calibre exprimé en Gauge (Tableau 2). Au plus ce dernier est important et au plus le risque hémorragique est important9, 10. Toutefois, la taille conditionne aussi le type de prélèvement et permet de distinguer deux types d’échantillonnages très différents : pour les plus petits calibres, le prélèvement cytologique qui ne préserve pas l’architecture tissulaire et à contrario le prélèvement biopsique pour les calibres plus importants. Le succès d’une biopsie repose réellement sur la connaissance de son matériel et au final un petit nombre d’aiguilles sont nécessaires pour l’activité biopsique (Image 1) : Aiguilles d’aspiration fines souples et biseautées (spinales ou Chiba) de 20 et 22G pour la cytologie et la microbiologie. Pistolets à biopsie (aiguilles à guillotine) semi automatiques coaxiales 16, 18 et 20G pour les biopsies viscérales, d’os lytique et des parties molles. - Aiguilles spécifiques osseuses et mèches de pénétration. Dans le cas du prélèvement cytologique : une aiguille fine placée dans la cible et un va et vient multidirectionnel en aspiration est effectué pour faire remonter des cellules tumorales. Dans le cas de la biopsie, le système peut être actionné par un pistolet automatique, semi-automatique ou manuel. Les aiguilles semi-automatiques sont les plus utilisées car le déploiement en deux temps du stylet puis de la guillotine permet une certaine sécurité tout en fournissant un prélèvement de qualité (image 2). Le déploiement en un temps dit automatique est intéressant pour éviter qu’une lésion dure ne roule dans un environnement plus mou. C’est ce système qui est utilisé dans le sein. Le déploiement manuel est le plus sécuritaire mais n’est utile qu’avec une modalité permettant le contrôle en temps réel de la pointe d’aiguille tel que l’échographie. La taille de la chambre de prélèvement (en général 2 cm) est aussi variable d’une aiguille à l’autre voir modifiable en fonction de l’anatomie lésionnelle. Le système coaxial consiste à utiliser une aiguille d’accès dans le kit de biopsie. Cette aiguille est constituée d’un mandrin pointu et d’une canule coaxiale que l’on place en face de la cible. Les avantages sont multiples : une seule ponction et plusieurs prélèvements, embolisation du trajet de la ponction en cas de saignement par la canule, pas de risque de dissémination sur le trajet de la ponction (Figure 3). 19 Le choix est dicté par des contraintes lié au terrain, au contexte clinique, à la cible Cette étape primordiale nécessite des informations croisées issues du dossier radiologique et clinique. Le rendement diagnostic tout organe et toute pathologie confondue est de 80%9. A. Contraintes liées au terrain : En effet, les procédures de biopsie ne sont pas dénuées de risque et le principe de « primum non nocere » doit être appliqué. L’indication doit donc être justifiée et ce temps d’analyse doit permettre d’éclairer le patient concernant le rapport risque et bénéfice et de vérifier l’absence de contre-indications. Il est idéalement fait au cours d’une consultation pré geste distante d’au moins 48h mais dans la pratique on la réserve aux patientes psychologiquement fragiles ou demandeuse d’une consultation. L’information étant partagée par le clinicien, le patient sera vu le jour du geste par le radiologue afin de vérifier au consentement du patient. Des fiches informatives à destinée des patients sont disponibles sur le site de la société française de radiologie (www.sfrnet.org). On s’assure de l’absence de contre-indications : Insuffisance rénale contre-indiquant une injection de produit de contraste iodé, Insuffisance respiratoire rendant une ponction pulmonaire dangereuse ou le maintien du décubitus dorsal impossible. On gère le risque hémorragique Dans tous les cas, on prescrit un bilan d’hémostase avant le geste qui devra être vérifié le jour J. L’arrêt ou le relais de la médication anticoagulante est faite en accord avec le prescripteur de cette médication. Il existe des études et des recommandations des sociétés savantes anglo-saxonnes concernant les gestes de radiologie interventionnelle non vasculaire11. Dans la pratique la conduite à tenir est dictée en fonction du niveau de risque du geste. Elle est représentée dans le tableau 3. Mais les patientes qui présentent un cancer du sein ont une fragilité propre qui impose de redoubler de précautions : La prévalence de l’immunodépression dans la population de patients cancéreux augmente le risque infectieux et le risque hémorragique (aplasie et thrombopénie, CIVD, hypersplénisme)12. Les traitements systémiques ont des effets médullaires surajoutés. Ceux-ci imposent une visibilité sur le programme de chimiothérapie avec contrôles ad hoc de NFS et hémostase pour programmer l’acte de RI à distance du nadir. Les règles d’hygiène doivent être encore plus strictes. Par ailleurs, le risque majoré de maladie thrombo-embolique lié au cancer ou à la chimiothérapie (tamoxifène) est responsable d’une médication anticoagulante problématique pour les ponctions13. Le cancer est une maladie chronique associée de nombreuses comorbidités qui entraine une dénutrition responsable d’une cicatrisation plus longue et d’une fragilité majorée imposant d’éviter à tout prix la survenue de complications qui prolongerait l’hospitalisation14. La douleur est chronique et une organisation de la prise en charge antalgique pré, post et per-procédure est requise. Cela d’autant que toutes les procédures sont réalisées sous anesthésies locales et l’appréciation du niveau de la douleur au moment du geste est toujours difficile et dépendante du patient. Le radiologue peut donc s’aider d’une prémédication anxiolytique, de l’utilisation de crème anesthésiante s’il connait le site de ponction, d’anesthésiques à durée d’action prolongée. Mais le plus important reste le dialogue avec le patient et il est important d’expliquer au patient qu’il ne doit pas ressentir de douleur et que l’on peut le soulager15. 20 Les malades métastatiques sont en proie à une charge émotionnelle particulièrement forte exacerbée par l’attente du résultat du prélèvement16, 17. Les opérateurs sont responsables de l’indication, de l’information délivrée au malade, de l’intervention et de ses conséquences ainsi que du suivi prolongé du malade. La consultation de radiologie interventionnelle n’est pas la règle pour les actes de radiologie interventionnelle diagnostic mais en fonction de la sensibilité du patient il faut savoir se rendre disponible pour accompagner le patient dans la réalisation de ce geste. Il faut également, une coordination des discours de tous les personnels impliqués (soignants de radiologie, et soignants de l’hospitalisation) ce qui sous-entend une connaissance à minima de la mise en œuvre de ces procédures. B. Contraintes anatomo-pathologiques d’échantillonnage liées au contexte clinique Comme le terrain est souvent fragile, on est souvent obligé de minimiser les risques. Une collaboration étroite entre le clinicien, l’anatomopathologiste et le radiologue permet d’optimiser la stratégie. La discussion doit permettre une connaissance précise du contexte clinique, des antécédents, de formuler l’hypothèse diagnostique (diagnostic différentiel inflammatoire ? infectieux ?) et de préciser les impératifs anatomopathologiques (Etudes complémentaires ?). Le choix de la cible, le volume et le conditionnement est donc le fruit d’une entente préalable. On distingue au final deux situations : l’une imposant un échantillonnage maximal et l’autre tolérant un échantillonnage minimal. Dans ce dernier cas, on pourra opter pour un cytoponction, ou un petit calibre d’aiguille (Tableau 4). Toutefois, dans le cas particulier du cancer du sein, la nécessité de réaliser des études immunohistochimiques nous place d’emblée dans une situation d’échantillonnage maximal et cette prise de risque doit être considérée. Par ailleurs, le conditionnement du prélèvement dépend également de ces contraintes. En effet, si l’immunohistochimie est réalisable sur un prélèvement fixé ou congelé, la biologie moléculaire n’est quant’ à elle faisable que sur une carotte congelée (demi-vie des ARN de 10 minutes). Ainsi, dans le cancer du sein, le prélèvement sera toujours fixé ce qui permettra de rechercher l’expression de récepteurs spécifiques et prescrire des thérapeutiques ciblées (Herceptine ®, hormonothérapie). Mais l’évolution du typage biomoléculaire par la technique de microarrays tissulaire ouvre désormais les voies de traitements personnalisés et le cancer du sein est la figure de proue de cette évolution technologique18, 19. Il faudra donc que les services de radiologie prévoient un équipement adéquat pour la congélation immédiate de ces prélèvements (Tableau 5). C. Les contraintes liées à la cible. Il existe des règles générales applicables à toutes les ponctions et des particularités d’organe. 1) Règles générales applicables à toutes les ponctions Choix de la cible: - Aucune lésion n’est inaccessible. Plusieurs cibles possibles : la moins risquée et la plus rentable sur le plan tissulaire. Lésion volumineuse : prélever la périphérie en plus du centre qui risque d’être nécrotique. Une lésion doit être prélevée dans son grand axe dans la mesure du possible. 21 Planification du trajet : - Plusieurs trajets possibles : privilégier le plus sûr, certains trajets sont contre-indiqués. Respect des compartiments anatomiques. Inclus si possible dans la zone de résection tumorale pour antécédents opératoires Le trajet le plus court est souvent le plus simple et le plus sûr. Eviter les trajectoires pluri-angulées qui compliquent le guidage scanner. Eviter une direction de ponction vers des structures à risque (aorte, cœur, coronaires…) Toujours éviter de traverser: Les cavités excrétrices urinaires (vessie et uretères), les vaisseaux, les nerfs, le colon (risque septique +++ et antibioprophylaxie en cas de ponction maladroite). Si possible éviter les voies biliaires, et la plèvre. Précautions avant le geste : - Le bilan de coagulation doit être vérifié avant de commencer la procédure. Le positionnement du patient doit être judicieux mais aussi le plus confortable possible. L’ensemble de la procédure est réalisée dans des conditions de stérilités irréprochables Position de table de scanner la plus basse possible pour éviter un contact des connecteurs de l’aiguille avec le scanner. Connaissances anatomiques parfaites (vérifications à l’aide d’un atlas en cas de doute) de la région ponctionnée20. Précaution durant le geste : - Technique coaxiale. Le bout de l’aiguille doit toujours être constamment visualisé. Identifier toutes les structures anatomiques que l’on aborde et réaliser une opacification contrastée, une hélice volumique si nécessaire. Embolisation du trajet de ponction avec un pansement hémostatique en cas de ponction hémorragique ou à risque élevé. Traverser une zone de parenchyme sain pour les lésions cibles sous-capsulaires 2) Des particularités d’organe a) Ponctions thoraciques : Parenchyme - Préférer la ponction au temps expiratoire plus long (l’apnée étant souvent soit mal comprise soit mal tolérée). - Utiliser une aiguille 20G (rentabilité diagnostique équivalente au 18 G) - Toujours réinsérer le mandrin le temps de l’extraction de la carotte. - Utilisation du mode fluoroscanner en cas de lésion très mobile avec la respiration ou d’un patient peu coopérant. (attention à l’irradiation) - Prendre appui sur le bord supérieur des cotes pour éviter de léser l’artère intercostale - La plèvre (scissures comprises) doit être traversée une seule fois. - Les lésions proches d’un vaisseau doivent être ciblées tangentiellement pour éviter une plaie vasculaire. - Les lésions sous pleurales devraient être prélevées tangentiellement pour éviter de découper la plèvre. 22 - Insérer le coaxial 2 à 3 mm dans la lésion si le pistolet est semi-automatique pour assurer une stabilité durant la biopsie. L’injection de sérum physiologique dans l’aiguille de ponction pourrait diminuer le risque de pneumothorax21. Médiastin - Un certain nombre de lésions sont accessibles à une ponction transbronchique moins risquée. Attention aux anévrysmes simulant des ganglions (opacification contrastée). La voie d’accès transmediastinale directe est privilégiée, l’approche transpulmonaire doit être réservée aux cas insolubles par une approche médiastinale directe. La voix d’accès est antérieur (Parasternal ou transternal (aiguille osseuse faisant office de coaxial) ou postérieure (paravertebrale)22, 23. En antérieur, attention au repli de plèvre et aux artères mammaires internes qui circulent à 1 cm au niveau para sternal (longer le sternum). En postérieur, attention au replie de plèvre. Pour éviter le passage transpleural : on peut s’aider d’une hydro dissection au sérum physiologique pour créer un espace de sécurité dans la graisse médiatisnale et permettre le passage de l’aiguille (Image 3). b) Ponctions abdominales et pelvienne : Foie - L’échographie permet de réaliser simplement et rapidement la plupart des biopsies hépatiques (Limites rencontrées pour les lésions du dôme). Eviter de traverser le ligament falciforme et bien anesthésier la capsule hépatique car le passage de ces structures est douloureux24. Toujours interposer une zone de parenchyme hépatique sain entre le prélèvement et la capsule pour tamponner un éventuel saignement. Pas de biopsie en présence d’ascite (évacuation première à considérer) Eviter les anses intestinales interposées : aero ou hydrodissection, compression abdominale par une cupule trouée, une sangle… Biopsier une zone de parenchyme sain en plus du nodule hépatique s’il existe une possibilité d’hépatopathie chronique. Reins, surrénales, rate - La biopsie du rein expose à un gros risque de saignement. Eviter le cul de sac pleural dans les lésions sous phréniques : ponction au temps expiratoire, décubitus latéral permettant également de faire remonter le cul de sac pleural homolatéral. Abord postérieur le plus fréquent. Eliminer toute possibilité de phréochromocytome avant de biopsier une lésion surrénalienne. La biopsie splénique est à fort risque hémorragique. Elle reste possible mais d’autres cibles sont souvent plus accessibles25. Pancreas - Voie antérieur et passage trans-hépatique, gastrique ou jéjunale possible avec une aiguille 20G mais l’abord direct est privilégié si possible26, 27. Attention aux artères épigastriques 23 - La cytoponction pancréatique a montré une rentabilité équivalente à la biopsie pour les petites tumeurs (verifier toutefois le prélévement) Rétropéritoine - Voie postérieur préférentielle, para vertébrale au travers du muscle épineux et du psoas24. Attention aux uretères +++ (injection et contrôle tardif) Pelvis - Les trajets possibles sont nombreux : trans-abdominale antérieure ou trans-glutéale postérieure28. Attention à l’anatomie complexe (colon, intestins, vessie, uretères, vaisseaux). L’accès par voie postérieur à hauteur du grand foramen sciatique doit raser le sacrum pour éviter les structures neurovasculaires. Parfois, les lésions présacrées ou pelviennes postérieures ne sont pas accessibles par voie transglutéales et dans ce cas une approche transosseuse au travers de l’aile iliaque est envisageable. c) Ponction osseuses : - Les conditions stériles doivent être encore plus strictes pour éviter une infection osseuse secondaire. Pour les mêmes raisons le trajet transpéritonéal doit être évité. Anesthésie du périoste permet un contrôle de la douleur. Une lésion du corps vertébral est le plus souvent biopsiée par voie postérieure transpédiculaire plus sure en dehors des vertèbres cervicales accessibles à un abord antéro latéral ou transoral pour C229, 30 . L’approche est la même que pour une vertébroplastie. d) Ponction superficielles et ganglionnaires : - Un ganglion suspect doit faire l’objet d’une vérification histologique pour augmenter la spécificité de la technique d’imagerie31. Il faut cibler la zone nodulaire ou hypervascularisée du ganglion anormal. Actuellement, il n’y a pas de différences de rendement significatives entre la cytologie et la biopsie du ganglion suspect axillaire mais les micro-biopsies rendent les études immuno-histochimiques plus faciles32. Complications et surveillance L’observance de ces précautions permet de réduire notablement la survenue de complications. Le taux généralement admis est de 2% pour toutes les biopsies confondues9. Leur fréquence augmente avec le calibre de l’aiguille et les troubles de l’hémostase : - La ponction thoracique ou abdominale haute entraine un risque de pneumothorax ; l’embolie gazeuse est également une complication décrite des ponctions thoraciques33, 34. Le rein et le foie sont particulièrement à risque de saignement. La pancréatite post-ponction est décrite. L’infection est également une complication possible des ponctions et doit particulièrement être évitée (perforation digestive, infection osseuse). La dissémination tumorale sur le trajet est bien connue pour le CHC mais l’usage de technique coaxiale permet d’éviter cette complication 24 Ces complications sont souvent bénignes et ne nécessitent pas de traitement. Mais une hémorragie grave peut nécessiter une embolisation artérielle et un pneumothorax important doit être drainé. Aucune règle n’existe concernant la surveillance. En pratique, les patients sont le plus souvent pris en charge en externe ou en ambulatoire. Un patient fragile peut toutefois faire l’objet d’une courte hospitalisation. On retient toutefois que la plupart des complications aigues surviennent dans les premières heures qui suivent le geste et une surveillance d’au moins 4 heures après le geste est nécessaire (1h en cas biopsie superficielle). Une imagerie de contrôle immédiatement après le geste est toujours réalisée et il permet de détecter les complications (saignement, décollement pleural). Dans tous les cas, au moment de la sortie, il faut impérativement transmettre le compte rendu du geste effectué et un numéro d’appel joignable 24/24 pour renseigner le patient en cas de problème particulier lié à cette procédure. Conclusion : 1) Les biopsies des cancers du sein métastatiques sont justifiées à l’heure actuelle et risque de devenir indispensable en raison du développement des traitements ciblés. 2) En dehors des ponctions hépatiques et superficielles le guidage par scanner est le plus utilisé pour la réalisation de biopsies percutanées. Le choix revient tout de même au radiologue. 3) Le dossier médical (contexte clinique et analyses anatomo-pathologiques demandées) et radiologique sont requis pour définir la stratégie de ponction (cible, matériel, conditionnement). 4) La connaissance du matériel de biopsie utilisé est indispensable. 5) La gestion du risque hémorragique est un préalable à tout geste de radiologie interventionnelle. 6) L’information de la patiente est nécessaire concernant les risques et le bénéfice attendu est partagée par l’ensemble de l’équipe soignante. 7) Concernant la méthodologie, il n’y a finalement que deux règles à connaître c’est de toujours voir le bout de son aiguille et de parfaitement connaitre l’anatomie topographique. Ces deux conditions permettent d’éviter de ponctionner une structure dangereuse. Les progrès de la technique permettent une courte surveillance externe ou ambulatoire mais chaque patiente est différente et il ne faut pas hésiter à hospitaliser les patientes fragiles. 8) 25 BIBLIOGRAPHIE 1. Largillier R, Ferrero JM, Doyen J, Barriere J, Namer M, Mari V, et al. Prognostic factors in 1,038 women with metastatic breast cancer. Annals of oncology : official journal of the European Society for Medical Oncology / ESMO. 2008; 19(12): 2012-9. 2. Dawood S, Broglio K, Gonzalez-Angulo AM, Buzdar AU, Hortobagyi GN, Giordano SH. Trends in survival over the past two decades among white and black patients with newly diagnosed stage IV breast cancer. Journal of clinical oncology : official journal of the American Society of Clinical Oncology. 2008; 26(30): 4891-8. 3. Ewertsen C, Henriksen BM, Torp-Pedersen S, Bachmann Nielsen M. Characterization by biopsy or CEUS of liver lesions guided by image fusion between ultrasonography and CT, PET/CT or MRI. 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Modalité Echographie Avantage Disponibilité Limites Imagerie 2D Adaptée pour : Biopsie superficielles Non irradiant Echogénicité du patient (surpoids) (adénopathies, masses) Visualisation en profondeur mauvaise Foie Temps réel (Progression de l’aiguille) Tous les plans de coupe Scanner Disponibilité Rein Os, Poumon Irradiant (++ temps réel = fluoro-CT) Imagerie 3D Coupes millimétriques Poumon Os Injection de contraste parfois nécessaire Abdomen Mouvements respiratoires Pelvis Plan de coupe axial uniquement Scopie +/Scanner Artefact de pointe (retirer le mandrin) Imagerie 2D Poumon Irradiant Os Imagerie 3D Peu disponible Non irradiant Matériel de biopsie amagnétique couteux Accès sous phrénique (Surrénale, Dôme hépatique, Rein) Temps réel Guidage assisté par ordinateur Tables capteur plan Voies d’abord complexes Rapide IRM Temps réel Coupes supra-millimétriques Pancréas (contraste spontané) Tous les plans de coupe Artefact d’aiguille Abdomen (éviter les anses digestives) Pelvis 28 Tableau 2 : Conversion Gauge – Diamètre d’aiguille. La Gauge augmente quand le calibre diminue. GAUGE 10 13 14,5 16 18 20 22 DIAMETRE (en mm) 2.6 1.8 1.5 1.3 1 0.8 0.6 Tableau 3 : Gestion du risque hémorragique en radiologie interventionnelle. Bilan sanguin et médications. Type de geste Plaquettes TP - INR Aspirine Clopidogrel Héparines de Bas Poids Moléculaire Desmopressine Risque faible Risque modéré Risque élevé Biopsies et cytoAutres types de Biopsie rénale aspirations biopsie superficielles (thyroïde et ganglions) Un taux de plaquettes minimum de 50 000/microL est jugé nécessaire et suffisant pour l’ensemble des actes de RI. (transfusion de plaquettes si inferieur) Correction si > 2N Correction si > 1,5N Poursuite de la médication possible Arrêt de la médication 5 jours avant le geste. Poursuite de la Arrêt de la médication 5 jours avant le geste. médication possible Pas de prise de la dernière dose avant procédure Pas de prise des 2 dernières doses avant procédure ou arrêt d’au moins 24h Indiquée avant acte chez les patients hémophiles et Von Willebrand ou désordres plaquettaires liés à l’urémie, l’hépatopathie chronique. 29 Tableau 4 : Contraintes anatomo-pathologiques d’échantillonnage. MAXIMAL NÉCESSAIRE MINIMAL SUFFISANT Lésion non étiquetée (diagnostic initial) Lésion peu cellulaire (os condensé ou très nécrosée) Diagnostic lié à l’histo-architecture (tumeur osseuse bénigne, HNF) Analyses fondamentales au diagnostic : immunologiques (lymphome, néphropathie), cytogénétique (sarcome, sein) ou biomoléculaire. Etudes complémentaires futures envisagées Récidive tumorale ou localisation secondaire de primitif connu Lésion très cellulaire, non nécrosée Tableau 5 : Conditionnements prélèvements et analyses possibles. Conditionnement Frais Fixé Congelé Analyses Microbiologie, Virologie Morphologie Microbiologie limité (BAAR, Filaments) Immunohistochimie des récepteurs (sein : HER2, Œstrogène, progestérone) Morphologie Microbiologie limité (BAAR, Filaments) Immunohistochimie Biologie moléculaire (tissu microarrays) 30 Figure 1 : Le scanner interventionnel permet un guidage à l’aide de quelques coupes itératives. Un trajet de ponction en dehors du plan de coupe transverse du scanner donne un contrôle plus difficile du placement de l’aiguille (CAS A). La ponction dans l’axe transverse permet d’avoir l’ensemble de l’aiguille sur une seule coupe (CAS B). 31 Figure 2 : Logigramme décisionnel du type d’aiguille à utiliser. 32 Figure 3 : Prélèvement coaxial semi-automatique : A : L’aiguille d’accès coaxial constituée d’un canule (1) et d’un mandrin pointu (2) est positionnée au contact de la lésion cible. B : Le mandrin est remplacé par le pistolet à biopsie (3) et le stylet central est déplié dans la lésion. C : La guillotine périphérique (4) avance rapidement grâce à un ressort pour trancher une carotte de tissu. NB : Le prélèvement est dit automatique quand B et C sont réalisés en un seul temps. 33 Image 1 : Exemples d’aiguilles pour le prélèvement percutané : A : aiguille fine à pointe biseauté de PL 22G, 7,5cm B : système coaxial de biopsie, B1 mandrin pointu, B2 canule coaxiale 13,5G (B1+B2 = aiguille d’accès de 10cm), B3 = pistolet à biopsie semi-automatique avec chambre de prélèvement déployée 14G, 12,5cm C : aiguille de biopsie osseuse à pointe diamantée 14,5G 15cm D : aiguille pour biopsie osseuse type Jamshidi® avec mandrin biseauté retiré. 34 Image 2: Ponction d’une métastase pulmonaire par voie antérolatérale. Aiguille 20G, 15 cm coaxiale. Le coaxial est inséré un millimètre dans la lésion pour stabiliser le matériel de ponction (flèche). L’aiguille à guillotine est ensuite déployée avant d’activer la découpe. Cela permet d’objectiver la zone qui va être prélevée et la pointe de l’aiguille (tête de flèche). Si l’on de modifie plus la position de l’aiguille, il y aura 90% de la carotte dans le nodule et 10% en zone saine sur le bord controlatéral à la ponction. 35 Image 3 : Ponction d’une masse médiastinale postérieure guidée par scanner. Aiguille 18G coaxiale de 15cm. Pour refouler le replie pleural et permettre le passage para vertébral de l’aiguille on a injecté 20 ml de sérum physiologique (tête de flèche). 36 BILAN D'EXTENSION NECESSAIRE APRES DECOUVERTE D'UNE METASTASE D'UN CANCER DU SEIN Auteurs P. Taourel, C. Cyteval SIM Lapeyronie - CHU Montpellier 37 Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme dans les pays développés avec plus de 40 000 nouveaux cas par an en France et environ 10 000 morts chaque année. La très grande majorité des décès en rapport avec un cancer du sein est due à des métastases, en particulier osseuses, pulmonaires, hépatiques et cérébrales. Le processus métastatique est un processus complexe comprenant l'invasion de cellules tumorales à travers la membrane basale, leur passage dans le système vasculaire, la survie de ces cellules tumorales dans la circulation sanguine, la colonisation de la paroi vasculaire et l'extravasation des cellules tumorales dans les organes cibles, et enfin la croissance tumorale au sein des organes cibles pour former une métastase (1). L'objectif de cette mise au point est de rappeler l'épidémiologie et la fréquence des métastases dans les différents organes cibles, de décrire la séméiologie en imagerie des métastases du cancer du sein, et de proposer des stratégies diagnostiques tant au moment du diagnostic de cancer du sein pour le diagnostic et le bilan des métastases. I - Epidémiologie des métastases d'un cancer du sein Les métastases d'un cancer du sein sont plus fréquentes dans les grosses tumeurs, dans les tumeurs de grade III (2), et chez les femmes jeunes. Cependant, il existe un certain nombre de critères biologiques intrinsèques à la tumeur expliquant la survenue possible de métastases même dans des cancers du sein invasifs de taille infra-centimétrique. Les métastases de cancer du sein siègent de façon préférentielle au niveau de l'os, du foie, du poumon et du cerveau. La fréquence exacte des métastases de cancers du sein est difficile à évaluer car elle dépend d'une part du stade du cancer, et d'autre part du mode de recherche de la métastase avec, par exemple une proportion élevée de métastases dans les séries autopsiques qui ne répertorient, le plus souvent, que des patientes décédées d'atteintes néoplasiques. Cela explique, par exemple, le taux atteignant 20 % de métastases ovariennes de cancer du sein classiquement rapportées dans la littérature (2). De façon plus fiable, peuvent être évaluées les fréquences relatives des métastases de cancer du sein. Dans une série incluant 784 patients présentant des cancers du sein dits avancés, il a été retrouvé un taux de métastases osseuses de 48 %, de métastases hépatiques de 30 %, de métastases pulmonaires de 26 %, de métastases cérébrales de 7 % et de métastases pleurales de 7 %. Chez ces patientes présentant un cancer du sein avancé, 2/3 présentaient une métastase ganglionnaire (4). Les cancers du sein présentent classiquement des métastases dans environ 15 à 20 % des cas, au moment du diagnostic et, chez environ 60 % des patientes au moment de l'autopsie (1). Les métastases cérébrales sont en augmentation chez les patientes sous Herceptin car cette chimiothérapie ne franchit pas la barrière hématoméningée. Un certain nombre de métastases plus rares sont classiques dans les cancers du sein. Il s'agit, d'une part, des métastases ovariennes, près d'un tiers des métastases ovariennes sont d'origine mammaire, et d'autre part des métastases choroïdiennes. Les métastases aux autres organes tels que le rein, la rate ou l'utérus sont relativement rares. II - Sémiologie des métastases en imagerie 1. Les métastases osseuses L'os constitue donc le site métastatique le plus fréquent et représente le premier site métastatique chez près de la moitié des patientes (5). Les signes cliniques des métastases osseuses sont les douleurs osseuses, les fractures pathologiques, l'hypercalcémie et ses signes fonctionnels, et les signes de compression médullaire. Les métastases osseuses siègent préférentiellement là où existe de la moelle hématopoïétique, c'est-à-dire au niveau du squelette axial et affectent en première intention le rachis pour le cancer du sein. 38 Les métastases osseuses du cancer du sein sont le plus souvent ostéolytiques ou mixtes, plus rarement ostéocondensantes. Elles sont plus souvent multiples qu'uniques. La scintigraphie osseuse constitue l'examen le plus souvent employé dans la détection des métastases osseuses. La fixation scintigraphique dépend de l'activité ostéoblastique locale en première intention et du flux sanguin local. La scintigraphie est sensible pour détecter les métastases osseuses du cancer du sein. Les faux négatifs sont assez rares, rencontrés dans les métastases ostéolytiques pures, de croissance rapide ou lorsque le site métastatique est avasculaire (nécrose). En revanche, la spécificité est moyenne avec des faux positifs en rapport avec des processus traumatiques ou inflammatoires. Il est classiquement admis que même chez une patiente présentant un cancer ostéophile, environ 1/3 des fixations sont bénignes et ce taux est encore plus élevé si l'hyperfixation est costale et isolée. En dehors des faux négatifs relativement rares et des faux positifs plus fréquents, la scintigraphie osseuse rencontre d'autres problèmes. Le suivi de la réponse tumorale est difficile en particulier dans les premiers mois puisque la réponse tumorale s'accompagne d'une augmentation de la fixation en scintigraphie du fait de la néo-formation osseuse formée par le processus de réparation. Aussi, la différenciation entre un phénomène de réparation et une aggravation des lésions est difficile pendant les 6 mois qui suivent la fin du traitement. En radiologie conventionnelle, les lésions osseuses secondaires dans le cancer du sein sont de type ostéolytique ou mixte plus souvent que condensant. Les lésions ostéolytiques sont bien limitées ou bien présentent un aspect mité ou perméatif, elles sont plus souvent de siège intra-médullaire mais peuvent être de siège intra-cortical se traduisant par une ostéolyse corticale excentrée, ou par une destruction complète de la corticale. Les lésions mixtes s'accompagnent souvent d'une réaction périphérique condensante. Les métastases rachidiennes se traduisent par une disparition d'un contour cortical et par un tassement vertébral. Les disques inter-vertébraux sont classiquement épargnés par ces métastases. Tout tassement situé au dessus de D4 en dehors d'un contexte traumatique très franc doit être considéré comme suspect jusqu'à preuve du contraire. La radiologie conventionnelle est moins sensible (sensibilité autour de 50 %) que la scintigraphie pour le diagnostic de métastases osseuses. Aussi, les indications de radio conventionnelle sont réservées aux patientes présentant une symptomatologie clinique qui oriente le siège de la radiographie et aux patientes présentant une lésion possible en scintigraphie. La réponse tumorale est difficile à évaluer en radiologie conventionnelle. La tomodensitométrie est nettement supérieure à la radiologie conventionnelle en particulier pour l'étude du rachis ; sa sensibilité est supérieure à 80 %. Elle permet de dépister des lésions métastatiques au sein de la moelle avant que la destruction osseuse soit visualisée en radiologie. Elle permet une évaluation fiable de la réponse tumorale dans les lésions lytiques bien limitées. L'IRM est vraisemblablement la technique la plus sensible pour dépister l'infiltration tumorale de la moelle osseuse. Elle dépiste cette infiltration avant la détection scintigraphique de la réaction ostéoblastique associée aux métastases. L'utilisation des séquences en diffusion peut être utile pour des bilans corps entiers de métastases, et l'injection de produit de contraste peut permettre de différencier une tumeur viable de tissu nécrotique et donc de mieux évaluer la réponse tumorale. Le Pet scanner est complémentaire de la scintigraphie osseuse puisqu'il lui est supérieur pour détecter les lésions lytiques mais qu'il rencontre des échecs pour diagnostiquer les lésions condensantes (à activité ostéoblastique) bien vues en scintigraphie (6). 2. Les métastases hépatiques Les métastases hépatiques de cancer du sein sont le plus souvent métachrones et plus rarement synchrones. Elles sont en général hypoéchogènes sous forme de nodules multiples ou de plages infiltrantes et exceptionnellement hyperéchogènes. En tomodensitométrie, les lésions sont le plus souvent hypodenses au temps portal ; dans moins d'un quart des cas, elles ont une hypervascularisation individualisable à leur 39 phase artérielle. Cependant, dans une série de 300 patientes où 26 % avaient des métastases hépatiques (7), la phase artérielle n'a dépisté des lésions supplémentaires que chez moins de 5 % des patientes, patientes pour lesquelles la phase portale avait déjà permis de visualiser d'autres lésions hépatiques et de faire le diagnostic de maladie métastatique. Or, dans la prise en charge thérapeutique du cancer du sein métastatique, pour lequel un geste de réduction hépatique n'est pas recommandé, l'individualisation de l'ensemble des lésions hépatiques chez une patiente qui a déjà une métastase hépatique a peu d'impact thérapeutique. De façon classique mais rare, une infiltration diffuse avec des remaniements vasculaires et fibreux et une dysmorphie hépatique donnant un aspect de cirrhose hépatique peut être rencontré dans les métastases de cancer du sein, en particulier si une chimiothérapie est associée. Par ailleurs, une augmentation ou une diminution de la taille des métastases hépatiques au cours de l'évolution sous traitement s'accompagnent souvent d'une rétraction hépatique (8). Les patientes sous Tamoxifène vont développer dans plus de 40 % des cas une stéatose hépatique (9) qui, lorsqu'elle est nodulaire, ne devra pas être confondue avec des métastases hépatiques. Cette stéatose régresse le plus souvent à l'arrêt du traitement. En pratique clinique, chez une patiente qui présente un cancer pour lequel des lésions hépatiques sont découvertes, la caractérisation de petites lésions (inférieures à 1,5 cm de diamètre) est un problème fréquent et difficile. Elle correspondent dans la majorité des cas à des lésions bénignes (kyste biliaire, angiome ou hamartome), et dans le cas contraire seule l'augmentation de taille de la lésion permettra d'affirmer sa nature métastatique (10, 11). 3. Métastases pulmonaires. Les métastases pulmonaires des cancers du sein surviennent à la fois par voie hématogène et lymphatique. Tous les aspects radiologiques des métastases pulmonaires sont observés, isolément ou en association avec d'autres atteintes comme l'atteinte musculaire pariétale (12), médiastinale ou ganglionnaire. Les métastases pulmonaires se présentent typiquement sous la forme de nodules parenchymateux, multiples, prédominant à la périphérie des parenchymes, parfois excavés en particulier chez les patients sous chimiothérapie. La deuxième forme de présentation des lésions secondaires pulmonaires est celle d'une lymphangite carcinomateuse qui, bien que classiquement bilatérale, peut être unilatérale dans le cadre du cancer du sein. La tomodensitométrie retrouve des épaississements nodulaires et irréguliers des septas interlobaires et du tissu interstitiel péri-bronchovasculaire. Les métastases pulmonaires se présentent plus rarement sous la forme d'un nodule parenchymateux unique. La découverte d'un nodule parenchymateux unique chez une patiente présentant un cancer du sein n'est pas toujours en rapport avec une métastase pulmonaire. Dans une série incluant 1416 patientes avec un cancer du sein (13), 3 % avaient une lésion parenchymateuse pulmonaire unique vue à la radiographie du thorax. Cette lésion correspondait dans 52 % des cas à un cancer primitif du poumon, dans 5 % des cas à une lésion bénigne et dans 43 % des cas à une lésion métastatique. Les métastases endobronchiques représentent une forme rare de métastases en règle générale. Néanmoins, parmi les métastases endobronchiques, 2/3 sont dus à des cancers du sein et ce type de lésions devrait être recherché devant tout aspect de pneumopathie qui peut être en fait en rapport avec un collapsus segmentaire ou lobaire, conséquence d'une métastase bronchique obstructive. 40 En dehors du parenchyme pulmonaire et des ganglions médiastinaux, le cancer du sein peut diffuser à la plèvre avec un aspect de métastases pleurales associant un épanchement pleural et un épaississement de la plèvre pariétale ou viscérale, ou au péricarde et de façon beaucoup plus exceptionnelle au myocarde. 4. Métastases cérébrales Bien que donnant plus rarement des métastases cérébrales que des métastases osseuses ou hépatiques, le cancer du sein constitue la deuxième cause de métastases cérébrales. Les métastases cérébrales sont rarement isolées et le plus souvent associées à des métastases pulmonaires ou hépatiques. Elles constituent un facteur péjoratif fort avec des une série incluant 198 patientes avec métastase cérébrale d'un cancer du sein une survie moyenne de 5 mois et demi qui atteignait cependant 15 mois en cas de résection chirurgicale ou par gamma-knife (14). La symptomatologie, lors du diagnostic des métastases cérébrales, comporte principalement des céphalées, des crises comitiales, des troubles cognitifs, un syndrome déficitaire, plus rarement une paralysie des nerfs crâniens ou un syndrome cérébelleux. Les métastases cérébrales sont diagnostiquées par la tomodensitométrie et l'IRM. Elles sont uniques dans un quart des cas et multiples dans trois quart des cas. En tomodensitométrie, les métastases se présentent comme des lésions souvent arrondies, spontanément hypodenses, rehaussées par le produit de contraste et entourées d'une hypodensité correspondant à de l'œdème péri-lésionnel. En IRM, l'aspect est habituellement hypo ou iso-intense en séquence pondérée en T1 sans injection, en hypersignal sur les séquences pondérées en T2. Après injection de gadolinium, le rehaussement des métastases est souvent arrondi, et peut prendre un aspect homogène, hétérogène ou en cocarde. Les métastases uniques sont difficiles à différencier d'un gliome. L'IRM est plus sensible que la tomodensitométrie dans le dépistage de métastases cérébrales et devra être réalisée préférentiellement à cette tomodensitométrie en cas de suspicion clinique de métastases cérébrales (15). En dehors des métastases cérébrales, les métastases méningées constituent une complication métastatique en augmentation dans le cancer du sein (16). Elles se manifestent le plus souvent par une faiblesse des membres inférieurs accompagnés de paresthésies, auxquelles peuvent être associés d'autres signes neurologiques témoignant de lésions secondaires du système nerveux central. L'IRM recherchera un rehaussement anormal méningé. Les métastases osseuses, hépatiques, pulmonaires ou cérébrales constituent plus de 95 % des métastases de cancer du sein. Néanmoins, les métastases d'un cancer du sein peuvent toucher d'autres organes comme le péritoine ou les muscles. Citons comme cause classique de métastases de cancer du sein la choroïde et les ovaires. La choroïde représente le site le plus fréquent des métastases oculaires et les cancers du sein, constitue la cause la plus fréquente de métastases oculaires (17). Le cancer du sein constitue après le tube digestif la deuxième cause de métastases ovariennes. Devant une lésion tumorale tissulaire ovarienne, chez une patiente présentant un cancer du sein, le problème posé restant celui de différencier une métastase d'un cancer primitif ovarien associé, d'autant plus que les cancers du sein et de l'ovaire ont la même épidémiologie. 41 III - Stratégie diagnostique : quelle imagerie utiliser, dans quelles situations ? Les indications et le rôle de l'imagerie dans le diagnostic de métastases de cancer du sein (le suivi n'entrant pas dans le cadre de ce cours) dépendent de la situation clinique de la patiente et trois situations doivent être individualisées : 1. la recherche d'autres métastases après découverte d'une métastase d'un cancer du sein 2. la recherche de métastases chez une patiente symptomatique 3. la recherche de métastase chez une patiente asymptomatique 1. La recherche d'autres métastases après découverte d'une métastase d'un cancer du sein. Dans cette situation clinique, la question posée peut se diviser en : a) Faut-il faire un bilan d'extension morphologique le plus précis des métastases présentes ? b) Si un bilan morphologique précis est nécessaire, quel type d'imagerie doit être utilisé ? L'intérêt du bilan d'imagerie le plus précis possible se discute en terme d'impact sur la prise en charge thérapeutique et impact sur la qualité du suivi et de l'évaluation de l'efficacité d'une chimiothérapie. L'impact thérapeutique de la découverte d'autres métastases chez une patiente présentant une métastase de cancer du sein existe si le nombre de métastases fait changer la chimiothérapie d'une part, ou bien si une indication chirurgicale portée notamment dans le cadre d'une métastase hépatique apparemment unique sur le foie. Si un traitement non systémique, par exemple par une chirurgie localisée d'une tumeur du foie ou bien par radiofréquence de lésions secondaires hépatiques ou pulmonaires est envisagée, il est indispensable de faire le bilan morphologique le plus précis possible de la maladie métastatique. Dans le cadre d'une thérapie systématique de type chimiothérapie envisagée, le bilan morphologique métastatique a moins d'impact, en particulier sur le type de chimiothérapie ou sa durée. En revanche, dans le cadre du suivi, un bilan thoraco-abdomino-pelvien et cérébral est recommandé chez une patiente pour laquelle une métastase de cancer du sein a été mise en évidence. La deuxième question pertinente est quel type d'imagerie proposer pour la recherche d'autres métastases chez cette patiente chez laquelle a déjà été découverte une métastase de cancer du sein. Aujourd'hui, l'imagerie la plus performante en terme de compromis/Sensibilité/Spécificité est le Pet Scanner. Il évite les faux négatifs de la scintigraphie osseuse dans les lésions lytiques, et surtout les faux positifs dans toutes lésions bénignes avec reconstruction. Il est également plus performant que le scanner thoracique ou abdominal pour le diagnostic de métastases hépatiques ou pulmonaires. Pour les métastases hépatiques, dans une série de 43 patients consécutives avec une métastase hépatique unique sur l'imagerie conventionnelle (échographie/TDM) correspondant à un cancer colo-rectal, un cancer du poumon, un cancer de l'ovaire ou bien un cancer du sein (6 cas de cancers du sein), le Pet Scanner visualisait d'autres lésions chez 12 patientes, et changeait donc la prise en charge thérapeutique (18). Ce travail montre également que la sensibilité du Pet Scanner était plus liée à l'activité métabolique qu'à la taille de la lésion. Aussi dans ce cadre là, et si une thérapeutique locale est envisagée, un Pet Scanner corps entier semble être la technique à recommander. En revanche, lorsqu'une thérapeutique systématique de type chimiothérapie est envisagée, un scanner thoraco-abdomino-pelvien et cérébral, après injection de produit de contraste, en coupes fines, avec reconstructions en MIP du scanner thoracique, nous paraît suffisant. Ce scanner servira de référence pour le suivi dans le cadre d'une maladie métastatique de cancer du sein. 42 2. La recherche de métastases chez une patiente symptomatique, Devant une suspicion de métastases osseuses, il sera réaliser une radiologie conventionnelle localisée sur le site douloureux ou fracturaire et un scanner ou une IRM, le scanner étant plus souvent proposé pour les lésions des membres et de la paroi thoracique et l'IRM pour les lésions du rachis. Devant une suspicion de métastases hépatiques, le couple échographie-scanner est certainement le plus performant, en terme de coût-efficacité, et la place de l'IRM dans le dépistage de métastase hépatique reste à démontrer. Pour une suspicion clinique de lésions pulmonaires, une radiographie du thorax et surtout un scanner thoracique devront être réalisés. Pour une suspicion clinique de lésions secondaires cérébrales, l'IRM est plus performante que la tomodensitométrie. 3. La recherche d'une métastase chez une patiente asymptomatique. Dans la pratique clinique, la stratégie d'imagerie chez une patiente présentant un cancer du sein récemment diagnostiqué et sans symptôme clinique en faveur d'une métastase, incluait dans un certain nombre de pays, des bilans d'imagerie systématique. Ainsi, le registre italien retrouve 81 % de scintigraphies osseuses réalisées dans le bilan d'extension des cancers du sein jusqu'à l'an 2000 (19). Une imagerie systématique dans le bilan d'extension à distance d'un cancer pourrait être défendue par le fait que près de 25 % des patientes présentant un cancer opérable vont développer des métastases métachrones dans le suivi de leur maladie. Cette donnée plaide pour l'existence d'une maladie microscopique ou passée inaperçue au moment du diagnostic de cancer du sein. Un certain nombre de travaux ont évalué l'efficacité de la recherche de métastases chez une patiente asymptomatique au moment du diagnostic de cancer du sein. Les tests évalués ont été la scintigraphie osseuse pour la recherche de métastases osseuses, l'échographie pour la recherche de métastases hépatiques et la radiographie du thorax pour la recherche de métastases pulmonaires. Dans le recherche de métastases hépatiques, une étude rétrospective française conduite par Bruneton et al (20) incluant 6649 patientes avec un cancer du sein opérable a démontré un taux de détection de métastases hépatiques de seulement 0,51 %, ne justifiant pas du fait des faux positifs associés l'échographie systématique dans le dépistage de métastases hépatiques. Le même type de résultat a été retrouvé pour la radiographie pulmonaire, avec dans une étude incluant 1493 patientes présentant un cancer du sein de stade 1 ou 2, un taux de détection de cancer du poumon de seulement 0,1 % au moment du diagnostic du cancer (21). Des résultats négatifs ont été également rapportés dans la recherche de métastases osseuses avec dans une étude rétrospective incluant 3627 patientes (22) un taux de détection de seulement 0,9 % de métastases osseuses sur la scintigraphie osseuse, variant entre 0,18 % et 1,46 % en fonction du stade de la maladie. Cependant, l'efficacité de la scintigraphie osseuse, chez les patientes présentant une maladie de stade III, a été réévaluée et atteindrait jusqu'à 16 % (23). 43 Un certain nombre d'études ont évalué l'efficacité d'une stratégie diagnostique associant de façon conjointe une radiographie du thorax, une échographie hépatique et une scintigraphie osseuse au moment du diagnostic de métastases de cancer du sein. L'étude allemande de Gerber (24) inclut 1198 patientes avec un cancer du sein dont 28 % sont de stade IIb ou de stade III. Les examens d'imagerie retrouvent des lésions métastatiques chez 2,8 % des patientes de siège le plus souvent osseux, puis hépatique. Ils montrent d'autre part des lésions classées comme suspectes chez 12 ,1 % des patientes. Parmi les patientes ayant des lésions suspectes, seules 5,4 % auront une lésion métastatique. L'imagerie n'aura donc dépisté une maladie métastatique que chez 3,4 % des patientes et aura induit les faux positifs chez plus de 10 % des patientes. Les métastases étaient le plus souvent rencontrées chez des patientes présentant une tumeur volumineuse ou des ganglions axillaires envahis d'autant plus qu'ils étaient nombreux. Dans l'étude italienne de Ravaioli (25) incluant 1218 patientes, dont 27 % avec un cancer de stade 2b ou 3, une métastase a été dépistée par l'imagerie chez 4,6 % des patientes. Une taille importante de la tumeur et des ganglions envahis d'autant plus qu'ils sont nombreux représentaient un facteur de risque significatif de métastases. Les recommandations nordaméricaines proposées en 2006 (26) tiennent compte de ces données et ne recommandent pas une imagerie systématique dans le bilan d'extension métastatique d'un cancer du sein. Cette imagerie doit être réalisée s'il existe des signes fonctionnels évocateurs de maladie métastatique, en cas de perturbations du bilan biologique hépatique et dans les tumeurs de stade III. Dans les tumeurs de stade IIa ou IIb, le dépistage par imagerie d'une maladie métastatique est optionnel, mais de nombreuses équipes réalisent des scintigraphies osseuses, en particulier dans les stades IIb. Etant donné le fréquence (30 %) des maladies métastasiques métachrones dans le cancer du sein, il était normal que la place de l'imagerie en suivi pour le diagnostic précoce de métastases soit évaluée. Deux études de référence largement citées, italiennes, multicentriques, randomisées publiées dans le JAMA en 1994 (27, 28), ont évalué l'impact sur la survie d'une stratégie incluant un suivi clinique et mammographique, versus une stratégie incluant en plus une imagerie à la recherche de métastase avec scintigraphie osseuse, échographie hépatique et radiographie du thorax. Chez les patientes ayant un suivi par imagerie, il a été détecté un taux plus élevé de métastases isolées thoraciques, osseuses ou hépatiques. En revanche, en terme de mortalité à 5 ans, il n'y avait aucune différence significative entre les patientes suivies par examen clinique et mammographie et les patientes ayant en plus un suivi par imagerie pour le dépistage précoce de métastases. La méta-analyse récente conduite par la Librairie Cochrane (29) reprend 4 études randomisées comparatives, bien conduites, parmi lesquelles les deux sus-citées sont largement dominantes, elle conclut que le simple suivi local par un examen clinique et une mammographie est aussi performant (en terme de survie globale et de qualité de la survie) qu'une stratégie incluant en plus une surveillance biologique, une radiographie du thorax, une échographie hépatique et une scintigraphie osseuse. En résumé, les arguments plaidant contre le bilan systémique par imagerie sont : l'absence de gain en survie démontré à un diagnostic plus précoce et le taux important de faux positifs induits par une stratégie de dépistage de métastase par l'imagerie. Les recommandations émises en 2007 par le National Comprehensive Cancer Network sont les suivantes : - Rx thorax pour les stades 1 - Rx thorax + scintigraphie osseuse pour les stades 2 N+ avec TDM thoracique + écho ou TDM abdominale en option - TDM thoraco-abdomino-pelvien + scintigraphie osseuse pour les stades 3 et 4 - Pet Scan en option. 44 Il faut néanmoins noter que ces conclusions sont basées sur des travaux incluant des patientes traitées par chimiothérapie il y a 15 à 20 ans et que ces attitudes devraient impérativement être évaluées avec les chimiothérapies données aujourd'hui, plus efficaces et mieux tolérées d'une part et avec des modalités d'imagerie plus spécifique : TDM et surtout Pet TDM. Bibliographie 1. 2. Lu X, Kang Y. Organotropism of breast cancer metastasis. J Mammary Gland Biol Neoplasia 2007, in press. Porter GJR, Evans AJ, Pinder SE et al. Patterns of metastatic breast carcinoma : influence of tumour histological grade. Clinical Radiology 2004;59:1094-8. 3. 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VARIATIONS PHENOTYPIQUES ET GENOTYPIQUES ENTRE LA TUMEUR PRIMITIVE ET LES METASTASES DES CANCERS DU SEIN. CONSEQUENCES SUR LA PRISE EN CHARGE. Auteur Jean-Marc GUINEBRETIERE, Service de Pathologie Hôpital René-Huguenin institut Curie, 35, rue Dailly 92210 St Cloud 47 Il est estimé qu’environ un tiers des cancers infiltrants du sein va développer secondairement des métastases à distance. Le traitement général qui sera institué sera choisi en fonction des caractéristiques de la maladie métastatique et de l’immunophénotype, Her2 et les récepteurs hormonaux, établi à partir de la tumeur primitive. Il est en effet considéré que ce statut est préservé au cours de la maladie métastatique et que l’évaluation de la tumeur primitive est un bon reflet de celui de la maladie métastatique. De nombreuses publications ont étudié les différences d’expression de ces marqueurs entre tumeur primitive et leurs métastases et certaines, récentes, remettent en cause ce précepte et propose au vu des discordances d’évaluer systématiquement les métastases, ce qui modifierait considérablement la prise en charge de ces patientes. Différents essais sont en cours pour évaluer cette approche. Nous analyserons les différentes publications et les différences rapportées, leurs causes potentielles et l’impact sur la prise en charge. 1 Quelles sont les variations rapportées entre tumeur primitive et les métastases ? Les comparaisons publiées entre tumeur primitive initiale et métastases à distance concernent principalement les récepteurs hormonaux (RH) et Her2. Les premières publications datent des années 1980 (1)et aujourd’hui leur nombre dépasse 50, concernant plusieurs centaines de patientes. Elles mettent à jour des différences très variables, allant de 3% (2)à 45 % (3)pour les RH (tableau 1) et de 0 (4)à 28,5 % (5) pour Her2 (tableau 2). Pourquoi une telle amplitude de variations entre ces études ? Différentes causes peuvent être avancées : - La première et probablement la principale tient à ce que les prélèvements histologiques des métastases sont peu nombreux et sont réalisés dans des circonstances bien particulières, comme au moment du diagnostic de cancer du sein (métastatique d’emblée) ou durant le suivi s’il existe un doute diagnostique ou bien à des fins thérapeutiques (évacuation d’un épanchement de plèvre ou ascite), si bien que leur nombre est peu important représentant souvent moins de 10% de l’ensemble de la population métastatique dont ils ne sont aucunement représentatifs. Le faible nombre des prélèvements et les indications, différentes selon les études,expliquent une large partie des variations rapportées. Pour enrichir le nombre de patients, certaines équipes intègrent les métastases ganglionnaires et les récidives locales mais qui ne correspondent pas à la même réalité clinique et biologique, soit élargissent les périodes d’inclusion ce qui induit une hétérogénéité liée à la prise en charge thérapeutique qui a varié dans le temps, soit enfin en recrutant de multiples centresmais aussi source d’hétérogénéitépour les indications et les techniques de prélèvements des métastases. - La seconde est technique car différentes méthodes d’évaluation de ces marqueurs se sont succédées et coexistentencore aujourd’hui, l’immunohistochimie sur coupe entièreou par tissu micro-array, l’hybridation in situ par fluorescence (FISH) ou par chromogène (CISH et SISH), la biochimie (dextrancoatedcharcoal, radioligandimmunoassay),la RT PCR et les microarrays, etc. La méthode référence a changé à plusieurs reprises et chacune des techniques a progressivement évolué avec une amélioration régulière de leur 48 sensibilité mais aussi de leurs valeurs seuils.Si certaines études ont effectué à nouveau les tests de l’ensemble des tumeurs et des métastases avec la même technique ou une combinaison de techniques, de nombreuses études notamment celles incluant un nombre élevé de patientesont utilisé les données initiales recueillies des dossiers cliniques d’origine pour la tumeur initiale et la métastase, sans réévaluation standardisée. Elles correspondent le plus souvent à des techniques différentes qui ne répondent plus aux standards actuels de qualité, que ce soit en biologie comme la méthode « dextrancoatedcharcoal » ou « radioligandimmunoassay », le type d’anticorps pour l’immunohistochimie dont la sensibilité et la spécificité se sont améliorées, le type de sonde pour la Fish (Her2 seule ou couplée avec le centromère du chromosome 17) ou enfin le seuil de positivité (ASCO). Ces variations de techniques induisent à elles seules une variation non négligeable. Quels sont les résultats pour Her2 et les RH ? Si l’on considère les différentes études publiées, ce sont celles ayant utilisé les données d’origine qui ont identifié les discordances les plus élevées, double voire triple des autres. Pour éviter ces biais liés à l’hétérogénéité et la variabilité des techniques, nous ne prendrons en compte que les études qui ont testé à nouveau le marqueur et de façon centralisée. Pour Her2, les discordances rapportent des taux autour de 10 %, avec un peu moins de perte d’expression que de gains. Une étude(6) a évalué qu’une moitié des discordances tenait à l’hétérogénéité de la tumeur, c'est-à-dire la présence de populations dont l’expression est différente, non décelée initialement. L’autre moitié tient à des problèmes de seuil du test considéré, ce qui renforce les modifications des critères de positivité proposées par le groupe expert de l’ASCO pour Her2. Lorsqu’on les prend en compte, le taux de discordance ne dépassait pas 5 % (6). Pour les RH, les discordances sont plus importantes, de l’ordre de 15 % pour les RE et de 35 % pour les RP. L’expression diminue oudisparaît alors que les gains d’expression sont plus rares. L’évolution observée le plus fréquemment est d’abord une disparation des RP puis une diminution des RE. Les gains d’expression sont plus rares. Quelle est l’influence de la technique et du seuil de positivité ? Pour évaluer l’influence de la technique dans l’exemple d’Her 2, il n’existe pas de différences significatives entre l’IHC et l’hybridation in situ lorsqu’elles sont réalisées sur tous les cas de la même série. Avec l’hybridation, il est toutefois noté un nombre plus faible de discordance. Le seuil a par contre une influence comme le montre l’étude d’hoefnagel (7): pour un seuil de positivité défini à 10% des noyaux marqués pour les récepteurs hormonaux, le taux de discordance est de 10,3% et 30% alors qu’avec un seuil de 1% de noyaux marqués, le taux est plus élevé et atteint respectivement 15,1% et 32,6% pour les RE et les RP. L’effet sur l’évaluation quantitative n’est que très rarement évaluée. Gong observe pour les récepteurs hormonaux une concordance dans 94,5% des cas (8). 49 2 Qu’en est-il des autres données biologiques ? Si d’autres marqueurs ont été analysés soit isolément soit en association avec Her2 et les RH,ils ne concernent qu’un nombre limité de patients et davantage des métastases ganglionnaires que viscérales. Il s’agit de la p53(4, 9), EGFR(10), Cyclin D1 (10), bcl2 (11)qui ne présentent pas ou peu de différence, PIK3CA(12), Pten(12), bax(11), ki67 (9)qui diffèrent dans 20 à 25% et akt/mTor(13), fas et fasL(11)dont l’expression change dans la moitié des cas entre tumeur primitive et sa métastase. Concernant les voies biologiques, Weigelt a évalué la stabilité du profil d’expressiongénique lors de la maladie métastatique pour 9 patientes(14). A partir des fragments congelés, elle a pu analysé par microarrayl’expression de plus de 15000gènes pour chaque paire, tumeur et métastase. Il existe une grande stabilité de l’expression sur cet échantillon toutefois de taille restreinte. A partir de ces données moléculaires Weigelt a pu secondairement établir pour 7 des 9 patients la signature mammaprint® et pour 5 de ces patients qu’elle a enrichi de 5 nouveaux patients le type moléculaire et qui s’avèrent tous 2 conservés dans les métastases (15). Les données immunohistochimiques laissent toutefois pressentir davantage de modifications de cette classification moléculaire dont le profil le plus stable correspond aux tumeurs triple négatives (9). Utilisant des techniques de séquençage haut débit,Ding a analysé 4 échantillons de la même patiente correspondant à sa tumeur primitive de type basal-like, une métastase cérébrale , la xénogreffe obtenue à partir de sa tumeur et du sang périphérique (16). L’analyse révèle comme attendu, que ce type tumoral particulier car génétiquement instable comporte de très nombreuses anomalies notamment des mutations. La métastase comporte 2 mutations de novo et une délétion supplémentaire et est enrichie en 20 mutations. La fréquence différentielle des mutations et les anomalies structurelles de la métastase comparée à la tumeur primitive et métastases leur font conclure que les lésions secondaires se développent à partir d’un contingent minoritaire de la tumeur primitive. 3 Quelle est l’influence du traitement sur l’expression des différents marqueurs ? Pour les récepteurs hormonaux, on sait que les modifications concernent d’abord les RP qui peuvent disparaître puis les RE. Il ne semble pas que les modifications soient induites par la prescription d’une chimiothérapie, qu’elle soit néoadjuvante ou adjuvante(8, 17). Si les RE sont les plus étudiés, ce n’est pas le cas pour les RP dont une étude a prouvé l’influence de la chimiothérapie qui diminue son expression (18). L’hormonothérapie semble également ne pas modifier significativement le niveau d’expression bien que les données soient moins nombreuses(19),(8),(17). Pour Her2, les modifications liées à la chimiothérapie semblent faibles (20) mais elles sont surtout évaluées en néo-adjuvant (21, 22)et pour un nombre limité de patients, la perte d’expression serait plus fréquente. Pour le trastuzumab, 2 études dont l’une récente (20)et rétrospective qui a comparé 2 groupes de patientes avec et sans trastuzumab. Elle n’a pas identifié de différence de modification d’her2 selon le type de traitement reçu. La seconde étude(23) a analysé les lésions survenues en cas de progression sous trastuzumab (16 patientes). Elle montre une stabilité globale mais pour une petite catégorie de patientes (6/16) une disparition de l’expression qui serait associée à un TTP statistiquement plus court. Les auteurs privilégient comme hypothèse la possibilité d’une hétérogénéité tumorale plus que de l’émergence de clones secondairement résistants. 50 4 Le site de la métastase a t’il une importance ? Ces études n’ont évalué généralement qu’un seul site métastatique et souvent le plus accessible, la récidive locorégionale, cutané ou ganglionnaire. La concordance est un plus importante entre tumeur primitive et les métastases ganglionnaires et les récidives locales qu’avec les métastases à distance, bien qu’elle ne soit pas toujours statistiquement significative voire même constante (8). Existe t’il des différences selon le site de métastases viscérales ? C’est le cas des lésions osseuses mais pour des raisons techniques car la décalcification nécessaire pour permettre leur analyse microscopique, altère les cellules et le niveau d’expression des différents marqueurs peut diminuer voire disparaître (24). Pour les autres localisations il n’existe que peu de données. Il est noté une plus grande fréquence de la disparition des RE pour le foie et le cerveau et pour les PR au niveau du cerveau, du foie et les localisations gastro-intestinales (7). L’expression est-elle identique entre différents sites métastatiques ? Les données sont encore plus parcellaires. Dans la série de Gancberg(25), l’évaluation a porté sur plusieurs sites pour 17 des 100 patientes, avec une discordance entre sites pour 3 patientes (17%). L’analyse de la concordance de l’ensemble des sites d’une même patiente concerne moins d’une cinquantaine de patients issus principalement de séries autopsiques et dont seulement une douzaine avait une tumeur primitive Her2+. Il semble exister une homogénéité de l’expression (26, 27)pour les RH et Her2 (moins de données) sauf lorsque la tumeur est elle-même hétérogène. On rappelle que sur le plan biologique, la localisation à un site métastatique donné serait liée à une expression différentielle de cytokines (cxcr4, ccr7, cxcl12, ccl21, sdf1) et leur croissance s’effectuerait par des voies biologiques différentes (TGFβ, NFκB, PARs) ce qui traduit une hétérogénéité que peut parfois constater l’oncologue lors de réponse thérapeutique différentielle d’un site à l’autre pour une même patiente. Seule une comparaison systématique entre tumeur initiale et tous les sites métastatiques de patientes, difficile à proposer en dehors d’études autopsiques, pourrait permettre de répondre à cette question. 5 Quelles sont les répercussions sur la prise en charge ? S’il fallait biopsier systématiquement les métastases pour évaluer leur caractéristiques biologiques et établir la thérapeutique, quelles en seraient les conséquences ? Deux études prospectives publiées, conçues de façon similaire en apportent différentes réponses(28, 29). Elles proposaient aux patientes vues en consultation pour une suspicion de récidive locale ou à distance, la réalisation d’un prélèvement biopsique destiné à évaluer les modifications d’expression pour les RH et Her2 et les répercussions sur la prise en charge. Les tests immunohistochimiques étaient centralisés aussi bien pour la récidive que pour la tumeur initiale qui était testée à nouveau. La première est canadienne et monocentrique(28). Elle se caractérise par un faible recrutement, 49 patientes approchées sur la période d’inclusion d’1 an dont 9 refus (18%). Parmiles 40 ayant signé le consentement, 3 se révélèrent avoir des lésions non accessibles, 2 ont vu leurs lésions disparaître spontanément et sur les 35 patientes biopsiées, 29 seulement avaient un prélèvement représentatif. 51 Concernant le résultat histologique, 3 biopsies ont concerné une lésion bénigne, 1 un lymphome. Parmi le 25 couples tumeur/métastase, 10 sont discordants, 3 pertes de RE, 7 perte de PR et 2 gains d’her2. Les modifications de la thérapeutique ont concerné 6 patientes, 3 ayant une lésion bénigne, celle avec le lymphome et les 2 patientes avec une hyper expression d’her2. La perception des patientes étaient positives avec toutefois des douleurs rapportées et surtout un retard dans la prise en charge liée à la programmation des biopsies qui excédait 30 jours pour 2 patientes. La seconde, réalisée en Angleterre (BRITS) a été conduite dans 20 centres différents pendant une période d’un an (29). Parmi les 205 patientes incluses, 37 furent rejetées pour des problèmes de procédure, 18 autres en raison de l’absence de récidive prouvée sur la biopsie, 2 par impossibilité technique de prélèvement et 18 par matériel biopsique insuffisant, soit au final un total de 135 paires tumeur/métastase analysables. L’évaluation des marqueurs s’est fait non pas sur lame entière mais par tissu microarray. Une modification de l’un des marqueurs était présent pour 34 des 137 patientes (24,8%), 3 (2,9%) concernaient Her2 (2 apparitions d’amplification, 1 perte), 14 (10,2%) concernaient RE (11 pertes d’expression et 3 gains) et 34 (24,8%) intéressaient RP. L’utilisation d’un seuil de positivité pour les RH de 10% au lieu d’1% minimisait les discordances. Selon les cliniciens, cela conduisant à modifier la thérapeutique pour 24 patientes (17,5%). Il n’était pas noté d’impact sur la modification du traitement selon que la récidive est locale ou générale. Ceci montre que modifier une prise en charge ne peut s’envisager que si l’ensemble des disciplines est entièrement convaincu de son intérêt et que chacune est parfaitement formée à sa mise en place, comme en témoigne le nombre d’échecs de la biopsie et son délai de réalisation qui dépasse parfois 30 jours (28)et surtout le nombre étonnamment élevé de lésions bénignes considérées initialement comme métastatiques. L’impact est important lorsque l’on considère le nombre de lésions bénignes découvertes alors qu’une récidive était envisagée, ce qui est une surprise et soulève d’importantes questions. Pour les récidives avérées, l’impact est variable, faible sur la première étude puisqu’il ne concerne que 2 patientes mais qui ont pu recevoir un traitement supplémentaire antiher2, plus important pour la seconde (17,5%) mais qui ne décrit pas la méthodologie utilisée pour apprécier ces variations à la différence de la première étude qui recueillait avant et après biopsie les décisions. Un autre écueil tient à ce que les patientes sélectionnées correspondent pour beaucoup à des récidives tardives et localisées, ce qui correspond surtout à une population sélectionnée de tumeurs RH+ et her2-. Deux études sont en cours en France pour répondre à cette question. La première est un PHRC (Esope) qui vise comme ces deux études précédentes à proposer un prélèvement systématique des métastases à distance au moment de leur découverte pour évaluer à nouveau les récepteurs et her2 afin d’en déterminer le taux de modification et les conséquences que la connaissance du résultat de la biopsie apporte sur la thérapeutique. La seconde (safir) vise à partir de prélèvements de métastases réalisées au cours de la maladie métastatique d’effectuer une analyse biologique extensive afin d’identifier toute anomalie biologique qui permettrait de proposer un traitement ciblé, dans le cadre d’un essai thérapeutique. Ce prélèvement permet également de tester les marqueurs usuels. 52 Conclusion : Au vu des publications, il est certain qu’il existe des variations entre tumeur initiale et métastases à distance et que leur connaissance peut conduire à modifier la thérapeutique. Toutefois de part la rareté des prélèvements de métastases et leur hétérogénéité il est très difficile d’en évaluer l’importance précise ni l’implication potentiel sur le choix du traitement et d’apprécier son impact sur l’évolution. Les études en cours apporteront une réponse plus précise de façon globale mais aussi selon les caractéristiques tumorales initiales et le type de traitement et peut être ainsi de mieux identifier parmi l’ensemble des tumeurs celles ayant ces capacités d’évoluer et qui pourraient bénéficier d’une prise en charge différente. Tableau n°1 :Principales publications ayant comparé l’expression des récepteurs hormonaux de la tumeur mammaire primitive et de ses métastases Auteur Nombre de Années patients d’inclusion Méthodes d’analyse discordance RE et RP Technique refaite Fernandez 1982(1) 22 NS Biochimie 23% et 35% non Kuukasjarvi 1996 (30) 100 1988-1994 IHC 24% et 40% oui Shimizu 2000(4) 21 biochimie 25% et 25% non Lower 2005(31) 200 1990-2005 IHC 30% et 39,3% non Guarneri 2008 (17) 75 2004-07 IHC 22% et 36% non GomezFernandez 2008(2) 278 NS IHC 3% oui Hoefnagel 2010 (7) 233 1985-2009 IHC 10,3% 30,0% Gong 2011(8) 227 1984-2008 IHC 7,5% non Bogina 2011(18) 140 1998-2009 IHC 6,4% et 21,4% oui Sari 2011(3) 78 1997-2008 IHC 36% et 54,2% non 53 et oui Tableau n° 2 : Principales publications ayant comparé l’expression d’Her2 de la tumeur mammaire primitive et de ses métastases Auteur Nombre de patients Shimizu 2000(4) 21 Gangberg 2002(25) 106 VincentSalomon 2002(21) Années d’inclusion Méthodes d’analyse Taux de discordance Technique refaite IHC 0% oui 1988-99 IHC fish 6 et 7% oui 44 NS IHC 5% oui Bozzeti 2003(32) 22 NS Fish cytologie 0% oui Zidan 2005(33) 58 1990-2002 IHC fish 14% oui Gong 2005(34) 60 1996-2003 Fish 2,3% oui Tapia 2007(6) 105 1996-2006 Fish 2,7% oui Santinelli 2008(5) 119 2001-06 IHC fish 28% non Guaneri 2008(17) 75 2004-07 IHC et Fish 16% non Lower 2009(35) 382 1998-2005 IHC 33% non Hoefnagel 2010(7) 233 1985-2009 IHC 5,2% oui Fabi 2011(36) 137 1999-2007 TMA IHC Fish Sish 10% oui Bogina 2011(18) 140 1998-2009 IHC et SISH 3,7% et 0,7% (sish) oui 54 Bibliographie : 1. 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HER2 protein and gene variation between primary and metastatic breast cancer: significance and impact on patient care. Clinical cancer research : an official journal of the American Association for Cancer Research. 2011 Apr 1;17(7):2055-64. 57 CELLULES TUMORALES CIRCULANTES DANS LES CANCERS DU SEIN : TECHNIQUES DE MISE EN EVIDENCE ET BIOLOGIE DES CTC Auteur Catherine Alix-Panabière LCCRH – IRB – CHRU Montpellier 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 CELLULES TUMORALES CIRCULANTES DANS LE CANCER DU SEIN METASTATIQUE : ETUDE QUANTITATIVE AVANT ET PENDANT TRAITEMENT Auteur François-Clément Bidard, Institut Curie, Département d’Oncologie médicale 75 Les cellules tumorales circulantes (CTC) correspondent à une étape du processus métastatique et sont actuellement détectées par une multitude de techniques différentes : ces aspects ont été traités par Catherine Alix-Panabières. Il est par ailleurs envisageable que, dans les années à venir, les CTC puissent être utilisées en tant que matériel tumoral pour la caractérisation des cibles moléculaires, et remplacer éventuellement les biopsies des masses métastatiques ; ces données sont abordées dans la présentation de Jean-Yves Pierga. Notre présentation n’aborde donc que la valeur des informations apportées par le décompte quantitatif des CTC avant traitement et par leurs variations en cours de traitement –ce qui est certainement l’aspect le mieux connu des CTC en 2012, du fait de nombreuses publications. La technique CellSearch® (Veridex) est de loin la technique la plus utilisée pour ces applications quantitatives, a été validée par la FDA, mais aussi par plusieurs équipes internationales dans des études prospectives de taille adéquate. 1. Décompte des CTC avant traitement : valeur pronostique Les premières publications (2004-2005) La première publication avec le système CellSearch® rapportait, dans un tube de 7.5ml de sang, que 37% et 26 % des patientes ayant un cancer du sein métastatique (n=422) avaient respectivement ≥2 et ≥5 CTCs détectées (1). Ces taux de détection faisaient du cancer du sein métastatique l’un des principales cibles de développement de la technologie, aux côtés des cancers colo-rectaux et prostatiques métastatiques. Il n’a pas été rapporté de corrélation avec les données cliniques pour ce « défrichage » initial de l’incidence de détection des CTCs dans de nombreuses localisations tumorales. La publication, la même année, de la série du MD Anderson (2,3) a permis d’établir les « fondamentaux » des CTC dans le cancer du sein métastatique, qui n’ont pas ou peu été remis en cause ensuite : incidence des CTCs, valeur pronostique des CTCs et seuil à utiliser. Concernant l’incidence des CTCs, cette étude portant sur un total de 177 patientes métastatiques a rapporté une incidence d’environ 50% de patientes avec ≥5 CTCs, 60% avec ≥2 CTCs et 70% avec ≥1 CTC : ces taux de détection étaient plus élevés que ceux rapportés par la publication précédente mais se sont révélés être les taux « habituels » dans le cancer du sein métastatique. Grâce aux données obtenues dans une première cohorte d’apprentissage (training set) incluant 102 patientes avant traitement (1ère ligne ou plus), le seuil de ≥5 CTCs a été défini pour optimiser la valeur pronostique des CTCs, tant pour la survie sans progression (HR à 2,0 ; médianes 2,8 vs 7,3 mois) que la survie globale (HR à 4,0 ; médianes non atteintes). Dans une cohorte indépendante de validation de 75 patientes, l’impact pronostique péjoratif associé à la présence de ≥5 CTCs a été validé en survie sans progression (HR à 1,8 ; médianes 2,4 vs 6,7 mois) qu’en survie globale (HR à 5,2 ; médianes non atteintes). En analyse multivariée sur l’ensemble de la cohorte, le seuil de ≥5 CTCs était un facteur pronostique indépendant pour la survie sans progression (HR = 1,8 ; p=0.001) et encore plus marqué pour la survie globale (HR = 4,3 ; p<0.001). Les séries confirmatoires (2008-2011) Plusieurs séries prospectives ont été publiées ensuite par les équipes de divers pays, et sont résumés Tableau 1. Les résultats de ces cohortes concordent donc et confirment l’impact pronostique du compte de CTC avant traitement, chez des patients traités par chimiothérapie. La grande cohorte française publiée récemment (4) est le résultat d’une étude PHRC dédiée, réalisée en multicentrique, et a permis de retrouver l’impact pronostique majeur des CTC avant traitement par chimiothérapie de première ligne, en analyse multivariée, tant pour la survie sans progression (HR=1,9 ; p=0.002) que pour la survie globale (HR=2.4 ; p=0.02). A noter que, pour les traitements d’hormonothérapie, les résultats initiaux de la série de Cristofanilli étaient moins convaincants et n’ont donc pas été explorés dans d’autres études (2). Ces séries 76 confirmatoires ont par ailleurs permis de tirer au clair certaines corrélations entre l’élévation des CTC et d’autres caractéristiques clinico-biologiques, notamment l’élévation des marqueurs sériques (Ca15.3 et Cyfra 21.1), état général altéré, présence de métastases osseuses ou hépatiques, nombre de sites métastatiques (4). A noter que ces facteurs, quoique corrélés avec les CTC, ne sont pour la plupart pas retenus comme facteur pronostique indépendant en analyse multivariée dès lors que l’on prend en compte dans cette analyse les CTC. A noter enfin que la littérature comporte de nombreux articles issus des séries américaines, qui égrènent les analyses en sous-groupe non planifiée dans des cohortes à géométrie variable (par ex. patientes avec métastases cérébrales exclusives, patientes ayant eu un primitif mammaire inflammatoire, etc), mais que nous ne discuterons pas ici. Un nouveau facteur pronostique ; Quelle implémentation clinique en 2012 ? Les CTC sont donc, de manière indiscutable, un nouveau facteur pronostique du cancer du sein métastatique et l’équipe du MD Anderson a même proposé de prendre en compte cette information en divisant le groupe M1 de la classification TNM en M1a et M1b selon le compte de CTC (5). Néanmoins, les CTC ne sont pas l’unique facteur pronostique en situation métastatique, et cette proposition n’a pas été retenue par le comité TNM jusqu’à présent (alors que la classe M0(i+) a été créée pour les patientes M0 mais présentant des CTC détectées). La question de l’implémentation clinique de ce nouveau facteur pronostique reste donc ouverte. En France, une étude randomisée va ouvrir en 2012 et comparera, chez les patientes M1 RH+, soit le choix du clinicien, soit le choix selon le niveau de CTC pour répondre à la question du type de traitement à proposer en première ligne (hormonothérapie vs chimiothérapie). Cette étude « STIC CTC METABREAST » (Figures 1 et 2) devrait inclure 1000 patientes dans plus de quinze centres français et permettra de répondre à la question de la pertinence, non seulement clinique, mais aussi médico-économique, de l’usage des CTC en tant qu’outil pronostique d’aide à la décision. A noter que les équipes américaines menées par Daniel Hayes travaillent par ailleurs sur un projet globalement similaire d’aide à la décision entre hormonothérapie et chimiothérapie, incluant non seulement le compte numérique de CTC, mais aussi l’expression d’un certain nombre de marqueurs moléculaires exprimés ou non par les CTC et censés être des facteurs prédictifs d’efficacité de l’hormonothérapie (Bcl2, ER...). 2. Décompte des CTC en cours de traitement : valeur « prédictive précoce » L’étude princeps La série de Cristofanilli a permis de retrouver que, quel que soit le moment du dosage de CTC, les niveaux élevés (≥5 CTC/tube) étaient associés à une survie sans progression plus courte (6). En combinant les dosages de CTC avant traitement et en cours de traitement (après un seul cycle de chimiothérapie, i.e. vers J21), on peut donc distinguer 4 catégories de patientes métastatiques en fonction du statut CTC élevées (+) ou basses (-) à chacun de ces points. Sans surprise, le groupe +/+ (22% des patientes) avait la survie médiane sans progression la plus courte (4 mois) alors, qu’à l’inverse, le groupe -/- (47% des patientes) avait la survie médiane la plus longue (22 mois) (2). De manière intéressante, les groupes dont le statut changeait en cours de traitement s’ordonnaient de la manière suivante : survie médiane sans progression courte pour les patientes initialement négatives devenant positives (-/+ ; 10% des patientes ; 10 mois) et plus allongée pour les patientes initialement positives devenant négatives (+/- ; 22% des patientes ; 19 mois). D’emblée, les CTC ont donc été proposées comme marqueur individuel permettant de mesurer de manière précoce l’efficacité des chimiothérapies avec, en ligne de fond, la possibilité évoquer de changer de traitement de manière très précoce (après juste 1 cycle) en cas d’inefficacité d’après les CTC. Ce type d’utilisation n’a pas démontré jusqu’à présent sa supériorité sur le management classique radio- 77 clinique (par manque d’étude publiée, cf infra), mais la FDA a néanmoins donné son agrément à l’utilisation des CTC aux Etats-Unis en tant que test « d’aide au management de la chimiothérapie » des cancers du sein métastatiques. Les études confirmatoires Parmi les études confirmatoires publiées (Tableau 1), la plupart ont rapporté la corrélation entre variations en cours de chimiothérapie et survie, mais sur des effectifs faibles. L’intérêt de l’étude PHRC française publiée récemment était de pouvoir répondre de manière « solide », sur un large effectif (n=267 patientes) calculé a priori. Les résultats ont permis de retrouver effectivement une association entre variations de CTC inclusion vs J21 et survie : la survie médiane sans progression des patientes +/+ (55% de la population), +/- (28%) et -/- (17%) était de 7, 12 et 18 mois respectivement (4). Dans cette étude n’incluant que des patientes en 1ère ligne, et en utilisant largement les thérapies ciblées (trastuzumab et bevacizuab), il a donc été observé une prédominance de patientes « de bon pronostic » selon les critères CTC, alors que le sous-groupe -/+ ne comprenait que 2 patientes (soit <1% de la population). Cette étude a permis aussi d’étudier et de comparer les variations des marqueurs sériques (CA15.3, ACE, Cyfra 21.1) à celles des CTC ; si ni les marqueurs ni les CTC n’ont semblé supérieurs pour prédire la PFS (analyse des C index), seules les CTC et leurs variations « ressortaient » en analyse multivariée, suggérant donc indirectement leur supériorité (7). Les variations de CTC en tant que « surrogate précoce » de la survie sans progression a donc été confirmé en tant qu’objectif principal d’un essai prospectif multicentrique, permettant donc aux CTC d’atteindre un niveau de preuve « 1 ». Un nouveau « surrogate précoce » ; Quelles implémentations cliniques ? Si les CTC sont donc des « surrogate précoce », il reste néanmoins à prouver que la prise en compte de nouvelle information peut améliorer des objectifs importants. Les objectifs importants dans la prise en charge du cancer du sein métastatique sont globalement au nombre de 4 : meilleure efficacité des traitements, limitation des effets secondaire, amélioration de la qualité de vie et diminution globale des coûts de prise en charge. A partir de cet endroit, deux conceptions d’utilisation « s’opposent », qui visent à utiliser les CTC pour « escalader » ou « désescalader » le traitement en cas de mauvaise réponse sur les CT C après un cycle de chimiothérapie. Dans une perspective d’escalade thérapeutique, les CTC sont employées en 1ère ligne pour permettre aux patientes non-répondeuses à J21 de passer directement à la 2ème ligne, sans attendre une progression radiologique probable. Cette anticipation de la 2ème ligne, qui pourrait permettre d’allonger la survie sans progression, est actuellement testée dans l’essai randomisé américain SWOG0500 (Figure 3). Cet essai initié vers 2005 souffre d’un manque de puissance évident (randomisation en 2 groupes de 60 patientes) et d’un retard majeur au recrutement, qui devrait être fini début 2012 (résultats en 2012 ou 2013). Dans une perspective de désescalade thérapeutique, les CTC sont employées en situation métastatique « avancée », i.e. au-delà de la 3ème ligne de chimiothérapie. Dans cette situation clinique, la chimiorésistance est fréquente, ce qui limite d’autant les risques de « faux positifs » du test CTC. Il s’agit donc d’arrêter la chimiothérapie entreprise dès J21 si celle-ci ne donne pas de signe d’efficacité, pour éventuellement passer à la ligne supplémentaire. Dans cette situation, on s’attend à ce que ce mode précoce d’évaluation permettent de tester rapidement les chimiothérapies encore potentiellement actives, de manière à soit trouver la molécule encore efficace, soit d’arrêter les traitements de chimiothérapie. Dans cette perspective, l’accent est mis sur la diminution des cycles de chimiothérapie inutile, ce qui devrait entraîner une diminution des effets secondaires, une amélioration de la qualité de vie, ainsi qu’une 78 diminution des coûts de prise en charge de ces maladies métastatiques avancées. Cette intégration des CTC à la pris en charge palliative est testée dans l’essai français CirCé01 (Figure 4 ; financement : La ligue contre le cancer / PHRC), qui a fini fin 2011 sa phase initiale observationnelle et qui va randomiser plus de 300 patientes entre management standard de la chimiothérapie et management par les CTC. Conclusion La technique CellSearch® a été à l’origine d’un nombre important de publications cliniques, du fait de sa facilité et de sa reproductibilité. Il est maintenant prouvé de manière certaine grâce aux études observationnelles que le compte de CTC est un facteur pronostique fort et que les variations en cours de traitement sont globalement corrélées à l’efficacité de la chimiothérapie. Il reste cependant à prouver de manière interventionnelle (essais randomisés) que prendre en compte ces informations nouvelles se traduit par un bénéfice objectif pour les patientes métastatiques ou, tout au moins, par une diminution des coûts de prise en charge. Les autres techniques n’ont pour l’instant pas atteint des niveaux de preuve équivalents, bien que certaines approches, notamment par microfluidique ou par filtration, semblent prometteuses pour l’avenir. 79 Figure 1 : principes du STIC CTC METABREAST STIC CTC METABREAST (France) Cancer du sein M+ RH+ pouvant recevoir hormonoT ou chimioT. Randomisation N=1000 stratification par centre & PS Bras CTC Mesure des CTC Bras standard Critères habituels non-péjoratifs péjoratifs <5 CTC/7.5ml HormonoT. ChimioT. HormonoT. ≥5 CTC/7.5ml ChimioT. Comparaison Médicale : Survie sans progression, qualité de vie, toxicité, survie globale Economique : coûts différentiels par année de vie sans progression, coûts globaux de prise en charge Figure 2 : Centres du STIC CTC METABREAST STIC CTC METABREAST (France) coordination (JY Pierga – FC Bidard) – médico/éco (S Baffert) – stats (B Asselain – D Hajage) Curie St Cloud Tenon HEGP Nancy Curie Paris Nantes Dijon Villejuif Toulouse Lyon CHU Marseille CHU Lyon CLCC Nice CHU Nice CLCC Montpellier CLCC Marseille CLCC Montpellier CHU 80 Mougins CAC Figure 3 : Essai interventionnel randomisé SWOG0500 SWOG 0500 Metastatic Breast Metastatic BreastCancer Cancer st Starting Starting11stLine LineChemotherapy Chemotherapy *Baseline *Baselineblood blooddraw draw/ /begin beginnew newtherapy therapy st End cycle/ / blood blooddraw draw5-7 5-7days daysprior priorto tonext nextcycle cycle End11stcycle <5CTC Group GroupAA––Same SameTherapy Therapy ≥5CTC Arm Arm11same sametherapy therapy NN==60 60 Group GroupBB - -Randomized Randomized NN==120 120 Arm Arm22 ΔTherapy ΔTherapy NN==60 60 End EndTherapy Therapy/ /Final FinalBlood Blooddraw draw Analysis Analysis&&Report Report 1º1ºEnd EndPoints Points==PFS PFS&&OS OS 2º2ºEnd Endpoint point==QOL QOL Figure 4 : Essai interventionnel randomisé CirCé01 3rd & subsequent lines of chemo will be managed by CTC in patients randomized in the CTC arm CirCe01 Observationnal phase threshold finding Yes CTC+ ? 2nd writen consent (accrual) First writen consent (screening) Interventional phase : 304 randomized patients CTC will be studied before/after the first cycle of each new chemo (spontaneous resistance) but not on the following cycles (usual follow-up) Usual follow up R Manage chemotherapy with CTC No Not eligible CTC count # day 15 Results available before C2 Start C1 chemo before CTC results 81 Tableau 1 : Séries prospectives sur le cancer du sein métastatique Année Auteur, Journal Pays N patients % en 1ère ligne Impact pronostique 2008 Nolé et al, Ann Oncol (8) Italie 80 41 PFS 2008 Dawood et al, Cancer (9) USA 185 100 OS 2009 Liu et al, J Clin Oncol (10) USA 74 28 PFS 2010 Nakamura et al, Breast Cancer (11) Japon 107 38 OS 2010 Bidard et al, Ann Oncol (12) France 67 100 PFS 2011 Pierga et al, Ann Oncol (4) France 267 100 PFS, OS BIBLIOGRAPHIE (1) Tumor cells circulate in the peripheral blood of all major carcinomas but not in healthy subjects or patients with nonmalignant diseases. 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Ann Oncol. 2010 Sep;21(9):1765-71. 83 L’INCLUSION DANS LES PROTOCOLES DE RECHERCHE CLINIQUE PEUTELLE PERMETTRE D’OPTIMISER LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTES PRESENTANT UN CANCER DU SEIN METASTATIQUE ? PROGRAMMES COMPASSIONNELS ET ENREGISTREMENTS A VENIR. Auteurs Pierre Fumoleau, Séverine Guiu, Isabelle Desmoulin et Bruno Coudert Centre Georges-François Leclerc, Dijon 84 Nous pourrions penser que les résultats positifs (cliniquement relevant) d’une grande étude thérapeutique de phase III peuvent à court terme optimiser la prise en charge des patientes présentant un cancer du sein métastatique. En fait, la situation en France est complexe du fait de la multiplicité des acteurs décisionnels et de la tarification à l’activité (T2A) à laquelle se rajoute la notion de liste de médicaments facturés en sus des prestations d’hospitalisation (liste hors GHS). 1/ L’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) Nous rappelons que pour être commercialisé, tout médicament anticancéreux fabriqué industriellement doit faire l’objet d’une AMM délivrée par les autorités compétentes que sont l’agence européenne d’évaluation des médicaments (EMEA) dont le siège est à Londres. Le CHMP (committee for medical products of human use) est l’équivalent européen de la commission d’AMM, dont l’évaluation collégiale s’appuie sur les moyens humains et les évaluations des agences nationales. En effet, il existe des procédures communautaires de demande d’AMM, utilisées lorsque le médicament est innovant ou destiné à plusieurs Etats membres de la Communauté européenne. Selon le type de procédure communautaire, c’est l’agence européenne ou le laboratoire qui choisit respectivement l’Etat rapporteur ou l’Etat référent. Le nouveau produit devra présenter un rapport bénéfice/risque au moins équivalent à celui des produits déjà commercialisés. Dans le cadre du cancer du sein métastatique des exemples récents d’obtention d’AMM peuvent être cités : Abraxane (Celgène) a été approuvé en 2008 pour le traitement du cancer du sein après échec d'une chimiothérapie combinée pour maladie métastatique ou rechute dans un délai de six mois suivant une chimiothérapie adjuvante. La thérapie préalable doit inclure une anthracycline, sauf en cas de contreindication clinique. Halaven®, Eribulin (Eisai) a été approuvé le 17 mars 2011 dans le traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique après échec d’au moins 2 lignes de chimiothérapie incluant anthracycline et taxane. En 2010, l’agence européenne a maintenu l’AMM pour avastin (Roche) en association au paclitaxel en traitement de première ligne, chez des patients atteints de cancer du sein métastatique, retiré l’AMM pour avastin en association au docetaxel et accordé l’AMM pour Avastin en association à la capécitabine chez des patients atteints de cancer du sein métastatique, pour lesquels un traitement avec d’autres options de chimiothérapie incluant des taxanes ou des anthracyclines, n’est pas considéré comme approprié. A contrario, l’ixabepilone (BMS), en monothérapie ou en association avec la capécitabine, n’a pas obtenu d’AMM européenne pour l’indication cancer du sein métastatique après échec des anthracyclines et des taxanes du fait, selon les experts de la commission, d’un mauvais rapport bénéfice/risque. A la suite des résultats positifs d’études de phase III dans le cancer du sein métastatique présentées au SABCS 2011, nous savons que les laboratoires Roche (étude CLEOPATRA) et Novartis (étude BOLERO-2) vont demander une AMM européenne pour respectivement le pertuzumab et l’everolimus. 2/ Les Autorisations Temporaires d'Utilisation (ATU) Les ATU sont en France, l’équivalent des programmes compassionnels (compassionate use). Les ATU sont délivrées par l’Afssaps dans les conditions suivantes : les spécialités sont destinées à traiter, prévenir ou diagnostiquer des maladies graves ou rares, il n'existe pas de traitement approprié et leur efficacité et leur sécurité d'emploi sont présumées en l'état des connaissances scientifiques. En pratique, il existe deux types d'autorisation temporaire d'utilisation : 85 L'ATU dite de cohorte concerne un groupe ou sous-groupe de patients. Ceux-ci sont traités et surveillés suivant des critères parfaitement définis dans un protocole d'utilisation thérapeutique et de recueil d'informations. L'ATU de cohorte est délivrée à la demande du titulaire des droits d'exploitation, qui s'engage à déposer une demande d'AMM dans un délai fixé. Ainsi, une ATU de cohorte avait été attribuée au taxotère d'octobre 1994 à novembre 1995, à la capécitabine de décembre 2000 à mai 2001, à l’herceptin de mai à août 2000 et au lapatinib de mars 2007 à juin 2008. En 2008, l’ATU de cohorte a été refusée pour l’ixabepilone en monothérapie dans l’indication traitement du cancer du sein métastatique ou localement avancé, chez les patients en échec de thérapies antérieures avec des taxanes, de la capécitabine ou des anthracyclines ou chez les patients pour lesquels un traitement par anthracycline ne peut plus être indiqué. Actuellement (décembre 2011), aucun agent anti-cancéreux avec l’indication cancer du sein métastatique ne fait l’objet d’une ATU de cohorte. L'ATU nominative concerne un seul malade nommément désigné et ne pouvant participer à une recherche biomédicale. Elle est délivrée à la demande et sous la responsabilité du médecin prescripteur. Une ATU nominative a été octroyée à halaven entre janvier 2001 et le 22 juin 2011. En fonction des laboratoires pharmaceutiques, l’ATU peut être payante avec un potentiel remboursement aux prescripteurs via les Mission d’Intérêt Général (MIG) ou gratuite dans le cas où la compagnie pharmaceutique met à disposition son nouveau médicament. Actuellement (décembre 2011), aucun agent anti-cancéreux avec l’indication cancer du sein métastatique ne fait l’objet d’une ATU nominative. Cependant un système de dérogations peut permettre la poursuite de la prescription à l’arrêt de l’ATU (par exemple, halaven en décembre 2011). 3/ Les protocoles thérapeutiques temporaires (PTT) L'INCa publie, en accord avec l'AFSSAPS et la HAS, les référentiels nationaux de bon usage des médicaments de la liste « hors GHS » en cancérologie. Ces référentiels de bon usage sont élaborés selon une méthodologie commune entre l'INCa, l'AFSSAPS et la HAS. Ils définissent les protocoles thérapeutiques temporaires (PTT) dans le cadre du bon usage des médicaments et des dispositifs médicaux « hors GHS », prévus par le décret n° 2005-1023 du 24 août 2005 modifié par le décret n° 2008-1121 du 31 octobre 2008. Ces PTT ont été obtenus pour des molécules ayant déjà obtenu une AMM pour une autre indication, à la suite d’études avec des résultats d’efficacité significatifs sans toxicité majeure et avant l’extension de leur AMM. (le meilleur exemple a été l’herceptin en situation adjuvante). Publiée en juin 2011, la 2ème mise à jour annuelle du référentiel de bon usage de la liste hors GHS : cancers du sein a étudié l'usage de 7 molécules de la liste hors GHS. Cinq PTT restent définis dont 2 en situation métastatique avec l’herceptin : en association avec paclitaxel hebdomadaire, chez les patients non pré-traités par l'association trastuzumab-paclitaxel et en association avec capecitabine, après progression sous trastuzumab associé ou non aux taxanes. 4/ la liste des médicaments facturés en sus des prestations d’hospitalisation (liste hors GHS). Compte tenu de l’état financier des établissements de santé et du coût des molécules innovantes, il est préférable que le nouveau médicament, pour être prescrit, soit inscrit sur la liste hors GHS et ainsi être remboursé par l’Assurance Maladie à l’établissement de santé prescripteur. http://www.afssaps.fr/Dossiers-thematiques/Referentiels-de-bon-usage-desmedicaments/Medicaments-anticancereux/%28offset%29/1 86 En dehors de cette inscription, l’apport de crédits type Mission d’Intérêt Général (MIG) est possible mais reste aléatoire car souvent Agence Régional de Santé dépendant. Le meilleur exemple du dysfonctionnement national est le yondelis dans l’indication sarcome métastatique. Enfin, il faut rappeler le budget annuel des médicaments hors GHS est soumis à un taux limité d’augmentation dépendant du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Selon les recommandations du 18/11/2010 relatives à la liste des médicaments facturés en sus des prestations d’hospitalisation, l’inscription ou le refus d’inscription par indication est fonction de l’usage attendu, du Service Médical Rendu (SMR), de l’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR), de la fréquence de prescription au sein des GHM, du coût de traitement moyen par séjour et de l’application du principe d’égalité de traitement des produits comparables. La cotation du SMR et de l’ASMR, la place du nouveau médicament dans la stratégie thérapeutique et de la population cible et l’avis concernant l’inscription sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités et divers services publics dans l’indication et à la posologie de l’AMM sont délivrés par la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS). La HAS est chargée d’évaluer scientifiquement le niveau de service médical rendu d’un médicament. Cette évaluation détermine son degré de prise en charge par l'assurance maladie obligatoire. Le SMR est un critère qui prend en compte plusieurs aspects : d’une part la gravité de la pathologie pour laquelle le médicament est indiqué ; d’autre part des données propres au médicament lui-même dans une indication donnée. En fonction de l’appréciation de ces critères, plusieurs niveaux de SMR ont été définis : SMR majeur ou important, SMR modéré ou faible, mais justifiant cependant le remboursement, SMR insuffisant (SMRI ou Service médical rendu insuffisant) pour justifier une prise en charge par la collectivité. Le SMR d’un médicament est mesuré à un moment donné. Il peut évoluer dans le temps et son évaluation se modifier, notamment lorsque des données nouvelles sur lesquelles son appréciation se fonde sont produites, ou lorsque des alternatives plus efficaces apparaissent. L'ASMR correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament. La cotation est de I, majeure, à IV, mineure. Une amélioration de niveau V (équivalent à "pas d'ASMR") signifie "absence de progrès thérapeutique". Depuis 2008, on constate une diminution du pourcentage d’ASMR 1-2 et une augmentation d’ASMR 4. Plusieurs exemples de synthèse d’avis de la commission de transparence dans l’indication cancer du sein métastatique peuvent être cités : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_412210/commission-de-la-transparence 1/ Abraxane (27 janvier 2010). Progrès thérapeutique mineur par rapport à taxol dans le traitement de deuxième ligne et plus du cancer du sein métastatique. Le service médical rendu par abraxane est important. Abraxane apporte une amélioration du service médical rendu mineure (ASMR IV) par rapport à taxol. Avis favorable à la prise en charge à l’hôpital. L’Abraxane n’a pas obtenu son inscription sur la liste hors GHS et ne peut être remboursé par l’assurance maladie. 2/ Halaven (20 juillet 2011). Le service médical rendu par halaven est important. Halaven apporte une amélioration du service médical rendu mineure (niveau IV) dans la prise en charge des patientes 87 atteintes d’un cancer du sein au stade métastatique ou localement avancé et dont la maladie a progressé après un traitement antérieur ayant comporté une anthracycline et un taxane sauf chez les patients ne pouvant pas recevoir ces traitements. Avis favorable à l’inscription sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités et divers services publics dans l’indication et à la posologie de l’AMM. La décision d’inscription sur la liste hors GHS est en attente (à la date de la rédaction de ce document). 3/ Avastin, réévaluation (9 mars 2011) dans le traitement de première ligne du cancer du sein métastatique en association avec le paclitaxel : SMR faible (confirmé le 25 mai 2011), ASMR V 4/ Farlutal, renouvellement d’inscription (2 février 2011) dans le traitement du cancer métastatique hormonodépendant de la femme ménopausée : SMR insuffisant. En dehors du cancer du sein, d’autres avis de la commission de transparence, en 2011 et en cancérologie, peuvent être cités : - Jevtana (cabazitaxel) ; cancer de prostate métastatique hormonorésistant précédemment traité par docétaxel, ASMR V (6 juillet 2011) réévalué ASMR IV (19 octobre 2011) - Sutent (sunitinib) ; tumeur neuroendocrine non résécable ou métastatique bien différenciée avec progression de la maladie chez l’adulte, SMR modéré (21 septembre 2011), ASMR V (27 avril 2011) - Tarceva (erlotinib) ; extension d’indication pour traitement de maintenance du cancer bronchique non à petites cellules, SMR insuffisant (8 juin 2011) - Caryolisin ; lymphome cutané T épidermotropique, ASMR V (9 mars 2011) réévalué à IV (25 mai 2011) - Herceptin ; cancer gastrique, SMR important, ASMR IV (2 février 2011) - Mabthera ; traitement des leucémies lymphoïdes chroniques non précédemment traitées, SMR important, ASMR III - Tasigna (Nilotinib), traitement des leucémies myéloïdes chronique Ph+ nouvellement diagnostiquées, SMR important, ASMR III Le comité économique des produits de santé (CEPS), organisme interministériel placé sous l’autorité conjointe des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de l’économie, est principalement chargé par la loi de fixer les prix des médicaments et le taux de remboursement en fonction de l’évaluation effectuée par la commission de transparence de l’HAS. 5/ Enregistrements à venir 1/ Halaven (1) Nous rappelons que cet agent cytotoxique a obtenu son AMM par l’agence européenne à la date du 17 mars 2011. 88 Une étude de phase III ouverte randomisée a comparé éribuline mésylate (halaven) à un traitement actif laissé au choix de l’investigateur (traitement de choix du médecin « TCM ») chez 762 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique ou localement avancé en échec à au moins deux lignes de traitement ayant comporté une anthracycline et un taxane. L’âge médian des patientes était de 55 ans et 75,9 % d’entre elles étaient ménopausées. Près de 82 % des patientes avaient une tumeur HER2 négatif. Le statut tumoral HER2 positif était présent chez près de 18 % des patientes. Les patientes triples négatives ont représenté 19,8 % des cas. Le groupe TCM a consisté en une chimiothérapie dans 97 % des cas (26 % vinorelbine, 18 % gemcitabine, 18 % capécitabine, 16 % taxane, 9 % anthracycline, 10 % autre chimiothérapie) ou en une hormonothérapie dans 3 % des cas. Les résultats de l’analyse de la survie globale issus d’une analyse finale de l’étude ont été obtenus à l’issue de 422 événements (décès). La médiane de survie globale (critère principal) a été de 13,1 mois dans le groupe éribuline mésylate versus 10,6 mois dans le groupe TCM, soit une différence absolue de 2,5 mois en faveur du groupe éribuline mésylate (HR = 0,809 [IC95% 0,66 - 0,991] p=0,041). La médiane de survie sans progression évaluée par un comité indépendant, a été de 3,7 mois dans le groupe éribuline mésylate versus 2,2 mois dans le groupe TCM soit une différence absolue de 1,5 mois en faveur du groupe éribuline mésylate. Le pourcentage de réponse objective a été de 12,2 % dans le groupe éribuline mésylate versus 4,7 % dans le groupe TCM. Les principales toxicités observées dans le groupe éribuline mésylate ont été hématologiques (neutropénie) et neurologiques (neuropathie périphérique). (1) Cortes J. et al. Eribulin monotherapy versus treatment of physician's choice in patients with metastatic breast cancer (EMBRACE): a phase 3 open-label randomised study. Lancet. 2011 Mar 12;377(9769):914-23. 2/ Pertuzumab (2), demande d’AMM (EMA) suite aux résultats de l’étude CLEOPATRA Cette étude de phase III randomisée a inclus 808 patientes avec cancer du sein métastatique HER2+ en première ligne traitement. Les patientes ont reçu soit un placebo plus docetaxel et trastuzumab (bras control) ou du pertuzumab plus docetaxel et trastuzumab (bras pertuzumab) jusqu’à progression ou apparition d’une toxicité. L’objectif primaire était la survie sans progression évaluée par un comité indépendant. Les objectifs secondaires incluaient la survie globale, la survie sans progression évaluée par les investigateurs, le taux de réponse objectif et la tolérance. La médiane de survie sans progression était de 12,4 mois dans le groupe control versus 18,5 mois dans le groupe pertuzumab, soit une différence absolue de 6,1 mois (HR = 0,62 [IC95% 0,51 - 0,75] p<0,001). L’analyse intermédiaire de la survie globale montre une tendance forte en faveur du pertuzumab (HR = 0,64 [IC95% 0,47 - 0,88] p<0,0053). Le profil de toxicité a été similaire dans les 2 groupes sans augmentation de l’incidence de la dégradation de la fonction ventriculaire. Les taux de neutropénie fébrile et de diarrhée de grade 3 sont cependant plus élevés dans le groupe pertuzumab que dans le groupe control. En conclusion, la combinaison pertuzumab, trastuzumab et docetaxel, en comparaison avec l’association trastuzumab plus docetaxel, augmente significativement la survie sans progression et sans augmentation de cardiotoxicité en première ligne de traitement des cancers du sein HER2+ (2) José Baselga, Javier Cortès, Sung-Bae Kim al. Pertuzumab plus Trastuzumab plus Docetaxel for Metastatic Breast Cancer. N Engl J Med 7 December 2011 89 3/ Everolimus (3), demande d’AMM (EMA) suite aux résultats de l’étude BOLREO-2 Dans cette étude randomisée (pourcentage 2/1) de phase III, 724 patientes avec cancer du sein avancé avec récepteurs hormonaux positifs et ayant rechuté ou progressé sous hormonothérapie antérieure avec une anti-aromatase non stéroïdienne en adjuvant ou en maladie avancée (ou les 2) ont été incluses. La comparaison a été effectuée entre everolimus (mTOR inhibiteur) plus exemestane et exemestane plus placebo. L’objectif primaire était la survie sans progression. Les objectifs secondaires incluaient la survie globale, le taux de réponse objectif et la tolérance. Une analyse intermédiaire a été effectuée par un comité indépendant après que 359 événements (survie sans progression) aient été observés. Les caractéristiques au départ étaient parfaitement équilibrées entre les 2 groupes. L’âge médian était de 62 ans, 56 % des patientes avaient un envahissement viscéral. Les thérapeutiques antérieures incluaient du letrozole ou anastrozole (100%), tamoxifene (48%), fulvestrant (16%), et chimiothérapie (68%). Au moment de l’analyse intermédiaire, la médiane de survie sans progression évaluée par les investigateur était de 2,8 mois dans le groupe placebo versus 6,9 mois dans le groupe everolimus soit une différence absolue de 4,1 mois (HR = 0,43 [IC95% 0,35 - 0,54] p<0,001). La médiane de survie sans progression évaluée par un comité indépendant était de 4,1 mois dans le groupe control versus 10,6 mois dans le groupe everolimus (HR = 0,36 [IC95% 0,27 - 0,47] p<0,001). Les effets secondaires les plus fréquents de grade 3 ou 4 étaient des stomatites (8 % in groupe everolimus plus exemestane vs. 1 % dans le groupe placebo plus exemestane, une anémie (6 % vs. <1 %), une dyspnée (4 % vs. 1 %), une hyperglycémie (4 % vs. <1 %), une fatigue (4 % vs. 1 %), et pneumonie (3 % vs. 0 %). L’everolimus combiné à l’exemestane augmente significativement la survie sans progression chez des patientes avec un cancer du sein avancé et récepteurs hormonaux positifs préalablement traitées avec des anti-aromatases non stéroïdiens. Il s’agit donc d’une ligne supplémentaire de traitement avant la mise en place d’une chimiothérapie. (3) José Baselga, Mario Campone, Martine Piccart et al. Everolimus in Postmenopausal HormoneReceptor–Positive Advanced Breast Cancer. N Engl J Med 7 December 2011 En conclusion, des études de phase III, bien menées, ont permis de démontrer l’apport de nouveaux agents cytotoxiques et de thérapies ciblées. Compte tenu de la multiplicité des acteurs décisionnels, le remboursement de ces nouveaux agents par l’assurance maladie est relativement et peut paraître lent à obtenir. Ce fait ne permet pas d’optimiser, à cour terme, la prise en charge des patientes présentant un cancer du sein métastatique. 90 IMAGERIE INTERVENTIONNELLE DES METASTASES VISCERALES DES CANCERS DU SEIN. PLACE DE LA RADIOFREQUENCE ET DES EMBOLISATIONS. Auteur Patrick CHEVALLIER Service d’imagerie médicale – Hôpital Archet – CHU de NICE 91 L’imagerie interventionnelle peut être utilisée pour le traitement de certaines métastases hépatiques des cancers du sein avec un rôle pour l’instant très peu évalué pour le traitement des métastases ayant d’autres localisations comme les poumons ou les ganglions. Deux types de traitements anti tumoraux palliatifs ou curatifs peuvent être utilisés : Les traitements ablatifs, consistant à détruire un site tumoral au moyen d’une source thermique ou de radiothérapie amenée sous contrôle de l’imagerie au sein de la tumeur ; on peut ainsi détruire les tumeurs en les congelant au moyen d’aiguilles reliées à un générateur de cryothérapie ou en les brulant avec des aiguilles reliées à des générateurs de micro-ondes ou de radiofréquence ou des fibres reliées à une source laser ; ce type de traitement peut également être réalisé sans utilisation d’aiguilles au moyen d’ultrasons focalisés de haute énergie ou d’une source de radiothérapie très focale (cyberknife®). Les traitements menés par un cathéter artériel hépatique, consistant à positionner un cathéter dans le système artériel hépatique en utilisant une voie d’abord fémorale pour y délivrer des chimiothérapies et/ou des emboles ; le cathéter peut être positionné temporairement pour chaque séance thérapeutique ou durablement avec des injections réalisées au moyen d’une chambre d’injection sous cutanée. D’autres actes d’imagerie interventionnelle peuvent être requis en préparation d’une chirurgie hépatique comme l’embolisation portale pré-opératoire ou au décours d’actes chirurgicaux comme le drainage de collections liquidiennes post opératoires. Nous donnerons quelques données concernant l’embolisation portale pré-opératoire. 1. Traitements thermo-ablatifs - Radiofréquence Parmi tous les traitements thermo-ablatifs disponibles, c’est le traitement par radiofréquence qui a été le plus évalué depuis 2001 (1-6), qui est actuellement le plus utilisé et qui sera développé dans ce chapitre. En dehors de la radiofréquence, on peut trouver dans la littérature un travail mené par une équipe Allemande ayant utilisé la thermo-ablation par laser chez 232 femmes (7) ou d’autres ayant utilisé les micro-ondes chez quelques patientes (8-10). L’utilisation des micro-ondes parait particulièrement prometteuse, en autorisant probablement des thermo-ablations plus volumineuses et plus rapides que celles obtenues avec la radiofréquence. Technique Les courants de radiofréquence sont utilisés cliniquement pour la destruction de tumeurs viscérales depuis le début des années 90. Une ou plusieurs aiguilles sont reliées à un générateur d’un courant ayant une fréquence comprise entre 420 et 500 Khz. Le courant va induire à l’échelle cellulaire une agitation ionique avec une augmentation progressive de la chaleur locale. La destruction cellulaire va être effective lorsque la chaleur va être supérieure à 45°C pendant quelques minutes, ce temps étant plus court à mesure que la chaleur s’élève. Les aiguilles peuvent être monopolaires, le courant étant récupéré par des plaques de dispersion positionnées aux cuisses ou bipolaires, étant alors émettrices et réceptrices. Elles peuvent avoir une extrémité droite ou s’ouvrir comme les baleines d’un parapluie (aiguilles de Leveen®). Un volume maximal de thermo-ablation de 4 à 5 cm de diamètre peut être obtenu avec une aiguille, ce volume pouvant être augmenté par l’utilisation en parallèle de plusieurs aiguilles, ou en repositionnant la même aiguille pour plusieurs applications ; on peut aussi augmenter le volume de destruction en interrompant par voie endovasculaire et de manière temporaire ou définitive le flux artériel ou le flux veineux limitant la diffusion de l’onde de chaleur. 92 Les procédures sont réalisées sous anesthésie générale et sous contrôle de l’échographie, du scanner ou de l’IRM. Elles sont en règle effectuées par voie percutanée pure dans des unités d’Imagerie interventionnelle ; elles peuvent aussi être réalisées lors d’une laparoscopie ou d’une laparotomie au bloc opératoire sous contrôle échographique, complétant alors le plus souvent une résection chirurgicale (11,12). Une gaine co-axiale est mise en place de manière à ce que l’aiguille qui coulisse dans cette gaine ne soit jamais en contact avec les tissus tumoraux, ceci évitant en théorie toute dissémination tumorale sur le trajet de ponction. Par cette gaine co-axiale on peut aussi faire passer au préalable du traitement une aiguille biopsie pour l’obtention de prélèvements histologiques. On peut détruire de manière fiable des lésions mesurant jusqu’à 35-40 mm de diamètre (mesure effectuée avant toute chimiothérapie). Il n’y a pas de limites techniques concernant le nombre de lésions pouvant être détruites en une séance, et 4 à 5 lésions peuvent être traitées en environ deux heures. La topographie sous capsulaire ne constitue pas une contre indication au traitement par radiofréquence. Plusieurs zones anatomiques différentes peuvent être traitées au cours d’une même séance comme une métastase pulmonaire associée à une métastase hépatique par exemple. Enfin, une micro métastase ne mesurant que quelques millimètres ne constitue pas une difficulté balistique car dans ce cas de figure on ne cherche pas à transfixier la lésion avec l’aiguille mais à se positionner près d’elle, le volume de thermoablation couvrant lors largement le volume tumoral. Au cours de la procédure il faut prendre garde à ne pas brûler des organes adjacents aux tumeurs comme le tube digestif - en particulier le colon droit pour les tumeurs du segment VI et l’estomac pour les tumeurs du lobe gauche – ou les voies biliaires centrales pour les tumeurs centrales des segments IV et V. La destruction thermique de la paroi digestive ou biliaire est à l’origine des principales complications graves de ce type de procédure. Il faut donc contre indiquer les patients ayant des tumeurs avec de tels rapports ou employer des artifices techniques visant à protéger ces structures anatomiques en les refroidissant ou en effectuant des interpositions d’air ou de ballons entre ces dernières et la tumeur à traiter. Ces artifices techniques sont réalisés dans l’unité d’imagerie interventionnelle. Résultats et indications pour les métastases hépatiques Le niveau de preuve disponible dans la littérature reste faible avec des séries numériquement limitées, monocentriques et rétrospectives. En particulier, il n’y pas aucun travail randomisé comparant le traitement par radiofréquence à la tumorectomie chirurgicale. Néanmoins, les résultats de ce type de traitement semblent se comparer favorablement à la chirurgie. La médiane de survie après chirurgie, d’après une revue de la littérature réalisée par Meloni et al. (1), varie entre 15 et 63 mois. La survie à 5 ans est comprise entre 25 et 38% (13) et est égale à 34% dans l’expérience de l’Institut Gustave Roussy (11). Les travaux ayant utilisé la radiofréquence font état de médianes de survie voisines, comprises entre 42 et 60 mois (1, 2, 4), avec une survie à 5 ans égale à 30 ou 32% (1, 4). Les facteurs pronostiques mis en évidence dans les séries chirurgicales sont débattus et discordants. Néanmoins, le temps écoulé entre le traitement de la tumeur primitive et la découverte d’une métastase hépatique, l’absence de métastases extra hépatiques et la stabilité ou la régression volumétrique tumorale hépatique sous chimiothérapie pré-opératoire paraissent être des facteurs pronostiques pertinents (12, 14, 15). Pour les études ayant utilisé la thermo-ablation par radiofréquence, seule la présence de métastases extra hépatiques et extra osseuses serait de mauvais pronostic (2). 93 Les reprises tumorales au site de radiofréquence s’observent dans 3 à 13,5% des cas (1-3) et sont liées essentiellement au volume tumoral ; pour Meloni et al. ces reprises au site traité étaient plus fréquentes pour des tumeurs ayant un diamètre supérieur à 25 mm (1). Les récidives hépatiques à distance des tumeurs traitées sont observées dans 59 à 67% des cas (11, 16, 17), ces chiffres étant semblables à ceux donnés après traitement par radiofréquence (50 à 53%) (1, 3). Ces pourcentages élevés doivent conduire à instaurer des traitements adjuvants et devraient plutôt favoriser l’usage de la thermo-ablation par radiofréquence comparativement à la chirurgie du fait de son caractère moins invasif ; en effet la morbidité de la chirurgie varie entre 12,9% et 26% (11, 14) et celle de la radiofréquence entre 0 et 6.9% (1-3) ; dans le même registre, le temps d’hospitalisation moyen varie entre 9 et 11 jours avec la chirurgie (11, 14) et est voisin de 2 jours avec la radiofréquence (1). Au total, la seule indication formelle de thermo-ablation tumorale par radiofréquence d’une métastase hépatique de cancer de sein est celle réunissant les points suivants : Contre indication chirurgicale ; Pas de contre indication anatomique au traitement par la thermo-ablation ; Lésions mesurant moins de 35 mm de diamètre ; Maladie tumorale stabilisée par la chimiothérapie ; Pas de lésion tumorale extra hépatique et extra osseuse sauf si lésion pouvant être traitée dans le même temps par thermo-ablation ; Ces points peuvent être modifiés au cas par cas lors de réunions de concertation pluridisciplinaires et en particulier en fonction : - - du degré de contre indication chirurgicale qui peut être relative ; du degré de stabilisation de la maladie tumorale qui peut être difficile à évaluer avec la proposition d’un traitement d’épreuve comme cela est déjà fait pour les métastases hépatiques de cancer de colon et appelé dans la littérature de langue Anglaise « the test-of time approach » Métastases pulmonaires Quelques particularités techniques sont propres au traitement par radiofréquence de métastases pulmonaires. En cas de métastases bilatérales, le traitement bilatéral peut ne pas être réalisé en une seule fois du fait du risque de pneumothorax, voisin de 60%, et de défaillance respiratoire en cas de pneumothorax bilatéral. La nécessité d’un drainage de ces pneumothorax n’est cependant pas fréquente (environ 10%). Les tumeurs centrales para hilaires sont par ailleurs difficiles à traiter du fait du risque de plaie vasculaire et de traitement incomplet de tumeurs par convection thermique (zone tumorale difficile à chauffer du fait de son contact avec une grosse structure vasculaire qui disperse cette chaleur). Seuls quelques cas de traitement par thermo-ablation de métastases pulmonaires par radiofréquence peuvent être trouvés dans la littérature. Ces cas n’ont pas fait l’objet de publications spécifiques mais ont été inclus dans des séries comportant des métastases de diverses tumeurs malignes primitives (18). La survie globale et l’intervalle de temps sans progression tumorale à 12 et 24 mois d’une des séries de traitement par radiofréquence de métastases pulmonaires numériquement la plus importante (18) sont similaires à ceux tirés d’un registre ayant colligé 5,206 tumorectomies chirurgicales (19). La série chirurgicale de métastases pulmonaires de cancer du sein extraite de ce même registre (20) et ayant inclus 467 patientes fait état d’une résection complète dans 84% des cas, d’un taux de survie à 5 ans de 38% et à 10 ans de 22%. Les meilleurs résultats avec une médiane de survie à 59 mois étaient obtenus avec les patientes ayant une seule lésion, apparue plus de 36 mois après la découverte de la tumeur primitive et ayant été complètement réséquée. 94 2. Traitements artériels hépatiques Principes La voie artérielle hépatique pour occlure des vaisseaux tumoraux au moyen d’emboles et/ou administrer une chimiothérapie est surtout utilisée actuellement pour le traitement de carcinomes hépatocellulaires intermédiaires ou de métastases hépatiques de tumeurs neuro-endocrines évolutives et/ou symptomatiques. Elle peut prendre les noms de chimiothérapie intra-artérielle hépatique ou de chimio-embolisation intra-artérielle hépatique. Elle est peu utilisée pour les autres types tumoraux avec néanmoins un net regain actuel de la technique, en particulier pour les métastases hépatiques de cancers colorectaux (21, 22). Cette voie à été évaluée en deuxième ou troisième ligne thérapeutique pour les métastases hépatiques des cancers du sein dés les années 80 (23, 24) sur les deux principes suivants : les métastases hépatiques de cancer du sein ont une riche vascularisation artérielle (13) et l’embolisation artérielle peut entrainer une nécrose tumorale par ischémie ; l’administration intra artérielle de chimiothérapies peut permettre d’augmenter les concentrations intra tumorales en anti mitotiques tout en diminuant leurs effets systémiques comparativement aux mêmes chimiothérapies administrées par voie systémique (25). Techniques Il n’existe pas une seule technique de traitement artériel hépatique mais plusieurs techniques. On peut en effet mettre de manière temporaire un cathéter dans le système artériel hépatique en utilisant une voie d’abord percutanée fémorale et ceci pour chaque séance thérapeutique ou positionner un cathéter hépatique de manière permanente. Il faut alors occlure toutes les autres afférences hépatiques (parfois plusieurs artères hépatiques) et occlure également toutes les artères à destinée digestive naissant du tronc artériel hépatique choisi (artère pylorique, …). Le cathéter est alors relié à une chambre implantée en région sous cutanée à proximité de l’épine iliaque antéro supérieure. La mise en place d’un cathéter hépatique à demeure était chirurgicale dans les années 80 et 90, posé spécifiquement pour cette indication ou lors d’un geste chirurgical de résection tumorale (11). Actuellement tous les cathéters artériels hépatiques sont posés par voie percutané, et le cathétérisme itératif est préféré à la pose à demeure d’un cathéter hépatique. Par ailleurs on peut utiliser différents agents anti-mitotiques et différents types d’emboles. Le degré d’embolisation peut être modulé par le calibre et la nature résorbable ou non résorbable des emboles. Les emboles elle-mêmes peuvent dans certains cas non seulement assurer une occlusion mécanique des vaisseaux tumoraux, mais également induire une action anti tumorale en étant chargée avec un antimitotique (Irinotecan -Debiri®) ou de l’yttrium 90 qui est un émetteur ß(Theraspheres®, Sirspheres®). Les emboles chargées à l’irinotecan n’ont été évaluées que pour les métastases hépatiques des cancers du colon. La procédure utilisant les emboles chargées avec de l’yttrium 90 prend le nom de radio-embolisation intra-artérielle hépatique et ce traitement consiste le plus souvent en une seule injection. 95 Résultats Chimiothérapies et chimio-embolisations intra-artérielles hépatiques De multiples schémas thérapeutiques ont été évalués, utilisant du paclitaxel, du 5 FU, des anthracyclines, de la mitomycin-C ou de la gemcitabine en monothérapie ou en association (24-29) avec des stabilisations ou réponses partielles en imagerie selon les critères RECIST variant de 54 à 81%. C’est l’étude de Vogl et al., publiée en 2010 (28), qui a inclus le plus de patientes de manière rétrospective (n=208) ayant eu une chimiothérapie intra artérielle avec de la mitomycin-C, de la gemcitabine ou les deux suivie d’une embolisation avec des emboles résorbables. Aucune information n’est disponible sur le traitement systémique reçu par les patientes. Il fait état d’un taux global de 63% de stabilisation ou de réponse partielle en imagerie avec des taux de survie à 1, 2 et 3 ans égaux respectivement à 69, 40 et 33%. Les meilleurs résultats étaient obtenus avec l’association mitomycin-C/gemcitabine. Un essai de phase II est actuellement en cours évaluant l’injection intra-artérielle d’oxaliplatine en association à un traitement systémique par capecitabine et trastuzumab (NCT01387373 ClinicalTrials.gov Identifer) Radio-embolisation Les pourcentages de réponses partielles ou de stabilisation en imagerie de la maladie tumorale hépatique après radio-embolisation pour des patientes progressant sous chimiothérapie systémique sont égaux dans la littérature à 96% pour un suivi médian de 4.2 mois (30), 91.2% pour un suivi moyen à 90 jours (31), et 95% à 12 semaines (13). Ces pourcentages élevés de réponse en imagerie étaient associés à un taux médian de survie globale égal à 11.7 mois pour la seule étude pour laquelle cette donnée était disponible (30). Une telle réponse en imagerie peut permettre de proposer à certaines patientes un traitement par radiofrequence des cibles résiduelles et au final une réponse complète selon les critères de RECIST modifiés (32). Ces résultats prometteurs restent à confirmer ; en particulier, une étude récente des résultats globaux de la radio-embolisation sur les métastases hépatiques de tous types montre que les résultats de cette technique seraient moins bons pour les métastases de cancer du sein que pour les métastases d’autres cancers (33). 3. Embolisation portale pré-opératoire Principe et technique Pour subir une hépatectomie, le patient doit conserver à l’issue de cette hépatectomie 30 à 40% de son volume hépatique non tumoral pour ne pas développer d’insuffisance hépato cellulaire post opératoire grave, cette insuffisance pouvant engager le pronostic vital. Lorsqu’une hépatectomie majeure est considérée, comme par exemple une lobectomie droite, le volume hépatique qui resterait après l’hépatectomie programmée et mesuré de manière fiable en imagerie peut être insuffisant. Pour augmenter le volume de ce foie résiduel, on peut emboliser le réseau veineux portal du foie devant être ôté. En effet, c’est le sang portal qui amène les facteurs hépato trophiques au foie comme l’insuline, le glucagon, ou le facteur de croissance hépatique. En occluant la vascularisation portale d’un secteur hépatique on redistribue cette vascularisation vers les autres secteurs en induisant une hypertrophie de ces derniers avec une minime diminution de volume du secteur embolisé. La procédure est faite sous anesthésie générale. On ponctionne sous contrôle échographique par voie percutanée et trans hépatique une branche portale périphérique. On amène ensuite sous contrôle 96 fluoroscopique un cathéter dans chacune des principales branches portales du fois qui sera réséqué pour les emboliser avec de la colle ou avec des spires métalliques (coils). Une nouvelle volumétrie hépatique est réalisée 4 à 6 semaines plus tard. Résultats (34-36) La tolérance de la procédure est excellente avec des complications exceptionnelles et la sortie possible le lendemain de la procédure d’embolisation. Le volume du foie non embolisé augmente de 80 % en moyenne pour les foies normaux. L’hypertrophie est moindre en cas de fibrose > F2 ou de stéatose majeure. Au final, le projet d’hépatectomie est possible dans 60 à 90% des cas. Références 1. Meloni MF, Andreano A, Laeseke PF, Livraghi T, Sironi S, Lee FT. Breast cancer liver metastases: US-guided percutaneous radiofrequency ablation- intermediate and long-term survival rates. Radiology 2009; Aug 25 Epub ahead of print 2. Jakobs TF, Hoffmann RT, Schrader A, Stemmler HJ, Trumm C, Lubienski A, et al. CT-guided radiofrequency ablation in patients with hepatic metastases from breast cancer. Cardiovasc Intervent Radiol 2009;32:38-46 3. Gunabushanam G, Sharma S, Thulkar S, Srivastava DN, Rath GK, Julka PK, et al. Radiofrequency ablation of liver metastases from breast cancer: results in 14 patients. J Vasc Interv Radiol 2007;18:67-72 4. Sofocleous CT, Nascimento RG, Gonen M, Theodoulou M, Covey AM, Brody LA, et al. 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Arch Surg 2002;137:1384-8 99 ROLE DU CHIRURGIEN DANS LES METASTASES VISCERALES DE CANCER DU SEIN Auteur R.Adam, Centre Hépato-Biliaire, APHP Hopital Paul Brousse, Université Paris Sud 100 Le cancer du sein est un problème majeur de santé publique. Le foie est le troisième site métastatique par argument de fréquence, du cancer du sein, après les os et les poumons. Les métastases hépatiques émaillent son évolution dans plus de 50% des cas. La chimiothérapie est le traitement de choix des métastases hépatiques associées on non à d’autres sites métastatiques Pour les métastases hépatiques isolées, accessibles à un geste chirurgical d’éxérèse, la chirurgie a souvent été controversée au prétexte que le cancer du sein métastatique est une maladie systémique à dissémination hématogène. Cette population de malades est probablement limitée, moins de 10% de l’ensemble des patients ayant des métastases hépatiques et environ 30% de ceux ayant des métastases hépatiques isolées.Il convient néanmoins d’évaluer chez ces malades, le bénéfice qu’est susceptible d’apporter la résection chirurgicale associée à la chimiothérapie. Les résultats de la série multicentrique française de 460 patientes, la plus importante jamais rapportée dans la littérature, montrent qu’une survie prolongée est possible après résection des métastases hépatiques de cancer du sein. Ils sont tout à fait en adéquation avec ceux de notre propre série. Il est d’ailleurs tout à fait remarquable que le cancer du sein apparaisse comme la tumeur primitive la plus favorable à la chirurgie des métastases hépatiques, au sein du vaste ensemble des cancers non colô-rectaux non endocrines, alors que par définition, les métastases hépatiques d’un cancer du sein signent d’emblée une dissémination tumorale hématogène. Les résultats de 41% de survie globale à 5 ans avec 45 mois de médiane de survie apparaissent nettement supérieurs à ceux rapportés avec la chimiothérapie seule, La médiane de survie d’un cancer du sein avec métastases hépatiques est de moins de 6 mois après le diagnostic des métastases. Elle peut atteindre environ 15 mois en cas de réponse à la chimiothérapie mais excède rarement ce délai et il est exceptionnel de survivre au delà de 5 ans, en l’absence de traitement chirurgical. En outre, en cas d’arret de la chimiothérapie, après réponse radiologique, la reprise évolutive n’est sensible à la chimiothérapie que dans 40% des cas avec une médiane de réponse de 10 mois et de survie de 13 mois. Il est cependant possible que les progrès récents de la chimiothérapie aient quelque peu amélioré ces résultats. Néanmoins ces chiffres contrastent avec les 45 mois de survie médiane observés après traitement combinant chimiothérapie et hépatectomie. Force est donc de constater qu’une place existe pour la chirurgie lorsque la maladie hépatique est localisée et que l’évolution tumorale est contrôlée par la chimiothérapie. Ce dernier point apparaît crucial pour le bénéfice apporté par la chirurgie ainsi qu’en témoignent la meilleure survie observée en cas de réponse ou stabilisation, comparativement à la progression sous chimiothérapie pré-opératoire (survie à 5 ans : 40% vs 22% dans la série multicentrique française) et le caractère indépendant de ce facteur sur le pronostic après résection. Cette stratégie chirurgicale apparaît justifiée quand 2 autres conditions sont réunies : l’éxérèse projetée est complète et il n’existe pas d’autre localisation extra-hépatique ; En cas d’éxérèse incomplète, en effet, la survie à 5 ans passe de 49% à seulement 26%. Ce facteur pronostique est régulièrement signalé dans les séries publiées. On peut en revanche remarquer qu’en cas de résection macroscopiquement complète l’absence de marges de sécurité (Résection R1) n’obère pas de façon très significative le pronostic (survie à 5 ans de 46% contre 49% avec des marges saines). L’absence de marges de sécurité ne doit donc pas être une contre-indication à la chirurgie. Quant à l’existence d’une métastase extra-hépatique synchrone ou préalable aux métastases hépatiques, elle diminue de façon significative la survie (30% contre 48% en son absence). Sans représenter une contreindication formelle lorsqu’elle est très limitée, accessible à un geste d’éxérèse chez un malade dont la 101 maladie est bien controlée par la chimiothérapie, elle n’en constitue pas moins l’un des 4 facteurs pronostiques majeurs du pronostic. Cette situation concerne essentiellement les métastases osseuses indolentes et non évolutives après plusieurs mois de traitement. Dans le processus de sélection des malades pour lesquels la chirurgie est susceptible d’apporter un réel bénéfice, un autre facteur apparaît particulièrement important : l’existence d’un intervalle libre de plus d’un an entre le traitement du cancer initial et l’apparition des métastases. La survie dans ces cas est de près de 10% supérieure à long terme comparativement aux patients réséqués pour des métastases apparues plus rapidement (survie à 5 ans, 46% vs 37%). L’apparition plus ou moins précoce des métastases hépatiques n’est en fait qu’un témoin indirect de la biologie et de l’agressivité de la tumeur mammaire initiale et on peut estimer que plus l’intervalle libre est prolongé, plus le pronostic a des chances d’être favorable. Ainsi, un intervalle de 48 mois avait été retrouvé par Pocartet collcomme déterminant pour une survie optimale. Enfin la chirurgie des métastases hépatiques de cancer du sein se justifie d’autant plus que le risque de la chirurgie est faible : la mortalité opératoire à 2 mois est quasi-nulle (0.2%) et la morbidité globale est de 22%. Ces résultats sont tout à fait en accord avec ceux de la littérature qui ne rapportent que 0.7% de mortalité opératoire. Le bénéfice potentiel de la chirurgie se trouve indirectement confirmé par le fait que la survie est nettement plus prolongée lorsqu’une rehépatectomie peut être réalisée en cas de récidive. La médiane de survie passe globalement de 42 mois après une seule hépatectomie à 117 mois après 2 hépatectomies. On doit admettre que les réhepatectomies ont probablement été faites là encore, chez des patients très sélectionnés, dont la biologie tumorale était favorable. Cependant, le fait d’observer une survie de 86% à 5 ans chez 22 malades soumis a une réhepatectomie est suffisamment étonnant dans un contexte de cancer du sein métastatique, pour être signalé. Enfin, le point le plus important dans l’évaluation des résultats est aussi le fait que 86 patients étaient en vie plus de 5 ans après la résection hépatique, apportant la preuve tangible que l’association chimiothérapie et chirurgie est bien susceptible d’apporter un réel bénéfice de survie à long terme. En synthèse, la chirurgie des métastases hépatiques est associée à une survie de 41% à 5 ans avec une médiane de survie de 45 mois nettement supérieure à celle de la chimiothérapie seule. Elle se justifie dans les situations ou la maladie tumorale est bien controlée par la chimiothérapie et que l’éxérèse est macroscopiquement complète, surtout lorsque l’intervalle libre après le traitement de la tumeur primitive est de plus d’un an et qu’il n’existe pas d’autre localisation extra-hépatique. Le risque opératoire très faible et les chances de survie prolongée doivent faire discuter ce type de chirurgie en concertation multidisciplinaire, dans tous les cas de métastases hépatiques isolées et non évolutives sous l’effet de la chimiothérapie. 102 Références 1. Clark GM, Sledge GW, Jr., Osborne CK, McGuire WL. Survivalfrom first recurrence: relative importance of prognosticfactors in 1,015 breast cancer patients. J Clin Oncol 1987;5(1):55-61. 2. Insa A, Lluch A, Prosper F, Marugan I, Martinez-Agullo A, Garcia-Conde J. Prognosticfactorspredictingsurvivalfrom first recurrence in patients withmetastaticbreast cancer: analysis of 439 patients. Breast Cancer ResTreat 1999;56(1):67-78. 3. Lee YT. Breastcarcinoma: pattern of recurrence and metastasisaftermastectomy. Am J Clin Oncol 1984;7(5):443-9. 4. Wyld L, Gutteridge E, Pinder SE, James JJ, Chan SY, Cheung KL, et al. Prognosticfactors for patients withhepaticmetastasesfrombreast cancer. Br J Cancer 2003;89(2):284-90. 5. 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Annals of Surgery 2006 Dec;244(6):897-907; discussion 907-8. 103 Survie Auteurs Date Nbre Pts Mort. op Mediane Elias 1995 21 0 26 9% Raab 1998 34 3% 27 18% Seifert 1999 15 0 57 18% Selzner 2000 17 6% 25 22% Yoshimoto 2000 25 - 34 - Pocart 2001 65 0 44 38% Vlastos 2004 31 0 63 61% Sakamoto 2005 34 0 36 21% Ercolani 2005 21 0 42 25% Adam 2006 85 0 32 37% Hoffmann 2010 41 0 58 48% Adam* 2006 460 - 45 41% Chua* 2011 553 0 40 40% * Etude multicentrique ou métaanalyse 104 5 ans Survie après Résection des métastases hépatiques de Cancer du Sein (Série Multicentrique Française . Rapport AFC 2004 Mediane= 45.4 mois 105 PLACE DE LA CHIRURGIE DANS LES METASTASES CEREBRALES DU CANCER DU SEIN Auteurs F. Almairac1 , P. Paquis1, 1 Service de neurochirurgie, CHU de Nice, Université de Nice Sophia-Antipolis 106 Introduction Les métastases sont les tumeurs cérébrales les plus fréquentes de l’adulte et sont une cause importante de morbidité et mortalité. L’incidence des métastases cérébrales varie entre 8,3 et 11 pour 100 000 habitants / an en fonction des registres [1-2]. La fréquence des métastases cérébrales est en cours d’augmentation du fait d’une survie prolongée après le diagnostic du cancer primitif, résultat d’une détection plus précoce et de traitements plus efficaces. Les localisations cérébrales du cancer du sein sont la deuxième cause de métastase cérébrale et compliquent entre 10 et 30 % des cancers du sein au stade métastatique [3-4]. Historiquement, les métastases cérébrales n’étaient pas traitées et la survie des patients n’excédait pas 4 à 6 semaines suivant le diagnostic. Dans les années 1950, deux mesures ont permis d’augmenter la survie : la corticothérapie et la radiothérapie cérébrale in toto. Cependant, elle n’excédait pas 3 à 6 mois. Ce n’est que dans les années 1990 que 2 essais randomisés comparant la chirurgie plus la radiothérapie à la radiothérapie seule ont démontré un gain significatif sur la survie (10 mois vs. 3,5 mois), une amélioration significative de l’indépendance fonctionnelle et un meilleur contrôle tumoral local [5-6]. La chirurgie permet, chez la plupart des patients, de soulager immédiatement des symptômes d’hypertension intracrânienne, de réduire un déficit neurologique focal ou de traiter une épilepsie symptomatique, et de diminuer rapidement les corticoïdes [7]. Les progrès de la chirurgie, grâce à l’apport des techniques de repérage telles que la neuronavigation, la stimulation électrique corticale et souscorticale en condition éveillée pour les aires hautement fonctionnelles, le microscope opératoire, ajoutés aux progrès de la neuroanesthésie, ont permis de diminuer la morbidité neurologique à 3,9 - 6 % et la mortalité à 0,7 – 1,9 % des patients opérés [8]. La radiothérapie stéréotaxique permet de délivrer une dose unique de rayons à une cible de 3 à 3,5 cm de diamètre maximal, par l’intermédiaire du gamma-knife (source cobalt) ou d’un accélérateur linéaire de particules (Linac). Un essai randomisé a démontré que la radiothérapie stéréotaxique combinée à la radiothérapie cérébrale in toto permet d’obtenir une meilleure médiane de survie et un meilleur contrôle local que la radiothérapie cérébrale in toto seule [9]. La survie des patients après traitement par radiothérapie stéréotaxique est comparable à celle obtenue après chirurgie [10]. Sur le plan de la stratégie de prise en charge, on distingue 2 situations : les patients avec métastase cérébrale unique, et les patients avec métastases cérébrales multiples (> 3). Le concept de métastase unique est étendu à 3 lésions chez des patients sélectionnés grâce aux progrès des traitements focaux (chirurgie et/ou radiothérapie stéréotaxique) qui permettent un meilleur contrôle de la maladie [11]. Lorsqu’il y a plus de 3 métastases, le traitement de référence demeure la radiothérapie cérébrale in toto. Les facteurs pronostiques les plus importants sont : le score fonctionnel de Karnofsky, le nombre de métastases cérébrales, le statut métastatique extra-crânien du cancer primitif, et l’âge [12]. Sur la base de ces facteurs, le Radiation Therapy Oncology Group (RTOG - USA) a identifié des sous groupes de patients (Recursive Partitioning Analysis ou RPA) répartis en 3 classes (tableau 1). La classe 1 avec un meilleur pronostic (âge < 65 ans, score de Karnofsky ≥ 70 %, tumeur primitive contrôlée, et absence de métastase extra-crânienne), la classe 3 au pronostic péjoratif (score de Karnofsky < 70 %) et la classe 2 (autres patients). De ce fait, le bilan clinico-radiologique d’un patient avec une ou des métastases cérébrales doit comprendre : un examen clinique complet, une imagerie par résonance magnétique de l’encéphale (IRM) et un scanner thoraco-abdomino-pelvien, et éventuellement un PET-TDM corps entier [7]. Indications thérapeutiques et place de la chirurgie Pour les patients avec une métastase cérébrale unique et de RPA classe 1 ou 2, la chirurgie ou la radiothérapie stéréotaxique peuvent être utilisés. La chirurgie d’exérèse reste le traitement de référence si : lésion > 3 cm de plus grand diamètre, ou accessibilité de la tumeur (peu profonde et en zone non ou peu fonctionnelle), ou situation d’hypertension intracrânienne, ou tumeur kystique ou hémorragique, ou nécessité d’obtenir l’histologie de la lésion [13]. Dans les autres situations, la radiothérapie stéréotaxique peut être utilisée. La place de la radiothérapie cérébrale in toto adjuvante est discutée au cas par cas car elle n’a pas prouvé de bénéfice sur la survie globale ni sur l’indépendance fonctionnelle [14]. 107 Pour les patients avec une métastase unique mais classés 3 selon le RPA, il n’y a pas de bénéfice à un traitement localisé sur la survie globale. Cependant, une chirurgie peut être pratiquée si la tumeur est responsable d’une hypertension intracrânienne, ou d’un déficit neurologique invalidant afin d’améliorer rapidement la situation clinique [7]. Pour les patients avec 2 à 3 métastases, des études ont démontré que, pour une population sélectionnée (classe 1 ou 2 RPA), la chirurgie ou la radiothérapie stéréotaxique ou les 2 combinés permettent d’obtenir des résultats similaires en terme de survie et de pronostic fonctionnel que pour les patients avec une métastase cérébrale unique [11]. Pour les patients avec des métastases cérébrales multiples (> 3), le traitement de référence demeure la radiothérapie cérébrale in toto [7]. Un geste chirurgical peut être discuté si une des lésions met en jeu le pronostic vital à court terme, afin de corriger une situation d’hypertension intracrânienne. En dehors de l’exérèse chirurgicale on peut envisager des gestes de ponction de lésions kystiques ou une dérivation du liquide céphalo-rachidien en cas d’hydrocéphalie associée. Dans les situations de récidives cérébrales, locales ou à distance, la conduite à tenir est la même que décrite précédemment [7]. Série du service de neurochirurgie du CHU de Nice entre 1998 et 2010 Nous avons fait une étude rétrospective des patients opérés dans le service de neurochirurgie du CHU de Nice entre 1998 et 2010. L’objectif principal était d’évaluer la morbi/mortalité des interventions, les objectifs secondaires étaient d’évaluer l’impact de la chirurgie sur la survie et sur l’histoire naturelle de la maladie. Trois cent dix-huit patients ont eu une biopsie ou une exérèse. Dans 12,3 % des cas (n=39) il s’agissait d’une métastase de cancer du sein. De cette population, nous avons pu dégager les données suivantes : - Métastase unique dans 79,5 % des cas (n=31), 2 métastases dans 12,8 % des cas (n=5), 3 métastases dans 2,5 % des cas (n=1). - Exérèse complète dans 97,5 % des cas (n=38). - Morbidité opératoire : 2,5 % des cas (n=1), à savoir un état de mal épileptique partiel simple - Survie médiane de 14,82 mois [2,9 – 97,13] Conclusion La prise en charge des métastases cérébrales du cancer du sein fait appel à une discussion au cas par cas lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire avec une indication chirurgicale réservée aux patientes en bon état général avec des lésions volumineuses ou kystiques, accessibles, responsables d’une hypertension intracrânienne ou d’un déficit neurologique focal. Tableau 1 : Recursive Partitioning Analysis (RPA) pour métastases cérébrales Classe 1 Classe 2 Classe 3 KPS ≥ 70 ≥ 70 < 70 Statut du primitif Contrôlé Non contrôlé Age < 65 ≥ 65 Statut extra-crânien Uniquement cerveau Autre(s) site(s) KPS = Karnofsky Performans Status 108 Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. Walker, A.E., M. Robins, and F.D. Weinfeld, Epidemiology of brain tumors: the national survey of intracranial neoplasms. Neurology, 1985. 35(2): p. 219-26. Percy, A.K., et al., Neoplasms of the central nervous system. Epidemiologic considerations. Neurology, 1972. 22(1): p. 40-8. Pienkowski, T. and C.C. Zielinski, Trastuzumab treatment in patients with breast cancer and metastatic CNS disease. Ann Oncol, 2010. 21(5): p. 917-24. Tsukada, Y., et al., Central nervous system metastasis from breast carcinoma. Autopsy study. Cancer, 1983. 52(12): p. 2349-54. Patchell, R.A., et al., A randomized trial of surgery in the treatment of single metastases to the brain. 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Dans notre étude, les patientes HER2+ ont la meilleure survie globale (11,9 mois) devant les tumeurs RH+/HER2- (8,3 mois) et triple négatives (RH-/HER2-) (5,9 mois) (p = 0,062). Le phénotype tumoral constitue en analyse multiparamétrique un facteur pronostique de survie globale indépendant. Les traitements locaux et la chimiothérapie ont également un impact pronostique quelquesoit le phénotype tumoral pour une population en bon état général. Dans la population HER2+, le traitement anti-HER2 après le diagnostic de métastases cérébrales est associé à une meilleure survie globale (15,2 contre 3,4 mois) (p < 0,001). Mots-Clés Cancer du sein, Métastases cérébrales, Phénotype tumoral, Traitement anti-HER2. 111 Introduction Notre attitude thérapeutique quotidienne, tant en adjuvant qu’en phase métastatique, est guidée par des indicateurs immunohistochimiques et moléculaires tels que le statut des récepteurs hormonaux (RH) et le statut HER2 de la tumeur primitive. Toutefois, lorsque la maladie évolue au niveau cérébral, le pronostic sombre associé ainsi que le dogme d’une barrière hémato-encéphalique infranchissable remettent en question pour certains cette stratégie thérapeutique. Quel est l’impact pronostique de ces sous-types biologiques après le diagnostic de métastases cérébrales ? Faut il adapter notre stratégie thérapeutique en fonction de la présentation phénotypique ? Les différents phénotypes de cancer du sein Les cancers du sein constituent un groupe hétérogène sur le plan moléculaire, histologique et clinique. Quatre classes moléculaires principales ont pu être définies par des études des profils d’expression génique (Hu et al, 2006; Perou et al, 2000; Sorlie et al, 2001; Sotiriou et al, 2003) : - le phénotype luminal Ces tumeurs expriment les gènes retrouvés dans les cellules épithéliales mammaires bien différenciées présentes dans la lumière des canaux galactophores comme le gène du récepteur aux estrogènes, les cytokératines luminales 8,18 et 19 et le gène GATA3 qui est impliqué dans le contrôle de la croissance et le maintien de la différenciation des tumeurs surexprimant le récepteur aux estrogènes. Elles sont classées en deux catégories A et B. Les tumeurs luminales A diffèrent des tumeurs luminales B par une expression plus élevée de récepteurs aux estrogènes, en particulier le récepteur α, et par une prolifération plus faible. Une partie des luminales B peuvent de plus être HER2+ en immunohistochimie. - le phénotype HER2+ Ce sous-type de tumeurs est associé à une amplification de l’oncogène Erb-b2 détectée par FISH (nombre de copies/nombre de centromères 17 > 2,2 (> 2 d’après les recommendations de St Gallen de 2011) ou CISH. - le phénotype « basal-like » Ces tumeurs sont composées en très grande majorité par les tumeurs triple négatives. Eles dérivent probablement des cellules myoépithéliales formant la membrane basale et expriment des marqueurs 112 basaux (cytokératines 5 /6, 17, 14, EGFR, c-kit, moesine, cavéoline, NGFR/p75). Elles sont en général mutées pour p53. Ces tumeurs surviennent plus souvent chez des patientes porteuses de la mutation germinale délétère BRCA1. Les tumeurs « basal-like » sont asssociées à un pronostic péjoratif (survie sans récidive et survie globale plus courtes) du fait de possibilités thérapeutiques limitées (pas d’indication d’hormonothérapie ni de traitement anti-HER2) et de caractéristiques souvent agressives (grade 3 dans 85 à 100% des cas, index mitotique élevé et atypies nucléaires marquées) (Livasy et al, 2006; Nielsen et al, 2004). Il existe une corrélation avec le profil immunohistochimique de la tumeur qui traduit la présence de protéines issues de l’expression des principaux gènes étudiés (Carey et al, 2006). Au diagnostic de cancer, la répartition de ces différents sous-types est la suivante : 12-16% de tumeurs « basal-like », 20-25% de tumeurs HER2+ et 65-70% de tumeurs luminales (Konecny et al, 2003). Il a été établi une corrélation entre ces profils d’expression génique et la survie dans le cancer du sein (van de Vijver et al, 2002). Sur une cohorte de 469 femmes traitées pour un cancer du sein de stade précoce, la classification en sous-type a été corrélée à la survie sans récidive et la survie globale (Carey et al, 2006). Dans l’ère pré-trastuzumab, les tumeurs HER2+ avaient le moins bon pronostic suivies des tumeurs « basallike » et luminal B et A (Rouzier et al, 2005). Ces sous-types biologiques ont également des taux de récidive locale et de récidive métastatique différents (Nguyen et al, 2008). Ainsi dans une étude portant sur 793 patientes, dans l’ère pré-trastuzumab, le phénotype HER2+ et le phénotype triple négatif étaient associés à un risque de rechute locale respectivement multipliés par 9,2 et 7,1. Le phénotype luminal B (hazard ratio : 2,9 ; p = 0,007) et le phénotype basal (hazard ratio : 2,3 ; p = 0,035) étaient des paramètres indépendants pour la rechute métastatique. Présentation phénotypique et incidence des métastases cérébrales Les phénotypes tumoraux ont également des comportements métastatiques différents avec une proportion entre 2 et 5 fois plus importante de métastases cérebrales pour les population triple négative, « basal-like » et HER2+ par rapport aux populations luminales (Kennecke et al, 2010). Ainsi parmi les facteurs de risque biologique connus, on retrouve : - la négativité pour les récepteurs hormonaux (RH-) (Clark et al, 1987; Crivellari et al, 2001; Evans et al, 2004; Higashi et al, 2000; Maki & Grossman, 2000; Pestalozzi et al, 2006; Samaan et al, 1981; Slimane et al, 2004; Tham et al, 2006). Dans une série de 217 patientes avec cancer du sein, le taux de métastases cérébrales était de 10% dans la sous-population à récepteurs hormonaux négatifs contre 4% si les récepteurs hormonaux étaient positifs (Samaan et al, 1981). Tham et al retrouvent sur une cohorte de plus 113 de 10000 patientes un risque 2, 8 fois plus élevé de développer des métastases cérébrales en cas de tumeur RH- (Tham et al, 2006). Deux explications principales sont avancées pour expliquer ce résultat : 1l’activité intrinsèque de ce type de tumeurs plus agressive que les tumeurs hormonodépendantes ; 2- il s’agit d’un épiphénomène d’une surexpression de HER2 qui est corrélée avec la négativité des RH. Cette population est donc classée soit HER2 surexprimée, soit triple négative. - le statut HER2 des tumeurs primitives (Bendell et al, 2003; Clayton et al, 2004; Miller et al, 2003) (tableau 15) : la surexpression du récepteur HER2 augmente d’un facteur 3 la fréquence d’une atteinte cérébrale secondaire (Gabos et al, 2006; Leyland-Jones, 2009). Dans une série de 155 femmes avec cancers du sein métastatiques non symptomatiques au niveau cérébral, ont été réalisés des scanners cérébraux à l’inclusion. Ceux-ci ont permis de diagnostiquer des métastases cérébrales occultes dans 15% des cas. La surexpression de HER2 était prédictive de métastases cérébrales occultes (Miller et al, 2003). La survie de ces patientes était similaire à celle de patientes symptomatiques. Dans un essai portant sur 523 patientes, l’incidence des métastases cérébrales était supérieure chez les patientes surexprimant le récepteur HER2 (Bendell et al, 2003; Crivellari et al, 2001). Pour Yu et al, la surexpression de HER2 induit des tumeurs avec un potentiel métastatique plus marqué avec davantage de métastases, dont les métastases cérébrales (Yu et al, 1994; Yu & Hung, 1991). Le trastuzumab ne franchissant pas la barrière hémato-encéphalique lorsque celle-ci n’est pas altérée, cette augmentation d’incidence serait liée à un changement de l’histoire naturelle de la maladie secondaire à une amélioration du contrôle systémique extra-cérébral. La tumeur aurait ainsi plus de temps pour métastaser au cerveau et les micrométastases cérébrales auraient plus de temps pour atteindre le stade clinique (Burstein et al, 2005; Issa et al, 2002). - un statut triple négatif des RH et de HER2 : Nam et al retrouvent une proportion de tumeurs TN chez 37% des patients porteurs de métastases cérébrales contre 25% chez les patients n’ayant pas de métastases cérébrales (Nam et al, 2008) Ces données posent la question de l’intérêt d’une surveillance spécifique et d’une irradiation prophylactique pour certains phénotypes tumoraux 114 Présentation phénotypique et pronostic après le diagnostic de métastases cérébrales Données de la littérature (tableau 1) Nam et al ont analysé le pronostic de 126 cancers du sein avec métastases cérébrales selon le sous-type tumoral. Les survies médianes étaient respectivement de 4, 5, 9,2 et 3,4 mois pour les tumeurs RH(récepteurs hormonaux)+/HER2-, les tumeurs RH-/HER2+, les tumeurs RH+/HER2+ et les tumeurs triple négatives (p = 0,045) (Nam et al, 2008). Dawood et al ont étudié les facteurs pronostiques de métastases cérébrales traitées par radiothérapie pan-encéphalique sur une cohorte de 223 femmes (Dawood et al, 2010). Toutes les patientes avec une tumeur HER2+ étaient traitées par du trastuzumab. En analyse multiparamétrique, le risque de décès était plus faible avec un score RPA bas, des doses de radiothérapie supérieures à 30 Gy et un sous-type tumoral HER2+. Niwinska et al ont évalué le pronostic de 205 femmes avec cancer du sein métastatique au niveau cérébral. Ils ont rapporté des survies globales respectives de 3,7, 9 et 15 mois parmi les tumeurs triple négatives, HER2+ et RH+/HER2- (p = 0,025) (Niwinska et al, 2010). Anders et al ont également comparé les médianes de survie de 119 cancers du sein avec métastases cérébrales et ont confirmé la valeur pronostique péjorative d’un statut triple négatif (Anders et al, 2010). A la lumière de ces résultats, la définition des groupes pronostiques qui conditionne les modalités thérapeutiques a évolué. Ainsi le dernier score du RTOG (Radiation Therapy Oncology Group), le Graded Prognosis Assessment (GPA), a été actualisé et intègre dorénavant pour le cancer du sein la biologie tumorale (Sperduto et al, 2011). Tableau 1 - Médianes de survie des différents sous-types biologiques de cancer du sein. n = nombre de patients, TN = maladie triple négative (RH-/HER2-) Auteurs n Traitement anti-HER2 SG médiane (mois) si HER2 surexprimé RH+/HER2- HER2+ TN 13,1% 9,6 14,4 si RH – 2,9 (Anders et al, 2010) 119 (Dawood et al, 2010) 223 100% 5 9 5 (Niwinska et al, 2010) 205 Non précisé 15 9 3,7 (Nam et al, 2008) 126 37,5% 4 5 si RH – 3,4 14,3 si RH+ 9,2 si RH+ 115 Données de notre étude Nous avons effectué une étude rétrospective bi-centrique intéressant les CRLC de Montpellier (CRLC Val d’Aurelle Paul Lamarque) et de Nice (Centre Antoine Lacassagne). Après analyse de 467 dossiers de patients traités pour cancer du sein et ayant présenté des métastases cérébrales de 1995 jusqu’au mois d’octobre 2010, nous avons inclus 250 patients ayant une confirmation anatomopathologique du statut HER2 et du statut des RH de la tumeur primaire. Nos résultats corroborent ceux de la littérature puisque il existe une différence de médianes de survie entre les différents sous-groupes biologiques avec respectivement 5,9 (IC 95%, 4-9,5), 8,3 (IC 95%, 4,7-10) et 11,9 mois (IC 95%, 8,7-15,5) pour les patientes présentant des tumeurs triple négatives, RH+ /HER2-et HER2+ (figure 1). Cette différence n’est pas significative en uniparamétrique (p = 0,062) en raison d’une répartition inégale d’autres facteurs pronostiques comme l’état général entre les différents sous-groupes. Cependant en multiparamétrique, les phénotypes non triple négatifs sont associés significativement à un risque de décès deux fois moins important que la population triple négative. Figure 1 - Estimation Kaplan-Meier de la survie globale après le diagnostic de métastases cérébrales selon le sous-groupe biologique 116 Quel traitement systémique en fonction de la présentation phénotypique ? La chimiothérapie Données de la littérature Les métastases cérébrales des cancers du sein ont la particularité d’être chimiosensibles. En cas de métastases cérébrales constituées, le taux de réponse des métastases cérébrales est globalement superposable à celui des métastases extra-cérébrales (Boogerd et al, 1992; Robinet et al, 2001). Les taux de réponse sont comme pour les métastases extra-cérébrales plus importants chez les patients naïfs de chimiothérapie et décroissent de ligne en ligne. Ils varient dans la littérature entre 20 et 60%, (Boogerd et al, 1992; Franciosi et al, 1999; Jacot et al, 2010; Rosner et al, 1986). Dans 4 études sur 5 dans lesquelles l’apport de la chimiothérapie est étudié, la prescription de chimiothérapie a une valeur pronostique en analyse multiparamétrique (Boogerd et al, 1993; Harputluoglu et al, 2008; Lee et al, 2008; Park et al, 2009a).Dans l’étude de Bartsch et al, la prescription de chimiothérapie après le diagnostic de métastases cérébrales double la survie de façon significative de 5 à 10 mois (p = 0,002) (Bartsch et al, 2006). Données de notre étude En analyse multiparamétrique chez des patients ayant un index de Karnofsky supérieur à 60%, le risque de décès est quatre fois plus important chez les patientes ne recevant pas de chimiothérapie (hazard ratio 0,75 (IC95% 0,16-0,38, p < 0,001)) (tableau 2). La chimiothérapie doit donc être prescrite à tous les patients et ce de façon indépendante au phénotype tumoral, lorsque l’état général le permet. 117 Tableau 2 - Facteurs pronostiques cliniques post-thérapeutiques de survie globale dans la population RPA 1 et 2 en analyse multiparamétrique. HR = hazard ratio, IC = intervalle de confiance. Paramètres HR p IC à 95% RPA 2 2,00 0,020 1,11-3,58 Métastases hépatiques au diagnostic de métastases cérébrales 1,64 0,006 1,15-2,33 Hypertension intra-crânienne 1,44 0,041 1,02-2,04 Phénotype RH+/HER2- 0,47 0,006 0,30-0,82 Phénotype HER2+ 0,47 0,003 0,28-0,77 Chimiothérapie 0,25 < 0,001 0,16-0,38 Chirurgie / Traitement stéréotaxique 0,36 < 0,001 0,20-0,64 Les traitements anti-HER2 Données de la littérature Bartsch et al ont comparé une série de 17 patientes chez qui le trastuzumab a été poursuivi après l’irradiation de métastases cérébrales à un contrôle historique de 36 patientes chez qui il était arrêté (Bartsch et al, 2007). L’analyse multiparamétrique a montré une survie globale augmentée de façon significative dans le groupe où le trastuzumab avait été poursuivi (21 mois contre 9 mois pour le groupe contrôle) avec une tendance à une survie sans progression plus longue. Kirsch et al ont comparé la survie globale de trois groupes : un groupe de 36 patientes avec statut HER2+ traité dans lequel le trastuzumab a été maintenu après diagnostic des métastases cérébrales, un groupe de 11 patientes avec statut HER2+ traité dans lequel le trastuzumab a été arrêté et un dernier groupe de 48 patientes avec statut HER2- (Kirsch et al, 2005). Le maintien du trastuzumab s’est traduit par un avantage en survie globale, la survie des deux autres groupes étant équivalente. Les principaux biais de cette étude résident dans le déséquilibre des différents bras et l’absence de données concernant l’état général et la dissémination extra-cérébrale de la maladie. 118 Dans une étude rétrospective incluant 56 patientes avec métastases cérébrales de cancer du sein, la survie médiane a été de 12,8 mois pour les patients qui ont reçu le trastuzumab après le diagnostic contre 4 mois pour ceux qui n’ont pas reçu de trastuzumab (p = 0,019) (Nam et al, 2008). Les études de Park et al (Park et al, 2009b) et de Church et al (Church et al, 2008) ont également retrouvé, sur des séries comprenant respectivement 78 et 26 patients HER2+ avec métastases cérébrales, un bénéfice significatif à la poursuite du trastuzumab. Dawood et al ont analysé de façon rétrospective 598 patientes dont 280 HER2+ suivies pour cancer du sein et ayant des métastases cérébrales traitées ou non par trastuzumab en adjuvant et en métastatique (Dawood et al, 2008). La survie médiane est significativement allongée dans le groupe HER2+ ayant reçu du trastuzumab par rapport aux 2 autres groupes de patientes : 11,6 mois vs 6,3 mois pour les patientes HER2et 6,1 mois pour les patientes HER2+ non traitées par trastuzumab. Ces derniers résultats rejoignent ceux de Niwinska et al qui ont montré une différence significative de survie médiane dans le sous groupe des patientes HER2+ : 3 mois en l’absence de traitement systémique, 8 mois en cas de traitement par chimiothérapie seule et 11 mois si traitement par chimiothérapie et trastuzumab (Niwinska et al, 2010) . Données de notre étude La population HER2+ traitée par anti-HER2 après diagnostic de métastases cérébrales (89 patientes) a une médiane de survie globale après diagnostic de métastases cérébrales supérieure à la population HER2+ non traitée par anti-HER2 (20 patientes) avec des médianes de survie globale respectives de 15,2 (IC 95% 11,519,4), et 3,4 mois (IC 95% 1,4-6) (p < 0,001) (figure 2). La survie sans progression depuis le diagnostic de métastases cérébrales est également meilleure dans le groupe traité par anti-HER2 (6,3 mois (IC 95% 4,77,4) contre 2,7 mois dans le groupe non traité par anti-HER2 (IC 95% 1,1-5,5), p = 0,001). Il est en de même pour la survie sans progression cérébrale depuis le diagnostic de métastases cérébrales (9 mois (IC 95% 7,811,5) contre 5,5 mois (IC 95% 1,2-6,7), p < 0,001). Parmi les patientes traitées par anti-HER2 avant le diagnostic de métastases cérébrales, celles ayant poursuivi le traitement anti-HER2 après le diagnostic de métastases cérébrales (69 patientes) ont une médiane de survie statistiquement supérieure (p < 0,001) à celles ayant arrêté le traitement (16 patientes) (14,9 mois (IC 95% 10,1-20,2) contre 3,4 mois (IC 95% 1,4-7,6)). 119 Figure 2 - Estimation Kaplan-Meier de la survie globale selon la prescription d’un traitement anti-HER2 après le diagnostic de métastases cérébrales Quel traitement local en fonction de la présentation phénotypique ? La radiothérapie panencéphalique Outre son activité démontrée sur la réduction du taux de récidives intracérébrales à long terme, la radiothérapie peut jouer un rôle en favorisant l’effraction de la la barrière hémato encéphalique, ce qui faciliterait le transport intra-cérébral de molécules de haut poids moléculaire comme le trastuzumab. Des données pharmacocinétiques montrent que la concentration de cette drogue dans le liquide céphalorachidien, qui est 420 fois moins forte que dans le sérum, est multipliée par 5 après radiothérapie panencéphalique (Lindrud et al, 2003; Stemmler et al, 2007). Les traitements locaux ciblés Dans notre étude, plus de la moitié des décès étaient imputables à la progression cérébrale, ce qui pose la question de la place des traitements locaux dans cette situation. Bartsch et al ont analysé les facteurs pronostiques de 174 patients avec métastases cérébrales de cancer du sein. En multiparamétrique, seuls l’état général, les traitements systémiques et les traitements locaux intensifiés étaient associés à meilleure survie sans progression et à une meilleure survie globale (Bartsch et al, 2006). D’autres auteurs ont retrouvé des résultats similaires (Bartsch et al, 2006; Lee et al, 2008; Viani et al, 2007). 120 Dans notre étude, en analyse multiparamétrique chez des patients ayant un index de Karnofsky supérieur à 60%, l’administration de traitements locaux ciblés (chirurgie, traitement stéréotaxique) diminue de 64% le risque de décès (hazard ratio 0,36 (IC95% 0,20-0,64, p < 0,001)), de façon indépendante par rapport au phénotype tumoral (tableau 2). Quelquesoit le phénotype tumoral, il faut donc proposer un traitement local ambitieux quand cette situation est possible (état général, nombre et taille des métastases, …). Conclusion Les traitements locaux ciblés et la chimiothérapie améliorent la survie globale des patients en bon état général indépendemment du phénotype tumoral. Pour les patients HER2+, la poursuite du traitement antiHER2 améliore les résultats oncologiques. Les association optimales des traitements systémiques et locaux restent à définir. Enfin l’amélioration du pronostic de certaines souspopulations impose de prendre en compte les toxicités à long termes des différents traitements. 121 Références Anders CK, Deal AM, Miller CR, Khorram C, Meng H, Burrows E, Livasy C, Fritchie K, Ewend MG, Perou CM, Carey LA (2010) The prognostic contribution of clinical breast cancer subtype, age, and race among patients with breast cancer brain metastases. Cancer Bartsch R, Fromm S, Rudas M, Wenzel C, Harbauer S, Roessler K, Kitz K, Steger GG, Weitmann HD, Poetter R, Zielinski CC, Dieckmann K (2006) Intensified local treatment and systemic therapy significantly increase survival in patients with brain metastases from advanced breast cancer - a retrospective analysis. Radiother Oncol 80: 313-7 Bartsch R, Rottenfusser A, Wenzel C, Dieckmann K, Pluschnig U, Altorjai G, Rudas M, Mader RM, Poetter R, Zielinski CC, Steger GG (2007) Trastuzumab prolongs overall survival in patients with brain metastases from Her2 positive breast cancer. 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Ceci est particulièrement vrai pour les cancers du sein HER2+, dont la médiane de survie a pratiquement doublé en 10 ans et qui présentent un tropisme singulier au niveau cérébral : environ un tiers des patientes métastatiques développeront en effet une atteinte cérébrale au cours de leur vie (1). Les données concernant l’efficacité des molécules de chimiothérapie usuelles au niveau cérébral existent mais sont rares. On ne dénombre ainsi aucun essai de phase III et les études publiées sont pour la plupart rétrospectives, les autres étant des phases II non randomisées. Le choix de la molécule ou du protocole approprié est pourtant une préoccupation au cœur de l’activité oncologique quotidienne. La complexité provient de la coexistence très fréquente d’atteintes secondaires extra-cérébrales le plus souvent, d’ailleurs à l’origine du décès du patient dans environ la moitié des cas (2). Ainsi, avant de proposer un traitement, il faudrait non seulement connaître le taux de réponse (TR) et la survie sans progression (SSP) au niveau cérébral mais aussi le TR, la SSP au niveau extra-cérébral. La survie sans symptômes neurologiques, la cause de décès (d’origine neurologique ou non) et l’amélioration des symptômes neurologiques (céphalées, nausées ou vomissement, syndrome cérébelleux, incidence des crises convulsives, déficit moteur ou sensitif, confusion, etc…) sont également des données indispensables, malheureusement très rarement disponibles. Enfin, une des questions également encore non résolue est de connaître la séquence thérapeutique optimale associant le traitement systémique et la radiothérapie (3). Nous aborderons dans ce chapitre les données pouvant guider le clinicien dans le choix du traitement systémique, en envisageant ensuite les voies de développement actuelles. 1. Barrière hémato-encéphalique et caractéristiques théoriques d’une molécule efficace au niveau cérébral – limites du concept. Une des caractéristiques essentielles à l’activité de la molécule est sa capacité à pénétrer dans le parenchyme cérébral, donc à traverser la barrière hémato-encéphalique (BHE). Celle-ci représente un sorte de membrane semi-perméable protectrice du tissu cérébral vis à vis de molécules potentiellement toxiques. Elle se compose des cellules endothéliales entourées de péricytes, d’une membrane basale et des pieds des astrocytes (4-5). Les principales propriétés permettant un diffusion optimale à travers la BHE intacte sont (6-7): 1. la taille de la molécule: toute molécule de plus de 180 Da est bloquée et un grand nombre de molécules de chimiothérapie dépassent les 400 Da (vincristine, vinblastine, paclitaxel, etoposide). Le trastuzumab, anticorps monoclonal de 148 000 Da, ne pénètre pas la BHE intacte. Il en est de même pour le lapatinib, même si nettement plus petite, avec un poids moléculaire de environ 580 Da. 2. la liposolubilité de la molécule (coefficient de distribution octanol/eau, exprimé en échelle logarithmique - LogP): une molécule pénétrera d’autant plus qu’elle est liposoluble (les nitrosourées telles que le CCNU, le BCNU, la fotémustine mais aussi le temozolomide, un agent alkylant ou encore la 127 doxorubine liposomale) et ionisée. Le methotrexate, molécule hydrophile, nécessite une administration à haute dose (> 3.5 g/m2) pour obtenir des concentrations efficaces dans le parenchyme cérébral. 3. la liaison aux protéines plasmatiques : de nombreuses molécules de chimiothérapie (etoposide, melphalan, vincristine, paclitaxel…) sont liées à plus de 90% aux protéines plasmatiques, ce qui réduit d’autant la fraction libre de la molécule dans le plasma disponible pour traverser la BHE (6). 4. La présence de pompes à efflux (ex : P-glycoprotein, breast cancer–resistance protein, etc…): la BHE expriment de hauts niveaux de pompes à efflux qui empêchent la diffusion passives de molécules de chimiothérapie (paclitaxel, vincristine, vinblastine, doxorubicin, and etoposide…) mais aussi les petites molécules (imatinib, sorafenib, sunitinib, lapatinib…) (7) 5. D’autres caractéristiques moléculaires ont été identifiées tels qu’un nombre d’atomes d’azote et d’oxygène < 5 et une petite surface polaire(< 60-70 Å2 ou encore une taille physique < 11 nm (8). Le topotécan, le tamoxifène et dans une moindre mesure le 5-FU et la capecitabine peuvent franchir la BHE. En revanche, le cisplatine et la vinorelbine pénètrent peu et la gemcitabine, l’irinotecan, le cyclophosphamide ou encore le fulvestrant ne pénétrent pas la BHE intacte. Pourtant, certaines de ces molécules, notamment en association comme nous le verrons ensuite, présentent une certaine efficacité pour le traitement des métastases cérébrales. En fait, il semble que ce ne soit pas tant la capacité à diffuser à travers la BHE qu’il faille privilégier mais bien l’efficacité de la molécule sur le primitif. En effet, la BHE est altérée au niveau des métastases (9), ce qui est correspond à une fuite de produit de contraste à l’IRM ou au TDM. Le concept de sanctuaire cérébral n’est alors plus ou beaucoup moins vérifié. Ainsi, l’étude de la concentration intraparenchymateuse du paclitaxel, qui ne pénétre pas la BHE intacte, objective des concentrations certes inférieures à d’autres organes mais nettement supérieures au parenchyme sain (10). Malgré tout, il existerait une grande variabilité au niveau des métastases cérébrales avec seulement 10% des lésions qui permettraient une diffusion suffisante du paclitaxel ou encore de la doxorubicine à des doses cytotoxiques (11). Le vrai challenge est en fait la destruction des micro-métastases, c’est à dire les lesions inférieure à 0.1 mm, infracliniques, non visualables à l’IRM cérébrale, qui ont elles une BHE toujours intacte (7). Ce concept de micro-métastase prend toute sa signification par exemple avec la démonstration d’un gain en survie globale de la radiothérapie encéphalique in toto chez les patients atteints d’un carcinome pulmonaire à petites cellules en réponse à une première ligne de chimiothérapie. Aucun essai n’a montré un tel impact dans les cancers du sein, avec notamment l’échec d’un essai développé dans les cancers du sein HER+. Malgré tout, les données d’incidence de métastases cérébrales comme site de première progression dans l’essai de phase III randomisé du lapatinib en association avec la capecitabine en comparaison avec la capecitabine seule (4 vs. 13%, P = 0.045) illustre le concept (12). L’hypothèse alternative d’un meilleur contrôle de la maladie systémique et donc d’une probabilité moindre d’émergence de clones tumoraux à tropisme cérébral peut cependant expliquer le phénomène observé, qui reste toutefois à confirmer. La destruction de ces micro-métastases nous apparaît comme essentielle afin d’améliorer la survie sans progression cérébrale et par extension la survie globale des patients. Ceci ne sera possible qu’avec le développement de molécules non seulement à plus forte diffusion à travers la BHE mais aussi plus cytotoxiques. 128 2. Efficacité des traitements systémiques pour le traitement des métastases cérébrales de cancer du sein. La principal facteur limitant à l’analyse des données de la littérature sur l’efficacité des traitements systémiques (chimiothérapie, anticorps monoclonal, petite molécule) provient du nombre très limités d’études, le plus souvent de faible effectif, rétrospectives, monocentriques et anciennes (2, 13-15). De plus les essais présentaient souvent des localisations primitives hétérogènes, avec des patients variablement prétraités par chimiothérapie ou par radiothérapie cérébrale. Ceci, associé à des critères d’évaluation non standardisés entre les études, explique la grande disparité des TR rapportés. Une des plus grandes études, mais aussi une des plus anciennes, a étudié une variété de protocoles associant la doxorubicine, le cyclophosphamide, le 5-FU, le methotrexate et la vincristine. Cinquante des 100 patientes incluses, sans irradiation cérébrale antérieure, ont présenté une réponse clinique au niveau cérébral (10 réponse complète (RC), 40 réponses partielles (RP)) avec des TR allant de 17% (adryamicin-cyclophosphamide) à 54% (CMF+prednisone, 19 réponses sur 34) (16), suggérant d’ores et déjà qu’une réponse est possible avec des molécules ne passant pas ou peu la BHE. A noter que le taux de réponse extra-cérébral était identique. Il en était de même dans un essai ayant porté sur 22 patientes, la majorité traitées par CMF (n = 20, les 2 autres par FAC), avec un taux de réponse cérébral et extra-cérébral de 59% (le plus élevé pour un essai de chimiothérapie, mais effectif très faible) (17). Une étude de phase II ouverte non randomisée a rapporté un taux de réponse de 38% de l’association cisplatine-etoposide, parmi 56 patientes avec métastases cérébrales d’un cancer du sein (7 RC, 14 RP) (18). La même association avait antérieurement permis 5 RC (23%) et 7 RP (32%) soit un TR de 55% parmi 22 patientes avec atteintes secondaires cérébrales d’un cancer du sein mais ces données sont rétrospectives (19). Ceci nous semble particulièrement intéressant, en particulier pour les métastases cérébrales d’un cancer du sein triple négatif, même si l’absence de donnée sur les sous-types histologiques et les très faibles effectifs de ces études doivent nous amener à la prudence et au développement d’essais prospectifs multicentriques. Nous n’avons pas retrouvé de données concernant l’efficacité du carboplatine dans les métastases cérébrales de cancer du sein, alors que le carboplatine semble permettre une meilleure diffusion cérébrale que le cisplatine et a déjà donné des réponses en monothérapie ou en association avec l’étoposide ou le paclitaxel dans la prise en charge de métastases cérébrales de cancer ovarien ou pulmonaire (13). Une étude rétrospective sur le méthotrexate haute dose a objectivé un taux de réponse de 28% sur un faible effectif de 32 patients, dont 30 avec métastases d’un cancer du sein. L’association carmustine (100 mg/m2 J1, J1 = J28) – methotrexate (600 mg/m2, J1 et J15, J1 = J28) a montré un taux de réponse de 23% (11 réponses sur 50 patientes traitées) avec une médiane de SG de 6.9 mois dans une étude rétrospective montpelliéraine publiée récemment (15). Le temozolomide, qui possède une bonne diffusion cérébrale et qui a montré son efficacité dans les tumeurs primitives cérébrales, a en revanche donné des résultats décevants pour le traitement des métastases cérébrales. En monothérapie, le taux de réponse cérébral a été de moins de 10% (13, 20). Compte tenu du faible taux de réponse au niveau extra-cérébral par ailleurs, cette molécule seule ne devrait plus être utilisée (ceci pourrait être différent en association avec la radiothérapie cérébrale, comme radiosensibilisant, mais ce thème n’est pas abordé). Un essai de phase I d’association avec la capécitabine a rapporté un taux de réponse de 18% (n=24) (21), sachant que la capecitabine en monothérapie a rapporté un taux de réponse intéressant de 28% dans une étude rétrospective, certes de très faible effectif (n = 7) (22). Compte tenu de sa très large utilisation en phase métastatique, ces données sont importantes. 129 En ce qui concerne l’association paclitaxel-bevacizumab, nous ne disposons à notre connaissance que d’une publication de cas (23) rapportant 4 réponses partielles et d’un essai rétrospectif chez des patientes prétraitées en phase métastatique, avec 5 patientes sur 42 qui présentaient une atteinte cérébrale, et 2 réponses signalées (24). Les essais de phase III randomisé ayant étudié le bevacizumab n’ont en effet inclus aucune patiente avec métastases cérébrales. Sur les 2251 patientes de l’essai en ouvert ATHENA, 2 patientes seulement présentaient une atteinte cérébrale, sans autre précision donné (25). L’utilisation du bevacizumab en présence de métastases cérébrales a jusqu’à encore peu effrayé en raison des risques théoriques de saignement intra-tumoral, infirmés récemment (26-27). Actuellement seuls 4 essais ont été recensés sur clinicaltrials.gov, dont 2 essais de phase 2 en cours, l’un en association avec le cisplatineetoposide, l’autre avec le carboplatine. Deux théories s’affrontent concernant l’utilisation du bevacizumab pour le traitement des métastases cérébrales. La première la préconise en se basant sur l’augmentation théorique de la diffusion de la chimiomiothérapie par normalisation ou diminution de la pression du fluide interstitiel en normalisant la BHE. La seconde en revanche s’y oppose en considérant que la normalisation de la BHE peut être un frein à la diffusion de molécules qui ne passent pas la BHE intacte. Des modèles précliniques sont nécessaires. Aucun essai ne parle de la réponse en fonction du sous-type histologique, en dehors des métastases HER2+. Ainsi, alors que l’incidence des métastases cérébrales des tumeurs triples négatives est supérieures à celle des tumeurs RH+, aucune mention n’a retrouvé dans la littérature. On notera quelques rapports de réponse sous tamoxifène (28), sous inhibiteur de l’aromatase (29-30) ou encore megestrol acetate (31). En revanche aucune réponse sous fulvestrant n’a été retrouvée, molécule qui d’ailleurs ne passe pas la BHE intacte. En ce qui concerne les cancers du sein HER2+, la question du traitement systémique optimal en cas d’apparition de métastases cérébrales se complique car celle-ci doit intégrer non seulement le choix de la chimiothérapie mais aussi celui de la molécule anti-HER2, à savoir actuellement le trastuzumab ou le lapatinib. Comme précisé plus haut, le trastuzumab, de par son haut poids moléculaire, ne franchit pas la BHE intacte (32). Des données suggèrent en revanche qu’en cas de BHE atteinte, le trastuzumab pourrait diffuser au niveau de la métastase cérébrale (concentrations dans le LCR accrues and cas d’atteinte méningée ou de traitement antérieur par radiothérapie cérébrale : ratios concentration dans le LCR de 1/420 vs. 1/49 et 1/76 respectivement) (33). Il n’existe aucune étude prospective suggérant que la poursuite du trastuzumab après progression cérébrale prolonge la survie. Cependant, dans une étude de cohorte sur 1012 patientes métastatiques HER2+, les facteurs associés à une survie augmentée parmi les 377 patientes ayant présenté une atteinte cérébrale étaient en analyse multivariée l’utilisation du trastuzumab (HR = 0.33 95% CI: 0.25–0.46; P < 0.001) et de la chimiothérapie (HR = 0.64; 95% CI: 0.48– 0.85; P = 0.002) (34). Plusieurs autres études rétrospectives suggèrent également que la poursuite du trastuzumab après progression cérébrale augmente la médiane de survie en comparaison avec des groupes contrôles sans trastuzumab (1). Aucune donnée précisant exactement l’impact de cette poursuite en termes de contrôle au niveau cérébral vs. extra-cérébral n’est rapportée alors que ces résultats peuvent s’expliquer par un meilleur contrôle de la maladie extra-cérébrale liée à la poursuite du trastuzumab. Le lapatinib pénètre peu à travers la BHE intacte de part sa taille > 400 Da, et présente comme obstacle majeur à sa diffusion la présence de pompe à efflux comme signalé plus haut (35). Malgré une concentration au niveau de métastases cérébrales 7 à 9 fois supérieure au tissu cérébral sain, la concentration en cas d’atteinte de la BHE n’atteint cependant que 10 à 20 % de celle dans les métastases extra-cérébrales (36). Malgré un travail pré-clinique validant son activité antitumorale au niveau cérébral en inhibant la formation des métastases exprimant HER2 dans 53 % des cas (37), les résultats de l’utilisation du lapatinib en monothérapie (1500 mg/j) sont décevants avec un taux de réponse de 6% et un taux de stabilité de 13 à 15% des cas (38). Ceci correspond en fait également aux taux de réponse du 130 lapatinib au niveau extra-cérérabral en monothérapie, chez des patients préalablement prétraités (39). L’association avec la capecitabine semble en revanche beaucoup plus prometteuse. Le premier essai d’association (lapatinib à 1250 mg/j et capecitabine à 2000 mg/m2) a rapporté un taux de réponse de 20% sur 50 patients et une médiane de SSP de 3.65 mois, les patients ayant été préalablement été traités par radiothérapie (38). Un essai rétrospectif ayant porté sur 22 patientes HER2+ prétaitées par trastuzumab avec métastases cérébrales, l’association a permis un taux de réponse de 31.8% (40) et de 38% dans une autre étude (41). A noter que dans cette dernière étude, 9 patientes ont été traitées par l’association lapatinib et topotecan sans réponse objective et avec une trop grande toxicité pour que l’essai soit poursuivi. En cas d’utilisation encore plus précoce (même dose), les données de la phase 2 ayant porté sur 43 patientes non préalablement prétraitées par RT, présentée à l’ASCO 2011 par Thomas Bachelot, rapportèrent un TR très élevé de 67.4% avec un temps moyen jusqu’à progression de 5.5 mois. Il fut noté également une amélioration des symptômes neurologiques dans 58.3% des cas et un TR extra cérébral de 42.9% (sur 35 patientes avec maladie extra-cérébrale évaluable). Avec un délai médian de 7.8 mois, 74.4% des patientes ont ensuite pu bénéficier de RT encéphalique. Un essai randomisé avec RT première vs. à progression devrait rapidement voir le jour, avec comme hypothèse directrice qu’un report de la RT n’impacte pas négativement la SG voire retarde l’apparition éventuelle des toxicités cérébrales radioinduites dans une population qui présente une médiane de survie supérieure à 1 an malgré l’atteinte cérébrale. Au total, en se basant notamment sur le taux de réponse en première ligne en monothérapie du lapatinib de 24% supérieur à celui observé après une ou plusieurs progressions (42), nous proposons son utilisation en cas de progression cérébrale des cancers HER2+, en association avec la capecitabine, et d’autant plus en cas de progression extra-cérébrale concomitante, ce qui permet d’envisager un TR de réponse cérébral et extra-cérébral optimal. 3. Les pistes à venir Les nouvelles pistes sont en fait assez nombreuses, ce qui est plutôt encourageant. Des molécules radiosensibilisantes sont en cours de développement (20), des inhibiteurs de pompes à efflux et bien sûr de nouvelles molécules non seulement actives par elles-mêmes mais aussi avec une meilleure diffusion cérébrale, même avec une BHE intacte. C’est le cas par exemple avec l’ANG1005, un conjugué peptidique composé de 3 molécules de paclitaxel lié à un amino-peptide ciblant un récepteur facilitant naturellement le transport à travers la BHE (LRP-1 receptor), qui permet une diffusion > 50 fois supérieure du paclitaxel (43). Les essais cliniques précoces débutent tout juste. Une autre molécule, la sagopilone, de la famille des épothilones, a montré une capacité de diffusion cérébrale accrue et une activité in vivo chez la souris supérieure au temozolomide ou au paclitaxel (44), avec cependant malheureusement une activité clinique décevante pour le traitement des métastases cérébrales de cancer du sein avec un TR de 13.3 % (2 RP sur 15), une médiane de SSP très modeste de 1.4 mois et une médiane de SG de 5.3 mois, ce qui a abouti a l’arrêt prématuré de l’essai (45). La perméabilité de la BHE pourrait également être favorisé par l’injection intra-carotidienne de mannitol (6) ou encore grâce à des techniques non-invasive utilisant les ultrasons (46). Dans un modèle préclinique, l’association du vardenafil, un inhibiteur de la phosphosdiesterase 5, au trastuzumab a permis une amélioration de la diffusion de l’anticorps au niveau d’atteintes secondaires cérébrales d’environ un facteur 2 (47). En ce qui concerne les métastases cérébrales HER2+, un essai d’association du trastuzumab avec la vinorelbine et l’everolimus est en cours (NCT01305941). De même, l’afatinib (BIBW 2992), un nouvel agent inhibiteur irréversible de EGFR et de HER2, seul ou en en association avec la vinorelbine est ouvert en 131 France (essai 1200.67). Enfin, un essai de phase II d’association de l’iniparib, inhibiteur de PARP, avec l’irinotecan est en cours (NCT01173497), pour la prise en charge des métastases des cancers du sein triples négatifs. Conclusions : Le concept de BHE reste manifestement important car même si des réponses ont été rapportées avec des molécules ne passant pas ou peu la BHE, en raison sa rupture au niveau des métastases cérébrales, le différentiel de concentration entre les métastases cérébrales et les autres organes sont souvent de l’autre du dixième (cf. paclitaxel, lapatinib…). De même, si l’on souhaite prévenir l’apparition de métastases macroscopiques, il faudrait privilégier des molécules à bonne pénétration afin de détruire les micrométastases. Le développement de ces nouvelles molécules représente le défi actuel. Nous n’avons pas abordé les stratégies d’associations thérapeutiques et leur séquence à discuter en réunions de concertation pluridisciplinaires: chirurgie, radiothérapie stéréotaxique, RT de l’encephale in toto, chimiothérapie première ou séquentielle etc… En ce qui concerne le choix du protocole systémique, celui-ci dépendra des lignes antérieures de traitement (en évitant de réintroduire des molécules pour lesquelles la maladie extra-cérébrale s’est révélée résistante) mais aussi le sous-type histologique. Ainsi, pour les lésions RH+, une hormonothérapie par tamoxifène ou inhibiteurs de l’aromatase peut s’envisager (et non pas le fulvestrant) ou également l’association CMF ou encore la capecitabine. Pour les tumeurs triple négatives, l’association sels de platine/etoposide semble prometteuse, même si rappelons-le ceci n’est pas étayé par des données de la littérature issues d’essais prospectifs. Enfin, pour les lésions HER2+, on privilégiera l’association lapatinib-capecitabine, ou on introduira une chimiothépie tout en poursuivant le trastuzumab (l’attitude est à discuté en fonction des traitements antérieurs et du statut évolutif de la maladie métastatique extra-cérébrale). Dans tous les cas, la participation des patients à des essais cliniques devra être privilégiée, compte tenu de l’incidence absolue des métastases cérébrales qui demeure peu élévée. Références 1. Leyland-Jones B. Human epidermal growth factor receptor 2-positive breast cancer and central nervous system metastases. J Clin Oncol 2009;27:5278–86. 2. Walbert T, Gilbert MR. The role of chemotherapy in the treatment of patients with brain metastases from solid tumors. Int J Clin Oncol. 2009 Aug;14(4):299-306. 3. 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Il s’agit de procédures dites « mini-invasives » qui consistent à introduire une ou plusieurs aiguilles dans la métastase sous guidage de l’imagerie (en générale sous scopie aux rayons X ou sous scanner) pour réaliser localement un traitement. En fonctions des indications (antalgique, carcinologique, consolidation préventive), le radiologue interventionnelle choisira l’utilisation de l’une ou l’autre de ces techniques, voire de les associer. La radiofréquence: La radiofréquence est une technique percutanée de destruction tumorale par hyperthermie. Le principe consiste à placer, sous guidage de l’imagerie, une aiguille-électrode dans la tumeur pour délivrer un courant sinusoïdal de 400 à 500 kHz. Les régions traversées par ce courant de radiofréquence subissent une agitation ionique qui induit, par friction entre les particules, un échauffement tissulaire. Le but recherché est d’exposer les cellules tumorales à une température supérieure à 60 °C qui provoque de façon quasi immédiate une dénaturation cellulaire irréversible. Initialement, utilisée comme traitement curatif des tumeurs hépatiques, la radiofréquence est actuellement utilisée dans d’autres localisations telles que les tumeurs pulmonaires, rénales, surrénaliennes, pelviennes et osseuses. La radiofréquence des tumeurs osseuses présente plusieurs spécificités par rapport aux autres localisations anatomiques. La première vient des propriétés électriques et thermiques de la structure osseuse. Ainsi l’os spongieux conduit moins bien la chaleur que le muscle et le volume de la zone de destruction obtenue sera plus faible dans l’os que dans le muscle. Par ailleurs, l’os cortical possède un effet d’isolant thermique [1], ce qui permet de protéger les structures de voisinage pour peu que l’os cortical soit respecté. Cette isolation thermique peut également être mise à profit pour traiter des tumeurs centroosseuses en profitant de l’«effet four» qui concentrera la chaleur sur le site tumoral.par rapport aux autres organes. L’autre spécificité de la radiofréquence osseuse vient du fait que les indications sont rarement curatives mais le plus souvent palliatives chez des patients douloureux. Très peu d’études existent sur l’efficacité curative de la radiofréquence des tumeurs osseuses, probablement car les indications sont exceptionnelles. Dans notre expérience (35 métastases osseuses radiofréquencées dans une optique curative chez 30 patients, de février 2001 à juillet 2008), le taux de réponse complète était de 60% à 18,4±14 mois et une taille inférieure à 30 mm était prédictive de succès (p=0,036) [2]. Kashima a démontré qu’un traitement curatif complet des métastases osseuses des hépatocarcinomes était un facteur prédictif indépendant de survie dans cette population : le taux de survie et la médiane de survie à 3 ans étaient respectivement de 10.4% et 16.8 mois si le traitement avait été complet alors qu’ils étaient de 0% et 6.5 mois en cas de traitement incomplet (p<0.04). Il existe par contre plusieurs études récentes [3-5] qui ont démontrées l’efficacité antalgique de la radiofréquence sur les tumeurs osseuses douloureuses. Le traitement palliatif des douleurs osseuses a fait l’objet d’un essai prospectif multicentrique auquel nous avons participé [3] incluant 43 patients porteurs de tumeurs osseuses lytiques de 1,4 à 18 cm, responsables d’une douleur cotée à 7,9 points de moyenne sur une échelle d’évaluation de la douleur allant de 1 à 10 points. La radiofréquence a induit une diminution de l’intensité des douleurs de 3 points dans 40 % des cas 136 après une semaine et dans 55 %des cas après 3 semaines, ainsi que dans 84 %des cas à un moment donné après le traitement. D’autres études, plus récentes vont dans le même sens (tableau 1). n semaine(s) après RF n patients n tumeurs Avant RF 43 [3] 43 7.9 1 4 8 12 24 7.3 4.5 3.5 3.0 1.5 p=0.2 p<0.0001 p<0.0001 p<0.0001 p<0.0005 3.6 2.1 1.8 EVA 29 [4] 6.1 p<0.001 30 [5] 34 8.3 4.9 Tableau 1: évolution de la douleur sur une échelle visuelle analogique (EVA) après radiofréquence (RF) de métastases osseuses douloureuses. Lorsque l’indication traitement est palliatif, c'est-à-dire antalgique uniquement, le but de la radiofréquence n’est pas de détruire toute la tumeur mais plutôt de cibler des berges entre tumeur et structures osseuses afin d’essayer de détruire les terminaisons nerveuses de l’endostéum qui sont probablement très impliquées dans la genèse de la douleur en raison de leur stimulation par les substances chimiques telles que les prostaglandines et la bradykinine, la substance P ou l’histamine qui sont relarguées par l’os détruit. Si la sensibilité particulière des nerfs à la chaleur est exploitée dans le traitement de la douleur, on doit bien se souvenir que toutes les structures nerveuses, dont la moelle épinière, sont très sensibles à la chaleur. En effet, une température supérieure à 45 °C a été démontrée comme toxique pour la moelle. En conséquence, le geste doit être extrêmement prudent pour les tumeurs du rachis. Une tumeur du corps vertébral pourrait être traitée par radiofréquence à condition qu’il persiste de la corticale du mur vertébral postérieur ou que celle-ci soit à plus de 1 cm de la moelle. Il paraît hasardeux de penser que la dissipation calorifique par convection thermique induite par la circulation du LCR ou les plexus veineux périrachidiens suffisent à protéger la moelle épinière, comme cela a été avancé par certains auteurs ; d’ailleurs un taux élevé de complications a été rapporté lors de traitements de tumeurs vertébrales. L’efficacité de la radiofréquence comme traitement curatif des métastases osseuses est encore peu documentée dans la littérature. Il semble qu’une taille inférieure à 3 cm soit un facteur de bon pronostic. Par contre, l’efficacité antalgique de la radiofréquence sur les métastases osseuses douloureuses est à présent bien établie et ce traitement constitue à présent une véritable option thérapeutique pour les patients douloureux, seul ou en association avec la radiothérapie. Enfin, la radiofréquence n’a aucune action de consolidation et devra être associée à une cimentoplastie pour les métastases osseuses dans les zones à fortes contraintes mécaniques. 137 La cryothérapie : La cryothérapie est, tout comme la radiofréquence, une technique ablative. Elle permet de congeler les lésions pour laisser place à une nécrose coagulative. Cette méthode a connu un regain d’intérêt depuis que des aiguilles miniaturisées ont remplacé les anciennes sondes permettant d’injecter de l’azote liquide. Ces aiguilles, dites de « crypothérapie de troisième génération » peuvent être insérées de façon percutanée et permettent une congélation parfaitement contrôlée des tumeurs, sous guidage tomodensitométique (scanner CT) ou par imagerie par résonance magnétique (IRM). Le principe de fonctionnement de ces aiguilles (de 17G, diamètre 1,47mm) est basé sur l’effet Joule-Thompson : une décompression rapide de gaz argon à l’extrémité d’une cryode fermée permet d’atteindre une température de –180ºC en quelques secondes. Le but d’un traitement de cryoablation est d’atteindre une température inférieure à –40ºC dans l’ensemble du tissu à détruire en un temps très rapide (de l’ordre que quelques minutes). Le fait de pouvoir provoquer une température aussi basse en aussi peu de temps est important. En effet, la congélation lente d’un tissu entraine la formation de glace extracellulaire, sans pour autant provoquer la congélation de l’eau intracellulaire (la membrane cellulaire représente un formidable isolant thermique). La différence de concentration en « eau liquide » entre le milieu intra- et extra-cellulaire donne lieu à une déshydratation de la cellule (par effet d’osmose), ce qui est toxique mais pas forcément létal pour la cellule. Lors d’une congélation ultra-rapide, la mort cellulaire est induite par divers phénomènes biophysiques : i) la congélation très rapide permet d’obtenir la formation de glace intracellulaire. Les cristaux ainsi formés agissent comme des lames qui détruisent les membranes cellulaires et organelles. ii) la phase de décongélation suivante, un important volume d’eau pénètre à l’intérieur des cellules par un effet osmotique, ce qui provoque leur rupture. Par ailleurs, lors de cette phase, on observe un phénomène de re-cristallisation qui augmente l’effet destructeur de la glace intracellulaire. Lors de la deuxième phase de gel, la quantité de glace intracellulaire est augmentée, ce qui améliore le processus de mort cellulaire. Enfin, la destruction de vaisseaux sanguins de petite taille lors du traitement entraine un processus d’ischémie, provoquant la mort des cellules les plus résistantes. Le traitement par cryothérapie peut-être réalisé à visée curative et/ou antalgique. Peu de données sont actuellement disponibles sur l’effet curatif de la cryothérapie. Il semble que les zones d’ablations soient plus importantes qu’avec la radiofréquence à condition d’utiliser plusieurs cryodes simultanément. Cependant, aucun seuil de taille n’est actuellement validé. Le traitement par cryothérapie est le plus souvent réalisé à visée antalgique. Dans ce cas, tout comme avec la radiofréquence, le but sera de cibler les berges entre tumeur et structures osseuses afin d’essayer de détruire les terminaisons nerveuses de l’endostéum. La cryothérapie possède 3 avantages par rapport à la radiofréquence dans le traitement des tumeurs osseuses : 1- La zone d’ablation « ice-ball » est visible sous scanner sous forme d’une zone de hypo-dense. Ceci est particulièrement intéressant pour le traitement de tumeurs proches de structures nerveuses, telles que la moelle ou les racines nerveuses, qu’il convient de respecter. A l’inverse la zone d’ablation n’est pas visible pendant la radiofréquence et certaines tumeurs trop proches de ces structures nerveuses ne peuvent donc pas être traitées et le geste est contre-indiqué. 2- Les douleurs post opératoires sont moins importantes après traitement d’une tumeur osseuse par cryothérapie que par radiofréquence. 3-Par ailleurs, la cryoablation possède des propriétés anesthésiques intrinsèques, ce qui permet d’effectuer la procédure sous sédation légère, ou même sous anesthésie locale. 138 La cimentoplastie : La cimentoplastie fait actuellement partie de l’arsenal thérapeutique à la disposition des oncologues au même titre que la radiothérapie et les opioïdes. Cette technique de radiologie interventionnelle est le plus souvent réalisée seule mais elle peut-être associée aux techniques d’ablations thermiques percutanées telles que la radiofréquence ou la cryothérapie. Les métastases vertébrales (vertébroplasties) ou cotyloïdiennes (cotyloïdoplasties) sont les indications les plus fréquentes mais une cimentoplastie peut selon le cas, être réalisée dans toutes les localisations métastatiques osseuses. Son action antalgique est à présent bien établie et justifie son recours soit en première intention soit en cas d’échec ou de contre-indications de la radiothérapie et/ou de mauvaise tolérance des traitements opioïdes. Son action de consolidation, même si elle paraît très probable, n’a pas été démontrée et reste souvent insuffisante dans les structures soumises à de fortes contraintes mécaniques telles que les os longs. Enfin, elle ne constitue pas un traitement anti-tumorale et ne peut donc pas être proposée à visée curative sur une métastase osseuse. Effet antalgique Le bénéfice antalgique de la cimentoplastie des métastases osseuses est bien établi dans la littérature médicale entrainant une diminution des douleurs dans 80 à 97% des cas (6-12). Ce bénéfice est obtenu quelque soit le site osseux traité : vertèbres, os longs, os plats (Figures 1, 2 et 3). Alvarez et al. (7) ont montré qu’un traitement par cimentoplastie d’une vertèbre métastatique douloureuse entrainait une diminution significative des douleurs chez 81% des patients traités (EVA /10 moyenne passant de 9.1 à 3.2) et la possibilité de marcher à nouveau chez 77% des patients initialement alités à cause de la douleur. La cimentoplastie des os longs et des os plats est également très efficace sur les douleurs osseuses métastatiques entrainant une amélioration significative des douleurs chez 91% des patients (EVA /10 moyenne passant de 8.7 à 1.9) (11). Cet effet antalgique est obtenu rapidement, généralement entre le 1 er et le 3ème jour après l’intervention, autorisant une mobilisation post opératoire précoce des patients et une hospitalisation courte (24-48 heures). Les mécanismes physiologiques de cet effet antalgique sont encore hypothétiques : effet de stabilisation des micro-fractures par le ciment et/ou effet de destruction des fibres sensitives nociceptives au contact du ciment par la réaction exothermique engendrée lors de la polymérisation du ciment. Selon Urrutia et al. (13), l’effet mécanique primerait sur l’effet thermique puisque aucune lésion des fibres nerveuses intra osseuses n’a été constatée histologiquement au contact du ciment injecté dans des vertèbres de lapins. Ceci semble confirmé par Anselmetti et al. (14) qui ont montré une efficacité antalgique identique entres 3 groupes de patients traités avec des ciments ayant des pics de température de polymérisation très différents (groupe A= 87°C, groupe B=60°C et groupe C=45°C). Effet de consolidation L’effet de consolidation osseuse obtenu par la cimentoplastie a surtout été évalué expérimentalement par des manœuvres de compressions mécaniques sur des vertèbres cadavériques ostéoporotiques. Ce model expérimental simple a permis de confirmer l’amélioration partielle mais significative de la solidité d’une vertèbre ostéoporotique fracturée expérimentalement grâce à une vertébroplastie (15-16) mais n’a pas permis de corréler la consolidation obtenue avec le volume de ciment injecté ni avec le pourcentage de remplissage de la vertèbre (17). Un remplissage de la vertèbre avec du ciment allant d’un plateau vertébral à l’autre serait associé avec une meilleure consolidation (18). Concernant la consolidation obtenue par cimentoplastie des métastases osseuses aucune donnée n’est disponible car le modèle est extrêmement complexe: variabilités de l’atteinte corticale, de la résistance 139 mécanique du tissus métastatique, qualité de la diffusion du ciment au sein de la métastase, quantité de ciment injectable sans complication, réalisation d’une ablation thermique avant la cimentoplastie. Des études sont nécessaires pour quantifier cet effet. Enfin, la résistance mécanique du ciment se faisant surtout sur des contraintes en compression son utilisation à visée de consolidation est appropriée dans les métastases des vertèbres et du bassin. Les contraintes en torsion auquel sont soumis les os longs rend les indications de consolidation à ce niveau plus discutable (11, 19-21) . Effet « carcinologique » A la différence des techniques d’ablations thermiques (radiofréquence, micro-ondes, cryothérapie…) la cimentoplastie n’est pas un traitement anti-tumoral et ne doit donc pas être proposé si le but du traitement est curatif chez un patient oligométastatique. L’effet de lyse cellulaire lié à l’hyperthermie au moment polymérisation n’est pas constant et reste limité à l’interface avec le ciment. (13, 22-23). Par ailleurs cette hyperthermie est brève in vivo (0 à 5 min) et extrêmement variable selon les ciments utilisés (14). Indications « en pratique » L’indication n°1 de la cimentoplastie en oncologie est donc le traitement antalgique des métastases osseuses chez un patient palliatif. Seules les métastases lytiques ou mixtes sont techniquement accessibles à cette technique. Le caractère purement ostéocondensant empêche la diffusion correcte du ciment limitant le volume injectable et augmentant le risque de fuites. La lyse corticale, notamment la lyse du mur postérieure d’une vertèbre, est une contre-indication relative faisant peser le bénéfice de ce geste par rapport au risque de fuite accru. Une bonne maitrise de la l’injection de ciment et une imagerie en temps réel de qualité pendant la procédure peuvent permettre de réaliser la cimentoplastie dans ces cas difficiles. Par contre l’existence d’un envahissement des parties molles périphériques n’est pas du ressort de la cimentoplastie mais des techniques d’ablations thermiques. La place de la cimentoplastie par rapport à la radiothérapie antalgique reste à définir. La cimentoplastie présente de nombreux avantages : son efficacité, sa rapidité d’action, son action de consolidation, la possibilité de traiter des zones déjà irradiées. Par ailleurs, de plus en plus d’oncologues font appel aux techniques percutanées, et à la cimentoplastie en particulier, en première intention pour la prise en charge des métastases osseuses. Ceci leur permet d’une part de garder la radiothérapie en « réserve» pour les contre-indications des traitements locaux et d’autre part de préserver la moelle d’une irradiation qui pourrait contre-indiquer la réalisation de chimiothérapie future par insuffisance médullaire. Conclusion : Par la connaissance des techniques de radiologie interventionnelle et de leurs indications les oncologues ont à leur disposition un arsenal de traitement de plus en plus complet leur permettant une prise en charge de plus en plus adaptée au cas par cas. Par la maitrise de ces techniques, le radiologue interventionnel est amené à jouer un rôle clef dans la prise en charge multidisciplinaire des métastases osseuses et par conséquent dans l’amélioration de la qualité de vie (et peut-être de la survie) des patientes ayant des métastases osseuse d’un cancer du sein. 140 Références : (1) Dupuy DE, Hong R, Oliver B, Goldberg SN. 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Une métastase ou fracture pathologique du cotyle ou du col fémoral est responsable d’une perte d’autonomie et donc d’une altération de la qualité de vie. La décision de prise en charge chirurgicale d’une métastase du cotyle doit être pluri disciplinaire et en accord avec les équipes soignantes référentes, oncologue ou radiothérapeute. Il faut tenir compte du pronostic du malade, de la nature de la tumeur primitive et de sa réponse aux traitements anti tumoraux, de l’étendue de la maladie métastatique. Contrairement aux métastases de la tête ou du col fémoral où le traitement par résection prothèse donne de bons résultats, l’atteinte péri acétabulaire présente plus de difficultés en terme de reconstruction. L’étendue de la lyse osseuse rend difficile la fixation de l’implant cotyloïdien et expose théoriquement à un risque important de faillite mécanique. Une prise en charge fonctionnelle par décharge et traitement antalgique adapté peut être tenté en première intention. Les traitements anti tumoraux comme la chimiothérapie, la radiothérapie, l’hormonothérapie ou l’immunothérapie sont adaptés à la nature de la tumeur primitive et doivent être utilisés en association avec la chirurgie quand elle est indiquée. Il s’agit d’une chirurgie palliative visant à améliorer la qualité de vie et l’autonomie des patients atteints d’une maladie évolutive. La sélection des patients est donc primordiale et doit être en accord avec le patient avec un but précis. CLASSIFICATION ET SCORES FONCTIONNELS Afin de standardiser la prise en charge de ces lésions, plusieurs classifications ont été décrites en fonction de la lyse osseuse. Elle sont basées sur l’analyse des radiographies standard et de coupes scannographiques du bassin et de la hanche atteinte. Celle de Harrington reste la plus utilisée et repose sur l’atteinte des différentes parois du cotyle, en particulier en zone portante. Le but de la reconstruction est alors d’assurer une bonne répartition des contraintes mécaniques pour prévenir les complications mécaniques comme le descellement ou la migration des implants. Quatre classes ont été décrites. - Classe I : respect des corticales latérale, médiale et du toit du cotyle. Il existe une intégrité de l’anneau cotyloïdien permettant une arthroplastie conventionnelle sans risque de migration. Classe II : atteinte de la corticale médiale. Il existe théoriquement un risque de protrusion de l’implant avec migration médiale. Une reconstruction par anneau de soutien acétabulaire est nécessaire. 144 - - Classe III : lyse osseuse extensive avec atteinte des 3 zones en particulier du toit du cotyle. L’ancrage de l’implant cotyloïdien devient alors précaire et une reconstruction est nécessaire pour répartir les contraintes mécaniques vers les zones saines, sacrum et aile iliaque. Plusieurs techniques de reconstruction ont été décrites s’inspirant de celle de Harrington datant de 1981. Classe IV : métastase osseuse unique pouvant être réséquée carcinologiquement dans le but d’un traitement curatif. La classification de Enneking, moins précise, est plus utilisée pour les tumeurs primitives avec une division de l’ hémibassin en 3 zones. - Zone I : aile iliaque Zone II : cotyle Zone III : cadre obturateur La classification de Duparc et Huten, moins utilisée, se rapproche de celle de Harrington et se répartit en 4 types. - Type I : lésion du toit avec conservation de l’interligne articulaire. - Type II : lésion du toit avec pincement supérieur de l’interligne. - Type III : lésion des colonnes. - Type IV : lésion centrale avec protrusion. S’agissant d’une chirurgie palliative visant à améliorer la qualité de vie et l’autonomie des malades, plusieurs scores fonctionnels sont utilisés pour évaluer les résultats de cette chirurgie. Ces scores sont souvent diminués par la présence d’autres métastases, rachidiennes ou sacrées, non accessibles à un traitement chirurgical en l’absence de signe neurologique. Les deux principaux sont le score MSTS et le score d’Allan. Le score MSTS (Musculo Skeletal Tumor Society) a été conçu pour évaluer les résultats fonctionnels dans les chirurgies de conservation de membre et d’amputation dans le traitement des tumeurs primitives des membres. Par extension il peut être utilisé dans les cas de reconstruction en cas de maladie métastatique. Six critères sont pris en compte, chacun coté sur 5 points : douleur, fonction globale, ressenti émotionnel, aide à la marche, périmètre de marche et démarche. Le score d’Allan repose lui sur 3 critères : consommation d’antalgiques et morphiniques, autonomie, déambulation et mobilité. 145 Score Douleur Fonction globale Ressenti émotionnel Aide à marche la Périmètre de démarche marche 5 aucune Pas de restriction enthousiasmé aucune 4 légère intermédiaire intermédiaire intermédiaire intermédiaire intermédiaire 3 modeste Restriction partielle satisfait 2 intermédiaire intermédiaire 1 forte Impotence partielle 0 sévère Impotence totale regret orthèse illimité limité normale Boiterie minime intermédiaire intermédiaire intermédiaire intermédiaire acceptation 1 canne Ne sort plus Boiterie majeure 2 cannes alité Handicap majeur Score de la Musculo Skeletal Tumor Society Consommation d’antalgiques Indépendance et autonomie Déambulation et mobilité 5 : morphiniques en continu A : dépendance totale 1 : alité 4 : morphiniques à la demande B : dépendance partielle (toilette, 2 : fauteuil roulant transfert) 3 : non morphiniques en continu C : indépendance pour la vie 3 : marche sans appui, domicile quotidienne 2 : non morphiniques demande à la 4 : appui partiel, domicile 1 : aucun 5 : marche sans appui, extérieur 6 : appui partiel, extérieur 7 : pas d’aide Score d’Allan 146 Revue de la littérature Peu de séries traitent de la prise en charge des métastases du cotyle. Celle de Harrington en 1981 fait figure de référence et plusieurs auteurs se sont depuis inspirés de ses principes et de sa technique. Un des points essentiels dans le traitement de ces métastases est la sélection des patients. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte : la localisation de la lésion, l’autonomie du patient et sa demande fonctionnelle, la nature de la tumeur primitive, l’existence ou non d’une fracture pathologique, l’étendue de la maladie métastatique et la survie du patient. Le patient doit être explicitement au courant du but de cette chirurgie palliative qui vise à restaurer une autonomie et non à le guérir de la maladie. La nature de la tumeur et sa chimiosensibilité influencent la nature du traitement. Les tumeurs radio et chimio résistantes doivent pousser à la prise en charge chirurgicale. Selon les différentes séries de la littérature, la tumeur primitive se situe au niveau du sein (41%), de la prostate (12%) et du poumon (9%). Les fractures pathologiques sur néoplasie mammaire ou prostatique consolident mieux qu’en cas de primitif pulmonaire. Une fracture pathologique du cotyle constitue une indication chirurgicale pour plusieurs auteurs. Compte tenu de la morbidité péri opératoire (temps opératoire long, pertes sanguines importantes) et du gain espéré en terme d’autonomie, le pronostic en terme de survie est essentiel. Les patients atteints d’une néoplasie mammaire ont une survie prolongée par rapport aux autres tumeurs primitives, en particulier pulmonaire avec une survie souvent inférieure à 6 mois. Pour Allan, une atteinte métastatique pulmonaire, cérébrale ou hépatique est une contre indication à une prise en charge chirurgicale ce qui correspond souvent à une durée de vie inférieure à 4 mois. De même une atteint osseuse diffuse en particulier au niveau rachidien doit faire redouter un gain médiocre en terme de douleur et d’autonomie. C’est pourquoi le but du traitement est à définir en accord avec le patient. Plusieurs techniques chirurgicales ont été décrites : reconstruction avec ciment et clous de Steinmann, allogreffe, prothèse type Saddle. La principale difficulté est la tenue de l’implant cotyloïdien dans un os tumoral de mauvaise qualité, avec défect osseux important après curetage, et souvent soumis à une radiothérapie pré opératoire. Les différentes techniques de reconstruction ont été décrites pour des tumeurs classe III selon Harrington. Harrington décrivit une technique utilisant des clous de Steinmann mis de façon rétrograde du toit du cotyle vers l’aile iliaque. Ces clous étaient cimentés dans le même temps qu’un anneau de soutien périacétabulaire. Un implant en polyéthylène était cimenté dans cet anneau de soutien. Harrington pensait qu’il s’agissait de la meilleure reconstruction possible permettant une bonne répartition des contraintes mécaniques sur l’os sain et autorisant un appui précoce. Depuis plusieurs auteurs se sont inspirés de sa technique avec certaines modifications : insertion des clous de façon antérograde à travers le crête iliaque, utilisation de vis pour fixer l’anneau de soutien, 147 Reconstruction selon Harrington avec ciment, clous de Steinmann et anneau de soutien La plupart des séries rapportent des cas traités pour une métastase classe III ou IV. Une voie d’abord postéro latérale est le plus souvent utilisée. Les principes de Harrington se retrouvent dans les séries de Nilsson, Kunisada et Vena. Vena rapporte une dure opératoire moyenne de 320 minutes et des pertes sanguines moyennes de 1600 ml. Tous les patients étaient améliorés sur le plan de la douleur et progressaient significativement selon les 3 critères du score d’Allan. La survie moyenne était de 8 mois et le score moyen MSTS de 47 % souvent en rapport avec la présence de métastases rachidiennes invalidantes Récemment Tillman rapporte une série de 19 cas traités chirurgicalement avec une reconstruction cotyloïdienne sans anneau de soutien péri acétabulaire. La voie d’abord était transglutéale type Hardinge. Après curetage de la lésion, 3 clous de Steinmann entièrement filetés de 6.5 mm de diamètre étaient implantés de façon antérograde de la crête iliaque vers le cotyle. L’orientation de ces clous ne doit pas être trop interne ni convergente afin de ne pas blesser les vaisseaux ou la vessie. La cavité alors délimitée était comblée par du ciment en utilisant en renfort un grillage si le risque de migration ou de fuite de ciment était jugé important. Un cotyle de 40 * 28 mm était cimenté dans tous les cas. Une pièce fémorale standard type Exeter était scellée dans le fémur. Le temps opératoire moyen était de 120 minutes et la transfusion péri opératoire moyenne de 3.2 culots globulaires. La survie moyenne était de 16 mois avec 18 patients sur 19 ne nécessitant pas de reprise chirurgicale au dernier recul. Aucun décès péri opératoire, aucune infection ni aucune luxation n’ont été rapportés. Les patients étaient améliorés selon le score d’Allan avec une réduction temporaire de la consommation d’antalgiques mais la progression de la maladie métastatique rendait cette amélioration transitoire. Aboulafia rapporte en 1995 l’expérience de la Saddle prothèse dans le traitement des tumeurs péricotyloïdiennes, primitives mais aussi secondaires. Dans ces derniers cas, le but était palliatif avec recherche d’une amélioration fonctionnelle. La résection tumorale était intra lésionnelle avec un stock osseux minimal restant de 4cm au niveau de l’ilium. Une empreinte pour l’articulation proximale ilio prothétique était creusée pour obtenir une meilleure congruence juste en avant de l’articulation sacro iliaque qui était préservée. Les pertes sanguines moyennes étaient de 1600 ml et le temps opératoire moyen de 268 minutes. Une traction post opératoire était maintenue durant 2 à 4 semaines. Le taux de complications global était de 53% incluant 2 luxations, 1 fracture périprothétique, 1 paralysie nerveuse et 3 désunions ou infections. Les résultats fonctionnels étaient bons dans 12 cas et médiocres dans 5 cas. 148 Allan rapporte une série de 26 hanches classe III réparties en 2 groupes, 12 reconstruites selon les principes de Harrington et 14 en utilisant une auto ou allogreffe en complément lorsque la perte de substance était trop importante avec destruction des colonnes antérieure et postérieure. Le durée moyenne de séjour était de 20 jours avec 3 décès durant la période péri opératoire. Aucune différence significative n’a été retrouvée entre les 2 groupes, avec une amélioration significative sur l’autonomie avant et après l’intervention pour les patients ayant bénéficié d’une greffe osseuse. Au dernier recul, les neufs patients survivants décrivaient une amélioration fonctionnelle et une diminution des douleurs. SERIE DE LA PITIE Matériel et méthode Trente neuf patients soit 41 hanches (25 femmes et 14 hommes), d’âge moyen de 62.3 ans(44-85 ans) ont été opérés consécutivement entre 2002 et 2008 pour une métastase du cotyle ou de l’extrémité supérieure du fémur. Tous ces patients bénéficiaient d’une prise en charge multidisciplinaire autour d’un oncologue référent. L’anatomopathologie retrouvait une tumeur primitive mammaire dans 16 cas (39%), pulmonaire dans 5 cas (12%), rénale et thyroïdienne dans 3 cas (7%). La répartition des tumeurs malignes primitives est résumée dans le tableau ci-dessous. Sein : 16 (38%) Prostate : 2 (5%) Estomac : 1 (2.5%) Vessie : 1 (2.5%) Poumon : 5 (13%) Col utérus : 2 (5%) Endomètre : 1 (2.5%) Mélanome : 1 (2.5%) Rein : 3 (7%) Colon : 2 (5%) Voies biliaires : 1 (2.5%) Thyroïde : 3 (7%) Inconnu : 2 (5%) Myélome : 1 (2.5%) Répartition des tumeurs primitives Tous les patients souffraient de douleurs de hanche en échec de traitement médical maximal. Seize patients avaient eu une radiothérapie pré opératoire et 3 patients une cimentoplastie cotyloïdienne en radiologie interventionnelle. Dans 2 cas un curetage comblement de la lésion avait été réalisé à ciel ouvert. Un bilan d’imagerie exhaustif était réalisé pour tous les malades avec des radiographies standard, un scanner du bassin et de la hanche atteinte et des clichés du fémur entier homolatéral à la recherche d’une métastase qui modifierait la stratégie chirurgicale. Tout point d’appel douloureux osseux était exploré radiologiquement. Le bilan d’extension métastatique retrouvait une atteinte pulmonaire (2 cas), cérébrale (1 cas), hépatique (2 cas), pelvienne (1 cas) et osseuse extra cotyloïdienne dans 21 cas. Une atteinte rachidienne ou sacro 149 iliaque en pré opératoire était retrouvée dans 15 cas dont 1 avec laminectomie pour compression médullaire. Trente quatre hanches présentaient une atteinte cotyloïdienne avec 11 classe II et 23 classe III selon Harrington. Une fracture de l’arrière fond ou protrusion acétabulaire était retrouvée dans 9 cas. Dans 7 cas l’atteinte se situait au niveau de la tête ou du col fémoral avec 5 fractures pathologiques. Dans 5 cas il y avait une atteinte simultanée du cotyle et du col fémoral. Dans 4 cas une métastase fémorale homolatérale était retrouvée (tiers supérieur : 2, tiers moyen : 2). Une embolisation sous contrôle radiologique a été réalisée dans 7 cas, en particulier pour les métastases de cancer du rein et de la thyroïde, pour diminuer les pertes sanguines, ces tumeurs étant richement vascularisées. En pré opératoire, tous les patients étaient sous morphiniques en continu (32/41) ou à la demande (9/41). Six patients marchaient sans canne, vingt sept avec une canne et huit avec deux cannes. Dans trente et un cas le patient sortait de son domicile alors qu’il y restait confiné dans 10 cas. La stratégie chirurgicale dépendait de la localisation de la lésion et de son étendue. La voie d’abord était postéro latérale type Moore (39 cas) ou antérieure type Smith Petersen élargi (2 cas) avec un abord externe rétro vaste externe du fémur si besoin. Le premier temps opératoire consistait en un abord du cotyle avec capsulectomie et curetage de la lésion jusqu’en os sain sans être carcinologique. Des biopsies osseuses étaient systématiquement réalisées et envoyées en anatomopathologie. La perte de substance était comblée par du ciment. Un anneau de soutien type croix de Kerboull a été implanté dans 30 cas, renforcé par des vis de diamètre 6.5mm. La croix était positionné avec sa patte inférieure au niveau du « U » cotyloïdien avec si besoin un contrôle radiographique per opératoire. Un cotyle double mobilité était cimenté dans la croix dans 30 cas ou directement dans 2 cas. Dans 3 cas un cotyle standard en polyéthylène diamètre 28 mm a été utilisé. Pour la reconstruction fémorale, une prothèse intermédiaire à cupule mobile et queue longue a été implantée dans 4 cas, lorsqu’il y avait une fracture pathologique isolée du col fémoral. Pour les prothèses totales, une tige standard a été posée dans 20 cas, une tige à queue longue dans 13 cas et une prothèse de reconstruction de l’extrémité supérieure du fémur dans 2 cas où il existait une métastase du tiers supérieur du fémur. Toutes ces tiges étaient cimentées. Dans 2 cas (2 hanches chez la même patiente), l’extension tumorale était trop importante pour permettre une reconstruction cotyloïdienne satisfaisante par notre technique. Dans ce cas, une Saddle prothèse était utilisée. Un ou deux drains de redon aspiratifs étaient laissés pendant 2 à 3 jours. Tous les malades ont bénéficié d’une antibioprophylaxie per opératoire jusqu’à l’ablation des redons. Un traitement antalgique par morphinique était poursuivi à la demande selon les douleurs du patient. Un appui immédiat soulagé par cannes béquilles ou déambulateur était autorisé dans tous les cas avec un premier lever précoce. En fin de séjour les patients effectuaient leur rééducation en centre spécialisé ou dans leur service oncologique référent. Tous les patients poursuivaient leur traitement anti tumoral et 14 patients ont reçus de la radiothérapie en post opératoire en respectant une période de 1 mois pour permettre la cicatrisation cutanée. Les patients ont été suivi radiologiquement et cliniquement avec évaluation fonctionnelle en utilisant les scores MSTS et d’Allan. 150 Résultats Les résultats ont été évalués rétrospectivement avec un recul moyen de 29 mois (1-53 mois). Deux patients sont décédés dans le mois post opératoire. Un présentait des métastases cérébrales et l’autre avait subi une laminectomie pour compression médullaire dans le mois précédent la chirurgie de la hanche. Six patients sont décédés dans l’année post opératoire. Les tumeurs primitives étaient un carcinome indifférencié (2 cas), pulmonaires (2 cas), mammaire (1 cas) et thyroïdienne (1 cas). Au dernier recul 19 malades étaient décédés avec une survie moyenne de 15.2 mois (1-43 mois) et 20 vivants avec leur maladie. Cinq malades ont été perdus de vue et l’état fonctionnel lors de la dernière consultation a été pris en compte pour le calcul des résultats. Au total 39 hanches ont été évaluées et prises en compte pour l’interprétation des résultats. La durée opératoire moyenne était de 115 minutes (90-180 minutes) et la transfusion péri opératoire moyenne de 2.3 culots globulaires (1-4 culots). La durée d’hospitalisation moyenne était de 8.5 jours (7-12 jours). Neuf malades ont développé durant la période de suivi des métastases rachidiennes ou sacro iliaques influençant le pronostic fonctionnel. Ils ont été traités par radiothérapie ou cimentoplastie si celle-ci était réalisable (4 cas). Le taux global de complications était de 29% (12 hanches sur 41) : cinq patients ont présenté au moins un épisode de luxation de prothèse. Deux ont été repris avec changement de la bille céphalique avec mise en place d’un col plus long. Dans un cas, une infection de la prothèse a nécessité un lavage inefficace puis un changement de la prothèse en 2 temps. Le malade est décédé 11 mois après la chirurgie initiale. Deux descellements prothétiques sont survenus (à 13 et 19 mois de recul) suite à une évolution locale de la maladie avec une lyse osseuse extensive. Par ailleurs il y a eu 2 infections superficielles, 4 hématomes et 2 complications thrombo-emboliques. Aucune paralysie nerveuse, plaie vasculaire ou fracture péri prothétique n’ont été notées. A la consultation de contrôle du 3ème mois, tous les patients vivants étaient améliorés en particulier sur la consommation d’antalgiques et l’aide à la marche. L’amélioration se maintenait dans le temps sous réserve d’une progression de la maladie métastatique. Selon le score d’Allan, l’item « antalgique » passe en moyenne de 4.8 à 3.6 en post opératoire et l’item « aide à la marche » de 5 à 5.9. Les patients progressaient également sur leur autonomie en post opératoire. 151 Score d’Allan pré et post opératoire au 3 ème mois Score d’Allan sur l’autonomie pré et post opératoire au 3 ème mois 152 Score MSTS moyen au 12ème mois Le score MSTS moyen au recul de 12 mois (32 hanches) était de 15.9/30 (9-20). Ces scores sont à moduler car ils ne prennent pas en compte d’autres localisations métastatiques sources de handicap et de douleur. Au dernier recul en 2008, parmi les vingt malades survivants, 4 marchaient sans aide, 12 avec une canne et 4 avec deux cannes. Onze de ces malades présentaient également d’autres localisations métastatiques et aucun ne regrettait son intervention. Après une période d’amélioration de douleurs, une augmentation de la consommation d’antalgiques a été relevée dans 14 cas, due à la progression de la maladie tumorale. DISCUSSION Dans cette série nous décrivons une technique relativement simple, reproductible avec une durée opératoire modérée chez ces patients souvent fragiles sur un plan anesthésique. Un des points importants de la reconstruction cotyloïdienne est l’utilisation de vis diamètre 6.5 mm pour fixer l’anneau de soutien et empêcher toute migration et faillite mécanique. Excepté la Saddle prothèse, trois types de reconstruction sont distingués : ceux utilisant des clous de Steinmann mis de façon antérograde, rétrograde ou combinée. Le taux de complications (29% dans notre série) est comparable aux différentes séries de la littérature avec des résultats fonctionnels sensiblement équivalents comme résumé dans la méta analyse de Bénévania en 2006. Dans sa série originale, Harrington rapporte 3 décès péri opératoires, 1 paralysie nerveuse et un taux global de complications global de 17%. L’utilisation d’un cotyle double mobilité semblait devoir diminuer le taux de luxation qui reste de 12% dans notre série. Néanmoins ces luxations étaient traumatiques suite à une chute dans 2 cas et dans un cas la patiente présentait des métastases cérébrales et était peu compliante lors de la rééducation. L’utilisation d’un tel cotyle n’est pas retrouvé dans la littérature. Chez ces patients la stabilité de la prothèse doit être privilégiée par rapport à sa durée de vie, celle-ci restant souvent inférieure au pronostic de survie du malade. Sur le plan fonctionnel, plusieurs séries rapportent une amélioration significative selon le score d’Allan pour la consommation d’antalgique et la plupart des patients gagnent en autonomie et indépendance. Le score MSTS montre dans toutes les séries une amélioration en post opératoire sur la consommation d’antalgique et sur l’autonome à la marche. Néanmoins, comme dans notre série (53%), ce score reste relativement faible probablement en rapport avec l’évolution naturelle de la maladie. Une rééducation intensive est souvent nécessaire pour recouvrer une force musculaire normale, ce qui est difficile chez ces patients 153 souvent diminués. Une insuffisance musculaire (et donc une boiterie) et l’utilisation d’une canne font rapidement chuter ce score fonctionnel. La plupart des auteurs s’accordent pour opérer des patients dont la durée de survie est supérieure à 3 mois. La présence de métastases cérébrales, hépatiques ou pulmonaires doit faire poser l’indication opératoire avec mesure. La sélection des malades, plus que la technique opératoire, est le point essentiel du traitement chirurgical des métastases du cotyle. Les meilleures indications semblent être les métastases de cancer du sein avec fracture de l’arrière fond du cotyle et lyse osseuse peu étendue. Dans notre série la durée d’hospitalisation est courte autorisant une sortie rapide en centre de rééducation CONLUSION Le traitement des métastases du cotyle repose sur une prise en charge multi disciplinaire et doit prendre en compte tout l’arsenal thérapeutique disponible. Lorsqu’une indication opératoire est retenue les résultats sont bons avec une amélioration fonctionnelle dans presque tous les cas malgré un taux de complications non négligeable. L’utilisation d’une tige longue préviendrait le risque de fracture sur une métastase fémorale traduisant l’évolution de la maladie. Il s’agit d’un traitement palliatif visant à améliorer l’autonomie des patients. Le but de l’intervention doit être défini avec le patient. La reconstruction cotyloïdienne, quelque soit la technique, repose sur les principes de Harrington. La sélection des patients reste le point primordial pour prévenir les échecs et complications. 154 LES TRAITEMENTS CIBLANT LE RECEPTEUR HER2 PRESENTS ET FUTURS FAUT-IL ASSOCIER LES ANTIHER2 ENTRE EUX ET/OU AVEC UNE CHIMIOTHERAPIE ? CERTITUDES ACTUELLES ET STRATEGIES DU FUTUR Auteur V Diéras, Institut Curie, Paris. 155 Introduction Le récepteur de facteur de croissance HER2 est un facteur pronostic et prédictif important dans les cancers du sein que ce soit en situation adjuvante ou métastatique. Le gène HER2 est amplifié et la protéine HER2 surexprimée dans 15-20% des cas. Il code pour une protéine transmembranaire de 185kDa récepteur de facteurs de croissance avec activité tyrosine kinase, entraînant la signalisation pour la prolifération et la survie cellulaires. Le trastuzumab (Herceptin®) est un anticorps monoclonal humanisé se fixant sur le récepteur, a démontré son efficacité dans les cancers du sein au stade précoce et métastatique (1). Cependant si le trastuzumab représente la clé de voûte des traitements du cancer du sein surexprimant HER2, il existe des résistances. En situation métastatique, la résistance est fréquente : 60-70% en monothérapie, 30% en association avec la chimiothérapie. A un moment donné, tous les cancers du sein métastatiques présentent une progression sous trastuzumab. En situation adjuvante, après traitement par trastuzumab, des récidives surviennent également. La surexpression de HER2 ne suffit pas à assurer une sensibilité au trastuzumab, d’autres voies de signalisation, sont impliquées. Différents mécanismes sont évoqués (2). Il existe donc un besoin réel de développer de nouvelles thérapeutiques ciblées (3). Ce développement repose en grande partie sur les hypothèses biologiques de résistance à l’herceptine. Schématiquement ces nouvelles thérapeutiques comprennent : les petites molécules ciblant le site tyrosine kinase du récepteur, de nouveaux anticorps, les inhibiteurs du signal de transduction, les inhibiteurs d’HSP90. Les inhibiteurs de tyrosine kinase Ces petites molécules, administrées par voie orale, agissent au niveau du site tyrosine kinase du récepteur HER2 mais également, avec un degré variable inhibent les tyrosines kinases des autres récepteurs (HER1, HER4). On distingue les inhibiteurs réversibles ou irréversibles. Ils agissent par compétition avec l’ATP au niveau de la portion intra-cellulaire du récepteur. Le rationnel de développement de ces molécules repose sur deux grands principes : le ciblage du récepteur tronqué HER2 et l’inhibition de plusieurs récepteurs de la famille HER. Dans 25% des tumeurs surexprimant HER2, un processus protéolytique aboutit à un récepteur tronqué (p95 – HER2), qui présente une activité tyrosine kinase augmentée. L’expression de ce récepteur est corrélée avec un mauvais pronostic et une résistance au trastuzumab (2). L’inhibition de plusieurs récepteurs peut contourner le mécanisme de résistance du à l’activation collatérale des autres protéines de la famille HER. Un autre intérêt potentiel de leur développement est représenté par le passage de ces molécules au niveau de la barrière hémato-méningée et leur activité sur les métastases cérébrales, fréquentes dans les cancers du sein surexprimant HER2. Parmi ces inhibiteurs, seul le lapatinib est approuvé à l’heure actuelle. Le neratinib et l’afatinib, inhibiteurs irréversibles sont en cours d’étude clinique. 156 Lapatinib (Tyverb®) Le lapatinib est un inhibiteur réversible de tyrosine kinase ciblant HER1 et HER2 et actuellement le seul enregistré après progression sous trastuzumab. Dans les études précliniques, le lapatinib ne présente pas de résistance croisée avec le trastuzumab. Dans les essais de phase I, des réponses ont été observées chez des patientes lourdement prétraitées. Les essais de phase II ont montré que le lapatinib présentait une activité et une tolérance acceptables. Les principaux effets secondaires sont représentés par le rash et la diarrhée. Dans l’étude pivotale d’enregistrement, chez des patientes présentant une progression après un traitement par anthracyclines, taxanes et trastuzumab, l’association capécitabine - lapatinib est supérieure à la capécitabine seule en terme de réponse objective (27% à 48%) et de temps jusqu’à progression (5.6 mois à 8,2 mois) (4). Un autre essai de phase III compare dans la même situation le lapatinib monothérapie versus lapatinib-trastuzumab : la poursuite du trastuzumab s’accompagne non seulement d’une augmentation de la survie sans progression mais se traduit par une augmentation significative de la survie globale, traduisant l’intérêt potentiel d’un blocage complet du récepteur HER2 (5). Dans un essai de phase III comparant paclitaxel avec ou sans lapatinib, l’apport du lapatinib apparaît dans la population de patientes présentant une tumeur du sein surexprimant HER2 (6). Des associations avec d’autres cytotoxiques sont évalués dans des essais de phase I / II, importants à réaliser du fait d’une interaction pharmacocinétique. Le lapatinib diffuse au niveau cérébral: dans un essai de phase II, une activité dans les métastases cérébrales a été objectivée (7). Récemment l’essai LANDSCAPE a évalué l’activité de l’association capécitabine lapatinib dans les métastases cérébrales (8). Le taux de réponse volumétrique à l’IRM était de 67% avec une survie sans progression de 5,5 mois (4-3,6). Neratinib (HKI-272) Le neratinib est un inhibiteur irréversible pan-HER (HER1, HER2 et HER4). Dans les études de phase I, la toxicité limitant la dose était la diarrhée. Dans une large étude de phase II, un taux de réponse objective a été observé chez 51% des patientes qui n’avait pas reçu de trastuzumab antérieurement, et 26% chez les patientes pré-traitées par trastuzumab (3). L’afatinib Les nouveaux anticorps Pertuzumab Le pertuzumab (Omnitarg®) est un anticorps monoclonal humanisé se fixant sur un épitope différent de celui du trastuzumab, empêchant la dimérisation des récepteurs (9). Ainsi le pertuzumab bloque la faculté du récepteur HER2 de former des hétérodimères avec les autres membres de la famille HER, empêchant ainsi la transmission du signal. Les études précliniques ont montré une synergie entre le trastuzumab et le pertuzumab qui peut contourner le mécanisme de résistance du trastuzumab. Dans les études de phase I, le pertuzumab est bien toléré et une activité anti-tumorale a été objectivée. Les effets secondaires les plus fréquents sont représentés par la diarrhée, l’asthénie, les nausées-vomissements et le rash. Les résultats d’une étude de phase II suggèrent que l’association trastuzumab et pertuzumab entraîne un bénéfice clinique après progression sous trastuzumab (10). 157 Trastuzumab-DM1 (TDM1 Emtansine) Une des stratégies pour contourner la résistance au trastuzumab est d’augmenter l’activité de l’anticorps. Le trastuzumab-MCC-DM1 associe le trastuzumab à un agent cytotoxique la maytansine qui est libéré dans le cytoplasme, permettant une approche cytotoxique plus ciblée avec moins d’effets secondaires (11). La maytansine est un inhibiteur puissant de l’assemblage des microtubules mais son développement avait été interrompu en raison d’une toxicité importante dans les études cliniques. Le MCC est un composé qui stabilise le lien avec le trastuzumab dans la circulation générale et permet la libération au niveau intracellulaire permettant de maintenir une efficacité et de diminuer la toxicité. Dans les études de phase I évaluant deux schémas d’administration (hebdomadaire et toutes les trois semaines), des réponses objectives et des stabilisations ont été observées (3). La toxicité limitant l’augmentation de dose était une thrombopénie de grade supérieur à 2. Il n’a pas été observé de toxicité cardiaque. Dans deux larges études de phase II, le T-DM1 a été administré à la dose de 3.6 mg/kg toutes les trois semaines chez des patientes présentant un cancer du sein métastatique surexprimant HER2 et progressant après traitement par trastuzumab. Les taux de réponse objective étaient de 32% et de 40% (3). La thrombopénie et l’hypokaliémie ont été les toxicités de grade 3 et 4. L’étude de phase III (EMILIA) compare le TDM1 à l’association capécitabine-lapatinib. Les inclusions sont terminées et les résultats seront présentés en 2012. Ertumaxomab La résistance au trastuzumab peut également être contournée en formulant des anticorps ayant un double mécanisme d’action. L’ertumaxomab est un anticorps monoclonal, bispécifique fixant à la fois HER2 et CD3. Les liaisons forment un complexe de cellules T, de cellules HER2 positives et de macrophages ou cellules dendritiques conduisant à la phagocytose des cellules tumorales. Dans l’étude de phase I, une réponse a été notée et les principaux effets secondaires ont été représentés par la fièvre, les frissons, céphalées, nausées-vomissements. Les toxicités de grade 3 et 4 comprenaient une lymphopénie et une cytolyse (12). Les études de phase II sont en cours. Inhibiteurs de la transmission du signal Inhibiteurs de mTOR La perte d’activité de PTEN a été associée à la résistance au trastuzumab (13). Les kinases mTOR régulent PTEN et sont des médiateurs importants de la signalisation PI3K-AKT. Ce circuit une fois activé conduit à la prolifération cellulaire et est régulé de façon négative par PTEN. La rapamycine a été le premier inhibiteur de mTOR mais d’autres analogues (temsirolimus, everolimus et ridaforolimus) ont été développés pour augmenter la stabilité et la solubilité de la la rapamycine. En monothérapie, l’activité est faible. Par contre en association avec la chimiothérapie (paclitaxel ou vinorelbine) et le trastuzumab des réponses objectives ont été observées (14, 15, 16). Des études de phase III sont en cours (BOLERO 1 et 3). 158 Inhibiteurs de PI3 kinase L’activation de la voie PI3kinase est importante dans la signalisation HER2 (17, 18). Des mutations de PI3kinase ont été associées à une résistance au trastuzumab. De nombreux inhibiteurs de PI3kinase sont actuellement en développement précoce et les essais de phase II dans les cancers du sein HER2+ sont en cours. Autres approches Ciblage voie IGF-IR L’activation de la voie de l’IGF-IR a été le premier mécanisme décrit de résistance au trastuzumab (19). Comme pour les récepteurs de la famille HER, le ciblage peut s’effectuer par des anticorps ou des molécules inhibant le site tyrosine kinase. De nombreux anticorps sont en voie de développement. Agents anti-angiogéniques Il existe une corrélation entre la surexpression HER2 et l’expression du VEGF, conduisant à l’évaluation de l’inhibition simultanée de ces deux circuits. L’association d’agents anti-angiogéniques (anticorps comme le bevacizumab ou inhibiteur de tyrosine kinase comme le pazopanib) aux agents ciblant HER2 a démontré une efficacité potentielle en cours de confirmation dans les essais randomisés (3). Les inhibiteurs de HSP90 HSP 90 (Heat Shock protein 90) est une protéine chaperone qui stabilise des protéines telles que HER2, AKT, EGFR et PDGFR. L’inhibition de HSP 90 induit une dégradation du protéosome et une inhibition tumorale. Ce mécanisme peut être utilisé pour contre-carrer la résistance au trastuzumab. Le développement du premier inhibiteur la geldanamycine a été stoppé en raison d’une toxicité hépatique. Dans les études précliniques, la tanespimycine est moins toxique et induit une diminution d’expression de la protéine HER2 et de la croissance cellulaire. Dans les études de phase I et II chez des patientes présentant un cancer du sein surexprimant HER2 et recevant du trastuzumab hebdomadaire associé à la tanespimycine, des réponses ont été observées (20). Les principaux effets secondaires sont représentés par des céphalées, de l’asthénie, des diarrhées, et une cytolyse hépatique. Des inhibiteurs de HSP90 de seconde génération, dont l’alvespimycine sont en cours de développement et d’évaluation (21). Associations Les données biologiques concernant le mécanisme d’action du trastuzumab et les mécanismes potentiels de résistance plaident en faveur de cette stratégie d’association. Compte-tenu de ces données, les possibilités thérapeutiques apparaissent multiples. A ce jour le trastuzumab, et dans le futur le TDM1, représente la clé cde voûte de l’association. 159 Les données concernant ces associations sont encore préliminaires, présentées en congrès et pour la majorité non encore publiées. Lapatinib Trastuzumab L’essai de phase III a comparé en situation métastatique, après progression sous trastuzumab, le lapatinib monothérapie versus lapatinib-trastuzumab : la poursuite du trastuzumab s’accompagne non seulement d’une augmentation de la survie sans progression mais se traduit par une augmentation significative de la survie globale, traduisant l’intérêt potentiel d’un blocage complet du récepteur HER2 (5). Cette approche de double blocage trastuzumab lapatinib a été confirmée en situation neo-adjuvante dans l’essai Neo-ALTTO (22). Les études de recherche translationnelle devrait permettre de préciser les facteurs prédictifs de réponse au lapatinib et trastuzumab. Double blocage trastuzumab pertuzumab Les données des essais de phase II avec le pertuzumab ont clairement démontré que le potentiel de ce nouvel anticorps était en association avec le trastuzumab. Ceci a été confirmé dans l’essai neo-adjuvant NeoSPHERE (23). En situation métastatique, les résultats de la phase III (Etude CLEOPATRA) comparant docetaxeltrastuzumab-pertuzumab versus docetaxel-trastuzumab-placebo en première ligne métastatique seront présentés à San Antonio. Double blocage TDM1 Pertuzumab Dans un essai de phase I-II, le taux de réponse objective était de 57,1% en première ligne métastatique et de 34,4% en phase avancée (24). L’étude MARIANE compare en première ligne métastatique l’association taxane-trastuzumab versus TDM1-pertuzumab versus TDM1-placebo. Associations trastuzumab et inhibiteur de mTOR Les études BOLERO 1 et 3 sont en cours évaluant l’apport de l’everolimus respectivement en première ligne métastatique avec le taxol et au-delà avec la vinorelbine. Associations traitement anti-angiogénique et anti-HER2 Ces associations sont en cours d’évaluation dans ds essais cliniques de phase III que ce soit en adjuvant, neo-adjuvant ou métastatique (BETH, ANGIOTAX, BEVERLY, AVEREL). Stratégies du futur Ces stratégies reposent clairement sur une combinaison de thérapeutiques ciblées. Cependant les questions en suspends sont : l’intérêt chez toutes les patientes ou dans une population ciblée l’utilisation en association ou séquentielle 160 l’index thérapeutique de telles associations la prévention et le traitement des métastases cérébrales la durée des traitements et l’impact économique. Conclusion Le pronostic des cancers du sein HER2 a été considérablement amélioré par le trastuzumab. En situation métastatique, le trastuzumab prolonge la survie sans progression et la survie globale mais une évolutivité survient chez la majorité des patientes. Les mécanismes de résistance sont variés et de nombreux agents sont en cours d’évaluation dans cette situation et certains semblent très prometteurs. Dans l’avenir, il est très vraisemblable qu’il faudra envisager l’association de plusieurs thérapeutiques ciblées afin de prévenir la résistance. Le challenge sera de définir les associations et leurs séquences optimales, basées sur des données biologiques. Dans cette optique, les essais cliniques en situation pré-opératoire ou neo-adjuvante représentent le meilleur modèle. En situation métastatique, il semble primordial d’envisager la réalisation de biopsies tumorales afin de caractériser au mieux les mécanismes de résistances et la population cible. Références 1. Pegram MD, Konecny G, Slamon DJ. The molecular and cellular biology of HER2/neu gene amplification/overexpression and the clinical development of herceptin (trastuzumab) therapy for breast cancer. Cancer Treat Res 2000, 103, 57-75. 2. 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Il est celui qui, le premier, a bénéficié des thérapies ciblées et notamment du trastuzumab (TTZ), anticorps monoclonal de type IgG1 spécifique de HER2. Si ce dernier a incontestablement modifié l’histoire naturelle de ces cancers à la phase métastatique, les échappements thérapeutiques sont la règle. En 2010, l’équipe du MD Anderson a prouvé (observatoire) que le TTZ diminue de plus de 50% le risque de décès à un an des cancers du sein HER2+ métastatiques rendant ainsi le pronostic comparable à celui des tumeurs HER2-négatives. Malgré tout, au delà de 24 mois, le bénéfice du TTZ n’apparaît plus dans cette série, soulevant la question du traitement relais (Dawood, 2010). Si des patientes progressent vite (par exemple, dans les 6 mois) sous TTZ monothérapie « en entretien », d’autres n’évoluent qu’après plusieurs années, témoignant d’une sensibilité différente au TTZ. Mais l’échappement est quasi inéluctable. A un stade précoce, 5 essais randomisés ont démontré l’efficacité du TTZ en adjuvant positionnant pour la première fois un traitement anti-HER2 en situation curative potentielle. De plus, l’équipe de Buzdar a prouvé la première, l’amélioration importante, des taux de réponse histologique complète dès lors que l’on associe le TTZ à une chimiothérapie néoadjuvante séquentielle par paclitaxel suivi du schéma FEC (Buzdar, 2007). Toutefois, certaines de nos patientes rechutent après traitement (néo) adjuvant ; il existe donc encore une marge de progression nécessaire. La protéine HER2 et les mécanismes d’action du TTZ HER2 est un récepteur transmembranaire à activité tyrosine kinase de 185 kDa appartenant à la famille HER (Human Epidermal growth factor Receptor) dont il existe 4 membres (HER1 ou EGFR, HER2, HER3 et HER4) (schéma 1). La structure globale de chacun de ces HER est relativement proche. Elle contient un domaine extracellulaire de fixation du ligand, un domaine transmembranaire et un domaine intracellulaire à activité tyrosine kinase. Les ligands (il en existe pas moins de 12) de HER1, HER3 et HER4, comme l’EGF ou bien l’héréguline, se lient au domaine extracellulaire du récepteur, entraînant sa dimérisation (-homo ou – hétérodimérisation) puis l’autophosphorylation de son domaine kinase et finalement l’activation de plusieurs voies de signalisation intracellulaires, comme Ras/Raf/MAPK et PI3K/AKT, responsables in fine de la prolifération, de la survie, de l’invasivité de la cellule tumorale mais aussi de la néo-angiogenèse. HER2 n’a pas de ligand connu à ce jour. HER3 n’a pas d’activité tyrosine kinase et n’a donc une activité biologique qu’en combinaison avec un autre récepteur. Ces deux exemples soulignent déjà l’interdépendance de ces récepteurs qui agissent de façon conjointe pour favoriser la cancérogenèse et cela aura des conséquences sur le plan thérapeutique. Le TTZ est un anticorps recombinant murin humanisé ciblant précisément le domaine IV (juxtamembranaire) de la partie extracellulaire de HER2 (schéma 2). Schéma 1 : la famille des HER : schéma extrait de Pohlman CCR 2009. 164 Schéma 2 : site de liaison du TTZ sur HER2 : schéma extrait de Pohlman CCR 2009. Son effet thérapeutique passe par plusieurs mécanismes d’action qui ont été bien identifiés in vitro et dans divers modèles précliniques : - - - - La stimulation de l’immunité cellulaire par le recrutement des cellules NK et macrophages via le récepteur Fc (effet ADCC = Antibody-Dependent Cell Cytotoxicity). L’inhibition des différentes voies de signalisation intracellulaires par blocage de la formation des dimères HER2, mais préférentiellement de la voie de survie PI3K/AKT/m-TOR, a pour corollaire une inhibition des principaux mécanismes de la cancérogenèse : prolifération cellulaire, angiogenèse etc …De plus, in vitro, le TTZ augmente l’action inhibitrice de PTEN sur la voie PI3K/AKT (Nagata, 2004). L’inhibition du clivage de la protéine HER2 par les métallo-protéases, qui en permettant la libération du domaine extracellulaire d’HER2 de sa forme tronquée intracellulaire p95HER2, favorisent les mécanismes d’invasion d’une part et l’activation des signaux de transduction d’autre part. C’est aussi par ce mécanisme d’action que le TTZ inhibe la voie PI3K/AKT et secondairement les messagers de la progression dans le cycle cellulaire comme la cycline D1. L’inhibition des réparations des dommages causés sur l’ADN par les cytotoxiques du fait de la translocation de HER2 vers le noyau (Boone, 2009) expliquant en partie l’effet synergique avec de nombreux cytotoxiques. L’action directe du TTZ sur l’expression et le métabolisme de la protéine HER2 ne fait pas l’unanimité. Si, in vitro, le TTZ augmente l’internalisation et la dégradation de HER2, des études cliniques montrent qu’il n’entraîne pas de diminution de l’expression de HER2, par exemple chez des patientes répondant au TTZ administré pendant 4 semaines en monothérapie (Gennari, 2004). L’importance relative de ces différents mécanismes d’action dans la réponse thérapeutique n’est pas très bien établie, mais néanmoins des tendances se dégagent. Cela a été particulièrement bien décrit dans une revue récente (Tagliabue 2011). L’effet ADCC est probablement le mécanisme d’action prévalent du TTZ lorsqu’il est administré seul en préopératoire ; alors qu’en (néo)adjuvant et en métastatique ce mécanisme d’action est probablement plus faible car, l’administration concomitante d’un ou plusieurs cytotoxiques empêche les cellules immunitaires intervenant dans l’effet ADCC d’agir de façon efficace. L’effet du TTZ sur l’inhibition des réparations des dommages causés sur l’ADN devient alors sûrement prépondérant ; l’effet cytostatique via l’inhibition de la prolifération doit jouer également un rôle dans ces situations, notamment lorsque le TTZ est utilisé en séquentiel. Une meilleure connaissance de l’importance relative de ces divers mécanismes d’action permettrait non seulement d’optimiser l’utilisation de la molécule mais également de guider le choix des objectifs en thérapeutique (exemple : critère RECIST et taux de RO = réponse objective pour mesurer l’effet 165 cytotoxique ; TTP = temps jusqu’à progression ou DFS = survie sans maladie pour mesurer l’effet cytostatique). Comme décrit plus loin, pour chacun de ces mécanismes d’action du TTZ, il existe un ou des mécanismes possibles de résistance qui peut(peuvent) être de novo ou acquis. On devine que les mécanismes de résistance et donc les solutions pour les lever ou les contourner devraient en théorie tenir compte de la façon dont est prescrit cette molécule. Définitions des « résistances » aux TTZ : de l’échappement thérapeutique à la résistance totale au TTZ. D’un point de vue nosologique, il faut sûrement distinguer : - les résistances de novo des résistances acquises au TTZ, probablement de mécanismes plus complexes que les premières. les résistances « totales » qui, si elles existent, pourraient correspondre aux situations où l’anticorps ne peut se lier sur le domaine IV de HER2, des résistances « partielles » du fait par exemple d’une activation constitutive de novo ou acquise (par rétrocontrôle) des voies de signalisation d’aval ou bien de l’implication des ligands HER et/ou autres HER (cf chapitre suivant). En pratique clinique, il n’existe pas de définition de la « résistance » au TTZ. La surexpression de la protéine HER2 à un score à 3+ en IHC ou l’amplification du gène HER2 est un pré requis pour l’efficacité du TTZ mais à ce jour aucun autre biomarqueur ne permet de segmenter les tumeurs HER2+ et de prédire l’éventuelle résistance totale ou partielle au TTZ. En pratique, plus la rechute survient tardivement après la fin du TTZ prescrit en adjuvant ou plus la durée de non progression sous TTZ monothérapie « en entretien » après par exemple une 1° ligne métastatique est longue, plus le clinicien va avoir envie de maintenir le TTZ. Il peut en effet s’agir d’un « échappement » au TTZ et non d’une « résistance ». Mais cela est basé sur l’intuition clinique et n’est pas rationnel. Plusieurs données précliniques, mais aussi cliniques rétrospectives (Fountzilas, 2003 ; Gelmon, 2004 et Tripathy, 2004) appuient cette possibilité de maintenir le TTZ avec succès. Pour soutenir, cette option thérapeutique, citons également, l’étude clinique prospective publiée par les allemands : 156 patientes en progression sous TTZ ont été traitées en deuxième ligne métastatique par capécitabine seule vs capécitabine + TTZ ; la PFS (= survie sans progression) est de 5.6 mois vs 8.2 mois (HR : 0.69 ; p=0.0338) et le taux de RO est de 27% vs 48.1 % (p=0.011), respectivement pour les patientes recevant la chimiothérapie seule ou la bithérapie (von Minckwitz, 2009). Dans les situations cliniques où la patiente rechute ou évolue précocement, le standard est davantage de prescrire un autre anti-HER2 (le lapatinib) qui n’a d’AMM qu’avec la capécitabine (Geyer, 2006). Mécanismes biologiques impliqués dans la résistance au TTZ (revues : Pohlman, 2009 ; Mukohara, 2010 ; Gajria, 2011) La description, la compréhension et surtout l’identification par des biomarqueurs ou autre (ex : imagerie fonctionnelle) des différents mécanismes de résistance au TTZ est un pré-requis pour adapter la meilleure stratégie thérapeutique qui va retarder ou contourner la survenue de cette résistance. Ces mécanismes de résistance peuvent être regroupés en 4 catégories principales que nous allons détailler. 166 1- Les obstacles à la liaison du TTZ sur le domaine IV de la partie extracellulaire de HER2 (schéma 3). In vitro, il a été décrit que d’autres récepteurs ou glycoprotéines de surface comme CD44 ou MUC4 peuvent masquer le domaine IV de liaison du TTZ à HER2, diminuant l’efficacité de ce dernier. Ces mécanismes ont été identifiés dans le modèle cellulaire des lignées JIMT-1 présentant une résistance de novo au TTZ (Palyi-Krekk, 2007 et Nagy, 2005). Nous n’avons cependant aucune preuve clinique de ce mécanisme de résistance chez les patientes. Schéma 3 : A : Protéine HER2 tronquée masqué. Schémas extrait de Pohlman CCR 2009 B : domaine IV de la partie extracellulaire de HER2 L’autre mécanisme qui pourrait expliquer l’inaccessibilité du TTZ (et des autres anticorps monoclonaux antiHER2 tel que le pertuzumab) est l’existence d’emblée ou par accumulation (donc résistance de novo ou acquise) d’une protéine tronquée p95HER2 (HER2 Carboxy Terminal Fragment = HER2 CTF). Cette dernière possède une activité kinase mais pas de domaine extracellulaire. Le TTZ n’a pas d’effet sur des lignées tumorales transfectées pour exprimer la forme tronquée de HER2 (lignées MCF-7p95HER2), à la différence du lapatinib qui reste capable d’inhiber la phosphorylation d’AKT, de MAPK et la croissance de ces cellules (Scaltriti, 2007). De plus, le lapatinib reste efficace in vivo sur des souris xénogreffées par des lignées MCF7p95HER2, alors que le TTZ ne l’est pas. Une forme tronquée de HER2 serait donc présente dans 20 à 40% des cancers du sein HER2+ et résulterait soit d’une initiation alternative de la traduction soit d’un clivage par les métallo-protéases dont ADAM10 (revue : Arribas, 2011). Le clivage par les métallo-protéases génère une 95- 100- kDa p95HER2 (648-CTF) accrochée à la membrane et dont l’activité semble comparable à celle de la forme longue de HER2 (Liu, 2006). La traduction alternative conduit quant à elle, à deux fragments : i) 90- 95- kDa HER2 (678-CTF) présent dans le noyau ou le cytoplasme, porteur d’un domaine kinase intact mais inactif (Pedersen, 2009) ii) 100- 115 kDa HER2 (611-CTF) (Schéma 4). In vitro, cette dernière par le biais d’homo-dimères conduit à une activation plus rapide des voies de signalisation intracellulaires que la forme longue. Elle est aussi capable d’activer la transcription d’un certain nombre de gènes spécifiques tels que MMP1, MET, CD44 etc ….(Pedersen, 2009). Cette forme hyperactive induit également, de façon plus efficace que la forme longue de HER2, la migration des cellules via la phosphorylation des protéines du cytosquelette (Garcia-Castillo, 2009). L’hétéro-dimère HER2/HER3 est un puissant activateur de la voie de la PI3K/AKT mais la forme 100115 kDa HER2 l’active aussi fortement même en présence de HER3 (Pedersen, 2009). Enfin, des travaux réalisés chez la souris montrent que la forme 100- 115 KDa HER2 génère des tumeurs plus agressives et plus invasives que la forme longue (Pedersen, 2009). En clinique, Saez et al. rapportent dès 2006, que l’expression de p95HER2 retrouvée chez plus de 30% des tumeurs du sein HER2+ serait associée à une DFS 167 plus courte sous TTZ (Saez, 2006). De plus, les travaux préliminaires de l’équipe de Scaltriti illustrent également la possible implication de p95HER2 dans la résistance au TTZ : sur 46 patientes porteuses d’un cancer du sein métastatique traitées par TTZ, seule 1/9 exprimant p95HER2 a répondu au traitement alors que 9/37 patientes exprimant uniquement la forme longue de HER2 ont répondu (Scaltriti, 2007). Les travaux plus récents publiés par la même équipe suggèrent au contraire, que le lapatinib resterait efficace en cas d’expression associée de p95HER2 (travaux réalisés chez 68 patientes ayant participées aux essais cliniques EGF200009 et EGF100151) (Scaltriti, 2010). Cela parait tout à fait logique compte tenu du mécanisme d’action du lapatinib (action sur la partie intracellulaire de HER2 et non extracellulaire). Ces premiers travaux rétrospectifs explorant la relevance de p95HER2 en tant que biomarqueur de la résistance (peut être totale ?) au TTZ portaient sur un petit nombre d’échantillon, compte tenu de l’extrême complexité de la méthode pour mesurer la forme tronquée. Plus récemment, deux équipes ont mis au point un anticorps qui reconnait spécifiquement la forme 100- 115- kDa HER2 utilisable sur coupe en paraffine pour quantification en immunohistochimie (Parra-Palau, 2010 et Sperinde, 2010). Sperinde et al montrent que les patientes (n = 93) dont la tumeur exprime p95HER2 au-delà d’un certain seuil (défini à 30% dans leur série) ont une PFS et une SG plus courte sous TTZ que celles qui ont une tumeur exprimant peu ou pas p95HER2. Schéma 4 : p95HER2 (différentes formes) : schéma extrait de Arribas, 2011. Ainsi, il se pourrait que dans l’avenir, on stratifie les cancers du sein HER2+ selon le niveau d’expression de p95HER2 par rapport à la forme longue pour orienter les choix thérapeutiques. Bien évidemment, des travaux prospectifs sur de larges séries sont à présent nécessaires et le rapport d’expression entre les deux formes qui guidera éventuellement le thérapeute reste à déterminer. 2- Hyperactivité de la voie PI3K/AKT/m-TOR (schéma 5). De nombreux travaux montrent qu’une hyperactivité de cette voie générée, par exemple, par une mutation activatrice de PIK3CA ou une perte de PTEN, peut être responsable d’une résistance aux thérapies anti-HER et notamment au TTZ. PTEN est une phosphatase appartenant au groupe des gènes suppresseurs de tumeur qui permet l’inhibition de la voie de la PI3K/AKT. La perte de fonction de PTEN causée par une mutation ou un défaut de sa régulation transcriptionnelle semble relativement fréquente dans les cancers du sein puisque retrouvée dans 15 à 48% des cas, notamment en cas de tumeurs HER2+ (Pandolfi, 2004 et Esteva, 2010) ; il en résulte l’absence de freinage sur la voie PI3K/AKT/m-TOR qui est alors hyperactive. Les travaux 168 précliniques de Nagata et al. suggèrent que les propriétés antiprolifératives du TTZ nécessitent une protéine PTEN active in vitro, et qu’une déficience en PTEN entraîne une résistance au TTZ chez des souris nudes porteuses de xénogreffes de tumeurs HER2+. Ces mêmes auteurs rapportent qu’une faible expression de PTEN (en IHC) est étroitement corrélée à une survie plus courte sur une série de 47 patientes traitées par chimiothérapie + TTZ en situation métastatique (Nagata, 2004). Dans une autre cohorte déjà ancienne, l’expression réduite de PTEN ou bien sa perte décrite chez 36% des tumeurs est corrélée à une moins bonne réponse objective à un traitement combinant taxane + TTZ (35.7% vs 66.7%) (Depowski, 2001). Bien que l’on ne puisse encore tirer de conclusion définitive, ces premiers résultats et les données précliniques, suggèrent que PTEN pourrait être un biomarqueur utile dans les années à venir pour prédire une résistance au moins partielle au TTZ voire au lapatinib. Là encore, il va falloir standardiser la méthode d’évaluation de la perte de PTEN en IHC. La protéine PI3K est constituée de deux sous unités : la sous unité régulatrice p85 et la sous unité catalytique p110. Le gène codant cette dernière (PIK3CA) est muté dans 8 à 40 % des cancers du sein (Saal, 2005 – Perez-Tenorio, 2007 et Esteva, 2010) et cette mutation peut être associée à une perte d’activité de PTEN. Plus de 80% des mutations activatrices semblent se situer au niveau des exons 20 et 9. Les lignées BT474 traitées longtemps par TTZ y deviennent résistantes. Cette résistance acquise in vitro, s’accompagne d’une augmentation du niveau de phosphorylation de la protéine AKT et peut être levée par des inhibiteurs de PI3K (Chan, 2005). Berns et al ont examiné 55 tumeurs HER2+ chez des patientes en progression sous TTZ (Berns, 2005). Une mutation de PIK3CA a été retrouvée dans 25% des cas. La réduction d’expression de PTEN a été décrite dans 22% des cas. La PFS des patientes est significativement plus courte lorsque les tumeurs ont une hyperactivité de la voie PI3K/AKT/m-TOR définie par la mutation de PIK3CA et/ou la réduction du niveau d’expression de PTEN. Une étude plus récente, publiée par l’équipe d’Esteva, portant sur 137 patientes présentant un cancer du sein métastatique HER2+, montre que les biomarqueurs individuels de la voie (ex : mutation de PIK3CA ou d’AKT ou perte de PTEN) considérés séparément ne permettent pas de prédire la sensibilité ou non au TTZ ; par contre la combinaison des biomarqueurs reflétant le niveau d’activité globale de la voie PI3K/AKT permet de repérer les tumeurs qui vont être plus ou moins sensibles au TTZ (Esteva, 2010). De la même manière, dans la série publiée par Wang et al. la mutation de PIK3CA ou la perte de PTEN présente respectivement au niveau de 12.3% (7/57) et 31.6% (18/57) des tumeurs est prédictive d’une moindre sensibilité au lapatinib (taux de RO de 9.1% vs 31.4% ; p=0.05 et taux de bénéfice clinique de 36.4% vs 68.6% ; p=0.017 selon qu’il existe ou pas une mutation de PIK3CA ou une perte de PTEN) ; dans la même série, l’activation de la voie PI3K pour l’une des deux raisons est corrélée à une moins bonne sensibilité au TTZ avec une PFS allant de 4.5 mois vs 9 mois (p=0.013) (Wang, 2011). Ces résultats viennent contre dire certains travaux précliniques, où le lapatinib (contrairement au TTZ) pouvait être efficace même lorsque la voie PI3K/AKT était hyperactive (Konecny, 2006, O’Brien, 2010). Cependant, il a aussi été décrit que la perte de PTEN ou la mutation de PIK3CA pouvait induire une résistance in vitro (lignées HER2+ SKBR3) au lapatinib, et que le NVP-BEZ235 (inhibiteur de m-TOR/PI3K) pouvait lever cette résistance (Eichhorn, 2008 et Brünner-kubath, 2011). Kataoka aboutit aux mêmes conclusions (Kataoka, 2010). Il est aussi important de souligner que le statut « perte de PTEN » ou « mutation de PIK3CA » peut être discordant entre la tumeur primitive et la métastase (Gonzalez-Angulo, 2011) et qu’il peut s’agir d’un phénotype acquis avec le temps ou sous l’effet des divers traitements. Par conséquent, l’hyperactivité de la voie PI3K/AKT pourrait être un mécanisme de résistance de novo ou acquis aux thérapies ciblant HER2. Si aucune conclusion définitive ne peut être retenue à ce jour, les travaux concernant l’exploration du niveau d’activité de la voie PI3K/AKT et sa corrélation avec une résistance pour le moins partielle au TTZ ou bien au lapatinib doivent se poursuivre. Une réversion de ce mécanisme de résistance par prescription concomitante d’un inhibiteur de m-TOR et/ou de PI3K est une piste séduisante (cf chapitre ci-dessous). 169 Schéma 5 : hyperactivité de la voie PI3K/AKT pour diverses raisons. Schéma extrait de Pohlman CCR 2009. Des travaux récents, et notamment ceux publiés par une équipe toulousaine (Zindy, 2011), suggèrent que le complexe eIF4e/4EBP, situé en aval de la voie PI3K/AKT/m-TOR (car eIF4e est une cible de la kinase mTOR) et au carrefour des autres voies de signalisation intracellulaires, pourrait être un biomarqueur de résistance aux traitements anti-HER et notamment au TTZ. La lignée cellulaire BT474 HER2+ dont la prolifération est inhibée par le TTZ y devient résistante après transfection pour surexprimer eIF4E. Dans une série monocentrique (Institut Claudius Regaud) de 53 patientes traitées en néoadjuvant par un traitement de type FEC puis taxane + TTZ, la qualité de réponse histologique est significativement corrélée au niveau d’expression d’eIF4E mesurée en immunohistochimie sur coupe en paraffine de la biopsie initiale (p=0.0117). La quasi-totalité des patientes ayant une tumeur qui exprime EiF4e avec un score IRS < 6 sont en réponse histologique complète, alors que celles qui ont un score > 6 ne le sont. Une étude multicentrique, rétrospective, indépendante et portant sur plus de 200 patientes est en cours pour confirmer ou pas ces premiers résultats. 3- Le rôle des autres récepteurs HER et/ou d’autres récepteurs à activité tyrosine kinase transmembranaires (tels que IGFR, c-met). (schéma 6) L’IGF1-R est un récepteur à activité tyrosine dont le rôle dans la résistance au TTZ a été étayé en préclinique. Par exemple, dans les lignées cellulaires de cancer du sein HER2+ SKBR3 ou MCF-7 transfectées pour être à l’origine d’une surexpression d’HER2, la surexpression induite de l’IGF1-R est à l’origine d’une perte de l’effet antiprolifératif du TTZ et son efficacité est restauré lorsque l’on inhibe l’IGF1-R (Lu, 2004). En clinique, si Harris et al suggèrent que l’expression d’IGF1-R est associée à une moins bonne réponse à l’association TTZ + vinorelbine en néoadjuvant (50% vs 97% ; p=0.001) (Harris, 2007) ; Kostler et al ne montrent pas de corrélation entre l’expression de l’IGF1-R et la SSP (= survie sans progression) ou la SG (= survie globale) de patientes traitées par TTZ en situation métastatique (Kostler, 2006). Autre exemple, c-Met et son ligand, le HGF (Hepatocyt Growth Factor) sont fréquemment surexprimés dans les cancers du sein. Met et HER2 peuvent agir de façon synergique. L’inhibition par ARN interférant ou par un inhibiteur spécifique de Met dans les lignées cellulaires HER2+, SKBR3 et BT474, majore l’efficacité du TTZ. A l’opposé, l’activation de Met par son ligand HGF, abroge l’activité inhibitrice du TTZ sur ces lignées. Enfin et surtout, HER1 et HER3 par le biais des homo- ou hétéro- dimérisations peuvent expliquer une résistance tout au moins partielle au TTZ. En particulier, l’hétérodimère HER2-HER3 apparaît comme étant celui ayant la plus forte capacité d’activation de la voie PI3K/AKT (Hellyer, 2001) et ayant la plus forte capacité à induire la prolifération parmi tous les dimères HER (Citri, 2003). Des cellules HER2+ sensibles au 170 TTZ et transfectées pour surexprimer HER3, deviennent résistantes à l’anticorps et forment des hétérodimères (Sergina, 2007). De plus, les lignées cellulaires de cancer du sein, longtemps traitées par TTZ, y deviennent résistantes et l’on observe alors conjointement une augmentation de l’expression de HER3 (Narayan, 2009) ; le TTZ étant incapable d’inhiber les hétérodimères HER2-HER3 (Ghosh, 2011) son efficacité disparait. Il s’agit là d’un modèle cellulaire de résistance acquise au TTZ. Un anticorps capable d’inhiber la formation de ces hétérodimères par le biais d’une liaison sur le domaine II de la partie extracellulaire HER2 fait l’objet d’étude clinique de phase III = le pertuzumab (cf chapitre suivant). Par ailleurs, des travaux précliniques montrent que HER1 peut aussi être impliqué dans la résistance au TTZ : Ritter et al ont démontré que la résistance au TTZ, dans des lignées cellulaires et des xénogreffes pouvaient s’expliquer par une hyperphosphorylation de HER1, la formation de nombreux hétérodimères HER1-HER2 et une hyperexpression des ligands de HER1 tels que l’EGF et l’héréguline (Ritter, 2007). En clinique plusieurs études ont tenté de corréler le niveau d’expression des autres HER que HER2 et la sensibilité au TTZ ou au lapatinib. Ces études sont toutes rétrospectives, de petites tailles et ne permettent aucune conclusion. Il n’est pas impossible que l’absence de méthodologie standardisée en IHC (choix de l’anticorps et cut-off) explique, au moins en partie, les différences obtenues. Certaines équipes travaillent actuellement à la façon de quantifier les hétérodimères HER et/ou les niveaux de phosphorylation des HER et de les corréler à l’efficacité du TTZ et/ou des autres traitements antiHER (De-Fazio-Eli, 2011). Schéma 6 : Rôle des autres récepteurs transmembranaires à activité tyrosine kinase. Schéma extrait de Pohlman CCR 2009 4- Variations du polymorphisme génétique du fragment Fc du récepteur (effet ADCC). Certaines variations du polymorphisme génétique du fragment Fc pourraient expliquer un effet ADCC plus ou moins fort du TTZ et donc un effet thérapeutique plus ou moins important. Musolino par exemple, rapporte des corrélations entre certains polymorphismes et le taux de réponse objective ou bien la SSP chez des patientes traitées par TTZ (Musolino, 2008). Il faut aussi souligner qu’en clinique : - il n’est pas impossible que, parfois, coexistent plusieurs mécanismes de résistance. Par exemple, une résistance au TTZ pourrait être la résultante d’une expression forte de p95HER2 mais également d’une perte de PTEN. Dans le 1° cas de figure, la substitution du TTZ par du lapatinib ou autre inhibiteur tyrosine kinase pourrait suffire, dans le second cas, il faudrait peut être proposer du lapatinib + un inhibiteur de la voie de la PI3K/AKT (si l’on en croit les données non encore confirmées…….) - rien n’est figé dans le temps notamment en situation métastatique. Lorsque l’on inhibe la voie oncogénique dominante par du TTZ, un nouveau déséquilibre dans l’activation des signaux 171 - intracellulaires va se produire. Pour lever la résistance au TTZ, il convient alors d’identifier le principal signal mis en œuvre afin de le bloquer à son tour. En théorie, cette identification ne peut se faire que sur du tissu tumoral « fraichement prélevé » au moment de la progression, ce qui n’est pas toujours facile à réaliser en pratique, car nécessite des biopsies itératives. un degré de complexité supplémentaire pourrait être lié à l’hétérogénéité tumorale. enfin, il ne faut pas oublier que certains mécanismes de résistance (au moins partielle) pourraient être liés non pas à la biologie de la tumeur mais aussi à l’hôte (variation de l’effet ADCC aux anticorps monoclonaux et polymorphisme génétique du fragment Fc). Options thérapeutiques pour prévenir ou prendre la « résistance » au TTZ (schéma 7) 1- L’anticorps T-DM1 est composé de TTZ + de maytansine, un agent cytotoxique qui inhibe la polymérisation de la tubuline. Cette molécule, actuellement en phase III, se fixe sur la portion extracellulaire de HER2, le complexe HER2/T-DM1est alors internalisé par endocytose et sa dégradation libère le cytotoxique dans le cytosol à forte concentration. Deux phases II ont été conduites chez des patientes multi traitées et ayant déjà reçu un traitement par anthracycline, taxane, capéctabine, TTZ et lapatinib et rapportent des résultats très encourageants avec des taux de RO de 26 % à 33%, des taux de bénéfice clinique de 39% à 48% et une SSP médiane de 4.6 à 6.9 mois (Burris, 2011 et Krop, 2010). Hurvitz a confirmé ces résultats lors de l’ESMO 2011 en rapportant les résultats d’une phase II randomisée, comparant en 1° ligne métastatique le T-DM1 à l’association docétaxel + TTZ (Hurvitz, 2011). Les taux de RO entre les 2 bras sont comparables mais la durée de réponse est plus longue avec le T-DM1 avec une PFS de 14.2 vs 9.2 mois (HR : 0.594 ; p=0.0035). En revanche, et ce fait représente une limitation, le taux de réponse semble dépendant du statut muté ou WT de la PIK3CA (analyse rétrospective) ; même si cela est une option thérapeutique prometteuse, le T-DM1 ne permet donc pas réellement de contourner les résistances (ou du moins certaines) de novo ou acquise au TTZ. Schéma 7 : principales molécules pour contourner la résistance au TTZ, schéma extrait de Nahta, 2010. 2 - Les inhibiteurs tyrosine kinase de HER1-HER2 (revue : Sachdev, 2011 – table 1) et le double blocage HER2 (revue : Abramson, 2011) 172 Le LAPATINIB : des données expérimentales témoignent d’une action synergique du lapatinib en association au TTZ sur des lignées de cancer du sein HER2+, devenues résistantes au trastuzumab du fait d’un traitement prolongé avec ce dernier : la réponse à l’association est alors supérieure à la réponse au lapatinib utilisé seul (Konecky, 2006). Une étude clinique relativement récente et publiée par Blackwell, vient confirmer ces données. Elle est très intéressante car elle interroge sur l’utilisation optimale du lapatinib après échec au TTZ : faut-il le prescrire en substitution du TTZ ou bien en association ? (Blackwell, 2010). Cette étude randomisée de phase III, proposait à 296 patientes présentant un cancer du sein HER2+, métastatique et en progression sous TTZ (après plusieurs lignes) un traitement par lapatinib seul ou bien l’association lapatinib + TTZ. Il existe un avantage en termes de PFS (objectif principal de l’étude) en faveur de l’association par rapport au lapatinib seul (HR=0.73 ; IC95% : 0.57-0.93 ; p=0.008) mais aussi de bénéfice clinique. Les résultats de l’étude Néo-ALTTO (en néoadjuvant) présentés lors su SABCS 2010, ciblant une population naïve de traitement par TTZ (donc en possible « résistance » de novo mais pas acquise au TTZ), sont venus confirmer ces données (Baselga, 2010). Table 1 : molécules anti-HER faisant actuellement l’objet d’étude clinique dans les cancers du sein HER2+ en progression sous TTZ. Des molécules qui sont des inhibiteurs irréversibles de l’activité tyrosine kinase de HER1, de HER2 voire HER4 (HER3 n’ayant pas d’activité tyrosine kinase) font actuellement l’objet d’études cliniques de phase II ou III. En préclinique, ces molécules ont un effet synergique avec le TTZ ou bien permettent de lever la résistance au TTZ. Il s’agit de l’AFATINIB (BIBW2992), du NERATINIB (HKI) ou du CANERTINIB. Par exemple, dans une phase II conduite chez 136 patientes présentant un cancer du sein métastatique HER2+, l’administration du Nératinib seul à la dose de 240 mg/j a permis d’obtenir un taux de RO de 24% et 56%, une PFS médiane de 22.3 et 39.6 mois, respectivement selon que les patientes aient reçu ou pas un traitement antérieur par TTZ : cette molécule administrée seule peut donc être efficace chez des patientes en progression sous TTZ (Burstein, 2010). De plus, une étude de phase I/II combinant Nératinib et TTZ a été conduite chez 45 patientes en progression sous TTZ : chez 33 patientes évaluables, le taux de RO est de 27% et la PFS médiane de 19 semaines (Swaby, 2009). Des études comparant par exemple, le Nératinib seul à l’association N + TTZ sont en cours. Le PERTUZUMAB est un anticorps monoclonal qui se lie au domaine II de la partie extracellulaire de HER2. Il inhibe la capacité de HER2 à former des hétérodimères avec HER1 mais surtout HER3. C’est le seul moyen d’inhiber ce dernier. Baselga et al ont récemment rapporté des résultats intéressants d’une phase II 173 combinant le pertuzumab au TTZ chez 66 patientes présentant un cancer du sein HER2+ métastatique et en progression sous TTZ (Baselga, 2010a) : le taux de RO est de 24.2% et le taux de BC de 50%. 5 patientes ont eu une RC (7.6%). Ce protocole a été dans un second temps amendé pour inclure une deuxième cohorte de patientes afin de déterminer l’activité du pertuzumab seul dans une situation clinique d’échec au TTZ. S’il y avait une réponse inadéquate au pertuzumab monothérapie ou bien une réponse suivie d’une rechute, les investigateurs pouvaient associer au le TTZ au pertuzumab (troisième cohorte). Le taux de RO en monothérapie de la cohorte 2 n’est que de 3% vs 21% pour la cohorte 3. Ces résultats corroborent donc ceux obtenus avec le lapatinib dans l’étude de Blackwell et confortent dans l’idée d’association des thérapies anti-HER et non de substitution (Baselga, 2010b) en situation de résistance acquise tout au moins au TTZ. Depuis, les résultats communiqués lors du SABCS 2010, de l’étude NEOSPHERE conduite en néoadjuvant, chez des patientes naïves de TTZ, sont venus confirmer ces résultats : la bithérapie ciblée associée au docétaxel permet d’obtenir un taux de réponse histologique complète au niveau du sein de 49% vs 29% et 24% avec respectivement le TTZ seul ou le pertuzumab seul (en plus du docétaxel). Lors du SABCS 2011 seront présentés les résultats de l’étude de phase III CLEOPATRA, comparant docétaxel + TTZ vs docétxel + TTZ + pertuzumab en première ligne métastatique. L’objectif principal est la PFS. Citons, enfin les travaux précliniques intéressants de Rimawi et al. Ils ont traité des souris nudes xénogreffées par des lignées MCF-7/HER2-18 ou des BT474 par lapatinib et TTZ seul ou bien de façon séquentielle ou bien en association à dose « normale » ou à dose réduite et observé l’effet sur le niveau de phosphorylation des protéines intracellulaires, sur la croissance tumorale et l’apoptose. L’administration de façon séquentielle des traitements anti-HER ou concomitante à dose réduite permet d’obtenir des résultats équivalents en termes d’efficacité à la bithérapie continue et à pleine dose (Rimawi, 2011). Cela est intéressant car transposé en clinique, cela permettrait de réduite la toxicité mais aussi le coût. 3- Les PI3K/mTOR inhibiteurs (revue : Nahta, 2010) L’implication fort probable de l’hyperactivité de la voie PI3K/AKT dans la résistance au moins partielle au TTZ et la relative fréquence d’une mutation activatrice de PIK3CA ou d’une perte de PTEN dans les cancers du sein, en particulier HER2+, constituent une base rationnelle forte pour combiner le TTZ à un inhibiteur de la voie PI3K/AKT. De plus, une hyperactivation de cette voie a été mise en évidence sur des biopsies tumorales réalisées chez des patientes en progression sous TTZ (Chandarlapaty, 2009). Plusieurs données précliniques suggèrent qu’un inhibiteur de cette voie peut augmenter la sensibilité au TTZ in vitro mais aussi dans des modèles de xénogreffes. La croissance et la survie des cellules de cancer du sein HER2+ sont affectées par un inhibiteur de la voie indépendamment du statut PIK3CA, PTEN et de la sensibilité ou pas au TTZ (Juntilla, 2009). Par exemple, dans des cellules sensibles au TTZ, il existe un effet synergique entre l’anticorps antiHER2 et le GDC-0941 (PI3K inhibiteur) pour inhiber la phosphorylation d’AKT, la croissance et favoriser l’apoptose (Nagata, 2004). Point important, le traitement concomitant par GDC-0941 + TTZ permet (en comparaison à la monothérapie) de retarder la survenue d’une résistance au TTZ in vitro mais aussi chez des souris nudes porteuses de tumeurs HER2+ sensibles au TTZ et xénogreffées (Nagata, 2004). In vitro, la sensibilité au GDC-0941 dépendrait du statut PIK3CA et HER2 ; avec une plus forte sensibilité à la molécule en cas de mutation activatrice de PIK3CA ou d’amplification de HER2 (O’Brien, 2010). Enfin, la sensibilité au TTZ peut être retrouvée dans un modèle de souris xénogreffées par des lignées BT474 devenues résistantes au TTZ du fait de la transfection d’un oligonucléotide antisens de PTEN, en combinant un inhibiteur de PI3K (le LY294002) au TTZ (Eichhorn, 2008). Miller et al ont été les premiers a démontré, in vitro, un effet synergique entre la rapamycine (inhibiteur de m-TOR) et le TTZ sur des lignées résistantes à l’anticorps antiHER2 administré seul (Miller, 2009). 174 A la lumière des ces modèles précliniques, on comprend qu’un inhibiteur de la voie PI3/AKT pourrait reverser ou bien retarder l’apparition d’une résistance au TTZ en clinique. C’est pourquoi, plusieurs antagonistes de cette voie font l’objet d’études cliniques de phase I-II (ex : BKM120, inhibiteur de PIK, OSI027 et AZD8055 inhibiteurs de mTOR1 et TOR2, BEZ235 et XL765 inhibiteurs de PI3K et m-TOR). La bithérapie ciblée RAD001, un inhibiteur sélectif de m-TOR1 + TTZ administrée chez 47 patientes lors d’une phase I/II donne des résultats prometteurs (15% de RO, taux de BC de 34% et médiane de PFS de 4.1 mois) (Morrow, 2011). De plus, dans une phase II, l’association RAD001 (ou évérolimus), au TTZ et au paclitaxel annonce des résultats très encourageants chez 55 patientes présentant un cancer du sein HER2+ et multi traitées : le taux de RO est de 19% et le taux de bénéfice clinique de 81% (Dalenc, 2010). Deux études de phase III, multicentriques et randomisées sont en cours avec le RAD001 : l’étude BOLERO 01 (paclitaxel + TTZ +/- RAD01) en 1° ligne métastatique (donc chez des patientes naïves de TTZ en phase métastatique tout au moins) et l’étude BOLERO 03 (vinorelbine + TTZ +/- RAD001) en 2° ligne métastatique chez des patientes en progression sous TTZ. L’objectif principal de ces deux études est la PFS. Conclusion Les cancers du sein HER2+ sont ceux qui ont, les 1° bénéficiés des traitements ciblés, avec le TTZ. Cependant, il existe encore une marge de progression importante pour améliorer les performances thérapeutiques. Nous commençons aujourd’hui à comprendre les mécanismes de résistance au TTZ et l’étape de transposition entre les données expérimentales et la clinique est en marche. Des efforts doivent être faits pour segmenter les cancers du sein HER2+ avec d’autres biomarqueurs et orienter les choix du thérapeute. D’autres thérapies ciblées que le TTZ pourraient lever la résistance ou peut-être retarder l’apparition de cette résistance (comme dans les modèles précliniques). Diverses études cliniques conduites dans différentes situations cliniques (étude de substitution ou d’association des thérapies ciblées ou bien de traitement séquentiel par ces mêmes thérapies ciblées) devront répondre à ces questions dans les années à venir. Plus que jamais, la collaboration entre chercheurs, pathologistes, patientes, oncologues et « biopsieurs » est nécessaire. Bibliographie - Abramson V et Arteaga CL. New strategies in HER2-overexpressing breast cancer: many combinations of targeted drugs available. Clin Cancer Res., 2011; 17(5): 952-958. - Arribas J, Baselga J, Pedersen K et al. p95HER2 and breast cancer. Cancer Res., 2011; 71(5): 1515-1519. - Baselga J, Bradbury I, Eidtmann H et al. First results of the NeoALTTO trial: a phase III, randomized, open label, neoadjuvant study of lapatinib, trastuzumab, and their combination plus paclitaxel in women with HER2-positive primary breast cancer. SABCS 2010, A S3-3. - Basela J, Gelmon KA, Verma S et al. Phase II of pertuzumab and trastuzumab in patients with human epidermal growth factor receptor 2-positive metastatic breast cancer that progressed during prior trastuzumab therapy. J Clin Oncol., 2010a; 28(7): 1138-1144. 175 - Baselga J, Cortes J, Fumoleau P et al. 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Evolution clinique des tumeurs surexprimant HER2 selon leur status hormonal L’évolution des tumeurs HER2 selon leur status hormonal a été étudiée dans une étude coréenne (3). Cette analyse rétrospective a porté sur 198 patientes traitées pour une tumeur HER2+ sans herceptin adjuvant et rechutant entre 1995 et 2006. Les deux groupes de patientes (87 patientes HER2+ RO+ et 111 patientes HE2+ RO-) étaient identiques du point de l’âge au diagnostic, la classification TNM initiale et les modalités de chimiothérapie adjuvante. Il était constaté une différence dans l’évolution clinique selon le statut RH. La survie médiane sans rechute était égale à 32 mois pour les tumeurs HER2+ RH+ et 19 mois pour les tumeurs HER2+ RH- (p =0,0012). Il n’était pas constaté de différence significative pour la répartition de l’atteinte métastatique. La fréquence d’apparition des métastases hépatiques, pulmonaires, osseuses ou cérébrales était identique dans les deux groupes. Interaction entre les voies de signalisation intra-cellulaires médiées par les RH et HER2 : la notion du « cross-talk » Les RO ont une activité génomique et non génomique (4). La liaison des oestrogènes au niveau des RO entraîne la phosphorylation puis la dimérisation de ces récepteurs et enfin leur fixation au niveau de l’ADN avec une activité de transcription (4). Les RO ont aussi une localisation membranaire et intracytoplasmique. L’activation de ces récepteurs stimule les activités kinase des voies intra-cellulaires médiées par PI3K/AKT (4). Ces deux modes d’action des RO sont sous la dépendance d’HER2. En effet, l’activation d’HER2 peut entrainer une stimulation de l’activité transcriptionelle des RO mais aussi une diminution d’expression des RO (5). L’activation d’HER2 entraine aussi une activation des mêmes voies de signalisation médiées par PI3K/AKT (5). On comprend ainsi que l’apparition d’une résistance à l’hormonothérapie dans une tumeur RH+ peut dépendre de l’activation des voies HER2. Ceci a été démontré dans des modèles in vivo de cancers du sein RH+ (6). L’apparition d’une résistance au tamoxifène était associée à une augmentation d’expression d’HER2 et à une activation des voies de signalisation intra-cellulaire en aval. Dans ce modèle in vivo, l’usage d’un inhibiteur de tyrosine kinase en association avec le tamoxifène permettait de retarder l’apparition de l’hormonorésistance. Association d’une hormonothérapie et d’une thérapie anti-HER2 pour les tumeurs HER2+ RH+ Deux études randomisées ont comparé une hormonothérapie à l’association de cette hormonothérapie avec une thérapie anti-HER2 chez des patientes en évolution métastatique d’une tumeur HER2+ RH+ (7,8). L’étude TanDEM a porté sur 207 patientes et comparé anastrozole et l’association anastrozole + trastuzumab (7). L’objectif principal de l’étude était la survie sans progression (SSP). L’étude démontrait une augmentation significative de la SSP grâce à l’association de l’anastrozole et du trastuzumab (2,4 mois versus 4,8 mois, HR = 0,63, p = 0,0016). La survie globale était identique dans les deux bras de traitement (23,9 mois versus 28,5 mois). Le taux de réponse était de 7 % avec l’anastrozole et 20 % avec l’association. 182 L’étude EGF30008 a porté sur 219 patientes et comparé létrozole et l’association létrozole + lapatinib (8). L’objectif principal était aussi la SSP. Il était constaté une augmentation significative de la SSP dans le bras de traitement comportant létrozole et lapatinib (3 mois versus 8,2 mois, HR = 0,71, p = 0,019). La survie globale était identique dans les deux bras de traitement (32,3 mois versus 33,3 mois). Le taux de réponse était de 15 % avec le létrozole et 28 % avec l’association. Association d’une chimiothérapie et d’une thérapie anti-HER2 pour les tumeurs HER2+ RH+ Les résultats de l’étude randomisée H0648g comparant en première ligne métastatique chimiothérapie et chimiothérapie + trastuzumab ont été analysées de manière rétrospective selon le statut RH (9). Il n’existait pas de différence en taux de réponse, survie sans progression et survie globale entre les populations HER2+ RH+ et HER2+ RH- traitées par chimiothérapie + trastuzumab. Le taux de réponse, la survie sans progression et la survie globale était respectivement de 58 %, 7,5 mois et 29,4 mois pour la population HER2+ RH+, 51 %, 7,3 mois et 24,1 mois pour la population HER2+ RH-. Les études en phase néo-adjuvante nous racontent une autre histoire. Dans cette situation, il semble que l’association chimiothérapie + thérapie anti-HER2 soient moins efficace pour les tumeurs HER2+ RH+. En effet, le taux de réponse complète histologique dans le bras de traitement associant docetaxel + trastuzumab de l’étude randomisée NeoSphere était égale à 20% pour les tumeurs HER2+ RH+ et 36,8% pour les tumeurs HER2+ RH- (10). Des résultats similaires étaient constatés dans l’étude NeoALTTO (11). Le taux de réponse complète histologique obtenu par l’association paclitaxel + trastuzumab était égal à 22,7 % pour les tumeurs HER2+ RH+ et 36,5 % pour les tumeurs HER2+ RH-. Le taux de réponse complète histologique obtenu par l’association paclitaxel + lapatinib était égal à 16,2 % pour les tumeurs HER2+ RH+ et 33,8 % pour les tumeurs HER2+ RH-. Discussion Les études TAnDEM et EGF30008 ont démontré la supériorité de l’association hormonothérapie + thérapie anti-HER2 par rapport à une hormonothérapie seule mais nous n’avons pas de démonstration que l’association hormonothérapie + thérapie anti-HER2 est aussi efficace que la stratégie associant chimiothérapie et thérapie anti-HER2 (7,8). Les résultats obtenus par les études TanDEM et EGF30008 peuvent être analysés en les confrontant aux résultats d’études utilisant les associations chimiothérapie + trastuzumab (tableau 1). Le trastuzumab administré seul en première ligne de traitement en phase métastatique offrait un taux de réponse de 23% et une survie sans progression de 3,4 mois dans une étude de phase II comportant 87 patientes (12). Les tumeurs RH+ représentaient 29% de ces tumeurs. L’étude randomisée JO17360 portant sur 112 patientes comparait le trastuzumab seul à l’association trastuzumab+docétaxel (13). La survie sans progression était significativement supérieure pour l’association docetaxel + trastuzumab (3,7 mois versus 14,6 mois, HR=4,24, p<0,01) ainsi que la survie globale (HR=2,72, p=0,04). Le taux de réponse était égal à 14,8 % pour la monothérapie et 67,9 % pour l’association chimiothérapie + trastuzumab. Le taux de réponse était aussi supérieure à 50 % dans les bras chimiothérapie + trastuzumab des études randomisées H0648g, M77001 et Gasparini (14,15,16) (tableau 1). La survie globale était identique dans les 2 bras de traitement des études TanDEM et EGF30008 alors que la survie globale était significativement augmentée dans le bras chimiothérapie+trastuzumab dans les études H0648g et M77001 (14,15) (tableau 1). Les populations participant à ces études randomisées avaient aussi des caractéristiques différentes (tableau 1). Environ 30 % des patientes avaient une atteinte hépatique dans les études TanDEM et EGF30008 évaluant hormonothérapie + thérapie anti-HER2, (7,8). Cette atteinte hépatique était retrouvée dans environ 50% des patientes de l’étude M77001 (15). A la vue de ces résultat, il parait raisonnable de privilégier le schéma thérapeutique associant chimiothérapie + thérapie ciblée anti-HER2. En effet, cette association offre un taux de réponse élevé face à une maladie très généralement agressive, ainsi qu’une amélioration de la survie globale (14,15) (tableau 1). L’association hormonothérapie + thérapie ciblée anti-HER2 est une option pour des maladies moins 183 agressives ou des patients fragiles chez qui on hésite à prescrire une chimiothérapie. Pour mettre en évidence ces maladies moins agressives, l’usage d’un outil pronostique génomique pourra dans l’avenir être utilisé. En effet, La signature Mammaprint a permis d’isoler un groupe de patientes avec tumeur HER2+ et un bon pronostic indépendamment du traitement (17). Références 1. 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TR = taux de réponse SSP = survie sans progression SG = survie globale 185 CANCERS TRIPLE NEGATIFS M+ : BILAN ANATOMO –PATHOLOGIQUE NECESSAIRE Auteur J Jacquemier Institut Paoli Calmettes 232 Bd Ste Marguerite Marseille . 186 Introduction : Cancers triple négatifs , cancers basaux ? Les cancers du sein triple négatifs (CSTN) sont définis par l’absence d’expression des récepteurs hormonaux (Récepteurs à l’oestradiol et à la progestérone) et l’absence de surexpression de la protéine HER2. Ils représentent 10 à 15% des cancers du sein. Ils ont été individualisés récemment du fait de leur mauvais pronostic global et, contrairement aux cancers du sein hormono-dépendants ou surexprimant HER2, par l’absence de thérapies ciblées efficaces jusqu’à présent. Ils sont généralement caractérisés par un âge inférieur au diagnostic, un haut grade histopronostique, et une forte prolifération (BHARGAVA 2009, RAKHA2009)[1,2] et un plus mauvais pronostic à 5 ans, que les autres formes de cancer du sein (HAFFTY 2006 NGUYEN 2008,,HUGH 2009)[3-5]. Le risque de rechute métastatique est plus important dans les 5 premières années surtout au niveau viscéral (poumons, foie et système nerveux central) (JACQUEMIER 2005, DENT2009 NOFECH-MOSES 2009)[6-8] Il s’agit cependant d’un groupe hétérogène de cancer du sein, au niveau histologique, moléculaire (transcriptome) et évolutif. Il s’agit dans la plupart des cas de carcinomes canalaires invasifs, mais c’est dans cette catégorie que l’on retrouve des formes plus rares telles que les carcinomes médullaires, les carcinomes adénoïdes cystiques et les carcinomes métaplasiques, les deux premiers ayant un bon pronostic (WEIGELT2008, RAKHA2009b)[9,10] Leur définition repose sur l’immuno-histochimie, alors que les cancers du sein de type basaux (CSB), auxquels ils sont souvent assimilés, sont définis au départ par des profils d’expression génique (PEG). Ces études ont confirmées que le cancer du sein n’est pas une maladie unique, mais plutôt un groupe de tumeurs distinctes au niveau moléculaire. Les CSB ont été individualisés dès les premières publications (PEROU 2000, SORLIE 2001)[11,12] comme un des 4 grands groupes de CS (les autres étant les formes luminales A, luminales B, et HER2) et nommés ainsi car leur PEG ressemblait à celui des cellules épithéliales basales des différents épithéliums, et à celui des cellules myo-épithéliales du sein. Ils se caractérisent par l’absence d’expression du gène du récepteur à l’oestradiol et des gènes qui en dépendent, une faible expression de HER2, une forte expression des cytokératines basales (CK 5, 6 et 17) et des gènes impliqués dans la prolifération cellulaire (cyclin E1, BUB1, topoisomerase IIa, CDC2, et PCNA). C’est dans cette classe de cancer du sein qu’est observée la plus grande fréquence de mutations intra-tumorales du gène TP53. Les CSB comme les CSHER2, étaient associés au plus mauvais pronostic dans ces études. Sur une large série de patients (PARKER2009)[13], on voit très bien que la classification des CS par PEG, ou par détermination des récepteurs hormonaux et HER2 sont moyennement corrélées: par exemple on trouve parmi les CS RH positifs, 73% de CS luminaux, 11% de CSHER2, et 5% de CSB, et parmi les CS RH négatifs, ces pourcentages sont respectivement de 11, 32, et 50% . Dans notre expérience, 71% des CSTN sont en fait des CSB, et, inversement, 78% des CSB sont des CSTN (BERTUCCI 2008) En prenant un raisonnement inverse l’équipe de Van de Vijver [14,15] analyse en puces une série de 97 cas de triple négatifs ,91% des cas se sont révélés de sous type basal .Cette étude inaugure la polémique . l’équipe de Ian Ellis [16] met en doute cette absolue concordance . Leur premier argument est que des tumeurs de type normal like peuvent être triple négatif ,alors que ces tumeurs présentent une moins bonne réponse à la chimiothérapie . Par contre l’adjonction de CK5/6 et EGFR permettrait d’identifier une signature basale avec 100% de spécificité. Enfin dans 5% à 45% des CB ER est exprimé ou HER2 3+ sur un panel de CB variant de 5% à 15% .Par conséquent bien qu’une définition aussi simple que « triple négatif » englobe une majorité de CB elle ne les réunit pas tous . 187 Bien que les PEG restent le standard pour définir les CSB, cette méthode n’est pas utilisable en routine et certaines équipes ont essayé de définir ces cancers au moyen de l’immuno-histochimie. Le profil le plus souvent utilisé pour définir des CSB par IHC est la négativité des récepteurs hormonaux et de HER2, la positivité pour CK5/6 et/ou EGFR (RAKHA 2008, VIALE2009)[2,17]. La correspondance entre ces CSB définis par immuno-histochimie et les CSB définis par PEG n’est pas parfaite, et la reproductibilité de cette signature immuno-histochimique n’est pas établie à une échelle multicentrique (GUSTERSON2009)[18]. D’autre part, certains marqueurs, tel que la cytokératine 14, pouvant définir ces CSB, sont associés à un bon pronostic (FULFORD 2007)[19] L’immunophénotype et les PEG des CSTN et des CSB sont très similaires à ceux des CS associés à une mutation de BRCA1 (LIDEREAU 2000, FOULKES 2003, CLEATOR 2007, PALACIOS 2008)[20-23]. Les cancers du sein associés à une mutation de BRCA2 sont plus souvent de type luminal, mais une petite proportion à un phénotype basal. Les cancers du sein triple négatif ou basaux sont ceux qui ont la plus grande sensibilité à la chimiothérapie néo-adjuvante avec pratiquement deux fois plus de réponse complète histologique que les autres formes (ROUZIER2005, LIEDTKE2008)[24,25], Malgré cela, leur survie reste moins bonne, en l’absence de réponse complète, et c’est pourquoi, le développement de nouveaux traitements est impératif pour ce type de cancer du sein. Les voies moléculaires qui sous-tendent la prolifération élevée dans ce type de cancer du sein (CSTN et CSB) sont encore mal connues. Il est anticipé qu’une meilleur compréhension des mécanismes impliqués permettra de développer des thérapies ciblées spécifiques et ainsi améliorer le pronostic. Est-ce qu’il est possible d’envisager de nouvelles voies thérapeutiques individualisées pour les cancers triple négatifs qui vont devenir métastatiques avec une plus grande fréquence ? N Berrada[26] envisage les différentes pistes possibles ? 188 Au stade métastatique quelles nouvelles cibles ? a) Voies de réparation de l’ADN Les cibles thérapeutiques potentielles incluent des récepteurs membranaires tels que le récepteur à l’EGF (EGFR), ou c-kit, des protéine-kinases de la voie MAP-kinase et de la voie akt, des agents cytotoxiques spécifiques induisant des lésions ADN, et des agents inhibant des systèmes de réparation de l’ADN, tels que les inhibiteurs de la protéine PARP-1 (poly ADP-ribose polymèrase 1) (CLEATOR 2007)[27] Les protéines PARP jouent un rôle capital dans la réparation des cassures monobrins d’ADN par le biais du système appelé réparation par excision de bases. L’inhibition de ces PARP entraine une accumulation de cassures monobrin, qui secondairement peuvent entrainer des cassures double-brin aux fourches de réplication. Celles-ci sont réparer par le processus de recombinaison homologue dont deux des acteurs majeurs sont BRCA1 et BRCA2. Les tumeurs BRCA1/ BRCA2 sont 1000 fois plus sensibles aux inhibiteurs de PARP En cas de la perte fonctionnelle d’une de ces 2 protéines au niveau des cellules tumorales, un inhibiteur de PARP pourra entrainer des lésions létales et être cytotoxique. Ceci a d’abord été démontré in vitro (BRYANT 2005, FARMER 2005)[28,29], et plus récemment chez des femmes ayant un cancer du sein avec mutation de BRCA1 ou BRCA2 avec un inhibiteur de PARP appelé Olaparib (FONG2009)[30] , ou chez des femmes ayant un cancer du sein triple négatif avec un inhibiteur appelé BSI-2001 en association avec une chimiothérapie (O’Shaughnessy 2009)[31]. EZH2 : Est une sous unité du large polycomb répresseur complexe 2 qui initie le silence par triméthylation Lysine 27 en histone H3 . le complexe de gènes PRC1 incluant Bmi-1sont recrutés sur ces histones marqués et entraine une répression de l’expression gènique . EZH2 est fortement exprimé dans les tumeurs de type basal (Kleer 2009)[32]. EZH2 et Bmi-1 jouent un rôle très important dans le renouvellement et la différenciation des cellules souches . Il a été démontré le rôle fondamental de BRCA1 sur ces cellules souches( Ginestier 2009 Wicha 2008)[33,34].La perte de BRCA1 entrainant une expansion des cellules souches et progénitrices . BRCA1 est nécessaire pour que EZH2 entraine la prolifération des lignées cellulaires La décroissance de EZH.2 entraine la baisse de prolifération des cellules ER négatives provoqué par la perte de fonction de BRCA1 . Le rôle thérapeutique des anti EZH2 serait par conséquent de lutter contre la prolifération des Cellules souches ( Wicha 2009 )[35]. Les cancers du sein liés aux mutations constitutionnelles de BRCA1/BRCA2 représentent 4 à 5% des cancers du sein. Actuellement, la recherche d’une mutation de ces gènes est basée surtout sur l’histoire familiale des patientes et est basée sur une probabilité de détection généralement supérieure à 10%, grâce à des modèles tels que BRCAPRO, ou le modèle de Manchester (ROBSON 2007)[36]. Dans ces modèles, il est peu ou pas tenu compte du phénotype tumoral (EVANS 2009)[37]. Cependant, outre le statut triple négatif, l’analyse de marqueurs basaux (CK 5/6 et 17, EGFR) au niveau de la tumeur mammaire pourrait fournir des éléments intéressants pour prédire l’existence d’une mutation de BRCA1. La généralisation d’une telle approche permettrait de disposer de critères individuels et non plus uniquement familiaux pour sélectionner les patientes à tester ce qui serait particulièrement utile en cas de structure familiale peu informative (LIDEREAU 2000, LAKHANI 2005)[38,39]. D’autre part, les protéines BRCA1 et BRCA2 sont impliquées dans la réparation de l’ADN, et plus particulièrement dans la recombinaison homologue après cassures double-brin (HELLEDAY 2008 JACKSON 2009 HOEIJMAKERS 2009)[40,41]. La perte fonctionnelle de BRCA1 ou BRCA2 pourrait être associée à une meilleure sensibilité aux chimiothérapies intéragissant avec l’ADN (KENNEDY 2002, NAROD 2004, KENNEDY 2004, KRIEGE 2009) [42-45]Cette perte fonctionnelle peut découler d’une mutation constitutionnelle, mais aussi d’une expression réduite ou d’une localisation 189 intracellulaire inadaptée, et peut concerner 15 à 36% des cancers du sein sporadiques (RAKHA2008)[46] . Ces gènes semblent donc jouer un rôle clé. Cependant, à notre connaissance il n’y a pas d’étude prospective de recherche exhaustive de mutations des gènes BRCA1 et BRCA2 (mutation ponctuelle et réarangements complexes) dans une population de cancer du sein défini par leur caractère triple négatif. Bien que moins souvent impliqués, d’autres gènes peuvent être associés à une augmentation du risque de développer un cancer du sein héréditaire (prédisposition ou susceptibilité) voire agir comme des gènes modificateurs. Ce sont principalement TP53 (syndrome de Li-Fraumeni), PTEN (syndrome de Cowden), LKB1 (syndrome de Peutz-Jeughers), PALB2, ATM, CHEK2, BARD1, RAD51, BRIP1 (WOOSTER 2003, ROBSON2007, ANTONIOU 2007, Byrnes 2008, Irminger-Finger 2009)[47-51] et du système SUMO tel que UBC9, PIAS3 ou SUMO1 (MORRIS 2009, Dûnnebier 2009)[52,53]. La encore, aucune étude de recherche de mutation constitutionnelle de ces gènes n’a été faite dans la population des CSTN. b) Tenir compte de l’hétérogénéité des carcinomes Triple négatifs Les cancers du sein triple négatifs sont hétérogènes tenir compte de cette hétérogénéité permettrait d’améliorer leur réponse à des thérapeutiques spécifiques . L’étude récente de Lehmann ([54] ) éclaire cette perspective . A partir de 21 sets de données publiques EG , portant sur 587 TNBC . La clusterisation permet d’envisager en réalité sous types : Basal like 1( BL1) : Enrichi en gènes du cycle cellulaire , replication de l’ADN , (AURKA, AURKB , CE NPA, BUB1 TTK , CCNA2, PLK1 , BIRC5, MYC , NRAS ,) . Elévation des gènes associés a la réparation de l’ ADN ( CHEK 1, FANCA, RAD51, MSH2, RAD21 ….) Basal like 2( BL2 ) comprend les gènes impliqués dans les fazcteurs de croissance ( EGF, NGF, MET , Wnt/B Catenin , et IGF1 R) ce sous type correspondrait à une origine myoépithéliale ( P63, CD10) Représentant la prolifération la plus élevée en KI67 ( 70% en moyenne par rapport à 40% pour les autres sous types ) Le sous type Immun (IM) : correspond aux voies TH1/TH2 , cell NK , recepteur B et T , cytokines IL-12, IL-7 avec les facteurs de transduction comme NFKB , TNF, JAK/STAT . Nous avons danscesens démontré que ce sous type immun ayant une signature de type Médullaire serait de meilleur pronostic Les Sous type mesenchymal et mesenchymal stemcell ( M / MSL) associés aux gènes favorisant la mobilité cellulaire , voies de , de ALK, TGF b Wnt ( TGFBL1, SMAD6, SMAD7, NOTCH1, TGFB1, TGFB2, toutes les gènes de la différenciation épithéliomésenchymateuse … Le sous type Androgen recepteur . Le pronostic de ces sous types est significativement différent ( p= 0.0086) mais sous tend des réponses thérapeutiques différentes lorsque ces sous types sont retrouvés sur des lignées cellulaires. Avec des cibles préférentielles comme les anti PARP , AR , PI3K mTOR … 190 C ) Devant ces données quels seraient en pratique les marqueurs a effectuer pour mieux évaluer cette hétérogéneité compte tenu de la gravité évolutive de ces TNBC ? Voies privilégiées sous types ? Investigation immunohistochimique possible pour les cas triple negatifs Réparation de l’ADN ( BL1/BL2) Identification mutation BRCA1 PARP1 ( postif 82% des BRCA1) , EZH2 , KI67 Kinase intra cellulaire PTEN /mTOR PTEN ( perdu dans 30 % des TNBC ) Tyrosine Kinase FGFR2 , EGFR ( pos 45-70%) , IGF1R , c-kit Réaction de l’Hôte Angiogénèse (MVC) , VEGFA ( augmenté dans 34%) , FOXP3, CD8 .. Cellules souches , transition EM Identification CD44/CD24, ALDH1 ,Notch4, P63 , CK5/6 , Récepteurs aux androgènes AR En conclusion La validation immunohistochimique de ces sous types n’est pas encore réalisée dans le cadre restreint des triple negatifs , mais les marqueurs ont été validés par ailleurs . Après confirmation du statut triple négatif et avant un choix thérapeutique en vue de privilégier tel ou telle voie et si l’analyse de PEG ne peut être réalisée explorer ces marqueurs pourrait parfaitement être envisagé . Morphologiquement nous avons évalué l’impact pronostic de la présence d’un stroma lymphoide , d’emboles périvasculaires , et le niveau d’expression du KI67 , ces paramètres simples associés aux différents marqueurs compte tenu des nouvelles thérapies ciblées disponibles pourraient permettre d’espérer mieux traiter ces cas de très mauvais pronostique. 191 Reference List 1. Bhargava R, Striebel J, Beriwal S, Flickinger JC, Onisko A, Ahrendt G, Dabbs DJ: Prevalence, morphologic features and proliferation indices of breast carcinoma molecular classes using immunohistochemical surrogate markers. Int J Clin Exp Pathol 2009, 2: 444-455. 2. Rakha EA, Tan DS, Foulkes WD, Ellis IO, Tutt A, Nielsen TO, Reis-Filho JS: Are triple-negative tumours and basal-like breast cancer synonymous? Breast Cancer Res 2007, 9: 404. 3. 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La chimiothérapie néoadjuvante comme modèle de développement thérapeutique Il a été en effet démontré que, malgré leur pronostic péjoratif, dans les situations de chimiothérapie néoadjuvante, les patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif (TN) présentaient un taux de réponse et de réponses histologiques complètes (pathologic complete response ou pCR) plus importants que dans les autres sous-types tumoraux. [1, 2] Cette donnée est intéressante à deux titres. Premièrement car l’obtention d’une pCR permet une évaluation in vivo de la chimiosensibilité de la tumeur. Deuxièmement, et de manière très intéressante, l’obtention d’une pCR peut être considérée comme un objectif de substitution à la survie à long terme, les patients ayant stérilisé leur tumeur présentant un pronostic statistiquement plus favorable que le reste de la population. Cette donnée ancienne [3] a à nouveau été démontrée récemment [1]. Dans cette situation de chimiothérapie néoadjuvante, Carey et collaborateurs [2] ont rapport, sur une population de 107 patientes atteintes d’un cancer du sein traitées par une chimiothérapie néoadjuvante basée sur les anthracyclines des taux de réponses cliniques de 85%, 70% et 47% respectivement pour les tumeurs « Basal-Like », HER2+/RE- et luminales, et un taux de pCR de 27%, 36% et 7% respectivement. Dans la série de Liedtke et collaborateurs [1] portant sur 1.118 patients atteintes de cancers du sein de stade I à III prises en charge par chimiothérapie néoadjuvante comprenant une association anthracyclines et/ou taxanes sur le MD Anderson Cancer Center de Houston, les auteurs rapportaient des taux de pCR plus élevés dans le groupe des TN par rapport aux tumeurs RH+ (22% contre 11%; HR 1,53; p = 0,034). Les patientes atteintes dune tumeur TN gardaient une survie sans progression et globale à trois ans inférieure (63% contre 76%, 74% contre 89% respectivement). Par contre, en cas d’obtention d’une pCR, le pronostic des tumeurs TN et non-TN était similaire (p = 0,24), suggérant que le groupe des CSTN est hétérogène avec un sous-groupe très chimio-sensible, de bon pronostic et un autre plus résistant à pronostic sombre, et pouvant suggérer que dans la situation des cancers du sein métastatiques (CSM) TN l’obtention d’une réponse tumorale maximale pourrait impacter le pronostic à long terme. Cependant, même si cette augmentation du taux de pCR dans les CS TN est fréquemment retrouvée (pour revue, [4]), les données de ce type ne semblent pas se répéter en situation métastatique, possiblement car les CSM TN représentent une sous-population de CS TN initialement de mauvais pronostic. Concept de dose-intensité et cancer du sein triple négatif Toujours en situation néoadjuvante, dans l’étude rapportée par Médioni et collaborateurs [5], les auteurs évaluaient l’efficacité d’une chimiothérapie néoadjuvante séquentielle dose-dense associant six cycles d’une association gemcitabine 1000 mg/m² plus docétaxel 75 mg/m² à J1 et J15, puis vinorelbine 25 mg/m² plus épirubicine 100 mg/m² à J29 et J43 puis en cas de réponse objective un autre cycle de gemcitabine/docetaxel à J57 puis de vinorelbine/épirubicine à J71. 30% des tumeurs étaient triple négatives. Parmi les patientes présentant une pCR, les patients atteintes d’un cancer triple négatif avaient la même survie sans récidive et globale que les patientes avec une tumeur non triple négative avec pCR. Par contre, dans la population n’ayant pas eu de pCR, ces survies étaient significativement inférieures dans la population des tumeurs triple négatives par rapport à la population non triple négative (p = 0,04). L’obtention d’une pCR semble donc être directement corrélée au pronostic dans la population des cancers du sein triple négatifs, plaidant pour l’utilisation des associations de chimiothérapie permettant les taux les 197 plus élevés de pCR, alors que l’obtention d’une pCR ne semble pas être un marqueur de pronostic à long terme chez les cancers hormono-sensibles. Dans une évaluation rétrospective de 236 patientes inclues dans l’étude du West German Study Group AM01 évaluant l’intérêt d’une stratégie d’intensification de dose dans une population de 403 patientes atteintes de cancers du sein à haut risque de récidive (plus de 9 ganglions atteints), le sous groupe des tumeurs triple négatives ainsi que celui des tumeurs de grade SBR 3 retiraient le plus de bénéfice de la stratégie d’intensification de dose testée [6]. L’étude comparait une chimiothérapie séquentielle “conventionnelle” (SC) par 4 cycles d’épirubicine 90mg/m² / cyclophosphamide 600 mg/m² toutes les 3 semaines suivie de 3 cycles de CMF à un groupe hautes doses (HD) par 2 cycles d’épirubicine 90 mg/m² / cyclophosphamide 600 mg/m² à 2 semaines d’intervalle suivis de 2 cycles d’épirubicine 90 mg/m² / cyclophosphamide 3000 mg/m² / thiotepa 400 mg/m² à 3 semaines d’intervalle. Avec un suivi médian de 61,7 mois, l’effet thérapeutique du groupe HD n’était visible que dans le sous groupe des tumeurs TN, avec une survie médiane sans événements non atteinte contre 32,3 mois dans le bras SC, soit une survie sans événement à 5 ans estimée de 71 et 26% respectivement. Il n’y avait pas de différence significative entre les deux bras de traitement dans les autres sous-groupes tumoraux. Le débat reste donc ouvert, en l’absence d’étude dédiée dans le sous groupe des tumeurs TN. L’obtention d’une pCR semble être le meilleur garant de l’amélioration du pronostic des patientes porteuses d’un cancer du sein TN nécessitant une chimiothérapie néoadjuvante. Ce sous-type biologique semble dans le même temps être le plus sensible à la stratégie d’intensité de dose. Ces deux concepts nécessitent validation en situation métastatique dans le cadre d’études cliniques dédiées. 2. Chimiothérapie des CSM TN : existe-t-il des preuves d’un comportement différent des tumeurs TN par rapport aux tumeurs non-TN ? Si l’on raisonne en termes de survie et de hazard ratio (HR), dont de pourcentage de temps gagné, la réponse semble être non. Le pronostic des CSM TN est certes plus péjoratif que celui des autres sousgroupes biologiques, mais le gain (mesuré en terme de HR) n’est pas significativement différent, que ce soit lors d’un traitement par taxane [7] ou par anthracycline [8]. En restant pragmatique, pour ce qui est du choix des molécules cytotoxiques, deux situations cliniques différentes restent, comme pour les autres sous-types tumoraux, à considérer : les CSM TN métastatiques d’emblée, rares, pour lesquels il n’existe pas d’études comparatives dédiées (et il est donc nécessaire d’extrapoler à partir de données globales d’études de phase III), et les CS TN devenant métastatiques après un traitement adjuvant ou néoadjuvant. Etant donné l’histoire naturelle de cette maladie, et sa propension à récidiver précocement, dans les 3 premières années post thérapeutique, [9] une grande proportion de cette population sera probablement à considérer comme résistante aux anthracyclines et aux taxanes. 2.1. Capécitabine et CSM TN Sa simplicité d’emploi et son ratio efficacité/tolérance, ainsi que sa forme orale, font de la capécitabine une molécule intéressante dans la prise en charge des CSM. Elle appartient à la famille des carbamates de fluoropyrimidines et possède deux avantages par rapport au 5-FU par perfusion intraveineuse. Tout d’abord son administration par voie orale permet un long temps d’exposition comparable à une perfusion intraveineuse prolongée de 5-FU en terme de ratio efficacité/tolérance. Deuxièmement, son activation préférentielle dans le tissu tumoral permet théoriquement d’améliorer encore ce ratio. L’administration concomitante de taxanes ou de cyclophosphamide semble augmenter l’efficacité antitumorale de la capecitabine par augmentation la concentration de thymidine phosphorylase intratumorale [10, 11]. 198 En situation métastatique et en monothérapie, dans une étude rétrospective monocentrique, la capécitabine permettait d’obtenir un bénéfice clinique chez 33% des patientes (1% de RC, 20% de RP, 12% de stabilisation d’au moins 6 mois). La survie sans progression médiane était de 11 semaines et la survie globale médiane de 39 semaines. Il n’a pas été observé de différence d’efficacité entre 1 ere, 2eme ou 3eme ligne de traitement dans cette étude [12]. Une plus grande activité de la capécitabine dans les CSM TN reste à démontrer dans des phases III dédiées. 2.2. Ixabepilone L’ixabepilone, un nouvel agent de chimiothérapie, analogue semi-synthétique de l’épothilone B stabilisant les microtubules et ne présentant pas de résistances croisées avec les taxanes, a donné des résultats intéressants dans la situation néoadjuvante, avec des taux de pCR de 26% dans la population des tumeurs TN [13]. Deux études de phase III testant l’association ixabepilone et capécitabine ont été conduites chez des patientes atteintes d’un CSM en rechute après un traitement par anthracycline et taxanes. Les patientes étaient randomisées dans un bras capécitabine monothérapie vs l’association capécitabine plus ixabepilone [14, 15]. Ces deux études ont inclus au total 1712 patientes et ont bénéficié d’une analyse groupée ainsi que d’une analyse en sous-groupe pour les tumeurs TN, présentée sous forme de poster lors du San Antonio Breast Cancer Symposium en 2008 [16]. Le bénéfice de l’association sur la survie globale semble supérieur pour les cancers du sein TN (HR 0,63 ; IC95% 0,52-0,77) à celui de la population générale de ces deux études (HR 0,80 ; IC95% 0,73-0,88) laissant penser que les cancers du sein TN pourraient se révéler plus sensibles à cette association que les autres sous-types biologiques. Il n’est cependant pas simple de faire la part des choses entre le bénéfice d’une bi-thérapie ou une efficacité particulière de l’ixabépilone dans ce type de tumeur. 2.3. Sels de platine Du point de vue épidémiologique et génétique, un point crucial à considérer est la plus importante proportion de tumeurs TN dans la population des patientes porteuses d’une mutation délétère des gènes BRCA1 ou 2. Environ 80 à 90% des tumeurs associées aux mutations délétères de BRCA1 sont ER-, moins de 5% surexpriment HER2 [17, 18]. A l’inverse, en analysant une population de 126 tumeurs TN, Collins et collaborateurs rapportent une prévalence de 15% de mutations BRCA1, 23% si l’on considère uniquement les patientes âgées de moins de 50 ans [19]. Ces constatations, ainsi que l’instabilité génétique des CS TN, ont amené à considérer les tumeurs TN dans leur ensemble comme pouvant présenter des dysfonctionnements des mécanismes de réparation de l’ADN. Ces anomalies ont été démontrées comme rendant des cellules tumorales plus sensibles aux agents induisant des dommages de l’ADN, comme les agents alkylants et les sels de platine [19]. Une fois encore, les données cliniques sont majoritairement issues de la situation néoadjuvante. Dans une étude de phase II évaluant 4 cycles d’une association néoadjuvante de docetaxel 75 mg/m2 et carboplatine AUC6 délivrés toutes les 3 semaines chez 74 patientes, le taux de pCR était de 54,6%, 40%, 7,1% et 19,4% pour les tumeurs TN, HER2+ avec adjonction de trastuzumab, HER2+ sans adjonction de trastuzumab et RH+/HER2- respectivement [21]. De manière plus intéressante, dans une étude prospective ayant inclus 10 patientes présentant une mutation délétère du gène BRCA1 ayant reçu 4 cycles néoadjuvants de cisplatine 75 mg/m2 délivrés toutes les 3 semaines, un impressionnant taux de pCR de 90% était rapporté [22]. Ces données ont été confirmées par une large étude rétrospective évaluant le taux de pCR chez 102 patientes présentant une mutation délétère du gène BRCA1 ayant reçu diverses chimiothérapies néoadjuvantes [23]. Le taux de pCR était de 7%, 8%, 22% et 83% respectivement après traitement par CMF, doxorubicie-docétaxel, FAC ou AC et 199 cisplatine en monothérapie 812 patientes). Ces différences sont frappantes. Il est cependant important de noter que 10 des 12 patientes de cette seconde étude étaient les 10 patientes précédemment décrites. Plus récemment, dans une étude prospective portant sur 28 patientes atteintes d’un cancer TN (deux patients avec une mutation germinale de BRCA1), Silver et collaborateurs [24] rapportent un taux de pCR de 22%, 15% dans la population sans mutation de BRCA1, les deux tumeurs des patients BRCA1+ ayant présenté une pCR. L’obtention d’une pCR n’était statistiquement corrélée à aucun paramètre, par contre l’obtention d’une “bonne” réponse était significativement associée à un jeune âge, une faible expression de l’ARNm de BRCA1, l’hyperméthylation du promoteur de BRCA1, l’existence d’une mutation p53 et une signature génique d’activation de E2F3. Le bénéfice des sels de platine semble donc se concentrer dans le sous-groupe des tumeurs avec mutation ou dysfonction de BRCA1. Au stade métastatique, peu de données soutiennent un rôle proéminent des sels de platine. Si l’on considère l’étude de phase II randomisée présentée par O’Shaughnessy et collaborateurs, les 62 patients du bras standard ayant reçu une association gemcitabine (1000 mg/m2 et carboplatine AUC2 à J1 et J8 d’un cycle de 21 jours ont présenté un taux de réponses objectives de 20%, une survie sans progression de 3,6 mois et une survie globale de 7,7 mois [25]. Dans l’étude rétrospective de Koshy portant sur 36 patientes [26], une association gemcitabine 1000 mg/m2 – cisplatine 25 mg/m2 à J1, J8 et J15 d’un cycle de 28 jours semblait plus efficace dans le groupe des tumeurs TN comparativement aux autres groups en terme de survie sans progression et globale. Il n’était pas rapporté de taux de réponse. Dans l’expérience de l’Institut Curie [27], l’utilisation d’un sel de platine dans la population des cancers TN (93 des 143 patientes atteintes d’un CSM traitées par un sel de platine dans cette période) induisait une augmentation non significative des taux de réponse sans amélioration des paramètres de survie compare aux autres sous-types biologiques. Il est de même intéressant de noter que, dans une analyse rétrospective portant sur 106 patientes traitées par une association taxane – sel de platine, Uhm et collaborateurs [28] rapportent l’absence de différence significative entre les tumeurs TN et les autres phénotypes en terme de taux de réponse (37,5% contre 35,7% pour les tumeurs surexprimant HER2 et 41,4% pour les tumeurs RH+ / HER2-). La question de l’intérêt des sels de platine dans les tumeurs TN au sens large reste donc débattue, et nécessite, ici aussi, des études comparatives dédiées, avec évaluation de la fonctionnalité des mécanismes de réparation de l’ADN tumoral (mutations BRCA1, recherché d’une hyperméthylation du promoteur du gène). En effet, comme souvent en oncologie, l’ensemble de ces données démontrent que le bénéfice maximal d’une thérapeutique est obtenu lorsque l’on considère la sous-population tumorale pour laquelle la cible se trouve principalement impliquée dans le processus oncogénique. 3. Thérapies Ciblées, hors inhibition de PARP L’absence de récepteurs hormonaux et de surexpression de l‘antigène HER2, le mauvais pronostic et l’agressivité des CS TN, ainsi que leurs particularités biologiques, que ce soit l’expression de l’EGFR dans les carcinomes “Basal-Like” ou les anomalies de la réparation liées aux dysfonctions de BRCA1 ont permis et rendu nécessaire la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques. 200 3.1. Ciblage de l’EGFR L’Epidermal Growth Factor Receptor, chef de file des récepteurs transmembranaires à fonction tyrosine kinase de la famille HER, est fréquemment (30%-52%) exprimé dans les cancers du sein TN. [29] Son expression en IHC est associée à un mauvais pronostic, lui donnant un phénotype « Basal-Like ». [30-33] Cependant, la méthode d’analyse de l’EGFR la plus intéressante reste à déterminer, à savoir est il plus discriminant de mesurer l’expression protéique par IHC, le nombre de copies du gène par des techniques d’hybridation in situ, ou l’existence de mutations spécifiques du gène par PCR. L’immunohistochimie détecte EGFR dans 30 à 52% des TN [29] et jusqu’à 60%-70% dans les cas de carcinomes « Basal-Like » (carcinomes TN exprimant de plus l’EGFR et/ou les cytokératines 5/6). [30-33] Ces données ont amené à l’élaboration d’essais cliniques explorant le rôle des thérapies ciblant l’EGFR, qu’il s’agisse d’anticorps monoclonaux anti EGFR comme le cétuximab, ou bien d’inhibiteurs de la fonction tyrosine kinase comme l’erlotinib. 3.1.1. Ciblage de la portion extracellulaire de l’EGFR par un anticorps monoclonal Des données concernant l’utilisation clinique du cétuximab chez les patientes atteintes d’un CSM TN ont fait l’objet de présentations lors de congrès, mais nous ne disposons actuellement pas de données publiées. Ainsi, une étude multicentrique de phase II randomisée (TBCRC001), présentée au congrès annuel de l’ASCO en 2008 mais non encore publiée, conduite chez 102 patientes présentant un CSM TN en situation métastatique [34]. Les patientes recevaient soit la combinaison cétuximab plus carboplatine soit le cétuximab en monothérapie (400 mg/m², puis 250 mg/m² hebdomadaire) puis à progression en association avec le carboplatine (AUC3, à J1, J8 et J15 d’un cycle de 28 jours). Le taux de réponse dans le bras cétuximab seul était de 6% contre 18% dans le bras association et le bénéfice clinique respectivement de 4% et 27%. Le temps jusqu’à progression restait faible, de l’ordre de 2 mois, et la survie globale d’environ un an. Cette étude a permis des biopsies répétées de la tumeur avant et après cétuximab. Même si la grande majorité des tumeurs exprimaient l’EGFR et présentaient une activation des signaux de transduction associés, seuls 25% de ces tumeurs présentaient une inactivation de l’EGFR sous traitement. L’étude de phase II N0436 [35] a évalué l’association cétuximab (400 mg/m² dose de charge puis 200 mg/m² hebdomadaire) plus irinotecan (80 mg/m² à J1 et J8 d’un cycle de 21 jours) chez des patientes métastatiques prétraitées par anthracyclines et/ou taxanes. Parmi les 19 patientes TN de cette étude, les taux de réponse objective et de bénéfice clinique sont respectivement de 18 % et 27 % alors qu’ils sont nuls dans les autres sous-types biologiques (non significatif mais faible effectif global). Enfin, O’Shaughnessy et collaborateurs [36] ont évalué dans une étude de phase II randomisée l’association irinotecan plus carboplatine plus ou moins cétuximab dans une cohorte de 103 patientes atteintes d’un CSM TN. L’adjonction du cétuximab a permis une majoration du taux de réponse (49% contre 30%) mais au prix d’une plus grande incidence de toxicités de grade 3-4. 3.1.2. Inhibition de la fonction tyrosine kinase En situation néoadjuvante, dans l’étude de phase II randomisée publiée par Bernsdorf et collaborateurs [37], 181 patientes recevant 4 cycles néoadjuvants d’une association épirubicine 90 mg/m2 et cyclophosphamide 600 mg/m2 et étaient randomisés pour recevoir ou non 250 mg de gefitinib quotidien pendant 12 semaines. Il n’a pas été démontré de différences en terme de pCR (17% dans le bras gefitinib contre 12% dans le bras placebo, p = 0,44). Une analyse de sous-groupes a posteriori a par contre montré 201 une différence significative en terme de pCR entre les tumeurs TN et les autres sous-groupes (15% contre 2% respectivement, p = 0,03). Par contre cette différence était indépendante du bras de randomisation, évoquant plus une différence de sensibilité à la chimiothérapie néoadjuvante (comme précédemment décrit) qu’un effet thérapeutique du gefitinib. En situation métastatique, l’étude de phase II N0234 a été conduite chez 59 patientes présentant un CSM prétraité par anthracyclines et/ou taxanes [38]. L’erlotinib était délivré à la dose de 150 mg/j en continu associé à la gemcitabine 1000 mg/m² à J1 et J8 d’un cycle de 21 jours. Le taux de RO et de bénéfice clinique était de 25 % pour la population TN comparé à 14 % et 22 % pour la population n-TN. Ce bénéfice clinique ne s’est pas traduit par une amélioration de la survie sans progression ni de la survie globale dans la population TN (72 et 227 jours respectivement) comparativement au reste de la population de l’étude (98 et 738 respectivement). 3.1.3. Biomarqueurs d’efficacité des TCs anti-EGFR et cancer du sein TN Même si l’EGFR est fréquemment exprimé dans les cancers du sein TN, la démonstration d’une importante activité clinique de son ciblage reste à faire dans cette population, tout comme l’identification d’une souspopulation cible. Ceci pourrait expliquer ces résultats cliniques peu concluants. Si l’on considère la recherche d’une amplification du gène de l’EGFR par hybridation in situ (FISH généralement), 16,1% des tumeurs présentaient une amplification dans l’étude de Gumuskaya et collaborateurs (ratio EGFR / chromosome supérieur à 2 dans plus de 10% des cellules ou polysomie supérieure à 4 copies dans plus de 40% des cellules, 10 cas sur 62) [39]. Bhargava et collaborateurs confirmaient dans leur série de 175 cancers du sein que ces phénomènes se voyaient avant tout dans la population des cancers du sein TN [40]. En faisant le parallèle avec la situation du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), l’expression en IHC de l’EGFR n’est probablement pas le meilleur indicateur de la dépendance cellulaire à l’EGFR [41]. Dans cette situation, la mise en évidence de mutations activatrices de la fonction tyrosine kinase au niveau 19 et 21 du gène de l’EGFR se révèle hautement prédictive de la réponse au gefitinib ou à l’erlotinib [42, 43]. Il s’agit principalement de délétions au niveau de l’exon 19 et de la substitution L858R au niveau de l’exon 21. Elles se concentrent autours de la zone codant pour la poche de liaison à l’ATP du domaine tyrosine kinase de l’EGFR, conduisant à une activation prolongée et indépendante du ligand comparativement à la forme sauvage du récepteur. A l’inverse, les mutations sur l’exon 20 sont en général associées à une résistance aux thérapies ciblant l’EGFR [42-46]. Teng et collaborateurs [47] ont récemment rapporté un taux de 11,4% de mutations activatrices au niveau des exons 19 et 21 dans une population de 70 tumeurs TN de patientes prises en charge sur Singapour. La présence d’une mutation n’était pas corrélée à une expression de la protéine en IHC. Ces données n’ont cependant pas été validées jusqu’à présent, les précédentes études s’étant intéressées à cette question n’ayant pas retrouvé d’anomalies de ce genre [32, 40, 48-50]. Pour l’instant aucune étude n’a évalué de manière simultanée l’expression de ces différents biomarqueurs potentiels et l’éventuelle efficacité d’un traitement ciblant l’EGFR dans ces sous-populations. Cet axe de recherche que représente le ciblage de l’EGFR dans les cancers du sein TN en reste donc à des phases relativement immatures, tant au niveau des phases cliniques que des corrélations translationnelles, dans un groupe tumoral par ailleurs extrêmement inhomogène. L’identification de biomarqueurs définissant une population sensible au ciblage de l’EGFR dans des études de phase II dédiées ou des études de phase III reste indispensable. En cas de confirmation de l’existence de mutations activatrices de l’EGFR dans cette population, une évaluation de la sensibilité de ces tumeurs mutées aux TKI ciblant l’EGFR serait prioritaire, au vu du bénéfice obtenu dans cette situation dans les CBNPC. 202 3.2. Ciblage du VEGF Les taux circulants de vascular endothelial growth factor (VEGF), le principal mitogène des cellules endothéliales lors de la néoangiogenèse tumorale, ont été décrits comme corrélés au pronostic des patientes atteintes d’un cancer du sein de stade précoce, de manière globale tout comme pour les tumeurs de phénotype TN [51], dans les CSM [52] ainsi que dans les CSM TN [53]. De plus, un sous-groupe représentant 34% des tumeurs TN présente une augmentation d’expression du gène codant pour le VEGF-A [54]. L’utilisation d’un agent ciblant le VEGF semble donc séduisant dans cette situation. Ici aussi, il peut s’agir d’un anticorps, ciblant le ligand VEGF plutôt que le récepteur cette fois-ci (bévacizumab) ou d’inhibiteurs de la tyrosine kinase de divers récepteurs (sunitinib, sorafenib, dasatinib). Plusieurs études de phase III ont démontré l’intérêt d’adjoindre le bévacizumab à une chimiothérapie pour un CSM sans amplification d’HER2, en termes de taux de réponse et de survie sans progression, sans modification significative de la survie globale. L’ensemble de ces données a été récemment compilée au sein d’une méta-analyse reprenant les données des études E2100, AVADO, et RIBBON-1 [55]. 2.447 patientes ont été inclues (1.008 dans les bras contrôle, 1.439 dans les bras bévacizumab). La survie sans progression médiane était de 6,7 et 9,2 mois (HR=0,64, p<0,0001) pour les bras contrôle et bévacizumab respectivement, sans différence statistiquement significative en terme de survie globale entre les deux bras (26,4 et 26,7 mois respectivement; HR=0,97, IC95% 0,86-1,08, p=0,56). Le taux de survie à un an était par contre significativement différent (contrôle 76,5%; bévacizumab 81,6%, p=0,003). Une sous-analyse de la population des CSM TN a été présentée récemment [56]. 621 patientes atteintes d’une tumeur TN ont été analysées. La survie sans progression médiane était de 5,4 et 8,1 mois (HR=0,65, p<0,0001) pour les bras contrôle et bévacizumab respectivement, ici aussi sans différence statistiquement significative en terme de survie globale entre les deux bras (17,5 et 18,9 mois respectivement; HR=0,96, IC95% 0,79-1,16, p=0,67). Le taux de survie à un an était dans le bras contrôle de 64,8% contre 70,9% dans le bras bévacizumab (p=0,114). L’extrême similitude des résultats (en terme de HR) obtenus dans la population TN comparativement à ceux de la population globale plaide pour une sensibilité équivalente au ciblage du VEGF circulant de ces deux populations. En ce qui concerne les inhibiteurs des tyrosine kinases, le sunitinib, inhibant entre autres le VEGFR, c-kit, le PDGFR le récepteur au colony stimulating factor-1, est la molecule pour laquelle nous disposons du plus de données cliniques. Dans le cadre du CSM TN, un taux de réponse de 15% en monothérapie a été rapport par Burstein et collaborateurs [57] lors d’une phase II portant sur 64 patientes résistantes aux taxanes et aux anthracyclines, dont 20 atteintes d’un CSM TN. Kozloff et collaborateurs ont évalué la faisabilité d’une chimiothérapie de première ligne par une association paclitaxel 90 mg/m2 à J1, J8 et J15 d’un cycle de 28 jours associé à du sunitinib 25 mg par jour en continu, augmenté à 37,5 mg par jour en cas de bonne tolérance [58]. Sur les 22 patientes, 9 étaient atteintes d’une tumeur TN, et 3 de ces 9 patientes ont présenté une réponse objective. Ces résultats potentiellement intéressants n’ont malheureusement pas été confirmés dans l’étude de phase III rapportée par Robert et collaborateurs [59]. Dans cette étude, des patients atteintes d’un CSM HER2 non amplifié avec un intervalle libre d’au moins un an après une chimiothérapie adjuvante basée sur un taxane étaient randomisées pour recevoir soit une association paclitaxel 90 mg/m2 à J1, J8 et J15 d’un cycle de 28 jours associé à du sunitinib 25 mg par jour en continu, augmenté à 37,5 mg par jour en cas de bonne tolérance, soit une association bévacizumab – paclitaxel à doses conventionnelles. Sept cent quarante patientes 203 étaient planifiées. L’essai a été interrompu prématurément après 485 inclusions. La médiane de survie sans progression était de 7,4 mois dans le bras sunitinib contre 9,2 mois dans le bras bévacizumab, et avec un suivi médian de 8,1 mois l’analyse de survie globale était en faveur du bras bévacizumab (79% contre 87% de survivants respectivement, HR 1,82, IC95% 1,16-2,86). Les taux de réponse objective étaient identiques dans les deux bras (32%), mais avec une durée médiane de réponse plus faible dans le bras sunitinib (6,3 contre 14,8 mois). De plus le bras sunitinib présentait un taux nettement plus élevé de neutropénies grade 3-4 (52%), empêchant une délivrance optimal du traitement. L’association sunitinib – paclitaxel se révèle donc moins efficace et moins bien tolérée que l’association bévacizumab – paclitaxel dans cette population en première ligne métastatique. En l’absence d’analyse de sous-groupe portant sur les tumeurs TN, la place du sunitinib en première ligne du CSM reste donc du domaine de la recherche clinique. Un autre essai, rapport par Barrios et collaborateurs [60] comparant la capécitabine au sunitinib et portant sur 482 patientes dont 34% de TN (interruption prématurée, l’effectif initialement planifié étant de 700 patientes) a de même conclut à l’infériorité du sunitinib comparativement à la capécitabine. La médiane de survie sans progression était de 2,8 mois dans le bras sunitinib contre 4,2 mois dans le bras capécitabine, la survie médiane était de 15,3 mois contre 24,6 mois respectivement. En ce qui concerne le sorafenib, inhibant notamment la fonction tyrosine kinase des VEGFR-1, -2 et -3,des -VIT, deux phases II en monothérapie sont disponibles, incluant respectivement 23 et 54 patientes et ne précisant pas le nombre de tumeurs TN [61, 62]. L’activité clinique était modeste, avec 2 maladies stables dans la première étude, et 1 réponse partielle associée à 7 maladies stables dans la seconde. Enfin, une étude de phase II a évalué une monothérapie par dasatinib (inhibiteur de la fonction tyrosine kinase de la famille Src) chez 44 patientes atteintes de CSM TN, avec peu d’efficacité (2 RP, 2 SD durant plus de 6 mois) [63]. En conclusion, les CSM TN sont un groupe hétérogène de tumeurs du point de vue des anomalies moléculaires impliquées dans leur carcinogenèse et donc leur sensibilité aux différentes thérapeutiques. Il s’agit fréquemment de maladies préalablement traitées par anthracyclines et taxanes au stade adjuvant, présentant des taux de réponse souvent plus importants que les autres sous-groupes, mais conservant un pronostic péjoratif en situation métastatique. Les constatations d’un très bon pronostic associé à l’obtention d’une pCR au stade néoadjuvant n’ont pas été reproduites à la phase métastatique, et l’absence d’expression des récepteurs hormonaux et de HER2 rendent d’autant plus cruciale l’identification de cibles thérapeutiques validées. Hormis le sous-groupe des tumeurs des patientes présentant une mutation délétère des gènes BRCA1 et 2 traités par un inhibiteur de PARP (détaillé au chapitre suivant), aucune autre stratégie n’a pour l’instant fait preuve de sa supériorité. 4. Références Bibliographiques 1. 2. 3. 4. Liedtke, C., et al., Response to neoadjuvant therapy and long-term survival in patients with triple-negative breast cancer. J Clin Oncol, 2008. 26(8): p. 1275-81. Carey, L.A., et al., The triple negative paradox: primary tumor chemosensitivity of breast cancer subtypes. Clin Cancer Res, 2007. 13(8): p. 2329-34. Kuerer, H.M., et al., Clinical course of breast cancer patients with complete pathologic primary tumor and axillary lymph node response to doxorubicin-based neoadjuvant chemotherapy. J Clin Oncol, 1999. 17(2): p. 460-9. Yamamoto, Y. and H. Iwase, Clinicopathological features and treatment strategy for triple-negative breast cancer. 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Dans les cancers du sein, l’intérêt pour les inhibiteurs de PARP (iPARP) s’est alors développé et plusieurs d’entre eux ont été évalué dans différents contextes : utilisation en monothérapie ou combinaison à la chimiothérapie, dans les tumeurs mutées pour BRCA1/2 ou dans des tumeurs triple-négatives (supposées être enrichies et/ou présenter des caractéristiques moléculaires communes avec les tumeurs BRCA1-mutées). Après des données préliminaires très prometteuses, des résultats plus nuancés voire même décevants ont été récemment enregistrés, remettant à nouveau en question le développement clinique ultérieur de ces molécules dans les cancers du sein. Inhibition de PARP et synergie létale On dénombre quatre grands systèmes de réparation : la réparation par excision de base (Base Excision Repair, BER), la réparation par excision de nucléotides (Nucleotid Excision Repair, NER) et la réparation des mésappariements (Mismatch Repair, MMR) sont principalement engagées par les lésions simples brins (lsb), tandis que les lésions double brins (ldb) doivent être prises en charge par les processus basés sur la recombinaison (homologue, Homologous Recombination Repair, HRR ou non homologue, non homologous end-joining, NHEJ) qui utilisent le brin complémentaire. [1]. Les PARP représentent une famille de 17 enzymes (PARP1 étant la plus abondante et représentant près de 85% de l’activité de poly(ADPribosylation) qui interviennent dans diverses fonctions cellulaires, au premier rang desquels se trouve la réparation des lsb de l’ADN, notamment dans le cadre du BER[2-5]. En cas de lsb, les PARP détectent la cassure, se fixent sur l’ADN lésé et catalysent la formation de polymères de poly(ADP-ribose) au niveau des protéines nucléaires acceptrices, telles que les histones, les topoisomérases ou les PARP elles-mêmes. Ces polymères étant négativement chargés, ils dissocient les histones de l’ADN et modifient favorablement l’accès à l’ADN des protéines impliquées dans sa réparation. Si les lsb ne sont pas réparées par BER en l’absence de PARP1, elles sont converties en ldb lorsqu’elles rencontrent la fourche de réplication. Les ldb font alors intervenir le processus de recombinaison homologue HRR, qui est un système hautement fidèle, permettant in fine une réparation efficace. En cas de déficience du HRR, comme cela peut être observé dans le cadre des mutations des gènes BRCA1/2, ce sont les mécanismes de recombinaison non homologue, tels que le NHEJ, beaucoup moins fidèles et in fine moins efficace, qui sont activés [6,7]. En présence d’un iPARP, les cellules tumorales mutées pour BRCA1/2vont présenter un grand nombre de lsb non réparées, secondairement converties en ldb, auxquelles, en l’absence d’HRR fonctionnelles, elles ne pourront faire face correctement. Ici, l’accumulation des ldb conduira à la mort cellulaire. Dans les autres cellules de l’organisme, où un allèle BRCA1/2 reste fonctionnel, HRR restera fonctionnelle et les LSB seront réparées correctement. Le concept de synergie létale induit par les iPARP a été formellement mis en évidence in vitro par deux équipes indépendantes en 2005, relançant l’intérêt pour cette classe de molécules. Farmer et al [8], 209 ont ainsi montré que la diminution de l’expression de PARP par ARN interférence réduisait drastiquement la survie clonogénique de cellules embryonnaires ES BRCA1/2(-/-), par rapport à ces cellules wild-type. Ces mêmes cellules apparaissaient très sensibles à l’exposition à des iPARP (KU0058684 et KU0058948, de la compagnie Kudos), à la différence des cellules ES wild-type ou hétérozygote BRCA1/2(+/-). De la même façon, Bryant et al[9], ont démontré que des cellules déficientes pour BRCA2 (les cellules V-C8) étaient 250 fois plus sensibles que les cellules isogéniques à l’état hétérozygote ou wild-type, lorsqu’elles étaient traitées par des iPARP (NU1085, développé par un groupe académique britannique de Newcastle et AG014361, de la compagnie Agouron, secondairement rachetée par Pfizer). Il faut noter que ce concept de synergie létale peut déborder largement le contexte des mutations constitutionnelles BRCA1/2. Ceci permet de proposer la notion de « BRCAness », qui caractériserait des tumeurs survenant chez des patientes non mutées pour BRCA1/2 mais dont le phénotype de réparation est tout aussi déficient et qui pourrait donc bénéficier autant des iPARP, la question cruciale restant celle de l’identification de ces patientes. Un exemple de tentative d’identification de ces tumeurs avec BRCAness dans les cancers du sein, est le caractère triple-négatif (RE/RP/HER2 négatifs), dont le profil moléculaire correspond fréquemment (mais pas toujours…) à celui des tumeurs dites « basal-like ». Ce profil étant également celui des tumeurs survenant en contexte de mutations BRCA1, il a été suggéré que ces tumeurs pouvaient être fortement enrichies en formes présentant des anomalies HRR, les rendant sensibles aux iPARP par synergie létale. Principaux iPARP et cancer du sein : Résultats cliniques Olaparib L’olaparib est un puissant inhibiteur sélectif de PARP1 et PARP2, actif au nanomolaire et administré par voie orale. Son introduction en clinique s’est faite dans le cadre d’une étude de phase I de monothérapie incluant initialement tous types de tumeurs solides, mais très rapidement enrichie en formes mutées pour BRCA1/2[10] et incluant un petit nombre de cancers du sein. La dose maximale tolérée a été de 400 mg deux fois par jour. La tolérance était par ailleurs acceptable, avec quelques effets secondaires digestifs modérés. Sur les 60 patients traités, 9 réponses objectives ont été observés, 17 patients présentant un certain degré de bénéfice clinique (réponse objective, réponse sur les marqueurs ou maladie stable > 4 mois). Parmi les 19 patientes mutées, 9 réponses objectives (dont 1 patiente avec un cancer du sein) et deux maladies stables de longue durée (dont un cancer du sein) ont été notées. Au total, 12 patientes mutées sur 19, dont 2 sur les 3 cancers du sein mutés pour BRCA, ont présenté un certain bénéfice clinique, tel que défini ci-dessus. Seules les patientes mutées ont présenté une activité antitumorale significative. Une étude de phase II, ICEBERG1, a évalué l’activité de l’olaparib en monothérapie dans des cancers du sein présentant une mutation documentée pour BRCA1/2[11]. Il s’agissait d’une population de 54 patientes, avec une maladie mesurable, le plus souvent lourdement pré-traitées et chimio-résistantes. Une première cohorte de 27 patientes a reçu 400 mg deux fois par jour, tandis que les 27 suivantes ont reçu 100 mg deux fois par jour (la première dose à activité anti-PARP identifiée dans la phase I ci-dessus). Dans la première cohorte, 18 patientes présentaient une mutation BRCA1 et 9 patientes présentaient une mutation BRCA2, alors que dans la deuxième cohorte, 15 patientes présentaient une mutation BRCA1 et 11 patientes une mutation BRCA2, la dernière patiente étant porteuse d’une rarissime double mutation. Le 210 taux de réponse objective, objectif principal de l’étude, a été de 41% dans la cohorte 1 (400 mg deux fois par jour) et de 22% dans la cohorte 2 (100 mg deux fois par jour). Les données de cette étude témoignent d’une activité antitumorale significative pour l’olaparib dans une population de cancers du sein mutés pour BRCA1/2. En 2010, une nouvelle étude de phase II a été rapportée en présentation orale à l’ASCO, incluant des patientes atteintes de cancer du sein, soit de phénotype triple-négatif (sans statut mutationnel connu) soit mutées pour BRCA1/2, et de cancer ovarien séreux de haut grade (sans statut mutationnel connu) ou de cancer ovarien avec mutation BRCA1/2 documentée. Les patientes recevaient olaparib à la dose de 400 mg deux fois par jour. L’objectif principal était le taux de réponse objective, dans les 4 cohortes ainsi constituées (sein triple-négatif, BRCA inconnu, n=15 ; sein BRCA muté, n=11 ; ovaire séreux de haut grade, BRCA inconnu, n=54 ; ovaire, BRCA muté, n=10). De façon assez surprenante, aucune réponse objective selon les critères RECIST n’a été observée dans les cohortes cancer du sein ; cependant des réponses tumorales minimes étaient détectées, mais uniquement chez des patientes mutées BRCA, aucune des tumeurs triple-négatives non mutées ne présentant de signes d’activité antitumorale[12]. L’olaparib est également évalué en combinaison à la chimiothérapie. Plusieurs phase I sont en cours ou ont été réalisées dans diverses tumeurs solides et avec divers schémas cytotoxiques [4]. Très clairement, la combinaison de l’olaparib avec la chimiothérapie semble délicate [13,14]. Au total, les données des études cliniques en monothérapies identifient l’olaparib comme disposant d’une authentique activité antitumorale dans le contexte de tumeurs mutées pour BRCA1/2, de façon cohérente avec le concept de synergie létale. Sur le peu de données préliminaires disponibles, cette activité en monothérapie semble faible ou absente en l’absence de mutations, y compris dans les tumeurs triple-négatives, ce qui pose des questions sur la pertinence de cette entité comme surrogate de « BRCAness » dans le cancer du sein. En ce qui concerne la combinaison de l’olaparib avec la chimiothérapie, les premières données disponibles dans le cancer du sein, comme dans d’autres tumeurs, montrent que ces associations sont hématotoxiques, même lorsque l’olaparib est combinée à un cytotoxique ne ciblant pas l’ADN tels que le paclitaxel. Iniparib (BSI-201, BiPar, Sanofi-Aventis) L’iniparib est une molécule administrée par voie intraveineuse, dont l’activité iPARP a été initialement présentée comme puissante. Cependant ceci est à l’heure actuelle très discuté. Les études de phase précoces, en monothérapie comme en combinaison, ont révélé un profil de tolérance assez remarquable. Dans le domaine des cancers du sein, une étude de phase II randomisée a été rapportée à l’ASCO en 2009[15], largement médiatisée et finalement publiée en Janvier 2010, dans le New England Journal of Medicine[16]. Cent-seize patientes présentant un cancer du sein métastatique triplenégatif ont reçu une chimiothérapie par carboplatine AUC2 et gemcitabine 1000 mg/m² J1-J8 tous les 21 jours sans (bras contrôle, n=59) ou avec iniparib (bras expérimental, n=57) 4 mg/kg puis 5.6 mg/kg J1, J4, J8 et J11. Le critère de jugement primaire était le taux de bénéfice clinique (= taux de réponse objective et de maladie stable sur au moins 6 mois). Les patientes étaient traitées en première (60% dans le bras contrôle et 57%, dans le bras expérimental), deuxième (21% dans le bras contrôle et 34%, dans le bras expérimental) ou au-delà. Au total, 65% des patientes du bras contrôle et 74% du bras expérimental, 211 avaient reçu des anthracyclines au préalable, 71% et 84% of patients, respectivement, avaient reçu des taxanes. En ce qui concerne la tolérance, l’iniparib ne semblait pas potentialiser les toxicités de l’association cytotoxique et le taux et la nature des événements indésirables rapportés étaient similaires dans les deux groupes. En terme d’efficacité, le taux de bénéfice clinique était de 34% dans le groupe contrôle et de 56% dans le groupe expérimental (p=0.01), les taux de réponse étaient de 32% et de 54% respectivement, dans chaque groupe (p=0.02). La survie sans progression médiane passait de 3.6 mois dans le groupe contrôle à 5.9 mois dans le groupe expérimental (p=0.01) et la survie globale passait de 7.7 à 12.3 mois (p=0.02). Ces résultats très prometteurs ont justifié l’initiation rapide d’un essai multicentrique comparatif de phase III, dont les résultats ont été présentés en Juin 2011 à l’ASCO. Si l’absence de modification significative du profil de toxicité de la chimiothérapie par iniparib était confirmée, l’étude est un échec du point de vue de son objectif principal. Aucune modification significative de la survie globale n’est détectée (11.1 mois dans le groupe contrôle versus 11.8 mois dans le groupe iniparib ; HR=0.88, p=0.28), tandis que la survie sans progression n’est que marginalement augmentée (de 4.1 à 5.1 mois ; HR =0.79, p=0.027). Les taux de réponse étaient comparables (30% dans le groupe contrôle versus 34% dans le groupe iniparib). Dans un analyse exploratoire portant sur les patientes traitées en 2°/3° ligne, une tendance à l’augmentation de le survie globale (de 8.1 à 10.8 mois) dans le groupe iniparib était suggérée [17]. Le développement ultérieur de l’iniparib dans le cancer du sein est à l’heure actuelle en cours de redéfinition et les projets un temps envisagés en adjuvant ou néo-adjuvant sont suspendus. Conclusions Après avoir généré un enthousiasme démesuré il y a à peine 24 mois, à la faveur des résultats très (trop ?) médiatisés d’un essai de phase II randomisé n’ayant traité que moins de 120 patientes, le développement des iPARP dans les cancers du sein semble en difficulté : l’essai de phase III iniparib, qui devait consacrer l’apparition d’une nouvelle molécule active les cancers triple-négatifs, est en échec et malgré les preuves d’activité de l’olaparib dans les formes BRCA1/2 mutées, son développement dans le cancer du sein ne semble pas prioritaire pour la compagnie pharmaceutique propriétaire. Il s’agit pourtant d’une classe thérapeutique de fort potentiel avec différents avenirs possibles, non mutuellement exclusifs, mais dont la réalisation nécessite la réponse à plusieurs questions toujours en suspens. Références 1. Pourquier P, Robert J: [General overview on DNA repair]. Bull Cancer 2011;98:229-237. 2. Ame JC, Spenlehauer C, de Murcia G: The PARP superfamily. 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Farmer H, McCabe N, Lord CJ, Tutt ANJ, Johnson DA, Richardson TB, Santarosa M, Dillon KJ, Hickson I, Knights C, Martin NMB, Jackson SP, Smith GCM, Ashworth A: Targeting the DNA repair defect in BRCA mutant cells as a therapeutic strategy. Nature 2005;434:917-921. 9. Bryant HE, Schultz N, Thomas HD, Parker KM, Flower D, Lopez E, Kyle S, Meuth M, Curtin NJ, Helleday T: Specific killing of BRCA2-deficient tumours with inhibitors of poly(ADP-ribose) polymerase. Nature 2005;434:913-917. 10. Fong PC, Boss DS, Yap TA, Tutt A, Wu P, Mergui-Roelvink M, Mortimer P, Swaisland H, Lau A, O'Connor MJ, Ashworth A, Carmichael J, Kaye SB, Schellens JH, de Bono JS: Inhibition of Poly(ADP-Ribose) Polymerase in Tumors from BRCA Mutation Carriers. N Engl J Med 2009;361:123-134. 11. 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Dent R, Lindeman G, Clemons M, Wildiers H, Chan A, McCarthy N, Singer C, Lowe E, Kemsley K, Carmichael J: Safety and efficacy of the oral PARP inhibitor olaparib (AZD2281) in combination with paclitaxel for the first- or second-line treatment of patients with metastatic triple-negative breast cancer: Results from the safety cohort of a phase I/II multicenter trial. J Clin Oncol 2010;28. 15. O'Shaughnessy J, Osborne C, Pippen J, Yoffe M, Patt D, Monaghan G, Rocha C, Ossovskaya V, Sherman B, Bradley C: Efficacy of BSI-201, a poly (ADP-ribose) polymerase-1 (PARP1) inhibitor, in combination with gemcitabine/carboplatin (G/C) in patients with metastatic triple-negative breast cancer (TNBC): Results of a randomized phase II trial. J Clin Oncol (Meeting Abstracts) 2009;27:3. 16. O'Shaughnessy J, Osborne C, Pippen JE, Yoffe M, Patt D, Rocha C, Koo IC, Sherman BM, Bradley C: Iniparib plus Chemotherapy in Metastatic Triple-Negative Breast Cancer. New England Journal of Medicine 2011;0. 17. O'Shaughnessy J, Schwartzberg L, Danso MR, HS, Miller K, Yardley D, Carlson R, Finn R, Charpentier E, Freese M, Gupta S, Blackwood-Chirchir A, Winer E: A randomized phase III study of iniparib (BSI-201) in combination with gemcitabine/carboplatin (G/C) in metastatic triple-negative breast cancer (TNBC). J Clin Oncol 2011; 29 suppl; abstr 1007. 213 CANCER DU SEIN METASTATIQUE EN PREMIERE LIGNE : QUAND FAUT IL ASSOCIER UN ANTI ANGIOGENIQUE A LA CT ET LAQUELLE? DOGMES ANCIENS ET DOUTES ACTUELS. Auteur Isabelle RAY COQUARD 214 1. Bévacizumab & cancer du sein métastatique Ce chapitre présente tout d’abord les données de deux études pivots de phase III justifiant l’AMM actuelle d’Avastin® en traitement de 1ère ligne du cancer du sein métastatique ainsi que les données d’autres études évaluant les traitements avec Avastin en 1ère ligne. Depuis le 29 juin 2011, l’autorisation de mise sur le marché est : Avastin® en association au paclitaxel est indiqué en traitement de première ligne, chez des patients atteints de cancer du sein métastatique (essai E2100). Avastin® en association à la capécitabine, est indiqué en traitement de première ligne, chez des patients atteints de cancer du sein métastatique, pour lesquels un traitement avec d’autres options de chimiothérapie incluant des taxanes ou des anthracyclines, n’est pas considéré comme approprié. Les patients ayant reçu un traitement à base de taxanes et d’anthracyclines en situation adjuvante au cours des 12 derniers mois, doivent être exclus d’un traitement par Avastin en association à la capécitabine (essai RIBBON-1). 1.1. Etude E2100 L’étude E2100 est une étude de phase III, en ouvert, multicentrique, contrôlée, randomisée qui comparait l’efficacité et la tolérance de l’association d'Avastin® + paclitaxel (Taxol®) versus paclitaxel seul en traitement de première ligne de patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique ou en rechute locale. Etude E2100 – Schéma de l’étude 215 Critère principal : Survie sans progression (PFS) L’analyse de la SSP évaluée par le comité de revue indépendant a montré une augmentation statistiquement significative de la durée médiane de la SSP dans le bras Avastin®+paclitaxel, risque relatif HR=0,48 (IC95% : 0,39-0,61) comparé au bras paclitaxel seul. La médiane était de 11,3 mois chez les patients du bras Avastin®+paclitaxel versus 5,8 mois dans le bras paclitaxel seul (p<0,0001), soit une augmentation de 5,5 mois. Analyse en sous-groupes Le bénéfice clinique d’Avastin® sur la PFS évalué par le CRI et par les investigateurs a été retrouvé dans tous les sous-groupes testés prévus au protocole, y compris ceux définis par la stratification à la randomisation (intervalle libre sans récidive, nombre de sites métastatiques, traitement antérieur pas chimiothérapie adjuvante et statut des récepteurs ostrogéniques). Par ailleurs une augmentation de la PFS a été observée dans les sous-groupes ayant un mauvais pronostic (intervalle libre sans récidive ≤ 24 mois, > 3 sites métastatiques). Critères secondaires Survie globale La médiane de survie globale était plus longue chez les patients du bras Avastin®+paclitaxel (26,5 mois) par rapport à celle du bras paclitaxel seul (24,8 mois). Mais de façon non statistiquement significative, HR 0,87 (IC95%: 0,72 – 1,05; p = 0.14). 216 Taux de réponse objective et durée de la réponse Parmi les patients ayant une tumeur mesurable à l’inclusion (229 soit 62,2% dans le bras Avastin®+paclitaxel et 243 soit 68,6% dans le bras paclitaxel seul). Le taux de réponse objective évalué par le CRI était plus élevé dans le bras Avastin®+paclitaxel (49,8%) par rapport à celui du bras paclitaxel seul (22,2%). Cette différence était statistiquement significative (p < 0,0001). La durée médiane de la réponse des patients ayant eu une réponse objective était comparable dans les deux bras ; elle était de 9,4 mois (IC95% : 8.413.3) dans le bras Avastin®+paclitaxel et 9,7 mois (IC95% : 7,4-12,6) dans le bras paclitaxel seul. Données de tolérance de l’étude E2100 Evénements indésirables Les patients traités par paclitaxel-Avastin® ont présenté un plus grand nombre d’événements indésirables de grade 3-5 (71,1% contre 50,6%) que ceux traités par paclitaxel, la majorité était de grade 3 (53,4% pour paclitaxel-Avastin® contre 39,4% pour paclitaxel). Les arrêts de traitement pour événements indésirables étaient comparables (20,1% dans le bras paclitaxelAvastin® contre 19,2% du bras paclitaxel). Evénements indésirables les plus fréquents Les événements indésirables de grades 3-4 étaient plus fréquents dans le bras paclitaxel-Avastin® que dans le bras paclitaxel, les plus fréquents étaient respectivement la neuropathie sensitive (24,2% contre 17,5%), l’hypertension (16,0% contre 1,4%), la fatigue (10,7% contre 5,2%) et la neutropénie avec ou sans infection (17,4% contre 8,0%). La neuropathie, la fatigue et la neutropénie sont des événements indésirables fréquemment retrouvés au cours d’une chimiothérapie, leur augmentation dans le bras paclitaxel-Avastin®. Evénements indésirables ciblés Les événements indésirables ciblés de grades 3-5 les plus fréquents dans le bras paclitaxel-Avastin® correspondent au profil de tolérance déjà connu d'Avastin®, notamment hypertension, artérielle, protéinurie, événements thromboemboliques artériels, saignements, insuffisance cardiaque congestive et perforations gastro-intestinales. Dans le bras paclitaxel-Avastin®, il n’a pas été observé d’incidence plus élevé des événements thromboemboliques veineux de grades 3-5. 217 1.2. Etude RIBBON-1 Etude RIBBON-1 – Schéma de l’étude Phase du traitement en aveugle Phase optionnelle après levée d’aveugle suite à progression Bras A Bras B RIBBON-1 – Résultats d’efficacité Cohorte Capécitabine La cohorte capécitabine de l’étude RIBBON-1 a été menée dans 178 centres dans le monde chez 615 patients, dont 409 patients ont été randomisés dans le bras associant Avastin® à la capécitabine et 206 dans le bras Placebo + capécitabine. Critère principal : survie sans progression (PFS) L’association d’Avastin® à la capécitabine en 1ère ligne de traitement du cancer du sein métastatique ou en récidive locale a montré une amélioration cliniquement et statistiquement significative de la PFS médiane (analyse stratifiée : HR =0,69; log-rank, p < 0,001). Le bénéfice clinique d’Avastin® sur la PFS a été retrouvé dans la plupart des sous-groupes testés prévus au protocole (intervalle libre sans récidive, nombre de sites métastatiques, traitement antérieur par chimiothérapie adjuvante), âge, PS à l’inclusion, ménopause, sites atteints, maladie mesurable, statut hormonal, etc.). 218 Capécitabine : Survie Sans Progression par l’investigateur Critères secondaires Taux de réponse objective et survie L’adjonction d’Avastin® à la capécitabine a montré une amélioration statistiquement significative du taux de réponse objective : 35,4% dans le bras Avastin® versus 23,6% dans le bras placebo (p=0,0097). L’évaluation de la survie globale et du taux de survie à un an, n’a pas montré de différence statistiquement significative entre les 2 bras. Pour la survie globale le HR était de 0,85 (IC95% : 0,63 – 1,14, p = 0,27). Cohorte Taxanes/Anthracyclines Critère principal : survie sans progression (PFS) L’association d’Avastin® à une chimiothérapie à base de taxanes ou d’anthracyclines en 1ère ligne de traitement du cancer du sein métastatique ou en récidive locale a montré une amélioration cliniquement et statistiquement significative de la PFS médiane (analyse stratifiée : HR =0,64; log-rank p < 0,001). 219 Taxanes/Anthracyclines: SSP par l’investigateur Le bénéfice clinique d’Avastin® sur la PFS a été retrouvé dans la plupart des sous-groupes testés prévus au protocole (intervalle libre sans récidive, nombre de sites métastatiques, traitement antérieur par chimiothérapie adjuvante), âge, PS à l’inclusion, ménopause, sites atteints, maladie mesurable, statut hormonal, etc.). Critères secondaires Taux de réponse objective et survie L’adjonction d’Avastin® à une chimiothérapie à base de taxanes ou d’anthracyclines a montré une amélioration statistiquement significative du taux de réponse objective : 51,3% dans le bras Avastin® versus 37,9% dans le bras placebo (p=0,0054). L’évaluation de la survie globale et du taux de survie à un an, n’a pas montré de différence statistiquement significative entre les 2 bras. Pour la survie globale le HR était de 1,03 (IC95% : 0,77 – 1,38, p = 0,83). Le taux de survie à un an était de 80.7% dans le bras Avastin ® et de 83,2% dans le bras placebo (p=0,44). Données de Tolérance de l’étude RIBBON-1 Evénements indésirables Les patients traités dans les bras Avastin® ont présenté un plus grand nombre d’événements indésirables (38.6% à 62%) comparés à ceux du bras Placebo (21% à 41.2%), quelle que soit la chimiothérapie associée à 220 Avastin®. Dans la cohorte Taxanes, les événements indésirables les plus fréquents dans le bras Avastin®+ taxanes (différence ≥ 5% entre les 2 bras) étaient l’hypertension artérielle et la neutropénie fébrile. Evénements indésirables ciblés L’événement indésirable ciblé survenu le plus fréquemment dans tous les bras Avastin® (>5% des patients) comparé au bras Placebo, quelle que soit la chimiothérapie associée était l’hypertension artérielle. Dans le bras Avastin®+ taxanes, la neutropénie (9.4%), l’hypertension artérielle (8.9%) et les neuropathies sensitives (8.4%), étaient les événements indésirables ciblés les plus fréquents. Décès Le taux de décès était comparable entre les bras Avastin® et les bras Placebo, ainsi que la proportion de décès dus à une raison autre que la progression de la maladie, quelle que soit la chimiothérapie associée. Dans le bras Avastin®+ taxanes, le taux de décès était de 36.9% comparé à 36.3% dans le bras Placebo + taxanes. Le taux de décès non liés à la progression de la maladie était comparable dans l’ensemble des bras. Dans le bras Avastin®+ taxanes, ce taux était de 2.5% comparé à 2.9% dans le bras Placebo + taxanes. 1.3. Autres Essais En 1ere Ligne Métastatique Etude AVADO Etude AVADO - Schéma de randomisation de l’étude En 1ère ligne dans le cancer du sein métastatiques ou en rechute locale (n=705) Facteurs de stratification : région traitement antérieur par taxane / temps jusqu’à rechute depuis chimiothérapie en adjuvant maladie mesurable statut HER Docetaxel* 100mg/m2 + placebo toutes les 3 semaines Docetaxel* + bevacizumab 7,5mg/kg toutes les 3 semaines Docetaxel* + bevacizumab 15mg/kg toutes les 3 semaines 221 Traitement par placebo/ bevacizumab jusqu’à progression de la maladie Tous les patients peuvent choisir bevacizumab en 2ème ligne de traitement Résultats d’efficacité de l’étude AVADO L’étude s’est déroulée entre le 15 mars 2006 et le 31 octobre 2001 dans 24 pays dans les régions suivantes : Europe de l’ouest, Australie, Canada, Europe de l’est, Asie de l’est, Amérique du sud et Amérique centrale. Au total, 736 patients ont été inclus dans 106 centres. Critère principal : survie sans progression (PFS) L’analyse principale non stratifiée de la PFS évaluée par les investigateurs a été réalisée dans la population ITT après un suivi médian de 25 mois. Les résultats ont montré une augmentation statistiquement significative de la durée médiane de la PFS dans les bras Avastin®+docétaxel par rapport au bras placebo+docétaxel. Dans le bras Avastin®7,5+docétaxel, la PFS médiane était de 9,0 mois, HR 0,85 (IC95% : 0,70-1,02 ; p=0,12), dans le bras Avastin®15+docétaxel de 10,1 mois, HR 0,75 (IC95% : 0,62-0,91 ; p=0,006) et de 8,2 mois dans le bras placebo+docétaxel. La diminution du risque de progression était de 15% dans le bras Avastin®7,5 et de 25% dans le bras Avastin®15. SSR comparison bras placebo + Docétaxel versus Bevacizumab 15 mg/kg + Docétaxel Le bénéfice clinique d’Avastin® 7,5 et 15 mg sur la PFS a été retrouvé dans la plupart des sous-groupes testés prévus au protocole (intervalle libre sans récidive, nombre de sites métastatiques, traitement antérieur par chimiothérapie adjuvante, maladie mesurable). Ces résultats sont en accord avec ceux de la population totale. 222 Critère secondaires Survie globale La médiane de survie globale était comparable dans les 3 bras de traitement (environ 30 mois). Mais sur la base de l’analyse stratifiée, dans le bras Avastin®7,5+docétaxel, HR 1,05 (IC95% : 0,81-1,36 ; p=0,72) et dans le bras Avastin®15+docétaxel, HR 1,03 (IC95% :0,7-1,33 ; p=0,85) versus placebo + docétaxel. Survie globale (suivi median 25 mois) 1.0 HR=1.03 (0.79–1.33), p=0.8528* HR=1.05 (0.81–1.36), p=0.7198* OS estimate 0.8 31.9 0.6 0.4 30.2 Placebo + docetaxel (n=241) Bevacizumab 7.5mg/kg q3w + docetaxel (n=248) 0.2 Bevacizumab 15mg/kg q3w + docetaxel (n=247) 0 0 6 12 18 24 30 36 Mois Miles DW, et al. SABCS 2009, abs 41 Unstratified analysis; *p values are of exploratory nature Taux de réponse globale et durée de la réponse (Tableau X) Parmi les patients ayant une tumeur mesurable à l’inclusion, le taux de réponse globale était plus élevé dans le bras Avastin®15+docétaxel (64,1%) que dans le bras placebo+docétaxel (46,4%) (p<0,001). Dans le bras Avastin®7,5+docétaxel, le taux de réponse objective était de 55,2% (p=0,07). La durée médiane de la réponse était de 8,1 mois HR 0,91 (IC95% :0,68-1,21) dans le bras Avastin®7,5+docétaxel, de 8,3 mois HR 0,82 (IC95% :0,62-1,08) dans le bras Avastin® 15+docétaxel comparé au bras placebo+docétaxel (6,3 mois). Qualité de vie La Qualité de vie (QoL) a été étudiée en termes de bien-être physique, social, émotionnel et fonctionnel. Les patientes ont été évaluées par le questionnaire FACT-B spécifique au cancer du sein qui comprend le questionnaire FACT-G, une échelle de 28 items et un score de 12 items lié à la santé et au bien-être des patients atteints d’un cancer du sein. . L’adjonction d’Avastin® au docétaxel n’a pas entrainé de détérioration de la qualité de vie des patients (score total FACT-G et FACT B), comparé au bras placebo+docétaxel. 223 Données de tolérance de l’étude AVADO Evénements indésirables Presque tous les patients ont présenté au moins un évènement indésirable : Placebo + docétaxel (99,6%) ; Avastin®7,5 + docétaxel (100,0%); Avastin®15 + docétaxel (99,6%), principalement des événements indésirables de docétaxel déjà connus. Les événements indésirables les plus fréquents dans les 3 bras de traitement étaient l’alopécie : Placebo + docétaxel (71,7%) ; Avastin®7,5 + docétaxel (71,6%) et Avastin®15 + docétaxel (69,2%), respectivement), la diarrhée (46,4% vs 54,8% vs 50,6%, respectivement), les nausées (48,5% vs 39,2% vs 46,6%, respectivement), les altérations des ongles (39,9% vs 46,8% vs 43,7%, respectivement), la fatigue (41,6% vs 41,2% vs 38,9%, respectivement), et la stomatite (27,0% vs 48,8% vs 44,1%, respectivement). Les patients des bras Avastin® ont présenté un taux plus élevé d’événements indésirables de grade 3-4 que ceux du groupe Placebo (Placebo + docétaxel 67% ; Avastin®7,5 + docétaxel 78% ; Avastin®15 + docétaxel 75%). Dans les 3 groupes presque la même proportion de patients a arrêté le traitement à cause de toxicités liées au traitement (Placebo + docétaxel 12% ; Avastin®7,5 + docétaxel 9% ; Avastin®15 + docétaxel 14%) et les taux de décès liés aux événements indésirables étaient similaires (Placebo + docétaxel 3% contre 2% dans les bras Avastin®). Evénements indésirables ciblés Les évènements indésirables ciblés les plus fréquents chez les patients des groupes Avastin® étaient des saignements tous grades confondus, principalement des épistaxis : Placebo + docétaxel 19,5%; Avastin®7,5 + docétaxel 48,4% ; Avastin®15 + docétaxel 49,4%) et hypertension (Placebo + docétaxel 10,0%; Avastin®7,5 + docétaxel 14,3%; Avastin®15 + docétaxel 21,9%).Les complications hématologiques représentaient la principale différence entre les bras Avastin et Placebo. Les évènements indésirables hématologiques les plus fréquents chez les patients des groupes Avastin® étaient respectivement la neutropénie (19,8% dans les bras Avastin® contre 17,3% dans le bras placebo), la neutropénie fébrile (15,1% et 16,2% contre 11.3%) et la leucopénie (6,7% et 5,3% contre 4,3%). Par contre, les évènements indésirables de grade 3-4 connus d’Avastin® : perforation gastro-intestinale, maladie thromboembolique veineuse et artérielle, insuffisance cardiaque congestive (ICC), fistule/abcès, saignements, protéinurie, ou complication de la cicatrisation d’une plaie, étaient similaires dans les 3 bras. A noter que 3 patients du bras Avastin® 7,5 ont présenté une Insuffisance Cardiaque Congestive de grade 3 alors que non dans les deux autres bras. Evénements indésirables graves Une incidence supérieure d’événements indésirables graves a été observée dans les bras Avastin® 7,5 mg et 15 mg (37% et 42% respectivement versus 33% dans le bras placebo). Les événements indésirables graves les plus fréquents dans les bras Avastin® étaient la neutropénie fébrile : Avastin® 7,5 + docétaxel (11,6%) et Avastin® 15 + docétaxel (14,6%) versus Placebo + docétaxel (9,4%) ; neutropénie (4,8% et 6,5% versus 2,1%, respectivement) et asthénie (2,0% et 1,2% versus 0%, respectivement). Les infections graves étaient plus fréquentes chez les patients du bras placebo + docétaxel (2,6%) comparé aux bras Avastin® + docétaxel (0,8% et 0,4%). 224 Décès La cause la plus fréquente de décès dans les trois bras de traitement était la progression de la maladie. Le nombre de décès au cours de l’étude était de 49 (21,0%) dans le bras Placebo contre 50 décès (20,0%) dans le bras Avastin®7,5 et 35 décès (14,2%) dans le bras Avastin®15. Le nombre de décès dus à un événement indésirable était comparable et peu fréquents dans les 3 bras de traitement : Avastin® 7,5 + docétaxel (3,6%); Avastin® 15 + docétaxel (2,0%) et Placebo + docétaxel (2,6%). Etude Poolée – E2100 – AVADO et RIBBON -1 Une méta-analyse regroupant les 3 études randomisées de phase III citées précédemment (E 2100, AVADO et RIBBON-1) a été présentée au congrès de l’ASCO 2010 par Dr O’Shaughnessy. Résultats d’efficacité Survie sans progression, population poolée Les résultats de l’analyse de la PFS ont montré une durée médiane de 6,7 mois et 9,2 mois pour les groupes non-Avastin® et Avastin® respectivement ; HR 0,64 (IC 95% : 0,57 – 0,71.), soit une réduction de 36 % du risque de progression de la maladie ou de décès et une amélioration de 2,5 mois de la PFS médiane. Cette amélioration a été retrouvée dans tous les sous-groupes évalués. Taux de réponse globale et Survie globale, population poolée Le taux de réponse globale chez les patients présentant une maladie mesurable était augmenté de 17 % dans le groupe Avastin® par rapport au groupe non-Avastin® (49% versus 32%). La médiane de survie globale était comparable dans les 2 bras de traitement (26,4 et 26,7 mois respectivement pour les bras poolés non-Avastin® et Avastin® respectivement). HR de 0,97 %, (IC 95% : 0,86 – 1,08). 225 Meta-Analyse: survie globale par sous groupe Baseline risk factor Total n HR (95% CI) All patients 2447 0.98 (0.87–1.09) Age, years <65 ≥ 65 1917 530 0.93 1.13 (0.82–1.06) (0.89–1.43) Triple-negative disease Yes No 621 1762 0.96 1.00 (0.79–1.16) (0.87–1.15) Visceral disease Yes No 1707 740 0.96 1.07 (0.85–1.09) (0.85–1.35) No. of metastatic sites <3 ≥3 1463 980 1.00 0.93 (0.86–1.16) (0.79–1.10) Disease-free interval , months ≤ 24 >24 924 1519 1.10 0.89 (0.93–1.32) (0.77–1.03) Prior (neo)adjuvant chemotherapy Yes No 1525 922 0.87 1.19 (0.76–1.00) (0.98–1.45) Favours non-bevacizumab Favours bevacizumab 0.2 0.5 1 2 O’Shaughnessy et al. ASCO 2010 5 3 Analyse en sous groupe des patientes triple négatives Outcome Bevacizumab + chemotherapy (n=363) Chemotherapy alone (n=258) 259 (71) 194 (75) Progression-free survival Events, n (%) Hazard ratio (95% CI)a p-value Median, months (95% CI) Objective response rate, % 0.649 (0.538–0.783) p<0.0001 8.1 (6.5–8.5) 5.4 (4.3–6.1) 42 23 p-value p<0.0001 Overall survival Events, n (%) 248 (68) Hazard ratio (95% CI)a p-value Median, months 18.9 One-year overall survival rate 70.9 p-value aUnstratified 174 (67) 0.959 (0.790–1.164) p=0.6732 17.5 64.8 p=0.1140 analysis O’Shaughnessy J. et al, SABCS 2010. P6-12-03 Analyse de la Tolérance L’incidence des évènements indésirables liés à l’Avastin était semblable à celle rapportée dans les différentes études. Aucun nouveau signal de tolérance n’a été mis en évidence pour chacun des sous-groupes de chimiothérapie. 226 2. Sunitinib & cancer du sein métastatique (étude SUN 1064) L’étude SUN est une étude de phase III randomisée, qui comparait l’efficacité et la tolérance de l’association Sunitinib (37,5 mg/j2-j15 reprise j21) + docétaxel 75mg/m² J1 vs docétaxel en 1ème ligne chez des patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique non prétraité. Résultats (juin 2010) : Si un gain significatif en terme de réponse objectif a été observé, en revanche l’objectif principal de SUN (démontrer une amélioration significative de la PFS dans le bras avec sunitinib) n’a été montré de réduction du risque de progression ou de décès (p = 0,26) 227 L’analyse du profil de tolérance est en défaveur du bras expérimental (cf. tableau) SUN 1064: Adverse Events With Sunitinib + Docetaxel vs Docetaxel Alone Grade 3/4 Adverse Event,* % Sunitinib + Docetaxel (n = 295) Docetaxel (n = 293) Neutropenia 46 44 Hand-foot syndrome 17† 1 Fatigue 12 8 Diarrhea 10 4 Asthenia 9 7 Stomatitis 5 1 *Limited to grade 3/4 adverse events occurring in > 5% of patients in either arm. †P < .001 vs docetaxel. Bergh J, et al. ASCO 2010. Abstract LBA1010. 228 3. Sorafenib en 1ère ligne du cancer du sein métastatique (Solti 0701) L’étude SOLTI est une étude de phase II randomisée, qui comparait l’efficacité et la tolérance de l’association sorafénib (400 mg x 2/j) + capécitabine 100 mg/m² J1-J14 vs capécitabine + placébo en 1ère ou 2ème ligne chez des patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique pré-traité. 229 Résultats (juin 2010) : La survie sans progression médiane est significativement meilleure dans le bras sorafénib vs placebo (6.4 vs 4.1 mois), (HR: 0.576 (95% CI: 0.410-0.809; p = .0006) 230 L’analyse du profil de tolérance est en défaveur du bras expérimental surtout pour le problème de syndrome mains pieds (cf tableau) L’étude de phase III est en cours … CONCLUSION ère A ce jour, seules les études avec Avastin ont montré un bénéfice à utiliser les antis angiogéniques en 1 ligne métastatique pour traiter le cancer du sein en termes de survie sans rechute et de taux de réponse au traitement mais sans bénéfice en survie globale. Du fait des traitements réalisés ensuite et comportant un anti angiogénique pour plus de 50% des patientes il ne sera pas possible de confirmer le bénéfice de la survie sans rechute sur la survie globale…. Aucun sous groupe de patientes et aucun critère clinique ou biologique ne sont sortis significativement corrélés à l’efficacité des antis angiogéniques testés. Nous ne pouvons que regretter cette constatation qui ne nous permet pas franchement aujourd’hui de sélectionner les patientes chez qui l’association est optimale en survie. On peut aussi considérer qu’à ce jour toutes les patientes peuvent obtenir un bénéfice au traitement combiné paclitaxel hebdomadaire et bevacizumab…. 231 QUELLE EST LA PLACE DES CHIMIOTHERAPIES ORALES DANS LA PRISE EN CHARGE D’UN CANCER DU SEIN METASTATIQUE DE LA 1ER A LA 3EME LIGNE. Auteur Philippe DALIVOUST Marseille 232 Les buts du traitement des cancers du sein métastatique sont de prolonger la survie globale en maintenant la qualité de vie, en palliant aux symptômes et en retardant la progression tumorale. Depuis plusieurs années les ANTHRACYCLINES et les TAXANES sont les drogues majeures de la phase métastatique, mais à présent ces produits étant utilisés couramment en adjuvant et en néoadjuvant, de nouveaux défis s’ouvrent à nous afin d’optimiser au mieux la prise en charge de la phase métastatique dans toutes les lignes de traitement au moins de la 1er à la 3ème ligne. A ce jour très peu d’initiatives ont été prises pour définir un consensus sur la prise en charge des cancers du sein métastatique. LES CHOIS THERAPEUTIQUES EN PHASE METASTATIQUE SONT GUIDES PAR: Le statut des récepteurs hormonaux de la tumeur primaire et si possible des métastases (des pertes plus rarement des gains de réceptivité hormonale peuvent se voir dans 20 à 30% des cas). - Le statut HER2. La durée de l’intervalle libre sans rechute après traitement adjuvant et entre les différentes lignes de chimiothérapie ultérieures. L’existence d’une localisation viscérales). menaçante, l’extension des métastases (viscérales versus non - Les traitements antérieurs effectués, leurs effets secondaires et leurs doses cumulées. - L’état général du patient. - Les préférences du patient. - L’accès aux médicaments et leur coût. Tous ces paramètres doivent nous permettrent d’optimiser au mieux la prise en charge de cette pathologie à ses divers stades et donc de la chroniciser. La chimiothérapie par voie orale prend une part importante dans cette amélioration en terme de confort pour le patient, d’amélioration de la qualité de vie, de gain économique sans perte d’efficacité. Dans cette optique deux molécules orales essentielles disposent d’une AMM dans la prise en charge des cancers du sein métastatique : la CAPECITABINE (XELODA*) et la VINORELBINE ( NAVELBINE*). De nombreuses confusions existent encore vis-à-vis des chimiothérapies orales. Scepticisme des patients et des médecins sur les traitements oraux : interférence médicamenteuse, problème de biodisponibilité, doute sur la compliance surtout chez les sujets âgés, sensation pour les patients d’un traitement de derniers recours. Mais des résultats intéressants combattent ces préjugés et permettent un meilleur développement des drogues orales en monothérapie ou en combinaison. Dans le questionnaire de Sarah SCHOTT sur les cancers du sein métastatiques publié dans BMC Cancer 2011 (1), 9 sur 10 patients traités par voie orale et 7 sur 10 traités par IV préfèrent la voie orale à la voie IV si l’efficacité est la même. 233 Ceci est en accord avec les travaux de LIU (2) (89% des patients préfèrent la voie orale) et pour CATANIA (3) 30% des patients pensent que la voie IV est plus efficace. La prescription d’une chimiothérapie orale engage la responsabilité médico-légale de l’oncologue et l’implication plus importante du patient. La compliance peut-être améliorée de manière significative par des programmes de formation et un support psychologique. Les patients ayant eu un cancer du sein métastatique représentent un groupe hétérogène nécessitant une approche la plus personnalisée possible. Les buts du traitement en 1ère, 2ème et 3ème ligne sont les mêmes : obtenir le maximum de contrôle des symptômes, diminuer les complications, augmenter la survie sans diminuer la qualité de vie. LES MOYENS . La CAPECITABINE ( XELODA*) : Antimétabolite oral prodrogue activée en 5FU, à son AMM aux Etats-Unis et en Europe en monothérapie dans le cancer du sein localement avancé ou métastatique résistant aux ANTHRACYCLINES et TAXANES ou chez des patients contre-indiqués aux ANTHRACYCLINES. La dose standard est de 1250 mg/m² deux fois par jour, 14 jours de traitement sur un cycle de 21 jours. L’avantage majeur de ce produit est son administration orale permettant un traitement à domicile. De nombreux travaux et réflexions récentes portent, sur la persistance d’une activité anti-tumorale identique avec une réduction de dose sur, de nouveaux schémas d’administration (7 jours) et la notion de maintenance thérapeutique. Son utilisation est classique en 2ème ligne et au-delà et en particulier chez la population plus âgée ( > 70 ans) avec des réduction de doses dans plus d’un cas sur deux définissant un nouveau standard d’utilisation à 1000mg/m² deux fois par jour, 14 jours sur 21. La VINORELBINE (NAVELBINE *) vinca-alcaloïde par voie orale (capsule) en monothérapie a son AMM chez des patients en phase métastatique après échec des ANTHRACYCLINES et/ou TAXANES. La dose standard de la NAVELBINE orale est de 60mg/m²une fois par semaine pour les trois premières puis la dose est majorée selon la tolérance à 80mg/m² une fois par semaine. La toxicité reste modérée, digestive à type de nausées, vomissements (3,1 à 4,7%) de diarrhée (4,7%) et de neutropénie fébrile (4,7%). LES INDICATIONS ET LES STRATEGIES THERAPEUTIQUES. Au-delà de la 1ère ligne de chimiothérapie ou en cas d’hormono-résistance, la chimiothérapie par voie orale de type CAPECITABINE représente une bonne alternative aux chimiothérapies IV. Les taux de réponse en phase II en 2ème ligne sont de 15 à 28% avec un temps à progression (PFS) de 3 à 5 mois et une survie médiane de 10 à 16 mois (4,5,6,7). La VINORELBINE orale en 2ème ligne en phase II non comparatives donne des taux de réponse entre 15 et 28% avec un temps jusqu’à progression (TTP) de 3 à 5 mois et une survie médiane de 10 à 15 mois (8 et 8*), la combinaison des deux CAPECITABINE plus VINORELBINE « le tout oral » a été testé dans 2 phases II en 1ère et 2ème ligne avec des taux de réponse entre 41 et 61% (9, 10,11). La toxicité clinique et hématologique reste faible. 234 Verma a testé ces deux molécules selon le schéma séquentiel obtenant une survie à 1 an de 46% chez des patients réfractaires aux ANTHRACYCLINES et TAXANES (12). En 3ème ligne métastatique : peu de données existent sur les chimiothérapies orales. La VINORELBINE est la plus prescrite. La majorité des changements de dose est due à une toxicité et 66% des arrêts thérapeutiques sont du à une progression. Mais le vrai challenge est la 1ère ligne métastatique. La CAPECITABINE (XELODA*) est une bonne option thérapeutique en monothérapie et en 1 ère ligne chez des patients qui n’ont pas besoin d’un traitement plus intense. Il s’agit de maladies lentement progressives, RH positifs, peu proliférantes, maladies osseuses exclusive ou pauci- symptomatiques. Deux phases III Randomisées et une large phase II confirment l’efficacité de la CAPECITABINE en monothérapie en 1ère ligne métastatique (table 1). L’essai multicentrique ANZBCTG0001, randomisé phase III CMF versus CAPECITABINE intermittente (1000mg/m² 2 fois par jour J1 à J14) ou CAPECITABINE continue (650mg/m² 2 fois par jour J1 à J21). (13) - PFS identique dans les 3 bras (médiane PFS : 6 mois C versus 7 mois CMF HR: 0.86). - TR (Recist) 22% Capé I, 20% Capé C, 18% CMF - SG identique CI vs CC HR 0.86 p= 0,4. - La CAPECITABINE a une plus longue durée de traitement que le CMF (9 m vs 6 m). L’essai PELICAN - phase III 1ère ligne métastatique CAPECITABINE 1250mg/m² J1 à J14 versus PLD (Doxorubicine liposomale pegylée) 50mg/m² J1 -> J28 (14). - TTP identique entre C et PLD (m TTP 7.1 m vs 6.2 m HR 1.21 p=0.31). - OS identique (m OS 29,4 m vs 22,4 m HR 1.17 p= 0.44) - ORR et TTF identiques. Phase II MONICA 1ère ligne multicentrique (Germany) (15). métastatique prospective non R 1000mg/m² 2 fois par jour - Médiane TTP = 7.9 mois avec C. - Médiane OS = 18.6 mois - ORR = 26.1 Au travers de ces 3 essais la CAPECITABINE en monothérapie et en 1ère ligne chez des patients prétraités par ANTHRACYCLINES-TAXANES et pouvant avoir reçu un traitement hormonal donne une : - Médiane de PFS de 6 à 7,9 m et une - Médiane OS de 18,6 à 29,4 m 235 Ces résultats positionnent clairement la CAPECITABINE comme une option thérapeutique en 1ère ligne métastatique chez des patients probablement sélectionnés. L’activité anti-tumorale en 1ère ligne est identique aux autres agents cytotoxiques. Le XELODA n’a pas été comparé en études randomisées aux ANTHRACYCLINES et/ou TAXANES. L’incidence des effets secondaires grade ¾ dans ces essais phase II/III est décrite ci-dessous (table2). Deux études observationnelles prospectives Allemande et Française des pratiques en routine ont étudiées la CAPECITABINE en 1ère ligne (table 3) (16,17). L’étude ELIXIR - 655 patientes évaluables - CAPECITABINE en monothérapie : 1ère ligne = 40% 2ème ligne = 37% 3ème ligne = 24% 82% Monothérapie - 18% Association 25% > 3 sites métastatiques à l’inclusion 60% des patientes reçoivent entre 1600 et 2200 mg/m² Médiane PFS 1ère ligne = 7,9 m 2ème ligne = 8,4 m 3ème ligne = 7,4 m PFS globale : 7,9 m même PFS pour dose réduite 1000 mg/m² 2 fois par jour J1 à J14. Médiane OS = 24,1 mois Une autre option en 1ère ligne métastatique par voie orale en monothérapie est la VINORELBINE (NAVELBINE*). Des phases II donnent des TRO de 30 à 60% et une survie médiane de 21 à 26 mois. CONCLUSION. Au total une première ligne de chimiothérapie orale par CAPECITABINE ou VINORELBINE permet : - Une efficacité certaine, identique aux autres drogues y compris chez les patients de moins de 65 ans. - Des nouveaux schémas d’administration ont été testés à la recherche d’une meilleure efficacité et d’une moindre toxicité (18,19,20,21). - Ne compromet pas la réponse à une autre chimiothérapie en cas de progression. 236 - Permet une administration prolongée sans toxicité cumulative introduisant la notion de maintenance thérapeutique (22) L’avenir passera par une meilleure sélection de sous groupe de patients répondant mieux à une chimiothérapie orale. - 1) Sara SCHOTT: Oral VINORELBINE in metastatic breast cancer: review of current clinical trial results. Cancer Treatment Reviews 7/12/2011 - 2) Liu G, Franssen E, Fitch MI et al. Patient preference for oral versus intravenous palliative chemotherapy J Clin Oncol 1997, 15(1)110-5. - 3) Catania C.Didier F.Léon ME. Shanotto A. Mariani L. Nolé. 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Phase II study of oral vinorelbine in first line advanced Breast cancer chemotherapy. J Clin Oncol 2003, 21 (1): 35-40. - 8*) Bawega M.Suman VJ, Fitch TR, Maillard JA, Bernath A, Rowland KM, Alberts SR, Perez EA, .Phase II trail of oral vinorelbine for the treatment of metastatic breast cancer in patients > or = 65 years of age, an NCCTG study. Ann Oncol-2006 Apr, 17(4): 623-9 - 9) Tubiana- Mathieu N. Bougnoux P, Becquart D et al. All- combinaison of oral vinorelbine and capecitabine as first-line chemotherapy in HER2 negative metastatic breast cancer International phase II Trial.Br J Cancer 2009, 102 (2): 232-237. - 10) Hassan M, Osman MM. Combination of oral vinorelbine and capecitabine in the treatment of metastatic breast cancer patients previously exposed to anthracyclines.A pilot study, Hematol Oncol.Stem Cell Ther .2010, 3 (4) : 185-90 - 11) Finek J, Holubec L Jr,Svoboda T, Sefzhansova L. Pavlikova I, Votavova M, Sediva M Filip S, Kozevnikova R,Kozmunda S. A phase II trial of oral vinorelbine and capecitabine in anthracycline pretreated patients with metastatic breast cancer .Anticancer Res 2009 Feb, 29 (2) 667-70 237 - 12) Verma S, Zielinski C, Martin M. Evolution of chemotherapy options in HER2 negative metastatic breast cancer (MBC). Ann Oncol.2010, 21 (suppl 8) Abstract 282P D - 13) Stockler M, Sourjina T , Grimison P et al.A randomized trial of capecitabine given intermittently (IC) versus continuously (CC) versus classical CMF as first line chemotherapy for women with advanced breast cancer (ABC ) unsuited to more intensive treatment J. Clin Oncology 2007, 25 (suppl 18) : 39s.Abstract 1031 - 14) Jäger E, AL-Batran S Saupe S et al. 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Treat (2010) 122: 177-179 238 PEUT-ON POURSUIVRE INDEFINIMENT LES TRAITEMENTS EN PHASE AVANCEE ? FONDEMENTS HISTORIQUES ET SOCIAUX D’UN « DROIT A L’OBSTINATION DERAISONNABLE » Auteur Gilles FREYER, Service d’Oncologie Médicale, CH Lyon-Sud, Hospices Civils de Lyon – EMR 3738 « Modélisation de l’effet des anticancéreux », Université Lyon1 – Centre d’Investigation des Thérapeutiques en Oncohématologie (CITOH - INCa) – Programme Lyonnais d’Oncologie Gériatrique (PROLOG – INCa). 239 La prise en charge des patientes atteintes de cancer du sein métastatique, ayant épuisé tous les standards de traitements disponibles, se situe au carrefour de problématiques multiples : scientifiques et médicales, mais également économiques et, au-delà, sociétales voire philosophiques. Malgré les progrès thérapeutiques accomplis, notamment ces 10 dernières années, le cancer du sein métastatique reste une maladie incurable, dont la survie médiane se situait autour de 23 mois au début des années 90, contre 29 à 30 mois au début des années 2000.(1) Cette réalité statistique englobe et nivelle tout à la fois des faits cliniques disparates et tout oncologue est amené à prendre en charge des patientes dont le pronostic peut être compromis à quelques mois, ou, à l’opposé, dont la survie peut excéder 10 ans, ce qui est le cas en particulier pour les maladies hormonosensibles. L’arsenal thérapeutique aujourd’hui à notre disposition comporte de nombreuses molécules et l’amélioration des résultats thérapeutiques a induit une forme de chronicisation de la pathologie. Au-delà d’un certain nombre de lignes thérapeutiques, l’utilité des chimiothérapies et des thérapies ciblées devient plus que discutable en termes de survie et de qualité de vie, mais le bon état général maintenu chez de nombreuses patientes les rend demandeuses de thérapeutiques supplémentaires, dans un contexte où les oncologues sont eux-mêmes en situation de difficulté face à l’arrêt des traitements. 1. DONNEES DISPONIBLES Au-delà de la 3ème ligne métastatique, il existe peu de données concernant l’efficacité des chimiothérapies. (2) Dufresne et al ont publié une importante série rétrospective de patientes prises en charge en 1992 et 2002. Au total, 772, 505, 283, 127 et 55 patientes ont reçu une première, seconde, troisième, quatrième et cinquième ligne de chimiothérapie, respectivement. Le critère de jugement principal était la durée de contrôle tumoral, définie par le temps écoulé entre le début du traitement et la date de la première progression tumorale ou du décès. En première ligne, la durée médiane de contrôle tumoral était de 9,3 mois (0-120), 5,9 mois (0-83,6) en seconde ligne, 4,63 mois (0-37,2) en troisième ligne 4,1 mois (0-36,7) en quatrième ligne et 0,23 mois (0-15) en cinquième ligne. Les auteurs soulignent que le temps de contrôle tumoral était supérieur à 6 mois chez 23,5 % des patientes traitées en cinquième ligne. Ils concluent que ces bons résultats justifient de réaliser ainsi de nombreux traitements cytotoxiques successifs. Dans cette étude, le seul facteur prédictif d’efficacité thérapeutique était la durée de contrôle tumoral lors de la ligne de chimiothérapie précédente. Ces conclusions sont plutôt en contradiction avec la plupart des données antérieurement publiées sur ce thème, concluant à une incertitude sur le bénéfice thérapeutique et la survie au-delà de la troisième ligne (3)(4)(5) Il apparaît clairement que le biais d’une étude rétrospective comme celle de Dufresne est l’hypersélection des 127 patientes traitées en quatrième ligne et des 55 patientes traitées en cinquième ligne, comparativement aux 772 patientes initialement prises en charge en première ligne. Le problème n’est pas tant celui des décès intercurrents que celui des patientes qui ont pu être perdues de vue, sortir du circuit oncologique ou se tourner vers d’autres formes de prises en charge. (6) 149 patientes ont reçu une troisième ligne de chimiothérapie, pour un taux de réponses tumorales de 30%, une survie sans progression de 4 mois et une survie globale de 8 mois. L’existence d’une réponse à la précédente ligne de chimiothérapie était le seul facteur prédictif indépendant pour la réponse, la survie sans progression et la survie globale. 240 Une très importante étude sur plus de 215000 patients décédés des suites d’un cancer entre 1991 et 2000, a été publiée par Earle et al en 2008 (7). Elle fait le constat d’un manifeste sur-traitement des patients en situation très avancée voire terminale. Le taux de chimiothérapie réalisé dans les 2 dernières semaines avant le décès passe ainsi de 10 à 12% entre 1993 et 2000, avec un taux d’initiation d’une nouvelle ligne de traitement dans le dernier mois précédant le décès, relativement stable aux environ de 3% sur la même période. Dans cette étude, ce sont les patientes atteintes de cancer du sein métastatique qui reçoivent le plus fréquemment ces traitements manifestement inutiles et abusifs, avec une fréquence de l’ordre de 12%. Parmi les traitements proposés, les agents cytotoxiques sont majoritaires, suivis par les thérapeutiques ciblées et enfin les traitements hormonaux. Ces données sont corroborées par une étude finlandaise réalisée chez des patientes atteintes de cancer du sein métastatique et qui montre que 20% d’entre elles reçoivent une chimiothérapie durant le dernier mois de leur vie. Cette tendance au surtraitement semble être corrélée à une surestimation de la survie des patientes en phase avancée par les médecins. (8) (9) On trouve dans la littérature des scores pronostiques tels que PAP score (10) et le score de Barbot (11), ce dernier présentant l’avantage d’une plus grande simplicité. Le score de Barbot est établi à partir des paramètres suivants : existence d’une anorexie, d’une dyspnée, index de Karnofsky, taux de leucocytes, taux de lymphocytes et pronostic estimé par le médecin en semaines. Le score global permet de différencier 3 sous-groupes, dont la survie à 2 mois est respectivement égale à 8,3%, 42,7% et 92,2%. Ce score n’est pas spécifique du cancer du sein mais pourrait constituer, de façon globale, une aide tout à fait précieuse à la décision. Or, on doit bien constater qu’il est très peu utilisé en pratique courante. L’intérêt d’un traitement en phase avancée ne se limite cependant pas à son seul impact sur la survie. Il est admis en effet qu’il existe une corrélation entre la réponse au traitement et les symptômes présentés par les patientes atteintes de cancer du sein métastatique. (12)(13) Dans une étude réalisée chez des patientes atteintes de cancer du sein métastatique, les auteurs rapportent un taux d’amélioration symptomatique supérieur à 50% pour un taux de réponses tumorales de 38%(13). Cela fait évoquer l’intérêt des stabilisations tumorales (qui entrent dans la définition du bénéfice clinique), voire même d’un éventuel effet placebo de la chimiothérapie (14). De nombreuses études soulignent que les patients atteints de cancer sont en général disposés à accepter des toxicités importantes pour un bénéfice thérapeutique faible (15)(16)(17)(18)(19)(20), ce d’autant que les oncologues ont tendance à présenter aux patients une vision plutôt optimiste de leur pronostic, du reste assez peu discuté en tant que tel lors des consultations. (15) (19) (20) (21) Koedoot et al. ont montré par ailleurs que l’acceptation d’une éventuelle chimiothérapie par des patientes atteintes de cancer du sein métastatique (N = 207) est fortement influencée par leur perception de ce traitement avant même la consultation médicale. Dans cette étude, les patientes exprimant une forte ou une très forte préférence pour la chimiothérapie (versus soins palliatifs) reçoivent des soins de support exclusifs dans moins de 2% des cas. (21) L’analyse de l’ensemble de ces données est rendue aujourd’hui encore plus complexe par la récente publication de l’étude EMBRACE (22) Dans cette étude randomisée, 762 patientes porteuses d’un cancer du sein métastatique ont été incluses. Ces patientes avaient reçu de 1 à 7 lignes de chimiothérapie (médiane = 4). 81% d’entre elles étaient considérées comme réfractaires aux taxanes, 67% à la capecitabine et 56% aux anthracyclines. Les patientes étaient randomisées pour recevoir soit de l’éribuline, un nouvel agent antifusorial, ou bien une chimiothérapie au choix de l’investigateur. Les résultats en termes de survie globale sont clairement en 241 faveur de l’éribuline, avec une médiane de 403 jours dans le bras test contre 321 dans le bras contrôle (différence significative)[Figure 1]. L’analyse exploratoire des facteurs prédictifs de l’efficacité de l’éribulne semble retrouver une probabilité d’efficacité faible chez les patientes réfractaires aux taxanes. En revanche l’effet de l’éribuline est préservé chez les patientes réfractaires à la capecitabine, à la vinorelbine et aux anthracyclines. A la lumière de ces nouvelles données, que pouvons-nous conclure ? : - Il existe des données concordantes en faveur d’une efficacité exprimée en termes de réponse tumorale, contrôle des symptômes et amélioration de la survie, des chimiothérapies réalisées dans le cancer du sein métastatique au-delà de la troisième ligne ; - cependant, ce bénéfice est modeste, s’accompagne de toxicités non négligeables et de coûts de santé significatifs ; - -un nombre important de traitements inutiles, notamment à l’approche de la fin de vie, pourrait être évité par une meilleure appréciation du pronostic et dans le cadre d’un processus de décision partagée avec les patientes et avec les équipes soignantes. 2. APPROCHE HISTORIQUE ET SOCIOLOGIQUE D’UN « DROIT A L’OBSTINATION DERAISONNABLE » La question du traitement médical du cancer en phase avancée et de sa poursuite indéfinie, à l’initiative des patientes, des familles et des oncologues, pose sans aucun doute le problème plus général de l’attitude de nos sociétés contemporaines devant la mort et interroge nos propres conceptions sotériologiques. Parmi d’autres, l’historien Philippe ARIES a décrit l’évolution des attitudes des hommes devant la mort du moyen âge à nos jours.(23) Compagne familière des hommes du Moyen Age, qu’elle renvoyait à la certitude chrétienne de la vie éternelle, de l’immortalité personnelle et d’un monde meilleur, elle fit naître avec l’humanisme de la Renaissance à la fois un doute eschatologique et une vision plus épicurienne de la vie terrestre. Dès la seconde moitié du 18ème siècle puis au siècle suivant, l’homme romantique éprouve tragiquement la « mort de toi », douloureux regret de l’être aimé trop tôt disparu. La mort-fatalité d’autrefois est devenue la mort-ennemie et, au 20ème siècle, avec l’avènement de la médecine moderne, elle sera, dans un besoin d’immortalité et de jeunesse tout à la fois, exilée, mise à distance, c’est-à-dire le plus souvent laissée à la charge des médecins. Simultanément, les hommes ont plus ou moins cessé de croire au salut promis par les religions monothéistes, ne se satisfont plus, dans la société matérialiste et consumériste qui est la nôtre, du fatalisme des stoïciens d’autrefois, ne croient plus aux vertus de l’engagement politique ou patriotique comme transcendance possible à leur propre vie, et sont finalement revenus des sagesses que leur proposaient naguère les philosophies de la liberté ou encore l’existentialisme. En dehors des radicalismes politiques ou religieux qui ne semblent s’épanouir que par la contrainte ou la violence, les sociétés modernes et en particulier occidentales, se réclament avant tout d’une réalité matérielle dont même la physique quantique s’avère incapable d’établir les fondements. La science, la technologie et en particulier la biomédecine ne sont pas porteuses de valeurs en tant que telles, voire même suscitent des rejets impulsifs qui traduisent tout à la fois l’ignorance des populations, l’angoisse en face de l’inconnu et la 242 déception vis-à-vis d’une science que l’on aimerait toute puissante. A cet égard, les opinions aujourd’hui couramment véhiculées à propos des industriels du médicament renvoient très largement à ce paradoxe. La loi LEONETTI de 2005 exprime très clairement le rejet de « l’obstination déraisonnable », qui se traduit notamment par la réalisation de procédures diagnostiques ou thérapeutiques sans utilité pour les patients, voire nuisibles. L’opinion largement répandue chez la plupart des intellectuels, éthiciens et juristes, selon laquelle de nombreux patients atteints de cancer en phase avancée seraient ainsi victimes de l’obstination déraisonnable des médecins, trouve un écho dans cette loi et pose ainsi aux cancérologues certaines limites exprimées par le corps social. Cependant, la question aujourd’hui pertinente d’une « obstination légitime des patients » doit être évoquée, car elle est perçue, dans leur pratique courante, par les oncologues, comme l’a montré G. Chvetzoff à l’occasion de son travail de thèse d’éthique. (24) La demande de traitements exprimée par des patientes dont la pathologie a été chronicisée, dont l’état général est longtemps très bien conservé, demande relayée par les conjoints et les familles le plus souvent, rend difficile un refus que rien ne vient aujourd’hui légitimer : ni les possibilités de prescriptions multiples, ni la reconnaissance sociologique de cet état de fait, ni les recommandations des sociétés savantes qui, hormis les RPC St Paul, n’abordent pas ces questions ; ni les autorités de santé qui n’ont à ce jour exprimé aucune restriction, en particulier médico-économique. Un refus de traitement spécifique au profit de soins de support qui serait davantage bénéfique au patient, la juste estimation d’un pronostic à l’approche de la fin de vie, un travail d’équipe permettant d’endiguer la tentation du énième traitement spécifique inutile, sont autant de bonnes pratiques requérant expérience, compétence et de nombreuses heures passées avec le patient. Or, tout cela n’est en rien valorisé par les critères d’efficacité médico-économiques aujourd’hui appliqués aux services de cancérologie, à la différence de la multiplication des actes techniques et notamment des chimiothérapies. 3. Une évaluation d’un traitement « alternatif » en phase avancée : l’étude ONCOMEO Sur la base du constat de la difficulté de prise en charge des patients en phase avancée, ayant épuisé tous les standards de traitement, notre équipe a fait le choix du développement précoce de nouveaux agents anticancéreux, dans le cadre d’une plateforme d’essais de phase 1 labellisée par l’INCa (www.pols- phase1.eu). Pour les patients non incluables dans ces essais de nouveaux médicaments, nous avons mis en place, en partenariat avec le laboratoire Boiron, une étude exploratoire de l’effet d’un candidat médicament homéopathique, Ruta Graveolens. L’intérêt était tout à la fois scientifique (évaluer l’effet thérapeutique) et sociologique (évaluer dans quelle mesure la demande thérapeutique des patients pouvait être satisfaite dans ce cadre). L’objectif principal de l’étude était la survie sans dégradation de la qualité de vie. Trente patients ont été inclus en situation monocentrique, en 18 mois. Les résultats de cette étude sont en cours d’analyse et seront présentés lors de la réunion. 243 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1-Andre F, Slimane K, Bachelot T, Dunant A, Namer M, Barrelier A, et al. Breast cancer with synchronous metastases : trends in survival during a14-year period. J Clin Oncol. 2004 Aug 15;22(16):3302-8. 2-Dufresne A, Pivot X, Tournigant C, Facchini T, Altweegg T, Chaigneau L, et al. Impact of chemotherapy beyond the first line in patients with metastatic breast cancer. Breast Cancer Res Treat. 2008 Jan;107(2):275-9 3-Jassem J, Carroll C, Ward SE, Simpson E, Hind D. 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Thèse d’Université, Paris V, 2010. 245 Figure 1 : Survie globale des patientes incluses dans l’étude EMBRACE (22). 246 SPECIFICITES DES SOINS ONCOLOGIQUES DE SUPPORT EN SITUATION METASTATIQUE : ASPECTS CLINIQUES ET ORGANISATIONNELS. Auteur Dr Mario Di Palma, Département Ambulatoire, Institut Gustave Roussy – Villejuif 247 Si les femmes souffrant d’un cancer du sein métastatique sont rarement guérissables de leur maladie, il est possible, grâce aux différents traitements disponibles, en particulier la chimiothérapie et les traitements hormonaux, d’accroître leur survie et d’améliorer leur qualité de vie. Le cancer du sein métastatique correspond bien à une situation palliative, c'est-à-dire selon la circulaire de la DHOS : « la phase durant laquelle les objectifs des soins et des traitements sont la prise en compte de la qualité de vie et, chaque fois que possible, la durée de vie, si l’obtention d’une réponse tumorale est encore possible malgré l’impossibilité d’une guérison ». Autrement dit, même si la guérison est en règle impossible, il est licite et éthique de proposer à ces patientes des traitements spécifiques de leur maladie. Il ne faut donc pas confondre phase palliative et phase terminale : la phase terminale étant la phase au cours de laquelle « le décès est inévitable et proche, l’objectif des soins et des traitements est alors uniquement centré sur la qualité de vie ». Effectivement, la survie des patientes souffrant d’un cancer du sein métastatique peut parfois se compter en années et, en réalité, tout est possible entre la patiente qui va souffrir d’une forme très agressive, polymétastatique d’emblée et la patiente qui souffre de métastases osseuses exclusives d’un cancer hormono-sensible. Cette incertitude quant au pronostic et à l’espérance de vie des patientes concernées est un élément fondamental à considérer dans la prise en charge de ces patientes. Il convient alors, à chaque fois que l’on est tenté de proposer une nouvelle ligne thérapeutique, de se poser la question des objectifs du traitement et du prix que la patiente va payer en termes d’effets secondaires et d’inconvénients (par exemple des séjours itératifs à l’hôpital) par rapport aux bénéfices escomptés. Les soins de support qui ont été définis comme « l’ensemble des soins et soutiens nécessaires aux personnes malades tout au long de la maladie, conjointement aux traitements oncologiques spécifiques lorsqu’il y en a » ont toute leur place pour des patientes souffrant d’un cancer du sein métastatique. Les soins de support, on le rappelle, comprennent les médicaments de support, c'est-à-dire les traitements anti-émétiques, les facteurs de croissance, les traitements à visée osseuse (en particulier les biphosphonates), les traitements des douleurs, l’onco-psychologie, la kinésithérapie, la rééducation fonctionnelle, le soutien social, le soutien nutritionnel et bien sûr les soins palliatifs. Si les soins du support concernent l’ensemble des patients souffrant d’un cancer quel que soit le stade de la maladie, ils sont d’autant plus importants chez les patients en situation palliative pour lesquels le maintien de la qualité de vie, le contrôle des symptômes est un objectif prioritaire, encore plus qu’en situation adjuvante. Les soins de support font partie intégrante de la prise en charge oncologique d’une patiente souffrant d’un cancer du sein métastatique, l’objectif étant d’améliorer les symptômes éventuellement liés à la maladie elle-même (douleurs des métastases osseuses, dyspnée en cas d’atteinte pleuro-pulmonaire, etc…) mais aussi tous les effets secondaires liés aux traitements oncologiques. L’association systématique des soins spécifiques et des soins de support permet d’améliorer l’index thérapeutique et donc de mieux répondre aux besoins des patientes. Ces soins de support pourront être administrés à l’initiative de l’oncologue, ce qui est souvent le cas en particulier pour les médicaments de support, mais également en faisant appel aux divers spécialistes concernés. Pour cela, il conviendra de réaliser une analyse la plus précise possible de la situation et surtout d’associer la patiente et son entourage à la réflexion quant aux objectifs des traitements proposés, ce qui, en fait, permet à la patiente de faire état de ses difficultés et d’avoir l’accès aux équipes spécialisées, par exemple dans le traitement de la douleur ou pour un soutien psychologique. A un certain moment de la prise en charge, si les symptômes deviennent plus importants et/ou lorsque leur nombre fait que les interventions en soins de support se multiplient, on pourra se poser la question, si on 248 en a la ressource, de proposer à la patiente une prise en charge conjointe avec une équipe mobile de soins palliatif et cela même si l’on continue à utiliser des traitements spécifiques de la maladie, chimiothérapie par exemple. L’intérêt de cette prise en charge anticipée conjointe est d’essayer de faciliter l’arrêt des traitements spécifiques, de préparer cet arrêt avec la patiente et son entourage, mais aussi avec l’équipe qui éventuellement sera amenée à prendre le relais en phase terminale et permettre ainsi que cette étape soit vécue de façon un peu moins violente. Cela pourrait aussi peut-être éviter en quelque sorte « la chimiothérapie de trop » c'est-à-dire la poursuite d’un traitement spécifique dont les effets secondaires et les inconvénients pour la patiente seraient supérieurs aux bénéfices avérés. L’étude de Temel publiée récemment dans le New England Journal of Medicine et concernant les patients souffrant d’un cancer du poumon métastatique soutient cette démarche en montrant que la prise en charge conjointe anticipée par une équipe de soins palliatifs et l’équipe oncologique, non seulement améliore la qualité de vie des patients mais en plus améliore leur survie. L’identification des objectifs des traitements, le partage de ces objectifs avec la patiente, l’évaluation et la prise en compte des besoins en soins de support permet de sélectionner les patients pour lesquels une prise en charge conjointe anticipée avec une équipe mobile de soins palliatifs pourrait avoir un intérêt. Les progrès continus réalisés dans la mise au point de nouveaux traitements des cancers du sein métastatiques, permettent de proposer sans cesse de nouvelles perspectives thérapeutiques aux patientes. Ceci rend encore plus nécessaire l’intégration des soins de support dans la prise en charge globale de ces patientes. 249 L’ANNONCE D’UNE RECHUTE D’UN CANCER DU SEIN : LE PONT DE VUE DU PSYCHIATRE Auteur M.Reich Equipe de psycho-oncologie. Centre Oscar Lambret, 3, rue Frédéric Combemale, F-59020 Lille, France « Les médecins ont l’épouvantable privilège de trouver les mots pour nommer la perte de leurs semblables » (Hervé Hamon in : Nos médecins, ed Seuil 1994) 250 Abstract Cancer relapse disclosure even more than initial breast cancer announcement is a traumatic experience for patients and physicians. Moment feared by any patient, sometimes anticipated since the beginning of the initial diagnosis, justifies the oncologist tact, availability, listening, support and empathy. All the recommendations "knowing how to be" in order "to know how to say" require a consequent time of consultation estimated between 45mn and 60mn. To adapt itself to the personality of the patient, often already known since the first-line treatment, to legitimize its emotional distress, to give explanations on the new therapeutic strategy proposed, reinsurance on the possibility to control the symptoms in case of a symptomatic relapse will guaranty compliance to the project of care and will prevent psychopathological disorders occurrence. Keywords: relapse, recurrence, breast cancer, cancer disclosure, bad news Résumé L’annonce d’une rechute plus encore que l’annonce initiale d’un cancer du sein, est une épreuve traumatisante pour les patientes et pour les médecins. Instant redouté par tout malade, parfois anticipé depuis le début du diagnostic initial, il justifie de la part de l’oncologue tact, disponibilité, écoute, soutien et empathie. Toutes les recommandations de « savoir être » afin de « savoir dire » nécessitent un temps de consultation suffisamment conséquent estimé entre 45mn à 1h. S’adapter à la personnalité de la patiente, souvent déjà connue depuis le traitement de première ligne, légitimer sa détresse émotionnelle, fournir des explications sur la nouvelle stratégie thérapeutique proposée, rassurer sur la possibilité d’un contrôle des symptômes en cas de rechute symptomatique, seront le garant d’une bonne adhésion au projet de soins et d’une prévention de la survenue de troubles psychopathologiques. Mots clés : rechute, récidive, cancer du sein, annonce, mauvaise nouvelle Introduction L’annonce d’une rechute d’un cancer du sein est un événement très différent de l’annonce initiale de cette pathologie. Pour ces patientes, c’est un retour de la maladie et donc l’histoire de leur cancer qui continue. La résurgence de ce « mauvais souvenir » dont elles pensaient s’être débarrassées, va les contraindre à devoir faire le deuil d’un équilibre fragile qui avait pu être retrouvé au niveau physique, familial et parfois socioprofessionnel. De plus, cette récidive va, chez ces patientes, durablement modifier tant leur trajectoire de vie que leur parcours de soins avec une prise en charge programmée sur le moyen ou long terme 14. Elle représente aussi une charge émotionnelle écrasante pour les patientes, questionnant leur capacité à recevoir et entendre la ou les informations négatives sur leur santé. Il en est de même pour le médecin annonceur, qui dans ce processus d’annonce, voit sa compétence technique et relationnelle mise à l’épreuve. Il y a d’ailleurs souvent un déplacement de l’anxiété du praticien (« comment dois-je annoncer cela sans trop la traumatiser ? ») vers la patiente (« que va-t-il me dire et comment vais-je m’en sortir après cela ? ») 19. C’est donc bien d’un acte de langage dont il est question. Dans cet article, nous voudrions préciser l’aspect contextuel, symbolique et temporel de l’annonce d’une rechute de cancer du sein, ses répercussions psychologiques avec la mise en place de mécanismes de défense et de stratégies d’adaptation et les facteurs de risque de possible décompensation psychiatrique. Nous proposerons quelques pistes de réflexion sur la manière de gérer la crise de confiance et d’atténuer l’impact traumatique qui en découlent chez ces patientes. Nous détaillerons plus particulièrement l’annonce d’une rechute métastatique, révélation fortement chargée sur le plan émotionnel et symbolique. 251 Quelles annonces ? Trois situations bien spécifiques d’annonce peuvent être distinguées : la récidive locale d’un cancer du sein, la contro-latéralisation et la rechute métastatique. Les modalités de révélation pouvant être de plusieurs ordres : Chez une patiente asymptomatique : - une augmentation isolée du marqueur tumoral CA 15-3, en sachant qu’il est souvent déconseillé d’effectuer ce dosage chez une patiente asymptomatique - des anomalies révélées lors de la mammographie de contrôle au cours d’une consultation de surveillance annuelle, et la récidive locale du sein traité sera confirmée lors de la biopsie, - des anomalies suspectes au niveau du sein controlatéral dépistées par la mammographie et la récidive controlatérale sera confirmée lors de la biopsie. Ces deux dernières situations étant différentes d’une situation métastatique. Chez une patiente symptomatique : - l’existence de douleurs locales au niveau du sein traité motivant la réalisation d’une mammographie puis de biopsies, en sachant qu’il s’agit d’une situation rare, la douleur mammaire est très rarement le signe d’une récidive locale. - une symptomatologie physique telle que la présence de douleurs osseuses ou de dyspnée, un état anormal de fatigue ou d’anorexie et dont les explorations complémentaires viendront confirmer la rechute symptomatique métastatique ce qui traduira pour la patiente l’entrée dans la chronicité de sa maladie et le fait qu’elle ne guérira pas. Quelle symbolique dans le processus d’annonce de rechute? L’annonce d’une mauvaise nouvelle est symbolique en ce qu’elle constitue un acte de langage, de reconnaissance et de nomination d’une maladie voire de son pronostic. En cas de rechute, elle réintroduit le sujet dans le cadre de la pathologie et va donc à nouveau modifier radicalement sa réalité physique et temporelle. Intrinsèquement, cette annonce constitue un acte contre nature apportant du non-sens à la vie des patientes. Inscrite dans l’instant et dans la continuité d’une rencontre entre un médecin et une patiente, l’énonciation d’une mauvaise nouvelle doit pouvoir se traduire par une réciprocité de l’échange (« colloque singulier ») et se poursuivre par un accompagnement de la personne, considérée comme sujet en soins et non pas objet de soins. Ainsi, toute annonce de mauvaise nouvelle doit être entendue comme l’amorçage d’un acte thérapeutique en soi 20. Ceci n’est pas forcément intégré chez les confrères radiologues qui restent très souvent les premiers annonceurs et qui ne sont pas dans une situation facile 2. Toutefois, avec le développement du dispositif d’annonce, une prise de conscience de l’importance des phénomènes d’annonce est en train de s’opérer 1.Les enjeux symboliques de cette annonce concernent tant le malade receveur que le médecin annonceur. a) Pour la patiente Il s’agit de pouvoir se représenter sa propre mort et d’être confrontée à sa finitude ou à une perspective de perte ce qui constitue le « primum movens » du traumatisme psychique originel. L’inconscient ne peut se représenter sa propre mort nous rappelle Freud. Pouvoir entendre et vivre cette vérité d’une vie qui peut en être durablement modifiée, n’est pas chose aisée. 252 b) Pour le médecin Il s’agit de dire une vérité iatrogénique avec toute la souffrance que cela implique, qu’elle passe par le canal d’une communication verbale ou non verbale (mimiques, gestuelles). C’est aussi pour le praticien la capacité à se représenter la mort de l’autre et entendre la représentation de la mort de l’autre, tout en gérant sa propre culpabilité (exemple : peur d’entraîner des réactions émotionnelles incontrôlables chez la patiente). La situation singulière de l’acte d’énonciation d’une mauvaise nouvelle, met en scène le soignant qu’on est, le sujet qu’on est avec notre propre histoire et notre propre inconscient et le futur malade que l’on pourrait devenir. La question des temporalités de l’annonce La récidive d’un cancer du sein implique la dimension de la chronicité de la maladie cancéreuse qui va questionner de manière centrale la place des patientes et leur rapport au temps dans leurs expériences, leurs attitudes adoptées et les vécus manifestés 14. L’annonce d’une récidive constitue une « rupture dans la rupture biographique » de ces femmes, en induisant chez elles une nouvelle temporalité ce qui modifie leur rapport au temps 14. Celles-ci étant amenées à repenser la façon de penser et de se situer dans la maladie avec pour corollaire une modification des représentations et des vécus du cancer 14. Chaque annonce diagnostique comprend plusieurs temps et se décompose en plusieurs séquences d’annonce. Si la temporalité de la maladie s’inscrit en termes de chronologie physiologique du patient (âge de découverte, début de la symptomatologie) et histopathologique (stade d’évolution), le médecin ne peut faire l’abstraction d’une temporalité « psychique » lors du processus d’annonce. Or le moment où la maladie va être apprise par la patiente va déterminer la façon dont elle sera perçue et vécue ultérieurement 16. A la temporalité physique assimilée à un temps d’action (énonciation de la rechute, mise en place des traitements) associée à une temporalité « matérielle » constituée par la durée de la consultation éminemment variable selon le temps que le praticien pourra accorder au malade, va faire écho une temporalité psychique qui ne va pas se dérouler sur le même tempo. Au moment de l’annonce, la temporalité psychique va débuter par un temps de sidération de l’esprit, avec obturation voire anesthésie de la pensée. Ceci se traduit par le paradoxe suivant : alors que la patiente aurait besoin de tout entendre et comprendre pour adhérer au traitement, signer un éventuel consentement dit « éclairé » en cas de proposition d’inclusion dans un essai clinique, l’état de sidération dans laquelle elle se trouve, fera qu’elle n’entendra plus rien de ce qui sera dit durant le premier quart d’heure qui suivra la révélation de la rechute. Vient ensuite un temps d’assimilation et d’intégration du discours médical avec la nécessité de pouvoir se représenter ce qui vient d’être dit et d’en prendre la pleine mesure. Il sera suivi par un temps dit d’adaptation ou d’ajustement avec la nécessité de s’adapter au diagnostic et aux prochaines échéances thérapeutiques. Viendra ensuite le temps du deuil avec la difficulté de devoir effectuer un travail de deuil par rapport à l’état antérieur et aux remaniements qui vont à nouveau se produire au niveau personnel, familial et professionnel 19. Quelles répercussions psychologiques de cette annonce ? Quelque soit le contexte de découverte, l’annonce d’une rechute ou d’une récidive reste pour les patientes et leur entourage, une épreuve plus difficile à vivre que l’annonce du diagnostic initial de cancer 9, entraînant souvent une réactivation du traumatisme de l’annonce initiale 4,16. La peur de la récidive et de la mort reste très ancrée dans le vécu des patientes surtout lors des phases de rémission voire de guérison. Une étude de Mehnert et al 8 retrouve parmi 1023 patientes en rémission de leur cancer du sein, une crainte de la récidive chez 24 % d’entre elles et 37% sont confrontées à des pensées intrusives en rapport avec la maladie. Lors de cette annonce vécue comme une « douche écossaise », les patientes peuvent voir leurs mécanismes de défense (ex : déni, clivage, banalisation, minimisation, annulation, déplacement, identification, projection…) qui avaient permis auparavant l’adaptation aux phases 253 antérieures, soudainement s’effondrer et les exposer ainsi à toutes sortes de réactions psychopathologiques plus ou moins intenses 16. Réalisant brutalement la gravité potentielle de leur situation médicale, elles peuvent voir leurs perspectives d’avenir s’assombrir (« je ne connaitrais jamais mes petits enfants ») et être sidérées par le spectre d’une possible mort prochaine qu’elles auront tendance à anticiper et projeter, parfois de manière irrationnelle (« je suis condamné », je ne m’en sortirais jamais »). A cet instant, l’angoisse de mort peut être exacerbée et s’accompagner du démarrage d’un deuil anticipé face aux pertes prochaines. Cette perspective peut donc générer un état de sidération, d’incrédulité voire d’effroi avec ultérieurement la présence de pensées intrusives et l’instauration de conduites d’évitement 4. Des insomnies, des ruminations et des difficultés de concentration peuvent émerger et rendre difficile la réalisation des activités quotidiennes. La difficulté pour ces patientes est la nécessité de devoir se confronter à nouveau à la maladie, et de pouvoir réinvestir les nouvelles propositions thérapeutiques, ce qui passe par la nécessité de faire le deuil de leur état antérieur de stabilisation. Durant cette phase d’annonce de la rechute, les patientes voient émerger divers sentiments tous plus perturbants sur le plan émotionnel : tristesse, désespoir, désarroi, impuissance, dépendance, fatalisme, vulnérabilité, aliénation. Cette détresse émotionnelle est majorée par la perspective de traitements qu’elles ont soit déjà connus ou au contraire qu’elles redoutaient d’avoir à s’y confronter. La manifestation d’un cortège d’autres sentiments est possible, allant de la colère, de l’injustice (« je n’ai pas mérité cela ») de l’incompréhension (« ce n’est pas vrai »), de la révolte, de l’échec, de la perte d’espoir (« je ne vais pas m’en sortir ») voire de la culpabilité (« pourtant j’ai bien suivi tous les traitements correctement, qu’ai-je fait pour que cela ne marche pas ? »). L’ébranlement de la confiance accordée au corps médical, véritable « crise de confiance » est manifeste et peut générer des réactions de rejet, de déni avec répression des affects, de fuite voire d’un recours exclusif aux médecines alternatives. Ces réactions seront à la mesure des sentiments de profonde désillusion et d’insatisfaction que ces patientes vont éprouver par rapport aux choix thérapeutiques initiaux qui se seront révélés comme inefficients. Une recherche de sens et d’explication causaliste face à l’incompréhensible est classique et permet aux patientes d’essayer de retrouver une maîtrise sur ce qu’elles sont en train de vivre 16. Ceci peut s’associer à des interrogations existentielles sur la mort et le sens accordé à la vie. Parfois, on peut observer certaines réactions paradoxales telles qu’un soulagement faisant suite à la peur de la récidive (syndrome de Damoclès caractérisé par la crainte permanente de la récidive du cancer assimilée à une épée suspendue au dessus-de la tête des patientes). Certaines études 7,21 retrouveraient une relation entre le niveau de détresse émotionnelle exprimée lors de l’annonce de la rechute d’un cancer et le degré d’anticipation de cette rechute et le fait de donner du sens à ce qui arrive. Ainsi, les patientes surprises par la découverte fortuite et soudaine de cette rechute et donc qui ne s’y attendaient pas, vont présenter un niveau élevé de détresse émotionnelle. Inversement, les patientes qui rapportent n’avoir jamais cru à la guérison de leur cancer, même après une rémission d’un an, apparaissent moins éprouvées par la nouvelle 21. Si la première annonce de récidive est accompagnée par une intense déception, les suivantes sont parfois vécues avec acceptation, résignation et fatalisme voire prostration et ne présentent plus le même impact traumatique. Parfois, les réactions psychopathologiques seront différées par rapport au temps de l’annonce et se manifesteront lors de la confrontation aux effets secondaires de la chimiothérapie, en particulier l’alopécie si la patiente n’y a jamais été confrontée auparavant. Chez certaines patientes, les réactions ne seront pas sous tendues par le catastrophisme. Au contraire, l’annonce permettra l’obtention d’un soulagement en mettant un terme à une période d’incertitude douloureuse. Parfois même, le praticien sera surpris de voire sa patiente accepter un pronostic péjoratif, car elle se focalisera plus sur le temps de vie obtenu jusqu’alors 16. Sur un plan psychologique, pour ces patientes, ces diverses modalités de découverte d’une rechute sont tout autant porteuses d’anxiété et de détresse psychologique. Les consultations de surveillance sont souvent anxiogènes pour ces patientes, qui appréhendent soit consciemment ou inconsciemment, d’être à 254 nouveau confrontées à l’annonce de mauvaises nouvelles 6. Lors de l’annonce de la rechute, l’anxiété légitime des patientes pourra se transformer en un tableau psychiatrique plus préoccupant tel qu’un épisode dépressif majeur, un syndrome de stress post traumatique, un trouble de l’adaptation ou un trouble anxieux généralisé 10,11, d’autant plus si elles sont asymptomatiques. En effet, dans ce cas de figure, les patientes ne peuvent s’appuyer sur un symptôme physique qui pourrait cognitivement les aider à envisager l’éventualité d’une rechute et intégrer la possibilité d’une réactivation du cancer. L’annonce de la rechute effectuée par le médecin, signifiant alors pour la patiente que l’on a trouvé la cause de ses symptômes, et qu’un traitement spécifique pourra lui être proposé afin de la soulager. La reprise d’un traitement par chimiothérapie peut donc parfois être mieux acceptée, car la patiente va entretenir l’espoir que celui-ci soit rapidement efficace. Parfois, le dosage régulier du marqueur tumoral pourra engendrer des conduites obsessionnelles, faites de recherche de maîtrise et de contrôle permanent, de notifications des chiffres avec parfois visualisation sous forme d’un graphique des courbes de suivi. Ce comportement va alimenter des attitudes d’anxiété anticipatoire dans l’attente du résultat du prochain dosage. Certaines patientes peuvent ainsi accorder une importance extrême quasi magique au dosage de leur marqueur tumoral 6. Une augmentation des taux du marqueur, pouvant parfois générer un sentiment de panique amenant les patientes à consulter plus précocement, au risque de se voir signifier la rechute alors même qu’elles restent encore asymptomatiques. A l’angoisse et au choc traumatique d’avoir à « encaisser » l’annonce de la rechute, vont venir se surajouter pour ces femmes, l’angoisse de devoir l’annoncer à leur tour à l’entourage familial et la difficulté de dire ou taire ces informations aux enfants. C’est le classique phénomène d’annonce en cascade 18. Mécanismes de défense Face au traumatisme psychique induit par l’annonce d’une rechute, les mécanismes de défense servent d’abord à protéger la patiente; s’ils sont adaptatifs, ils doivent autant que possible être respectés. Processus inconscients, ces mécanismes défensifs sont tributaires du vécu émotionnel des patientes mais ne sont pas figés dans le temps. Il s’agit de notions dynamiques, qui vont suivre les évolutions psychiques des patientes dans le temps, obligeant ainsi le médecin à se positionner lui aussi dans le temps. Face à l’annonce de la rechute, outre les mécanismes de défense instaurés inconsciemment par les patientes, celles-ci pourront mettre en place des mécanismes d’adaptation en tant que processus d’ajustement parfaitement conscient, destinés à s’adapter à une situation donnée. Ils sont sous tendus par les perspectives de confrontation à la mort prochaine, à des symptômes physiques invalidants, à la dépendance et aux pertes et deuils engendrés par l’évolution de la maladie 5. Classiquement, ces stratégies d’ajustement face à l’adversité dite stratégies de « coping » (de l’anglais « to cope » que l’on peut traduire par « faire face à ») peuvent schématiquement être classées selon deux finalités 17 : - un « coping » centré sur l’émotion avec la mise en place de stratégies permettant de réguler les réponses émotionnelles et de diminuer ainsi la tension et la détresse émotionnelle générées par le contexte d’annonce. - un « coping » centré sur le problème avec la mise en place de stratégies afin de gérer ou modifier le ou les problèmes responsables de la détresse émotionnelle. Ainsi, certaines stratégies d’ajustement pourront être relevées chez les patientes et viendront impacter positivement ou négativement leur adaptation. 255 Les stratégies d’adaptation positive seront caractérisées par la présence d’un esprit combatif associé à un positivisme, une agressivité, la recherche d’informations et de soutien social et la confrontation et l’expression des sentiments. A l’opposé, les stratégies d’adaptation négative se traduiront par un manque de combativité et de passivité, une tendance au fatalisme et à la résignation, un sentiment permanent de désespoir, des attitudes de fuite et d’évitement et une propension à la répression des affects et des émotions. Facteurs de risque de décompensation psychopathologique lors des situations d’annonce de rechute La récidive constitue un moment clé à risque de décompensation sur le plan psychique pour les patientes qui y sont confrontées. Ainsi, l’annonce d’une première récidive tumorale de cancer du sein peut entraîner chez les patientes des réactions psychopathologiques telles qu’une dépression réactionnelle ou un trouble de l’adaptation. Ces deux entités pourront pérenniser un état de détresse psychologique, grevant la qualité de vie de ces patientes et dont la prévalence est estimée dans certaines études jusqu’à 42% 10. Les troubles psychiatriques (dépression, dysthymie, trouble panique, stress post traumatique, anxiété généralisée, troubles de l’adaptation) au sein de cette population spécifique de femmes confrontées à la récidive de leur cancer du sein, étant chiffrés à 22 % dans une autre étude 11. D’autres études ont cherché à mettre en évidence des facteurs prédisposant à un risque de mauvaise adaptation en cas d’annonce de première récidive tumorale. Ainsi des facteurs tels que le jeune âge, un stade OMS élevé ou un index de Karnofsky bas, la présence de douleurs au moment de la récidive et des antécédents d’épisode dépressif majeur seraient prédictifs d’une mauvaise adaptation à l’annonce de la rechute 12. De même, la présence d’un sentiment persistant de désespoir au moment et jusqu’à quatre mois après l’annonce, associée à un isolement affectif (absence de partenaire) seraient prédictifs de la survenue de troubles dépressifs 3. Comment gérer la crise de confiance induite par l’annonce de la rechute ? L’annonce d’une rechute entraîne inévitablement chez une patiente une crise de confiance interférant dans la relation médecin/malade. Ce d’autant que de multiples idées préconçues sur les difficultés émotionnelles présentées par les patientes au moment de l’annonce peuvent compliquer la communication interindividuelle 5. L’énonciation de la rechute place le médecin annonceur dans une position de double contrainte : informer sans pour autant faire perdre tout espoir. Cela sera d’autant plus complexe que la situation médicale s’avère critique ou de mauvais pronostic. Le praticien doit aussi faire face à la possible remise en question par la patiente de ses compétences et des options thérapeutiques choisies précédemment. Il devra pouvoir fournir de nouveaux arguments afin de réussir à persuader la patiente d’accepter et de réinvestir un nouveau protocole thérapeutique. A un stade métastatique du cancer, les priorités thérapeutiques de l’oncologue vont changer puisqu’il ne s’agit plus d’envisager la guérison mais le contrôle de l’évolutivité de la maladie ou du moins le ralentissement de la progression tumorale. Il importe de faire passer le message suivant aux patientes qu’elles ne seront pas abandonnées et que le « combat continue ». La récidive doit être considérée s’il s’agit d’un premier épisode comme « un incident de parcours », aussi déstabilisant puisse-t-il être pour les patientes, auquel il convient d’apporter une solution. Toutefois, le médecin confronté à des incertitudes sur l’efficacité thérapeutique, surtout s’il s’agit de mettre en place une énième ligne de chimiothérapie, doit tenir un discours de sincérité vis-à-vis de ses patientes, sans minimiser le risque ou la gravité de la situation, mais en essayant de préserver « le moral » des patientes. En situation de rechute tumorale, la demande de soins thérapeutiques des patientes est aussi une demande de sincérité relationnelle, ce qui est tout à fait différent d’une vérité pronostique statistique assenée parfois violemment. Reconnaissons qu’il est parfois bien difficile pour le médecin de respecter obligatoirement cet engagement 19. Les « guidelines » modernes de techniques de communication en oncologie mettent l’accent autant sur la manière d’énoncer la mauvaise nouvelle, que sur le respect des attentes des 256 patientes concernant leur désir à être informées, et leurs préférences à être impliquées dans le processus décisionnel 13. Comment atténuer l’impact psychologique de l’annonce d’une récidive de cancer du sein ? La manière dont la rechute de la maladie va être apprise par la patiente, va déterminer la façon dont elle sera perçue et vécue ultérieurement, avec des traumatismes qui seront ravivés lors de chaque récidive ou toute nouvelle situation d’annonce 20. De même, le vécu émotionnel des patientes va dépendre en grande partie du rappel mnésique de l’annonce princeps et la façon dont a été annoncée et énoncée la première mauvaise nouvelle, celle du diagnostic initial de cancer du sein. Les relations instaurées lors de la prise en charge initiale avec les équipes pluridisciplinaires (oncologues, équipe des soins de support) vont être déterminantes dans le vécu de la récidive. Plus les liens relationnels entre les patientes et les équipes soignantes auront été intenses voire pour certaines d’entre elles très fusionnelles, plus le contrat moral de non abandon et de poursuite de l’accompagnement tant sur le plan physique que psychologique prendra toute son importance et sa légitimité. A la perte de confiance suscitée par l’annonce de la rechute, doit succéder de la part des équipes tout un système de stratégies tant sur le plan de la mise en route des traitements somatiques que sur un plan communicationnel, afin de récréer un climat de sécurité chez ces patientes. « Il n’y a pas d’annonce sans larmes ni souffrance » rappelait un éminent oncologue de l’institut Gustave Roussy, le Pr Thomas Tursz. Néanmoins, le médecin pourra suivre les recommandations suivantes afin d’atténuer autant que faire ce peut le traumatisme de cette annonce. Le choix des mots employés par l’oncologue est primordial. Quels mots peuvent être entendus et compris par la patiente ? Que sait-elle déjà de sa situation médicale avant l’annonce ? Le choix des termes utilisés doit être progressif pour s’adapter au rythme de compréhension de la patiente et de son entourage, tout en prenant garde aux termes ambigus, souvent plus générateurs de confusion que protecteurs. Tel un médicament qui pris à trop faible dose serait inefficace ou pris à trop forte dose serait toxique, la quantité d’informations à donner sera fonction des besoins de la patiente (ni trop peu, ni trop) pour pouvoir supporter ce qui est en train de lui être dit, et de pouvoir, malgré le pouvoir mortifère des mots, continuer à se maintenir dans une pulsion de vie. Les représentations des patientes face à la maladie cancer en général et plus particulièrement face à leur propre cancer, leurs projections et identifications générées par cette annonce, seront importantes à faire préciser. De même, le praticien devra être au clair avec ses propres représentations face au discours tenu devant la patiente, surtout en cas de mauvais pronostic. Il convient de rappeler cette évidence qui parfois est oubliée : ce que le médecin s’imagine face à une situation médicale donnée, n’est pas forcément corrélé à ce que la patiente s’imagine de sa propre situation médicale. De même, ce que le médecin va dire n’est pas forcément entendu par la malade et réciproquement. Le décalage induit peut ainsi faire le lit de malentendus (« mal ou non-entendus »), de quiproquos et in fine d’incompréhensions entre le médecin et sa patiente. Une étude ancienne de Ptacek et coll 15 avait exploré les attentes des patients confrontés à l’annonce d’une mauvaise nouvelle en oncologie. Il en ressortait que les patients attachaient beaucoup d’importance au confort du local, à la disponibilité du médecin, à son empathie, à la progressivité dans la délivrance des informations, à la prise en compte de leur personnalité et de leur émotivité. C’est pourquoi, l’annonce de cette mauvaise nouvelle devra tenir compte des spécificités de la patiente : 257 a) Sur un plan médical - L’âge de la patiente : jeune ou âgée, - La durée écoulée entre l’annonce de la rechute et l’annonce diagnostique de la tumeur primitive: quelques mois ou plusieurs années, - Le stade de la maladie : récidive localisée ou rechute métastatique, - L’aspect asymptomatique ou symptomatique de la patiente, - Le choix des thérapeutiques proposées : chirurgie totale, chimiothérapie première ou nouvelle ligne de chimiothérapie alors même que la patiente commençait à récupérer et reprendre progressivement le cours de sa vie, - L’importance effets secondaires attendus des traitements proposés. b) Sur un plan psychosocial : - Les traits de personnalité de la patiente : hystérique, narcissique, obsessionnelle, paranoïaque, - Les antécédents psychopathologiques : troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles des conduites, addictions, - Le contexte socio-affectif : isolement, soutien important, difficultés conjugales, - Les répercussions sur l’environnement familial et professionnel, - Les deuils récents familiaux ou de collègues de travail ou connaissances amicales notamment par cancer du sein, - Le retentissement du vécu émotionnel sur les capacités cognitives et donc d’intégration de l’information, - La médiatisation de ce type de cancer. Annonce d’une rechute métastatique L’annonce d’une rechute métastatique d’un cancer du sein se fera lors d’une consultation qui sera longue (45mn à 1h) d’où l’importance de l’organisation de cette consultation. Le choix du lieu, du moment de la consultation pour ne pas être dérangé mais aussi pour ne pas être fatigué, du nombre de participants (patiente seule ou accompagnée, médecin seul ou en binôme avec soit un étudiant ou une infirmière) sont autant de paramètres capitaux. Ce d’autant, que cette consultation sera souvent associée à une forte charge émotionnelle chez le patient et une tension nerveuse chez le médecin. L’importance de l’attitude du praticien, de la communication non verbale (gestuelle, mimiques) et de l’empathie affichée seront déterminantes dans la conduite de l’entretien d’annonce. Si les représentations de la maladie sont extrêmement variables aussi bien de la part du médecin que de la patiente, il est intéressant de noter que l’annonce de métastases implique la confrontation de deux représentations radicalement différentes de la maladie. Pour le médecin, il s’agit d’inscrire la maladie dans une chronicité avec une évolution chiffrée en fonction du pronostic sur plusieurs mois ou années. C’est aussi la possibilité d’offrir à la patiente différentes alternatives thérapeutiques (exemple: plusieurs lignes de chimiothérapie suivie ou non d’une radiothérapie et/ou d’hormonothérapie) qui fait que sa représentation de la situation médicale ne sera pas forcément excessivement péjorative à court et à moyen terme. La gravité pouvant être extrêmement variable selon 258 les cas, et d’un point de vue pronostique, une métastase osseuse unique dix ans après la fin des traitements ne peut être comparée à une évolution hépatique diffuse juste à la fin de la chimio adjuvante. Pour la malade, l’annonce de métastases va au contraire générer une représentation très péjorative à court terme de sa maladie avec l’idée d’une mort rapide, accompagnée de grandes souffrances. En raison de la symbolique hautement mortifère de l’annonce de métastases, des filtres cognitifs et émotionnels vont venir freiner la rétention d’informations et limiter leur transmission avec parfois des répercussions quant à la prise de décision et l’adhésion aux thérapeutiques proposées. L’objectif du médecin sera donc d’élaborer une construction d’une représentation commune supportable pour la patiente pour qu’elle puisse s’adapter par la suite. Pour ce faire, le spécialiste pourra adopter les stratégies de communication suivantes : - refaire l’historique de la maladie depuis l’annonce diagnostique initiale jusqu’à la révélation des métastases. Il pourra s’aider d’images, de dessins, de métaphores, - respecter le rythme de la patiente et les silences, - proposer un mouchoir et un verre d’eau en cas de débordement émotionnel (pleurs), - parfois, possibilité de se rapprocher physiquement en prenant la main de la patiente, - décoder le sens des divers termes utilisés souvent anxiogènes voire traumatiques (métastases, envahissement, ect..) afin de s’ajuster à la représentation de la patiente, - lui rappeler la difficulté à entendre ce qui vient de lui être dit en légitimant ses émotions et ses peurs, - lui proposer une autre consultation dans un laps de temps court (une semaine environ), afin de refaire le point et de s’assurer du feedback et de la rétention mnésique des informations données lors de la consultation précédente. Conclusion L’annonce d’un diagnostic de rechute d’un cancer du sein et parfois celle d’un pronostic péjoratif représente un exercice médical complexe et pas toujours aisé au quotidien. Cette démarche médicale particulière et singulière, redoutée à la fois par la malade et parfois par le praticien, ne peut être réduite à un simple acte technique de communication informationnelle. Celui-ci serait scientifiquement reconnu et dont les modalités reposeraient sur des recommandations sous tendues par des protocoles d’annonce et dont les règles seraient dictées ou imposées par le législateur. Le médecin ne peut dissocier l’acte d’annonce de l’attention portée à la souffrance du malade et du respect de ses attentes 20. L’annonce quelque puisse être la gravité de son contenu, doit être considérée par le médecin comme un authentique acte de soins. Déclaration de conflit d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt. Références 1.Boisserie-Lacroix M (2006) Le dispositif d’annonce du cancer du sein : quelle place pour le radiologue ? 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Depuis 2004, le Centre Antoine-Lacassagne de Nice a mis en place des consultations infirmières, qui prévoient des temps de discussion et d’explication sur la maladie et les traitements proposés, afin d’apporter aux patients une information adaptée à leur prise en charge thérapeutique. En fonction des besoins repérés, l’infirmière dans sa fonction de coordination et de relais a la possibilité d’orienter le patient vers une équipe pluridisciplinaire au sein du D.I.S.S.P.O : le Département Interdisciplinaire des Soins de Support pour les Patients en Oncologie. Ce département dans notre établissement regroupe des médecins et infirmières algologues au sein du service mobile des soins palliatifs, un psychiatre ,des psychologues, des assistantes sociales, des diététiciennes, des infirmières de dermographie (tatouage), une socio- esthéticienne, des kinésithérapeutes, une sophrologue, un service dédié à la nutrition et les infirmières d’annonce. Il est important de rappeler que la notion de récidive de cancer a toujours été présente dans la mesure 40 : « tout patient atteint de cancer doit pouvoir bénéficier, au début de sa maladie et/ou en cas de récidive d’un dispositif d’annonce organisé ». C’est pourquoi en tant qu’infirmière dédiée à l’annonce au Centre Antoine-Lacassagne, j’ai vécu de nombreuses expériences au travers des consultations effectuées depuis 6 années. Quelle que soit la dimension fonctionnelle ou relationnelle, je suis amenée dans une relation de partage et de soutien du patient qui m’est confié et qui se confie à moi. J’accompagne également le patient dans sa capacité à faire face à la maladie, dés lors qu’il a en main les éléments de compréhension qui lui permettront d’être mieux armé pour mener à nouveau son combat contre la maladie. Pourtant, à mon avis, il existe différentes « annonces » de récidive. La notion de précocité de la récidive va impliquer des stratégies de relation d’aide souvent très douloureuses pour le patient, et également pour le soignant. Le moment de l’annonce est souvent celui de l’espoir, un espoir réaliste et d’une incitation à agir à travers une communication qui aide le patient à canaliser son angoisse. Lors d’une récidive de cancer qui intervient quelques mois après la fin des traitements, les patients ne sont pas prêts à repartir dans un projet thérapeutique, et la confiance accordée aux soignants est fissurée, dégradée. « Tout ça pour rien !». Le rôle de l’infirmière doit être d’identifier à nouveau les besoins physiques et psychiques, d’associer la famille, de cerner les craintes afin de pouvoir créer ce pont entre l’annonce et les Soins Palliatifs et d’orienter le patient et ses proches vers les Soins de Support. Pour les patients, la notion de récidive reste toujours un élément d’angoisse qui apparait dés l’annonce d’un diagnostic de cancer, et qui influencera leurs choix de vie. 262 Avant chaque contrôle, avant chaque visite auprès de leur oncologue, les patients expriment cette crainte constante de voir réapparaitre leur cancer, et ne se sentent jamais guéris. Grâce aux avancées de la Recherche médicale, des thérapies ciblées, des spécificités des Soins Palliatifs, la rechute n’est plus vécue comme synonyme de « mort », et a fait naître de nouveaux comportements chez les soignants. Il est important de rester prudents, de ne pas donner de faux espoirs, et également de continuer à accompagner le patient en conservant sa qualité de vie dans ce nouveau challenge contre la maladie. 263 DEFINITION ET STRATEGIE PRATIQUE EN MATIERE DE DOULEURS REBELLES Auteur Sylvie Rostaing-Rigattieri Responsable du Centre d’Evaluation et Traitement de la douleur (CETD), Hôpital Saint-Antoine, 184 rue du Faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris 264 I Généralités Malgré les progrès réalisés ces dernières années, la douleur du cancer reste fréquente. Elle est présente chez plus de 50% des malades cancéreux (toutes pathologies confondues), plus précisément : chez 20 à 30% des malades dès la phase précoce et chez 80 à 90% en phase terminale. Environ 70 à 80% des douleurs sont liées à la tumeur primitive ou aux métastases, 10 à 20% aux traitements (douleurs iatrogènes) et 2 à 10% sont en rapport avec une affection intercurrente. Dans l’étude de Breivik réalisée en 2009 sur 5084 patients adultes atteints de cancer (1), 56% d’entre eux avaient une douleur modérée à sévère, et pour 573 patients tirés au sort, 41% recevaient un traitement opioïde fort, 69% mentionnaient un retentissement de la douleur du cancer sur leur qualité de vie et 50% d’entre eux avaient le sentiment que la qualité de vie n’était pas une priorité pour les professionnels de santé. Les douleurs du cancer sont donc parfois difficiles à soulager malgré des associations médicamenteuses multiples : opioïdes forts, surtout pour la composante nociceptive, médicaments spécifiques des douleurs neuropathiques (antidépresseurs tricycliques, antiépileptiques, voire antidépresseurs mixtes), antiinflammatoires stéroïdiens ou non stéroïdiens, co-antalgiques …. Elles peuvent parfois devenir incontrôlables avec un retentissement majeur sur la qualité de vie et le moral du patient, aboutissant à ce que les anglo-saxons nomment « total pain ». L’autre difficulté rencontrée concerne les effets indésirables occasionnés par les traitements antalgiques et co-antalgiques qui limitent souvent l’augmentation des doses et donc le soulagement des patients. Le cancer du sein polymétastatique peut être à l’origine de douleurs souvent intenses, de localisations variables en rapport, soit avec la tumeur primitive, soit avec les localisations secondaires (somatiques ou viscérales), soit avec les traitements spécifiques du cancer. Les accès douloureux nociceptifs liés aux métastases osseuses, fréquentes dans le cancer du sein en situation métastatique, sont parfois difficiles à soulager de manière satisfaisante, en termes de qualité de vie. Les douleurs, liées à des métastases osseuses rachidiennes, peuvent être de mécanisme physiopathogénique mixte (nociceptif et neuropathique), nécessitant un traitement associant plusieurs médicaments à visée antalgique, de maniement parfois délicat. La composante nociceptive est liée à une stimulation des nocicepteurs périphériques osseux ; la composante neuropathique est souvent en rapport avec un envahissement, une compression ou une infiltration tumorale des structures nerveuses avoisinantes (compression radiculaire ou médullaire), notamment dans les épidurites métastatiques ou les méningites carcinomateuses. II Recommandations de prise en charge des douleurs du cancer Les recommandations actuelles, en matière de traitement des douleurs cancéreuses, sont basées sur une approche thérapeutique globale multidimensionnelle et sur une utilisation adéquate des traitements antalgiques disponibles telle que préconisée dans « les Standards, Options et Recommandations (SOR) de 2002 (2, 3), pour les traitements antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès de nociception chez l'adulte » : choix adapté d’antalgiques, ajustement des posologies, association de plusieurs classes médicamenteuses et utilisation de psychotropes spécifiques des douleurs neuropathiques. Ces recommandations sont en cours d’actualisation (commercialisation de nouvelles molécules antalgiques, comme le fentanyl transmuqueux d’action rapide, le ziconotide intrathécal, nouvelles procédures en cours de validation, notamment en matière de rotation d’opioïdes ou en situation de douleurs rebelles) Selon les Standards-Options-Recommandations de 2003 sur l’évaluation de la douleur chez l’adulte et l’enfant atteints d’un cancer (4), un traitement efficace se définit par une douleur cancéreuse de fond absente ou d’intensité faible, un respect du sommeil, moins de 4 accès douloureux par jour, une efficacité 265 des traitements des accès douloureux, supérieure à 50 %, le maintien des activités habituelles et des effets indésirables des traitements, mineurs ou absents. Pour mémoire, le traitement de la douleur cancéreuse nociceptive repose sur le traitement étiologique du cancer d’une part, et sur le traitement symptomatique antalgique d’autre part, qui comprend les 3 paliers antalgiques de l’OMS. Face à une douleur d’origine cancéreuse, il est recommandé : de privilégier les voies d’administration non invasives (voies orale et transdermique) afin de préserver l’autonomie du malade, de donner des antalgiques à horaires réguliers pour le traitement de la douleur de fond et d’adapter la prescription aux besoins individuels du patient (titration, interdoses). L’association d’antalgiques de mode d’action différent, ou de palier différent, est recommandé (notamment paliers 1 et 3), pour obtenir un effet synergique, voire une potentialisation (avec éventuellement épargne morphinique). Les co-antalgiques (tels les bisphosphonates, les corticoïdes, les anxiolytiques, les antidépresseurs …) peuvent aussi être associés dans certaines situations, pour accroître l’efficacité des antalgiques. En cancérologie, si la composante neuropathique des douleurs mixtes peut répondre au départ à l’augmentation des doses d’opioïdes forts, il est néanmoins recommandé d’associer les médicaments spécifiques des douleurs neuropathiques, c’est-à dire les médicaments de la classe des antiépileptiques (gabapentine/Neurontin® ou prégabaline/Lyrica®) ou de la classe des antidépresseurs tricycliques (Amitryptiline/Laroxyl®, Clomipramine/Anafranil®, Imipramine/Tofranil®), pour optimiser l’efficacité antalgique, d’autant que la réponse aux opioïdes forts est aléatoire. En cas de douleur cancéreuse instable ou difficile à soulager, il conviendra de réaliser, en premier lieu, une évaluation approfondie des caractéristiques douloureuses, en recherchant notamment une composante douloureuse neuropathique, sous-estimée ou nouvellement apparue ; il faudra également vérifier si le traitement en cours est adapté et prescrit à posologies adéquates, conformément aux recommandations en vigueur, et refaire un bilan étiologique d’extension de la maladie cancéreuse, en cas de modification récente et/ou rapide de la symptomatologie douloureuse. Il faudra aussi s’assurer que les effets indésirables observés (nausées, vomissements, somnolence …) sont bien liés au traitement opioïde en cours, en éliminant les autres étiologies potentielles (hypertension intracrânienne, occlusion digestive maligne, hypercalcémie, insuffisance rénale etc.). III Définitions « On parle de « douleurs cancéreuses rebelles ou réfractaires » lorsque les traitements spécifiques du cancer n’améliorent pas la symptomatologie douloureuse et que les traitements symptomatiques conventionnels de la douleur du cancer ne permettent pas un soulagement satisfaisant et durable de la douleur, ou occasionnent des effets indésirables intolérables et/ou incontrôlables » (Sylvie Rostaing). Ainsi, malgré le respect des Recommandations disponibles, et notamment l’ajustement des antalgiques disponibles par voie orale ou transdermique, 10 à 15% des patients douloureux cancéreux ne seront pas soulagés de façon satisfaisante ou bien ressentiront des effets indésirables sévères limitant l’augmentation des doses d’opioïdes. Pour Meuser et coll. Dans une étude de 2001 (5), l’incidence des douleurs cancéreuses rebelles est de 14% sur 573 patients cancéreux adultes. Si pour bon nombre de cliniciens, la fréquence de ces douleurs rebelles aurait tendance à diminuer depuis quelques années, en raison de la grande diversité des opioïdes disponibles, et du fait d’une meilleure connaissance du traitement de la douleur et de la multiplicité des possibilités thérapeutiques (nouveaux traitements médicamenteux à visée carcinologique, thérapeutiques radiologiques interventionnelles innovantes …), aucune étude épidémiologique récente n’a permis de vérifier scientifiquement cette donnée. 266 IV Conduite à tenir devant une douleur cancéreuse qui devient instable ou difficile à soulager Les pathologies cancéreuses évoluées entraînent parfois des douleurs très intenses dont le soulagement est problématique par voie orale ou transdermique. Face à cette problématique, on a habituellement recours, dans un premier temps, à l’utilisation des opioïdes par voie parentérale (notamment aux pompes d’antalgie auto-contrôlée / pompes PCA) ou à la rotation d’opioïdes. 1. L’antalgie autocontrôlée par le patient (PCA) L’antalgie autocontrôlée par le patient (ou PCA : Patient Controlled Analgesia) est une technique qui permet au malade de s’auto-administrer à l’aide d’une pompe programmable des doses prédéterminées d’antalgique par voie parentérale (intraveineuse ou sous-cutanée). Morphine et oxycodone sont les antalgiques le plus souvent utilisés. Les modalités d’administration se font selon une programmation prédéterminée par le médecin prescripteur grâce à un système informatisé. L’autonomie de la pompe est fonction de la consommation de morphine. Le traitement, souvent initié en milieu hospitalier pour l’adaptation des doses, peut se poursuivre ensuite à domicile. Selon « les Recommandations pour l’indication et l’utilisation de la PCA à l’hôpital et à domicile pour l’administration de morphine chez le patient atteint de cancer et douloureux, en soins palliatifs », élaborées par le Groupe de travail de la SFAP (6), les principales indications de la PCA chez le patient atteint de cancer et douloureux sont les suivants : accès douloureux paroxystiques fréquents, difficultés à poursuivre un traitement morphinique oral ou transdermique, la voie d'administration devenant impossible ou inadaptée (dysphagie, vomissements, occlusion digestive …), voie transdermique difficile ou contre-indiquée (nombre importants de patchs, fièvre …), effets indésirables ou douleurs non contrôlés après différents traitements opioïdes per os ou transdermiques. Les principales contre-indications seront le refus de la technique par le patient ou sa famille, le manque de coopération du patient ou ses difficultés de compréhension, les troubles des fonctions supérieures et l’absence de formation préalable du personnel médical et paramédical. 2. La rotation des opioïdes La rotation des opioïdes se définit par le changement d’un opioïde par un autre. L’indication principale de la rotation des opioïdes est la survenue d’effets indésirables incontrôlables (somnolence, troubles des fonctions cognitives, hallucinations, myoclonies, nausées …), malgré un traitement symptomatique adéquat. L’autre indication de la rotation (plus rare) est la survenue d’un phénomène de résistance aux opioïdes, défini par une absence d’efficacité de l’opioïde associée à une absence d’effets indésirables, malgré une augmentation massive et rapide des doses de l’opioïde. 267 Il est possible de réaliser une rotation des opioïdes entre tous les agonistes purs : morphine, oxycodone, fentanyl, hydromorphone, sufentanil. Pour réaliser une rotation, il n’existe pas de critères de choix validés permettant de privilégier l’ordre ou le choix des opioïdes en dehors des précautions d’emploi et contreindications de chacun (recommandation, accord d’experts - SOR 2002 (2, 3). La rotation doit tenir compte des doses équiantalgiques, mais il est toujours conseillé de privilégier la sécurité à la rapidité d’action en prenant la valeur la plus faible des coefficients de conversion ou des rapports d’équiantalgie. V Conduite à tenir devant une douleur cancéreuse qualifiée de « rebelle » Si la douleur devient véritablement « rebelle » malgré l’utilisation des stratégies précédemment décrites, on aura recours à des alternatives thérapeutiques, qui seront évoquées succinctement ci-dessous. Des Recommandations de Bonne Pratique (RBP) sur les douleurs rebelles en situation palliative avancée, sont disponibles sur le site de l’AFSSAPS depuis juin 2010 (travail d’un groupe d’experts (7). En cas de douleurs rebelles confirmées, il est fortement recommandé de faire appel à des équipes spécialisées dans le traitement de la douleur, au sein de Structures identifiées. Un travail de concertation pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle doit se mettre en place autour du patient, permettant d’adopter une attitude thérapeutique multidimensionnelle et consensuelle, entre algologues, oncologues, radiothérapeutes, médecins généralistes et autres spécialistes. Seront prises en compte toutes les dimensions du syndrome douloureux chronique, à savoir, les dimensions physiologique, psychologique, socio-familiale et spirituelle, dans le respect des règles éthiques : écoute attentive, information éclairée, respect des souhaits et désirs du patient. Si plusieurs équipes spécialisées s’intéressent aujourd’hui aux douleurs cancéreuses rebelles, il n’existe pour l’instant en France aucun consensus, ni algorithme thérapeutique décisionnel qui soit validé. A. Les alternatives thérapeutiques non invasives 1. La Kétamine L’intérêt porté ces dernières années à la kétamine tient à sa capacité de blocage des récepteurs N-MethylD-Aspartate (NMDA), à l’origine de ses propriétés antalgiques à des doses sub-anesthésiques, par blocage de la sensibilisation centrale. La kétamine est le plus efficace et le plus puissant des antagonistes NMDA disponibles. On retrouve dans la littérature, entre 1990 et 2009, une quarantaine d’articles évoquant l’effet analgésique de la kétamine à faibles doses (infra-anesthésiques) dans la douleur cancéreuse (8). Dans ces études, bon nombre de douleurs rebelles ont une étiopathogénie mixte (nociceptive et neuropathique), et il s’agit généralement de maladies cancéreuses évoluées, à un stade palliatif avancé. L’analyse de la littérature montre que la kétamine (par voies intraveineuse, sous-cutanée, orale ou intrathécale) entraîne une diminution de plus de 50% de l’intensité douloureuse dans la plupart des études, chez plus de 50% de patients. Dans certaines études, l’efficacité de la kétamine est évoquée de façon indirecte, par une diminution significative de la consommation morphinique. La kétamine, même utilisée à faibles doses, n'est pas totalement dénuée d'effets indésirables, notamment psychodysleptiques. Certains effets indésirables, dose-dépendants, seraient dus aux propriétés anticholinergiques de la kétamine. L’une des voies de recherche actuelle repose sur les bénéfices de son association avec les opioïdes, dans un but d’épargne morphinique, de moindres effets indésirables et de meilleure efficacité antalgique. L’effet de potentialisation opioïde fort-antagoniste NMDA s’expliquerait par un effet « antihyperalgésique » de la kétamine qui contrebalancerait l’hyperalgésie liée aux opioïdes et bien décrite à ce jour (9). 268 2. La méthadone La méthadone est un opioïde fort (agoniste des récepteurs mu et delta) qui est aussi un antagoniste à basse affinité des récepteurs NMDA ; il est réservé en France au traitement de substitution des addictions aux opioïdes, et n’a pas encore l’AMM comme médicament antalgique. La méthadone a été proposée dans les douleurs cancéreuses à composante neuropathique qui répondent mal aux autres opioïdes forts. Dans une revue bibliographique de Terpening de 2007 (10), les auteurs concluent à un intérêt certain de la méthadone comme agent antalgique, mais insistent sur le fait que la méthadone ne doit pas être utilisée en première intention. Son utilisation est « délicate » en raison d’une grande variabilité interindividuelle de sa demi-vie plasmatique et du ratio équiantalgique entre méthadone et les autres opioïdes agonistes. L’utilisation de la méthadone doit donc être initiée par des cliniciens expérimentés (7). B. Les alternatives thérapeutiques invasives En cas de douleurs rebelles ou réfractaires, la place des techniques invasives n’est pas clairement définie. C’est l’expérience des équipes spécialisées dans la prise en charge de la douleur et la mise en place de réunions de concertation pluridisciplinaire inter-hospitalières et inter-établissements, qui permettent de cerner au mieux les indications. Les indications de ces thérapeutiques invasives, posées par des équipes spécialisées, dotées du plateau technique adéquat, doivent être envisagées suffisamment tôt pour éviter des indications en phase avancée de cancer chez un malade épuisé. « Un travail en réseau impliquant médecine de ville, structures de cancérologie et structures de lutte contre la douleur chronique rebelle est une nécessité. » (SOR 2002). 1. L’administration d’opioides par voie centrale Chez les patients souffrant de douleurs métastatiques rebelles abdominales ou pelviennes, l’administration d’opioïdes par voie spinale ou périmédullaire (péridurale ou intrathécale), associés dans bon nombre de cas à des anesthésiques locaux, peut être une alternative thérapeutique. La voie d’administration intrathécale permet aussi d’utiliser une nouvelle molécule, antalgique non opioïde, le ziconotide (Prialt®), qui sera associé aux autres molécules (Cf. chapitre ci-dessous). L’efficacité antalgique par voie centrale a été démontrée depuis plus de 20 ans, dans de nombreuses études, rétrospectives pour la plupart (environ 3000 patients cancéreux pour la voie périmédullaire), et dans quelques études prospectives, contrôlées randomisées, celles de Smith en 2002 et 2005 (11, 12). L’efficacité antalgique et les effets indésirables de l’administration intrathécale de morphine, par le biais d’une pompe implantable, y est comparée à une prise en charge conventionnelle optimisée de la douleur cancéreuse : l’analgésie périmédullaire se révèle plus efficace et mieux tolérée, avec une réduction significative des effets indésirables à 4 semaines (fatigue et sédation) dans le groupe implanté, et une amélioration de la survie à 6 mois. Ballantyne, dans sa revue de la littérature en 2005 (13), conclut à un soulagement de la douleur, excellent pour 72% par voie péridurale et pour 62% par voie intrathécale. Les 3 voies centrales (intrathécale, péridurale, intracérébroventriculaire) ont l’AMM pour les douleurs chroniques cancéreuses, mais la voie intrathécale est à privilégier ; elle est en effet préférée à la voie péridurale, pour un traitement supérieur à 2 mois, car l’obstruction du cathéter est moins fréquente, la durée d’action plus longue et la diffusion plus étendue. La voie péridurale est indiquée sur des courtes périodes : elle a en effet l’inconvénient de produire une analgésie segmentaire, et il existe un risque potentiel de déplacement du cathéter ou de réaction fibreuse, associés à des douleurs fréquentes à l’injection. La voie intracérébroventriculaire est exceptionnelle. L’analgésie intrathécale est réalisée par un cathéter intrathécal relié soit à une chambre sous-cutanée, sur laquelle est branché un dispositif de perfusion externe, soit à une pompe implantable (pompe mécanique manuelle ou pompe électronique), mise en place chirurgicalement au niveau de la paroi abdominale. 269 L’antalgie par voie périmédullaire doit être initiée par une équipe hospitalière. Après stabilisation, la poursuite du traitement à domicile est possible, dans le cadre d’un partenariat avec le médecin traitant et l’infirmière de ville, informés par le médecin hospitalier qui continue à assurer le suivi du malade (7). Ainsi, l’apparition de douleurs cancéreuses réfractaires à de fortes doses d’opioïdes par voie injectable, et nécessitant une escalade des doses responsable d’effets indésirables incontrôlables, doit conduire à s’interroger précocement sur la voie périmédullaire, après avis spécialisé des structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur. Dans tous les cas, il faudra tenir compte de l’avis du patient, après information éclairée sur les avantages et inconvénients de la technique. Si de nombreux travaux rétrospectifs ont démontré l’efficacité antalgique de ces techniques, la place de ces techniques invasives n’est pas encore clairement définie ; il n’existe toujours pas de consensus ni d’arbre décisionnel. Ce qui est certain, c’est que l’on observe un regain d’intérêt pour la voie d’administration intrathécale depuis 2 ans, grâce à la commercialisation récente d’un nouveau médicament, le ziconotide, qui semble bouleverser progressivement la place de la voie intrathécale dans l’arsenal thérapeutique. Des études scientifiques sont en cours et devraient permettre de clarifier le schéma décisionnel dans les années à venir. 2. L’administration intrathécale de ziconotide (Prialt®) Le ziconotide est un analogue synthétique d'un ω-conopeptide, le MVIIA, présent dans le venin d'un escargot marin, le Conus magus. Il s'agit d'un antagoniste des canaux calciques de type N (CCN). « Les CCN régulent la libération des neurotransmetteurs dans des populations neuronales spécifiques responsables du traitement de la douleur au niveau rachidien. En se liant à ces canaux calciques, le ziconotide inhibe le courant calcique voltage-dépendant dans les terminaisons afférentes nociceptives primaires des couches superficielles de la corne postérieure de la moelle épinière, ce qui inhibe la libération des neurotransmetteurs à ce niveau (y compris la substance P) et donc la signalisation rachidienne de la douleur » (Cf. RCP du produit). Le ziconotide a été mis sur le marché en France par les Laboratoires EISAI. L’AMM a été obtenue le 25 août 2006 pour « le traitement des douleurs chroniques intenses, chez les patients nécessitant une analgésie intrarachidienne et réfractaires aux autres traitements antalgiques y compris la morphine par voie intrathécale à la posologie de l’AMM, et sur la liste des spécialités pharmaceutiques facturables en sus des prestations d’hospitalisation ». Il a le statut de médicament orphelin. C’est un Produit réservé à l'utilisation intrathécale par pompe à micro-débit externe ou pompe implantable. Le prix du ziconotide est publié au Journal Officiel du 21 janvier 2009. L’implantation des pompes Medtronic Synchromed II est remboursée dans le traitement des douleurs intenses réfractaires (en plus du traitement de la spasticité), pour la première implantation et son remplacement (parution de cet avis au Journal Officiel du 6 mars 2009). En 2011, Denis Dupoiron et coll. (14) présentent dans la revue Douleurs, les résultats « d’une étude menée dans trois centres français de lutte contre le cancer : 97 patients ont bénéficié d’une pharmacothérapie intrathécale à visée antalgique, délivrée grâce à une pompe implantée, pour un total de 11 981 jours de traitement. Dans la population étudiée (douleurs cancéreuses instables malgré un traitement oral bien conduit, sélection rigoureuse des patients), le traitement par voie intrathécale a permis un soulagement moyen de plus de 50 % de l’intensité douloureuse sur l’échelle numérique (E.N.) … Du fait de la mise en place de procédures spécifiques, notamment en termes d’asepsie (gestes techniques d’implantation et remplissage de la pompe), les complications sont restées moins fréquentes que dans la littérature internationale. Cette étude démontre l’intérêt (en termes d’efficacité et sécurité) de recourir à une pharmacothérapie antalgique intrathécale délivrée par pompe implantée chez des patients cancéreux sélectionnés. » 270 3. Les autres procédures techniques et les techniques neurochirurgicales Les autres procédures techniques (alcoolisation ou phénolisation cœliaque, alcoolisation intercostale, analgésie loco-régionale cervicale etc.) et les techniques neurochirurgicales à visée antalgique, ayant une place limitée dans les douleurs rebelles du cancer du sein en situation métastatique, elles ne seront pas abordées dans cet article. En conclusion Malgré les Recommandations disponibles en matière de traitement de la douleur cancéreuse, la diffusion d’un savoir faire pratique, et une approche globale pluridisciplinaire, environ 10% à 15% des patients cancéreux présenteront, en cours d’évolution, des douleurs dites « rebelles » ou « réfractaires », c’est-àdire mal soulagées par le traitement en cours, ou au prix d’effets indésirables, intolérables et incontrôlables. Il existe des alternatives thérapeutiques innovantes intéressantes, évoquées dans cet article, mais des études scientifiques ultérieures seront nécessaires pour déterminer leur place respective au sein de l’arsenal thérapeutique, et établir un consensus ou un algorithme décisionnel validé. En l’absence de consensus, la connaissance approfondie des bénéfices et risques de chacune de ces techniques, associée à une bonne connaissance du malade et à une évaluation rigoureuse, doit permettre de proposer la solution thérapeutique la mieux adaptée. Ces thérapeutiques étant d’indication encore peu fréquente, il est recommandé de faire appel à des équipes spécialisées dans le traitement de la douleur, de multiplier les réunions de concertation pluridisciplinaire, de créer des réseaux de prise en charge, pour acquérir un « savoir faire », meilleur garant de succès clinique, dans le respect des normes de sécurité et des recommandations disponibles en matière de prise en charge de la douleur du cancer. Références bibliographiques Breivik, H., et al., Cancer-related pain: a pan-European survey of prevalence, treatment, and patient attitudes. Ann Oncol, 2009. 20(8): p. 1420-33. Krakowski I, Theobald S, Balp L, Bonnefol MP, et al. Standards, Options et Recommandations 2002 pour les traitements antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès de nociception chez l'adulte, mise à jour (rapport abrégé). Bull Cancer 2002 ; 89(12):1067-74. Rostaing-Rigattieri S, Rousselot H, Krakowski I, et al. Standards, Options et Recommandations 2002 pour les traitements antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès de nociception chez l’adulte, mise à jour : place des opioïdes forts (morphine orale exclue) et rotation des opioïdes. Bull Cancer. 2003 Aug-Sep ; 90 (8-9):795-806. Delorme, C. Wood, A. Bataillard, E. Pichard, S. Dauchy, D. Orbach, JP. Alibeu, C. Ricard, A. Suc, F. Boureau, S. Rousmans, R. Patte. Recommandations pour la pratique clinique : Standards, Options et Recommandations pour l’évaluation de la douleur chez l’adulte et l’enfant atteints d’un cancer (mise à jour). Validation du rapport original : mai 1995. Validation de la dernière mise à jour : septembre 2003. Ce rapport est également disponible sur le site de la FNCLCC : http://www.fnclcc.fr Meuser T, Pietruck C, Radbruch L et al. Symptoms during cancer pain treatment following WHO-guidelines: a longitudinal follow-up study of symptom prevalence, severity and etiology. Pain 2001; 93 (3): 247-257. Recommandations pour l’indication et l’utilisation de la PCA à l’hôpital et à domicile pour l’administration de morphine chez le patient atteint de cancer et douloureux, en soins palliatifs. Groupe de travail de la SFAP : C. Barbier, C. Bouillet, S. Charvin, J. Chevallier, L. Chassignol, G. Laval, L. Lavigne, S. Mathis, A. Piolot, D. Poisson, A. Richard, B. Sang, S. Rostaing, A. Simon, O. Steiner, P. Thominet, I. Triol. Médecine palliative : 2007 ; 6 : 114 – 143. Recommandations de Bonne Pratique (RBP) sur les douleurs rebelles en situation palliative avancée. Modalités d’utilisation, notamment hors-AMM, de certains médicaments : anesthésiques locaux par voie périmédullaire, parentérale et topique ; fentanyl, sufentanil ; kétamine ; MEOPA ; méthadone ; midazolam ; morphine par voie périmédullaire et intracérébroventriculaire ; propofol. Groupe de travail de l’AFSSAPS. 271 Parution en Juin 2010 : http://www.afssaps.fr : RBP_palliatifs-Résumé Afssaps 2010.pdf (version courte) RBP_palliatifs_argumentaire.pdf (version longue) Salas S, Tuzzolino V, Duffaud F, Mercier C, Dudoit E, Favre R. Utilisation de la kétamine en soins palliatifs : revue de la littérature. Médecine Palliative 2004 ; 3 : 277-284. Simonnet G. Opioids : from analgesia to anti-hyperalgesia ? Pain 2005;118: 8-9 Terpening CM, Johnson WM. Methadone as analgesic: a review of the risks and benefits. W V Med J. 2007;103:14-8 Smith TJ, Staats PS, Deer T, Stearns LJ et al. Implantable Drug Delivery Systems Study Group. Randomized Clinical Trial of an Implantable Drug Delivery System Compared With Comprehensive Medical Management for Refractory Cancer Pain : Impact on Pain, Drug-Related Toxicity, and Survival. Journal of Clinical Oncology October 2002 ; vol.20, n°19:4040-9 Smith TJ, Coyne PJ, Staats PS, Deer T et al. An implantable drug delivery system (IDDS) for refractory cancer pain provides sustained pain control, less drug-related toxicity, and possible better survival compared with comprehensive medical management (CMM). Annals of Oncology 2005;16:825-33 Ballantyne JC, Carwood CM. Comparative efficacy of epidural, subarachnoid, and intracebroventricular opioids in patients with pain due to cancer. Cochrane Database Syst Rev. 2005 Jan 25. Denis Dupoiron, Danièle Lefebvre-kuntz, Olivier Brenet, Sabine de Bourmont, Fabien Grelon, Florence Dixmeria, Nadine Buisset, Nathalie Lebrec, François Bore, Dominique Monnin. Douleur chronique cancéreuse et analgésie intrathécale : expérience de trois centres de lutte contre le cancer. Douleurs Evaluation – Diagnostic – Traitement 2011, 12 : 140-146. Pour en savoir plus Aux Editions Médecine-Sciences Flammarion : Le livre de l’Interne – Médecine de la douleur et médecine palliative – Sylvie Rostaing-Rigattieri, Francis Bonnet. – Septembre 2009. 272 COMPLICATIONS SECONDAIRES A L’EMPLOI DES ANTIANGIOGENIQUES : DIAGNOSTIC, PREVISION ET PRISE EN CHARGE. Auteur H. Simon 273 INTRODUCTION : L’angiogénèse est un mécanisme indispensable à la croissance tumorale et à la dissémination métastatique. Le principal vecteur de l’angiogénèse est la famille du VEGF (Vascular Endothélial Growth Factor ) :VEGF – A, VEGF- B, VEGF – C, VEGF – D, VEGF – E, Placental growth factor. (1) Le VEGF – A plus communément appelé VEGF qui se fixe sur les récepteurs VEGFR -1 et VEGFR-2 et neuropiline joue un rôle essentiel au cours de l‘angiogenèse physiologique et tumorale . Il est secrété de manière abondante par de nombreuses tumeurs hématologiques et solides. Il attire et guide le bourgeonnement des nouveaux vaisseaux vers les régions de la tumeur privées d’oxygène. Le Bevacizumab est un anticorps monoclonal humanisé qui se lie au VEGF – A et inhibe de ce fait sa liaison à ses récepteurs neutralisant ainsi son activité biologique. Cela provoque la régression de la néovascularisation, l’inhibition de la formation de néovaisseaux et la normalisation de la vascularisation tumorale. Mais à cause du rôle important du VEGF – A dans la fonction vasculaire et l’angiogénèse physiologique, son inhibition par le Bevacizumab entraine un certain nombre d’effets secondaires, qui peuvent être potentiellement graves. Le Bevacizumab a démontré son activité dans de nombreuses tumeurs solides dont le cancer du sein et c’est le seul anti – angiogénique qui possède actuellement une AMM dans cette indication en association avec le Paclitaxel ou avec la Capecitabine. La FDA vient de retirer l’indication du Bevacizumab dans les cancers du sein (décision du 18 Novembre 2011) (2), et dans son rapport insiste surtout sur les effets secondaires potentiels de cette drogue et sur un rapport bénéfice risque défavorable : «… Après l’examen des études disponibles, il est clair que les patientes qui reçoivent du bevacizumab pour un cancer du sein métastatique ont un risque d’effets secondaires potentiellement mortels sans la preuve que l’utilisation de cette drogue leur apporte un bénéfice en terme de retard à la progression tumorale qui justifie un tel risque… » Cette décision ne s’appuie pas sur des éléments nouveaux mais fait suite à la procédure normale après l’autorisation provisoire délivrée en février 2008. L’Europe et la France ont conservé l’indication en association avec le Paclitaxel, pas avec le Docetaxel, et ont autorisé l’association avec la Capecitabine, pour les patientes chez qui une chimiothérapie incluant des taxanes ou des anthracyclines n’est pas considérée comme appropriée et à condition qu’elles n’aient pas reçu une chimiothérapie adjuvante à base de taxanes ou d’anthracyclines dans les 12 derniers mois. Un coup de projecteur a donc été mis ces derniers mois sur la tolérance du Bevacizumab, qui est en général tout à fait bonne, mais qui dans un certain nombre de cas expose à des toxicités différentes de celles des chimiothérapies classiques auquelles les cancérologues étaient jusque là habitués.. Ces effets secondaires potentiels doivent donc être prévus, diagnostiqués et pris en charge. 274 1 Principaux effets secondaires reliés à l’association Bevacizumab chimiothérapie : Ils différent notablement en fonction du type de cancer traité. 1 1 : Toutes tumeurs confondues : Une méta analyse (3) regroupant 13 essais randomisés et 4129 patients atteints de diverses néoplasies ( cancer colorectal 7 essais, cancer du poumon 3 essais, cancer du sein 2 essais et cancer du rein 1 essai) donne les résultats suivants. Effets secondaires grade 3 et 4 Geiger-Gritsch S et al. The Oncologist 2010;15:1179-1191 Dans cette méta analyse il y a dans le groupe Bevacizumab : 4 fois plus d’hypertension artérielle, d’épistaxis, d’hémorragies et de perforations digestives. 3 fois plus d’événements hémorragiques un risque statistiquement plus élevé de protéinurie, de leucopénie, de diarrhée et d’asthénie. Ce profil d’effets secondaires diffère notablement de celui que l’on retrouve chez les patientes traitées pour un cancer du sein. 275 1 2 Cancer du sein : 121 Méta analyse de Cortes (4) Publiée en Octobre 2011, elle regroupe 5 essais randomisés ( AVF2119g, E2100, RIBBON-1, RIBBON-2, AVADO) et 3784 patientes. Elle retrouve (annexe 1) : Une augmentation significative des toxicités de grade ≥ 3 pour l’hypertension artérielle, la protéinurie, les événements hémorragiques et l’insuffisance cardiaque. L’absence de différence statistiquement significative pou les accidents thrombo- emboliques artériels ou veineux, les neutropénies fébriles, les perforations gastro-intestinales et les décès toxiques. 122 Analyse poolée des 3 essais en première ligne métastatique (2) Préparée par Genetech elle a été reprise dans l’argumentaire de la FDA. Si tous les effets secondaires de grade ≥ 3 sont plus nombreux dans le groupe avec Avastin ce sont essentiellement l’hypertension artérielle, la protéinurie, la neutropénie fébrile, les accidents thromboemboliques artériels, les hémorragies les troubles de la cicatrisation qui augmentent nettement. Par ailleurs certains effets comme les perforations gastro-intestinales sont extrêmement rares. Enfin il n’y a pas d’augmentation des thromboses veineuses. A ces effets « classiques » il faut rajouter la mention qui a été faite en octobre 2011 par la FDA, d’une possibilité de dysfonction ovarienne et d’un risque accru d’ostéonécrose de la mâchoire en association ou pas avec les bisphosphonates. 276 2 HYPERTENSION ARTERIELLE L’hypertension artérielle (HTA) est l’effet secondaire de grade ≥3 le plus fréquemment observé au cours d’un traitement par bevacizumab : 9,7 % pour Cortes, p =0 ,001 (4) et 9 % pour l’analyse poolée (2) : Elle peut survenir à n’importe quel moment du traitement mais apparaît le plus souvent lors des premières semaines de traitement. (6) Elle est dose dépendante.(6) 2.1 Mécanisme : Le mécanisme physio pathologique de l’HTA est incomplètement élucidé mais il est généralement admis qu’il est lié à la raréfaction vasculaire et l’inhibition de la production de monoxyde d’azote (NO) par les vaisseaux entraînant ainsi une augmentation des résistances vasculaires et donc une HTA (5) Inhibiteurs du VEGF Rarefaction vasculaire Inhibition de la production de NO des résistances vasculaires systémiques HYPERTENSION 277 2.2 Prise en charge : (6, 7) 2.2.1 Conduite à tenir avant l’administration de Bevacizumab • Mesure de la pression artérielle en ambulatoire Par le médecin traitant : valeur usuelle < 140/90 mmhg ou en auto- mesure : règle des 3 : valeur usuelle < 135/85 mmhg Règle des 3 : 3 mesures consécutives, le matin : entre le lever et le petit déjeuner, à quelques minutes d’intervalle, - 3 mesures consécutives, le soir: entre le dîner et le coucher, à quelques minutes d’intervalle, - 3 jours de la semaine en période d’activité habituelle Attention : ne pas éliminer de mesures, même si celles-ci paraissent aberrantes et faire la moyenne des chiffres retrouvés - Toute HTA pré – existante doit aussi être réévaluée • En cas de PA élevée un traitement anti hypertenseur doit être prescrit (ou modifié), si possible avant l’instauration du Bevacizumab mais sans pour autant le retarder • Il n’y a pas lieu d’administrer un anti HTA oral ou IV juste avant la perfusion de Bevacizumab même si la PA mesurée à cette occasion est élevée… • La seule contre indication à l’administration du Bevacizumab est l’urgence hypertensive qui est exceptionnelle. *Urgences hypertensives (adaptées de ESC/ESH 2007) 278 2.2.2 Conduite à tenir pendant l’administration de Bevacizumab (6,7,8) • Contrôle systématique de la pression artérielle (PA) en cours de traitement, une semaine, deux semaines, un mois après le début du traitement puis si tout va bien une fois par mois PA SURVEILLANCE CONDUITE A TENIR PA normale ou HTA contrôlée PA 1 fois par mois Pas de modification de la prescription de Bevacizumab PA non contrôlée* chez une patiente asymptomatique PA 1 fois par mois ou plus fréquent tant que la PA n’est pas contrôlée Traitement hypertenseur : - si PA modérément monothérapie élevée : - si HTA sévère : Bithérapie d’emblée Pas de modification de la prescription de Bevacizumab PA non contrôlée* chez une patiente symptomatique PA 1 fois par semaine tant que l’HTA est symptomatique => Obtention d’un contrôle tensionnel INDISPENSABLE Urgence hypertensive Traitement hypertenseur : - Bithérapie d’emblée le plus souvent - Intensification rapide du traitement Pas de modification de la prescription de Bevacizumab Hospitalisation Prise en charge de l’urgence Arrêt du Bevacizumab * PA non contrôlée : PA (en automesure tensionnelle) > 135 et/ou 85 mmHg ou PA (de consultation) ≥ 140 et/ou 90 mmHg Quelle stratégie médicamenteuse en plus des mesures hygiéno-diététiques ? En première intention une monothérapie (sauf si HTA sévère.) En l’absence de protéinurie : → On peut employer l’une des cinq classes d’anti hypertenseurs : diurétiques, inhibiteurs calciques, bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), antagonistes de l’angiotensine II ( ARA II). → Le choix se fera en fonction du terrain, des comorbidités, des effets secondaires et bien sur des contre-indications. 279 → Pour un certain nombre d’auteurs le choix en première intention et en l’absence de protéinurie d’un diurétique thiazidique semble être une bonne option (9). Mais si on emploie des diurétiques il faut faire attention : au ionogramme sanguin en cas de troubles digestifs provoqués par les chimiothérapies associées ou en cas d’emploi de médicaments comme les sels de platine qui peuvent modifier la fonction rénale à la calcémie qui peut être augmentée par les diurétiques thiazidiques en particulier en cas de métastases osseuses.. → Les inhibiteurs calciques et en particulier les dihydropyridines qui induisent une vasodilation périphérique semblent être intéressants dans cette indication.(10). Ils peuvent être facilement employés avec le Bevacizumab car il n’y a pas d’interaction médicamenteuse comme avec le sunitinib ou le sorafenib. Ils favorisent par contre la survenue d’œdèmes des membres inférieurs ce qui peut interférer avec la surveillance d’autres effets secondaires potentiels du Bevacizumab comme les syndromes néphrotiques ou les insuffisances cardiaques. →Les bloquants sont une autre option en l’absence de contre indication, mais ils induisent souvent une sensation de fatigue. → Enfin des interrogations subsistent sur la possibilité que les ARA II et surtout les IEC induisent une surexpression du VEGF et de ces récepteurs dans les tissus ischémiques. En cas de proteinurie associée L’utilisation d’un IEC ou d’un ARA 2 est cependant préférable en première intention. En deuxième intention, en cas de réponse tensionnelle insuffisante, il est recommandé de passer à une bithérapie dans un délai d’au moins quatre semaines. (11) On suivra alors les recommandations de l’HAS . 280 En pratique, les associations préférentielles suivantes sont recommandées (11) : → Diurétique thiazidiques et Bloquants → Diurétique thiazidique et IEC ou ARA II → Diurétique thiazidique et inhibiteur calcique → Bloquants et inhibiteur calcique de type dihydropyridine → Inhibiteur calcique et IEC ou ARA II En troisième intention une trithérapie comportant un diurétique thiazidique peut être envisgée mais un avis spécialisé est recommandé. 3 PROTEINURIE : L’excrétion urinaire de plus de 0,15 g / 24h de protéines est considérée comme une protéinurie pathologique. C’est un effet secondaire très fréquent du Bevacizumab. Dans les cancers du sein cette incidence varie entre 20 et 30 % (4) dont 2 à 3,5 % de grade 3. Pour Cortes comme pour l’analyse poolée elle est de 2,5 % de grade 3 et 4 . (2,4) La protéinurie peut survenir avec un délai variable après la mise sous traitement anti – angiogénique. Elle est presque constamment associée à l’HTA Elle est le plus souvent sans conséquence sur la poursuite du traitement et la fonction rénale mais ont aussi été décrits de manière exceptionnelle des syndromes néphrotiques, des insuffisances rénales aiguës, des glomérulopathies prolifératives, des néphrites interstitielles, des microangiopathies thrombotiques (13,14) 3.1 Mécanisme : La protéinurie chez les patients traités par Bevacizumab est attribuée à des altérations de la barrière endothéliale séparant le sang glomérulaire rénal de l’urine. Au niveau du rein le VEGF est synthétisé et libéré par les podocytes périglomérulaires et active le VEGFR des cellules endothéliales glomérulaires agissant ainsi sur la perméabilité de la barrière endothéliale. Son inhibition entraîne des modifications majeures des fenestrations endothéliales, responsables d’une protéinurie. (15) 281 3.2 Prise en charge (6) 3.2.1 Conduite à tenir avant l’administration de Bevacizumab La réalisation d’une bandelette urinaire (BU) et l’estimation de la fonction rénale sont des préalables indispensables à l’administration de Bevacizumab. BU – Clairance calculée (eDFG) eDFG ≥ 30mL/min et BU : 0 à 1+ eDFG < 30mL/min eDFG ≥ 30mL/min et BU : 2+ ou 3+ Quantification de la protéinurie : échantillon matinal (rapport protéine / créatinine urinaire (g/g)) ou urines de 24h (en g/j) < 1g/g (ou < 1g/j) Administration du bevacizumab 1-3 g/g (ou 1-3 g/j) > 3 g/g (ou > 3 g/j) Administration du bevacizumab sans attendre l’avis néphrologique demandé Avis néphrologique à obtenir avant administration du bevacizumab du bevacizumab Evaluation de la fonction rénale et de la protéinurie avant l’administration de bevacizumab d’après Halimi (6) 3.2.2 Conduite à tenir pendant l’administration de Bevacizumab (6) • • • • • Contrôle systématique de la protéinurie par bandelette urinaire avant chaque administration d’anti – angiogénique et calcul du débit de filtration glomérulaire (formule du MDRD de préférence) une fois par mois si stable, une fois par semaine. si aggravation de la fonction rénale. En cas d’apparition d’une protéinurie instituer un traitement par IEC ou par ARAII la conduite à tenir est ensuite la même qu’avant la première administration de bevacizumab. Toujours se méfier de la présence d’une hématurie associée à une protéinurie, car elle est alors souvent indicatrice de lésions glomérulaires. En effet, ne faut pas méconnaître trois complications rares mais sévères : 282 3 complications Définition sévères rares Conduite à tenir Altération de la fonction rénale, Microangiopathie thrombotique HTA sévère, hémolyse et thrombopénie Insuffisance rapidement progressive rénale • Altération progressive de la • fonction rénale sur quelques • semaines Syndrome néphrotique Arrêt du traitement par bevacizumab Avis néphrologique dans les 48 heures Reprise du traitement ultérieure selon balance bénéfice/risque. Protéinurie ≥ 3 g/g (ou ≥3g/24h) et hypoalbuminémie < 30g/l Le risque néphrotoxique doit être évalué avant le début du traitement et réévalué régulièrement : – Interrogatoire minutieux à la recherche de comorbidités • Diabète, HTA, néphrectomie etc.. • Prise concomitante de médicaments néphrotoxiques ( AINS, bisphosphonates, etc…) – – – 4 Recherche d’une obstruction des voies urinaires Anomalies métaboliques : hypercalcémie, syndrome hépato – rénal Evaluation biologique de la fonction rénale RISQUE THROMBO EMBOLIQUE UTILISATION DES ANTICOAGULANTS ET ANTI AGREGANTS : L’administration de bevacizumab est associée à une augmentation du risque de thrombose essentiellement artérielle. En ce qui concerne le risque de thrombose veineuse il est très différent en fonction du type de cancer traité. Dans l’un ou l’autre cas se pose le problème de l’emploi des anticoagulants et anti agrégants. 283 4.1 Thrombose arterielle. Pour le cancer du sein ce risque semble modérément augmenté : de façon non significative pour Cortes (4) (0,9 % versus 0, 5 % p= 0,03), + 1,3 % pour l’analyse poolée(2) (1,6 % versus 0,3 %) la dose et la durée du traitement n’influent à priori pas sur son incidence. Les facteurs favorisants sont ceux de la population générale : âge, diabète, hypercholestérolémie et HTA. Les facteurs de risque identifiés pour la survenue d’une thrombose artérielle sous bevacizumab sont un antécédent de thrombose artérielle et un âge > à 65 ans (15) 4.1.1 Conduite à tenir avant l’administration de Bevacizumab (8) Il faut rechercher l’existence : d’antécédents d’événements artériels : accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire, infarctus du myocarde… de facteurs de risque : antécédents familiaux, tabagisme, hypercholestérolémie, diabète, HTA, faible activité physique, obésité abdominale, cardiopathie connue. de signes fonctionnels : douleur thoracique à l’effort, dyspnée, claudication intermittente et réaliser un ECG à la recherche d’éventuels onde q de nécrose ou troubles de la repolarisation (ondes T négatives, sous décalage de ST) Un antécédent de thrombose artérielle dans les 6 mois précédent contre indique l’administration de bevacizumab, s’il est plus ancien le traitement est possible mais avec une surveillance très attentive. 4.1.2 Conduite à tenir pendant l’administration de Bevacizumab (8, 14) En cas d’accident artériel : ARRET définitif du Bevacizumab 4.2 Thrombose veineuse Pour le cancer du sein ce risque ne semble pas augmenté.2,5 % versus 2,6% p = 0,775 pour la méta analyse de Cortes (4), 2,8% versus 3,8% pour l’analyse poolée (2) 284 En pratique (16, 17) : En cas de survenue d’un événement thromboembolique veineux : Minime (Thrombose veineuse superficielle, Thrombose distale peu étendue) : o traitement symptomatique et poursuite du Bevacizumab. De gravité moyenne (thrombose veineuse profonde proximale ou étendue, embolie pulmonaire non sévère) : o suspendre le bévacizumab pendant 2 à 3 semaines (1 cure en moyenne), o puis le reprendre si l’anticoagulation est efficace et stable si pas de tumeur au contact ou envahissant un gros vaisseau scanner si pas d’antécédents d’hémorragies ayant imposé une transfusion sévère (menaçant le pronostic vital dont embolie pulmonaire symptomatique) o ARRET définitif du Bevacizumab 4.3 Utilisation des anticoagulants et antiagrégants plaquettaires. 4.3.1 Bevacizumab et antiagrégants plaquettaires Selon les résultats présentés dans une méta analyse portant sur 3 essais dans le cancer colorectal métastatique (18), la prise d’aspirine à faible dose (<325 mg /jour) ne majore pas le risque hémorragique sous bevacizumab et ne doit donc pas en empêcher sa prescription. Il n’y a pas de données spécifiques sur l’utilisation du Clopidrogel avec le bevacizumab. Les antiagrégants au long cours témoignent souvent de comorbidités artérielles qui sont un facteur de risque de thrombose artérielle sous bevacizumab. Ces patients doivent donc être surveillés très attentivement. 4.3.2 Bevacizumab et anticoagulants La majorité des essais avec le bevacizumab n’ont pas inclus de patients traités avec une anticoagulation efficace. : peu de données sont donc disponibles. Les données de l’étude AVAIL dans le CBNPC (19) ne montrent pas d’augmentation du risque hémorragique chez les patients traités par anticoagulation efficace et bevacizumab. L’anticoagulation préalable d’une patiente n’est pas un obstacle à la prescription du bevacizumab. Par mesure de précaution le bevacizumab est déconseillé en cas d’embolie pulmonaire symptomatique dans les 6 mois précédents. 5 . INSUFFISANCE CARDIAQUE : C’est un effet secondaire rare qui a cependant été retrouvé avec une fréquence de 1 à 2 % dans les traitements du cancer du sein (20, 21). Cette fréquence est de 1,73 % versus 0,78 % dans l’étude de Cortes p = 0,017 (4), et de 1,5% versus 1,2 % dans l’anlyse poolée (2). Elle est de 1, 6% versus 0,4 % p = 0,001 dans la meta analyse de Choueri .(22) C’est un effet quasiment inconnu dans les autres indications du bevacizumab. Il y a vraisemblablement une relation entre la survenue de cet effet secondaire et un antécédent de chimiothérapie par anthracyclines ou de radiothérapie de la paroi thoracique gauche. (21) 285 Prise en charge : • Il faut systématiquement faire une évaluation cardiologique avant traitement échographie cardiaque souhaitable ECG systématique • Il n’est pas nécessaire de répéter les échographies cardiaques de manière systématique, mais en cas d’apparition de signes cliniques mêmes mineurs comme une fatigue inexpliquée il faut redemander un bilan cardiologique. 6. RETARD A LA CICATRISATION. L’angiogénèse joue un rôle majeur dans le processus de cicatrisation, les anti – angiogéniques vont donc le perturber. La fréquence de ce retard à la cicatrisation est fonction du délai après une chirurgie. Dans le cancer du colon des problèmes de cicatrisation sont observés dans 2 à 3 % des cas si le bevacizumab est débuté plus de 28 jours après la chirurgie et dans 7 à 10 % des cas si le traitement est plus précoce (23) 6.1 Conduite à tenir avant l’administration de Bevacizumab : Ne débuter le traitement • • • qu’après un délai de 28 jours après une chirurgie majeure 7 jours après la mise en place d’une CIP et non pas 48h comme souvent fait actuellement. L’étude de l’institut Curie est tout à fait démonstrative. (24) Et dans tous les cas de chirurgie même mineure (extraction dentaire..) attendre la cicatrisation complète avant de débuter le traitement. 6.2 Conduite à tenir pendant l’administration de Bevacizumab (24) • Patient avec un problème de cicatrisation : – Interruption du traitement jusqu’à cicatrisation complète • Patient devant subir une chirurgie – Interruption du traitement • Si possible pendant 6 semaines = 2 demi - vies du bevacizumab • Et au moins pendant 4 semaines • En cas de chirurgie hépatique : 8 semaines Même règle de précaution en cas de polypectomie colique ou d’extraction dentaire. Cas particulier des extractions dentaires : Le bevacizumab même sans bisphosphonate associé augmente le risque d’ostéonécrose de la machoire ( 2,25 ). Il faut donc prendre les mêmes précautions qu’en cas de traitement avec un bisphosphonate (26): – – – Bilan bucco dentaire clinique et radiologique initial avec remise en état . Bonne hygiène bucco dentaire Contrôles réguliers (tous les 4 mois) 286 – – Pas d’acte invasif Si extraction dentaire impérative : – attendre 28 jours après la dernière perfusion de bevacizumab – Antibiothérapie à large spectre jusqu’à cicatrisation muqueuse – Ne reprendre le bevacizumab qu’après contrôle de la cicatrisation muqueuse, savoir aussi que la cicatrisation de l’os alvéolaire n’est acquise qu’au bout de 6 semaines… 7. RISQUE HEMORRAGIQUE L’inhibition du VEGF entraîne une diminution de la capacité de multiplication des cellules endothéliales après un traumatisme et provoque leur dysfonction avec des anomalies de la paroi interne des vaisseaux. Cela a pour conséquence de favoriser les saignements qui sont très fréquents pour les grades 1 et 2 ( 20 à 40 %) (2,4), et exceptionnels pour les grades 3 ( 0,4 à 2 %) (2 ,4 ,17) Par ailleurs les agents antiangiogéniques ont été impliqués dans le développement d’une nouvelle entité sémiologique : « la rhinite atrophique » dont la symptomatologie associe rhinite et épistaxis. Au cours de celle-ci , les antiangiogéniques altèrent la différentiation de l’épithélium nasal et ont une action antiproliférative sur celui-ci (27). 7 .1 Conduite à tenir avant l’administration de Bevacizumab (11) : Informer la patiente et son médecin : • • • • Risque d’hémorragie le plus souvent mineure en particulier nasale, gingivale, ou vaginale Pas d’aspirine > 325 mg /jour Surveillance étroite en cas de traitement anticoagulant Prévention des épistaxis rencontrées surtout en association avec les taxanes 1) Humidification lavage des fosses nasales au sérum physiologique, 2) traitement de la rhinite par dérivés soufrés • Préventions des gingivorragies et stomatites : 1) soins dentaires et parodontaux avant traitement, 2) hygiène buccale +++, brossage des dents avec brosse à dents souple, 3) bains de bouche systématiques au bicarbonate. 287 7.2 Conduite à tenir pendant l’administration de Bevacizumab (3,11) : Sévérité de l’hémorragie CONDUITE A TENIR Pas de modification Grade 1 : légère, intervention non nécessaire de la prescription de bevacizumab Grade 2 : symptomatique, intervention Pas de modification médicale ou cautérisation mineure indiquée de la prescription de bevacizumab Grade 3 : imposant transfusion, radiologie interventionnelle, endoscopie, Arrêt définitif du bevacizumab intervention chirurgicale ou radiothérapie Grade 4 : pronostic vital en jeu, intervention Arrêt définitif du bevacizumab chirurgicale majeure indiquée en urgence • Traitement des épistaxis : 1) En cas de croûtes mettre à l’entrée du conduit nasal de la pommade antibiotique type fucidine ou mupiderm en alternance avec une pommade emolliente 2) Traitement de l’épistaxis mineure par pommade HEC et /ou coalgan. 3) Si épistaxis plus importante faire appel à un ORL. • Risque exceptionnel de perforation de la cloison nasale 8. PERFORATION DIGESTIVE : C’est un effet IIaire rare mais potentiellement grave < 1 % pour le cancer du sein (2,4) ,1 à 2 % pour le cancer du colon Il n’ya d’ailleurs pas de différence statistiquement significative dans le meta analyse de cortes (0,51% versus 0,21%) entre l’emploi ou pas de bevacizumab. Les facteurs de risque sont (17) : • • • • • Antécédent de diverticulite ou d’ulcère Occlusion Carcinose péritonéale Tumeur digestive en place ATCD d’irradiation abdominale (dont radiothérapie antalgique osseuse) 288 • • Endoscopie dans le mois précédant le début du bevacizumab Traitement par AINS ≥ 1 mois Conduite à tenir pendant l’administration de Bevacizumab : Certains préconisent un traitement systématique par inhibiteurs de la pompe à protons (29) Un diagnostic précoce est essentiel, il faut donc rechercher systématiquement les signes évocateurs (28): Douleur abdominale soudaine associée à Constipation et/ou vomissements Et à une hyperthermie Si survenue d’une perforation : ARRET définitif du Bevacizumab CONCLUSION : – – – – Le Bévacizumab est un traitement qui en association avec le paclitaxel ou la capecitabine a fait la preuve de son efficacité dans la prise en charge du cancer du sein métastatique Son absence de toxicité croisée majeure avec les cytotoxiques est un atout. Les effets secondaires graves de cette molécule sont rares, les effets secondaires fréquents sont facilement contrôlables si on les évalue régulièrement. La prise en charge d’un traitement par bevacizumab et la gestion optimale de ses effets secondaires impose de la disponibilité et de la rigueur. Cela passe par : Une information complète et détaillée de la patiente, de ses proches et de son médecin traitant. Le rôle de ce dernier est primordial car la plupart des effets secondaires se passent au quotidien, sur un mode de chronicité, et peuvent impacter la qualité de vie. De la prévention : éducation de la patiente et évaluation soigneuse et répétée des comorbidités, des traitements associés. Une évaluation biologique et clinique régulière et rigoureuse pour dépister précocement non seulement les toxicités sévères mais également les toxicités « mineures » car ce sont ces dernières qui altèrent à terme l’état général et la qualité de vie des patientes. Une prise en charge pluridisciplinaire de ces toxicités. 289 REFERENCES : 1. Ferrara N, Gerber HP, LeCouter J. The biology of VEGF and its receptors. Nat Med 2003 ; 9 : 669-676 2. www.fda.gov 3. Geiger-Gritsh S, Stollenwerk B, Miksad R. Safety of bevacizumab in patients with advanced cancer : A meta-Analysis of randomized controlled trials. The Oncologist 2010; 15: 1179-1191 4. Cortes J, Calvo V, et Al Annals of Oncology Advance Access, October4, 2011 5.Veronese ML, Mosenkis A, Flaerty KT, Gallagher M Stevenson JP, Towsend RR. Mechanisms of hypertension associated with BAY 43-90006. J. Clin. Oncol 2006; 24 : 1363 - 1369 6. Halimi JM, Azizi M, Bobrie G, Bouche O, Deray G, des Guetz G, Lecomte T, Levy B, Mourad JJ, Nochy D, Oudard S, Rieu P, Sahali D. Effets vasculaires et rénaux des médicaments anti-angiogéniques : recommandations françaises pour la pratique (SN, SFHTA, APNET, FFCD). Néphrologie & Thérapeutique 2008, 4, 602-615 7. 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Définition et évaluation Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants (SEPS) encore parfois appelé « burnout » peut se définir de multiples manières. Nous utiliserons le terme SEPS dans la suite du texte de manière préférentielle sachant que ces deux termes sont synonymes. En 1974, Herbert Freudenberger a été le premier à décrire un « état causé par l’utilisation excessive de son énergie et qui provoque le sentiment d’être épuisé et d’avoir échoué », l’année suivante M. Coyne expose pour des professionnels du sauvetage et des urgentistes une « attitude cynique, insensible et négative visà-vis des personnes qu’ils prennent en charge » C’est finalement à D. Bédard et A. Duquette que l’on doit une définition très utilisée du SEPS, s’appliquant aisément au monde des soignants, il s’agit d’une « expérience psychologique négative vécue par un individu, liée au stress émotionnel et chronique causé par un travail ayant pour but d’aider les gens ».[1] L’outil le plus utilisé pour dépister cette détresse a été développé par C. Maslach et S. E. Jackson en 1981. [2]. Il s’agit d’un questionnaire de 22 questions qui regroupe 3 dimensions (détaillé en annexe 1) : 1) L’épuisement émotionnel : celui-ci se caractérise par une incapacité à accueillir une émotion nouvelle avec des moments d’explosions émotionnelles (pleurs ou colère). Il n’y a pas d’amélioration après le repos (week-end ou vacances) 2) La déshumanisation de la relation à l’autre : c’est le noyau dur du syndrome ; il s’agit d’un détachement, et d’une sécheresse relationnelle se traduisant de diverses manières : un langage purement scientifique, cynisme, malade considéré comme un objet, une chose ou un numéro de chambre… au pire cette déshumanisation peut entraîner de la maltraitance 3) La perte de sens et de l’accomplissement de soi au travail : c’est le sentiment de ne pas être efficace, surtout dans sa relation à l’autre. On retrouve une perte du sens des missions du soignant et un sentiment de culpabilité. Elle peut entraîner une démotivation, un absentéisme ou un manque de rigueur (accident d’exposition au sang, lumbago, fautes professionnelles…) Ces trois dimensions sont indépendantes, il ne s’agit pas d’une triade diagnostique et l’on peut avoir une atteinte importante d’une dimension sans aucune répercussion sur une autre dimension. Il s’agit d’un phénomène dynamique (possibilité d’évolution d’une dimension à l’autre) qui peut être contagieux au sein d’une équipe. Notons par ailleurs que ce syndrome peut atteindre un sujet normal (sans psychopathologie préalable), mais qu’il peut dans un deuxième temps être à l’origine de véritables troubles psychiatriques : anxiété, dépression, addiction, risque suicidaire… 1.2. Epidémiologie De nombreuses études ont évalué l’épuisement professionnel des soignants en cancérologie. Les instruments de mesure utilisés pouvaient varier selon les études mais le Maslach Burnout Inventory (MBI) était utilisé majoritairement. Il en ressort au total, que 20 à 40 % des personnels soignants et 35 à 60% [3] et [4] des médecins présentent un épuisement professionnel. Les études spécifiques aux internes et étudiants de médecine réalisées aux Etats-Unis trouvent des taux plus élevés, entre 50 et 76% [5]. L’étude française, menée en 2009 sur 340 internes d’oncologie médicale, oncologie radiothérapie et d’hématologie (taux de réponse 60%) a retrouvé un taux de SEPS de 44%, qui correspondait à 26% d’épuisement émotionnel (EE) et 35% de dépersonnalisation (DP). 18% des internes interrogés avaient un score élevé 294 dans les deux dimensions testées (EE et DP). Il n’y avait pas dans cette étude de différence entre les trois spécialités [6]. Une étude comparative réalisée en cancérologie chez des infirmières, des médecins et des internes a montré que les internes étaient plus à risque d’épuisement émotionnel et de dépersonnalisation tandis que les infirmières étaient plus à risque d’avoir un faible accomplissement personnel [7]. La principale étude française transdisciplinaire en onco-hématologie a été publiée par Lissandre et collègues. Elle a étudié 236 soignants et retrouvé des taux de SEPS de 38% chez les médecins, 24,5% chez les infirmières et de 35,2% chez les aides soignantes [8] Dans une méta analyse récente sur données publiées [9], les résultats de dix études ont été compilés. Ces études regroupaient des enquêtes utilisant le MBI comme instrument de mesure, et les personnels soignants étudiés étaient des médecins, des infirmières et des aides soignantes. Au total, la prévalence globale du SEPS était rapportée selon les trois composantes : - épuisement émotionnel : 36% (Intervalle de confiance (IC) 95% : 31–41) - déshumanisation: 34% (IC 95% : 30–39) - perte de l’accomplissement personnel : 25% (IC 95% : 16–34) Il est important de noter que compte tenu de la construction de l’échelle du MBI, cette prévalence d’un tiers est « attendue ». En effet initialement les seuils des scores du MBI ont été choisis pour diviser la population en trois tiers « à risque faible, modéré ou sévère » de SEPS. Il est donc « logique » d’avoir environ un tiers des gens dans le « tiers supérieur »… Il est particulièrement important de repérer les études où les taux sont très élevés (cf. étudiants et internes de médecine notamment), mais le plus utile reste l’étude des facteurs associés, car ce sont les leviers sur lesquels on peut agir pour faire diminuer le taux de SEPS. 2. Prévention du SEPS et recommandations Comme nous l’avons vu le SEPS est facteur d’altération de la qualité de vie du soignant, d’absentéisme, de dégradation de la qualité des soins, il est essentiel de sensibiliser les unités d’Oncologie et d’Hématologie à cette problématique. Si l’on suit le modèle de la Santé Publique, on peut identifier deux temps principaux de prévention : - La prévention primaire consistant à prévenir le risque de SEPS au sein d’une équipe. - La prévention secondaire. Elle est synonyme de dépistage. Le SEPS doit être reconnu au plus tôt afin d’éviter la contagion au sein de l’équipe. La prévention primaire passe par deux types de mesures : les mesures collectives au sein de l’équipe d’une part et les mesures individuelles d’autre part. L’approche globale inclue le management d’équipe et l’organisation du travail ; l’approche individuelle comprend la recherche de sources de « ressourcement », les formations individuelles, la recherche de soutien auprès de son entourage ou de professionnels. La prévention secondaire quant à elle passe par l’identification précoce des personnels en souffrance et leur accompagnement. Nous verrons donc successivement ces deux approches. 295 2.1. Prévention primaire du SEPS et mesures associées 2.1.1 Les relations entre direction administrative et services de soin Si le SEPS justifie des mesures préventives individuelles, il requiert une approche collective adaptée aux causes au niveau institutionnel. 2.1.1.1. Les relations entre institution et services de soin L’impact des lourdeurs administratives et le poids des pressions qu’elles engendrent sont une raison supplémentaire et quotidienne de l’aggravation du risque de SEPS. Les multiples directions obligent à mettre en place des mesures dont les logiques sont souvent très différentes des logiques soignantes, notamment elles sont principalement gestionnaires et comptables et s’intéressent peu ou pas aux préoccupations des professionnels de terrain, ou aux problématiques humaines pourtant incontournables. La succession de ces projets institutionnels fait que les projets d’équipe ne trouvent pas toujours la place de s’élaborer et de se mettre en place. Les frustrations et l’impression de « ne pas y arriver » entraînent un risque de démotivation et un sentiment d’incompétence face aux demandes. L’évaluation et les notations des personnels dépendent de leur participation à ces projets ce qui augmente le stress en cas d’incapacité à les mener. Les relations directions/services de soin sont trop souvent d’ordre vertical, et directement soumises au poids hiérarchique sans possibilités de décisions prenant en compte les acteurs de terrain concernés. Ceci peut créer des incompréhensions majeures dans le fonctionnement quotidien. L’évaluation du personnel passe également par des variables simplement quantitatives (nombre de patients pris en charge par les infirmières, nombre de consultations par an, taux de patients inclus dans les essais thérapeutiques…). L’absence de prise en compte des aspects qualitatifs, et le manque de temps auprès des patients renforce la frustration des soignants et le mécontentement des patients. Comment imaginer qu’un médecin disposant de 15 mn pour une consultation avec un patient atteint d’un cancer évolué puisse bien le prendre en charge ? 2.1.1.2. Principes d’organisation pratique De manière générale, il semble que plus l’organisation du travail est souple, plus elle permet des « aménagements favorables à l’économie psychosomatique individuelle » et donc préserve la santé psychique et la satisfaction au travail. L’impossibilité pour le professionnel d’apporter des aménagements sur ce point génère de la souffrance [10]. Horaires, remplacements, rotations L’hôpital travaille en contexte contraint, la démographie infirmière et médicale est une préoccupation, la tarification à l’acte oblige à des remaniements du fonctionnement : ces problématiques influent sur la qualité de prise en charge des patients et augmentent les pressions sur les soignants. Les rythmes de travail, les rotations horaires, le travail de nuit sont des obligations de service public auxquelles il est difficile de se soustraire : il appartient au cadre de santé de veiller à l’équité de ces obligations avec la plus grande justice et sans favoritisme. Choix du lieu d’exercice et accès à la mutation choisie Nous avons vu précédemment que travailler en oncologie ou en hématologie est très particulier. Les professionnels de la santé sont confrontés à un travail complexe où les situations palliatives se mêlent à un 296 travail extrêmement technique. S’y ajoutent la surcharge de travail, les symptômes mal contrôlés, et la gestion des proches de plus en plus difficile. Il est donc important que les soignants puissent choisir de travailler dans de tels services et ne pas être bloqués quand ils demandent à changer d’affectation. C’est à la fois essentiel pour un soignant en souffrance de pouvoir accéder à une mutation et en même temps ça rassure les autres membres de l’équipe qui ne se sentent pas enfermés dans un service à vie ! 2.2 Au sein du service 2.2.1 Au plan organisationnel Clarté des rôles et cohérence des demandes La clarté des rôles n’est pas toujours bien définie ce qui entraîne des confusions de tâches. Il semble évident que les compétences et responsabilités doivent s’accorder avec les missions précises de chacun. La cohérence oblige à une concertation anticipée et logique pour ne pas placer le soignant qui reçoit cette demande dans une situation où il ne peut rien décider. Limiter les interruptions de tâches Il apparaît que les soignants sont fréquemment interrompus au cours de leur travail (téléphone, demande de collègue, patient famille, …) [11] [12].On peut imaginer facilement qu’un soin ou un entretien interrompus ne bénéficient pas de la même qualité, le professionnel est déconcentré, il y a risque d’erreur ou d’oubli, le patient se sent en insécurité. Il convient donc d’analyser les causes d’interruption pour y trouver des solutions. Une bonne relation au sein de l’équipe Le climat de travail dans le groupe en est un élément essentiel. En effet, comme nous l’avons vu précédemment la relation médecins/soignants avait une incidence forte sur la satisfaction professionnelle. Quand elle est bonne, cela augmente le moral et le dynamisme des soignants et favorise leur stabilité en poste. Il s’agit donc de favoriser la qualité de l’ambiance de travail au sein de l’équipe. Tout cela ne peut avoir lieu que si l’impulsion est donnée par un binôme soudé cadre/chef de service. Le fonctionnement pyramidal ne favorise pas l’expression de tous les personnels qui, frustrés, n’ont pas la capacité de dialoguer d’égal à égal, au risque de ne pas développer leurs compétences propres. Une autre communication est possible et souhaitable qui intègre la reconnaissance des personnes et des différentes approches du soin. Elle suppose que les valeurs fondamentales relatives à l’éthique de groupe tels que le respect mutuel, la tolérance, la confiance et l’écoute de l’autre soient instaurées comme règles essentielles du groupe. La reconnaissance et la valorisation Fondamentales pour tout humain et plus encore dans ces professions confrontées aux difficultés extrêmes du « prendre soin », force est de constater que ces pratiques de reconnaissance et valorisation sont peu manifestées à l’égard des soignants. Il est à noter que la pratique de la reconnaissance ne ressemble pas nécessairement à une approbation, ou à des félicitations. L'image classique qui en existe dans les institutions est souvent de : « brosser dans le sens du poil ». Outre le fait que cette image produit chez certains un sentiment désagréable d’hypocrisie et/ou de « s’abaisser à », elle est aussi particulièrement réductrice. En effet, la reconnaissance de l'autre suppose de considérer l'individu tel qu'il est, avec ses qualités propres, ses ressources, mais aussi avec ses limites, en dehors d'un jugement de valeur bien sûr. 297 Restaurer la motivation et l’envie de réinvestissement passe par la mobilisation des ressources personnelles en positivant le travail accompli et les résultats obtenus mais aussi en proposant de nouvelles responsabilités en autonomie (participation aux prises de décision) et/ou en encourageant les initiatives. Les formations extérieures sont à encourager, elles apportent des compétences nouvelles et un autre regard (à condition qu’elles ne soient pas annulées au dernier moment pour problèmes intercurrents ce qui serait vécu comme une injustice supplémentaire). L’autonomie des rôles Il est essentiel de valoriser l’autonomie des infirmiers en s’appuyant notamment sur leur rôle propre qui leur donne des prérogatives liées à leur formation et domaine de compétences. Le soutien des collègues Il est primordial pour les soignants (médecins inclus) d’avoir un soutien informel au sein même de l’équipe, de pouvoir exprimer ses sentiments, émotions (tristesse, frustration…), ainsi que de partager ses échecs et ses succès. Ce soutien peut être informel (soutien de couloir), ou organisé (tutorat). Les études soulignent bien le fait que la satisfaction au travail et un fort soutien perçu dans le milieu de travail ont été associés à une réduction du stress et l'épuisement professionnel [13]. L’accueil des nouveaux arrivants par tutorat pendant plusieurs semaines doit leur apporter les connaissances sur la typologie des patients qu’ils vont prendre en soins. Il est particulièrement aidant en ce qu’il permet de rencontrer les difficultés sans en avoir la charge technique et émotionnelle isolément. La relation à l’autre ne s’improvise pas ; elle nécessite une profonde réflexion associée à l’expérience sur ce que l’on peut apporter comme soignant et comment le faire. Or les jeunes soignants sont souvent démunis face à des aspects relatifs à la souffrance et à la mort, plus faciles à aborder dans le cadre d’un accompagnement. 2.2.2. La gestion (ou managériat) participative et ses différentes composantes La fonction de gestionnaire est bien délicate car souvent décriée, or les cadres souffrent également de manière importante de SEPS. Aux prises avec des logiques contradictoires leur gestion doit pourtant être attentif aux individualités dans une approche collective basée sur la bienveillance et l’équité. Ceci nécessite une adapation permanente des différents styles de management possibles selon les équipes et les situations (informatif, directif, délégatif, participatif). La particularité du management participatif est de prendre en compte les idées et les suggestions de tous. Ainsi, il aménage des solutions qui prennent en compte les intérêts mutuels de l’équipe. Il repose sur : - la démarche projet qui apportera reconnaissance, valorisation, dynamisation, fédération et responsabilisation - la création d’espaces d’échange qui apportera reconnaissance et communication et fédération - la formation interne qui permet le développement des compétences et développe la notion d’accomplissement 298 2.2.2.1. La Démarche Projet Elle consiste, à partir d’un constat de dysfonctionnement ou d’un besoin, à mettre en place un groupe de travail pluri professionnel chargé de proposer des pistes de réflexion et de faire des propositions d’amélioration de manière consensuelle. Cette démarche projet peut s’inscrire dans une approche plus globale de projet de service. 2.2.2.2. La création d’espaces de communication au sein de l’équipe Un principe essentiel du managériat participatif est de créer des espaces d’échanges qui permettront à chacun de s’exprimer, d’être écouté, et de participer à un échange d’idées. Plusieurs types de réunions peuvent être envisagés. Les staffs pluri professionnels Il s’agit à l’évidence des espaces d’échanges les plus importants à mettre en place au sein des services. Leur objectif est de définir un projet de prise en charge globale des patients et de leurs proches par une meilleure analyse des besoins grâce aux regards croisés des participants de ces staffs (aidessoignantes, infirmier(e)s, médecins et autres soignants) issus des différentes composantes des soins oncologiques de support. Groupes de soutien ponctuel ou groupes de « débriefing » Ces réunions de soutien sont organisées ponctuellement lorsque survient une situation difficile : une répétition de décès, une prise en charge mal vécue, un conflit avec les familles, une « longue agonie », un passage en réanimation inadapté…. Les groupes de paroles Les groupes de parole institutionnels puisent leurs fondements théoriques dans l’œuvre de Michael Balint, pour qui « le médicament le plus utilisé en médecine est précisément le médecin ». Dans cette optique se sont mis en place des groupes de parole afin de permettre aux soignants d’exposer un cas qui leur pose problème. Le but était que les soignants puissent reconsidérer leur expérience de tous les jours, pour mieux cerner certains problèmes coûteux en travail et en souffrances, autant pour les soignants que pour les patients. [14]. Un groupe de parole est à trois temps. Tout d’abord un temps « pour voir », puisqu’on peut y assister et observer sans s’y impliquer, on peut parler sans se sentir menacé. Puis un temps « pour comprendre ». En effet, parler en groupe permet de mieux percevoir les enjeux transférentiels à l’œuvre dans la relation (soignant-soignant, soignant-malade, soignant-famille, soignant-hiérarchie), les mécanismes d’identification, de projection, et la place du sujet. Le groupe devient un lieu où les affects peuvent être déposés, où l’on peut apprendre à écouter, s’écouter, et il suppose d’accepter que le discours écouté existe. Il ne s’agit pas d’être d’accord ou non, mais d’écouter une réalité psychique donc subjective. Il y a également un temps « pour conclure » et intégrer ces nouveaux aspects. Les réunions de relecture de cas cliniques ou de cas éthique Les revues morbidité-mortalité Certains éléments développés par la Haute Autorité de Santé méritent d’être soulignés HAS 2002) [15] : - le positionnement de la RMM comme un dispositif d’apprentissage par l’erreur non culpabilisant : « Cet engagement n’est pas en soi un facteur d’accroissement de responsabilité. Au contraire, la mise 299 en place de cette procédure apporte la preuve de la réactivité des équipes face à une situation de risque qui pourrait se renouveler ». - la promotion d’une approche associant non seulement une analyse rétrospective de la mortalité morbidité, mais aussi une démarche prospective d’amélioration de la sécurité grâce à la mise en oeuvre d’un plan d’action. - la possibilité d’analyser en RMM des cas marqués par un décès ou une complication mais également tout évènement qui aurait pu causer un dommage au patient. Les réunions de services 2.2.2.3 La formation interne Les formations internes ont de multiples avantages par rapport aux formations externes. Elles permettent de former « ensemble » : les membres de l’équipe auront donc tous le même niveau de formation, avec le même langage. Elles engagent la mise en place d’espaces de discussion sur le sujet au cours ou après l’enseignement théorique, permettant donc à chacun de communiquer et de se connaître. Elles facilitent, en présence d’un animateur attentif à la répartition de la parole, l’expression et la reconnaissance de tous. Les sujets peuvent être variés : - sujets techniques, relatifs à des pathologies, des examens, des techniques de soins - prise en charge globale du patient - techniques centrées sur les soignants (sophrologie, relaxation, art-thérapie…) 2.3. Mesures individuelles préventives Si les mesures de prévention institutionnelles sont essentielles, elles ne peuvent garantir à elles seules la limitation du SEPS. La formation individuelle : - contribue au projet individuel comme à l’adaptation à un contexte professionnel; - confère une valorisation personnelle certaine. - est propre à faire évoluer objectifs et limites personnels; La formation individuelle peut intervenir à trois temps : - La formation initiale du soignant (faculté de médecine, école d’infirmières, etc…) - La formation continue lorsque le soignant est déjà en poste, et notamment lors de situations de souffrances spécifiques - Les formations spécifiques à mettre en place pour répondre à des souffrances spécifiques 300 On peut citer quelques exemples. Globalement la formation initiale des soignants est un moment idéal pour sensibiliser les futurs soignants au risque de SEPS. Pour le personnel médical en cours de formation initiale on pourrait également proposer une information spécifique sur les modes d’exercice qui permettrait aux jeunes médecins de se projeter dans un type de carrière. De même, en cas de souffrance, le jeune pourrait en fonction des composantes du malaise identifiées envisager sous le tutorat d’un médecin senior une réorientation vers le mode d’exercice le plus approprié ou une adaptation du parcours pendant l’internat. Lors de la formation continue les médecins installés peuvent évoluer dans leur mode d’exercice mais également dans leur spécialisation en s’orientant vers une activité de recherche translationnelle ou spécifique d’un aspect du Cancer (nutrition, douleur etc…). De la même manière on peut proposer aux infirmières une formation sur un aspect spécifique de leurs soins tels que l’accompagnement palliatif, le soin de plaies etc… Ces formations courtes et financées par l’établissement permettent à celles-ci de se spécialiser dans un domaine d’intérêt, de se former à un soin mal maîtrisé et de prendre confiance en elle en se trouvant une spécificité dans l’équipe. Ces dernières peuvent être parfaitement adaptées à une souffrance réactionnelle après un événement pénible au sein de l’équipe (décès difficile, douleur résistante…). La mise en place de ces formations peut être la conclusion d’une démarche projet (cf supra) 2.4. Des propositions spécifiques pour les jeunes médecins Différents éléments plaident en faveur de propositions spécifiques de prévention du SEPS chez les internes [6], que ce soit leur mobilité tous les 6 mois, la nécessité d’appréhender une somme colossale d’information tout en gérant d’importantes responsabilités et en assurant une relation humaine de qualité avec les personnes malades, ou encore le taux d’usure constaté chez eux comme l’indiquent les études présentées au début de ce texte. Voici les recommandations proposées : - Mettre un place un suivi annuel en entretiens individuels du parcours de l’interne par un enseignant du D.E.S - Proposer une formation spécifique annuelle décrivant les différents modes d’exercice de leur profession - Mettre à disposition un réseau de psychologues en ville accessibles aux internes - Proposer un groupe de parole local spécifique aux jeunes médecins - Soutenir les internes par le biais du réseau national des associations 3. La prévention secondaire, le dépistage du SEPS et le soutien au soignant 3.1. Identifier le SEPS Le but est d’identifier le SEPS précocement afin de pouvoir adresser le soignant au plus vite vers un interlocuteur compétent. Il s’agit de limiter sa souffrance et de prévenir la contagion dans l’équipe. Identifier la souffrance du soignant et/ou nommer le SEPS est un début de « reconnaissance » qui procurera déjà un premier soulagement pour le sujet. « Nommer » le problème oblige à intervenir. [16] Quels intervenants ? 301 Les cadres et chefs de service Ils sont sans doute les premiers sur le terrain à pouvoir reconnaître la souffrance des soignants et à pouvoir la signifier. Pour cette raison : - Ils doivent être formés sur le SEPS de manière pratique et efficace. De courtes formations sur le SEPS peuvent être envisagées lors de leur formation initiale (faculté de médecine, école de cadres) ou au cours d’une formation continue. Les objectifs sont : a) de connaître les conséquences du SEPS ; b) de pouvoir identifier les signes du SEPS ; c) de pouvoir discuter d’une adaptation du poste de travail d’un soignant en souffrance - Ils doivent avoir identifié un réseau local de spécialistes (psychothérapeutes) intra- et/ou extraétablissement capable de soutenir un soignant en situation de SEPS Les psychologues spécialisés dans l’accompagnement de soignants L’objectif de leur approche vis à vis des soignants est la détection du SEPS mais aussi et surtout sa prise en charge précoce. Dans les établissements de santé, on trouve généralement des psychologues faisant partie de services de spécialités (psychologue du service d’oncologie par exemple), ou dédiés aux unités transversales (psychologue de l’équipe mobile de prise en charge de la douleur par exemple). D’autres psychologues ont une fonction dédiée aux professionnels de santé et relèvent soit de la médecine du travail, soit de la direction. Le psychologue du service en tant que partie prenante du corps paramédical de part ses fonctions de soutien aux malades, peut-il être le « soignant du soignant » ? Si un soignant est en souffrance dans son équipe paramédicale peut-il en faire part pleinement à l’un de ses membres? Dans un grand centre avec un psychologue dans chaque service on peut imaginer que le psychologue de radiothérapie prenne en charge l’équipe soignante d’oncologie médicale mais dans un plus petit centre où il n’y a qu’un (ou aucun) psychologue comment peut-on faire ? Doit-on « s’échanger » les psychologues dans le cadre d’un réseau entre établissements ? On peut tout autant imaginer un réseau « ville-hôpital » avec un groupe de psychologues en ville identifiés et sensibilisés à la thématique. Une réflexion devrait être engagée en tout lieu pour répondre à ces questions, considérant que les psychologues des établissements sont souvent un relais nécessaire dans le processus de soutien des soignants touchés par un SEPS. Le soutien psychologique hors contexte professionnel est effectué par des psychothérapeutes (psychologues ou psychiatres) qui chacun selon des démarches propres vont s’intéresser à faire émerger l’expression du sujet souffrant. Les réseaux (soins palliatifs/oncologie/gérontologie…) devraient avoir un rôle essentiel dans la constitution de groupes de psychothérapeutes libéraux référents et sensibilisés aux problématiques de souffrance des soignants. Reste à clarifier les problématiques de financement et à généraliser les « rémunérations spécifiques ». 3.2. Soutien individuel en cas de SEPS Les différentes étapes qui décrivent le processus de soutien individuel sont ici présentées dans leur ordre le plus logique. Celui-ci peut varier selon les cas et les étapes peuvent se recouvrir en partie. Etape de mise en parole du malaise Etape de clarification des diverses composantes du malaise Trois composantes peuvent être identifiées : 302 - Les composantes personnelles Liées aux idéaux et valeurs Liées aux événements intercurrents de la vie privée (deuil, séparation etc…) Liées à l’image que le soignant se représente de ses relations interpersonnelles au travail. Par exemple, un professionnel peut systématiquement attendre de la part de ses supérieurs une attitude paternaliste qu'il ne retrouve pas. - Les composantes professionnelles Facteurs de stress intrinsèques au métier Décalage entre les motivations initiales, les idéaux et l’état réel des choses au quotidien Charge de travail Problématiques d’organisation du travail - Les composantes relatives au lien entre les aspects personnels et professionnels Place de chaque espace (personnel/professionnel), et modalités d’articulation Conflits éventuels entre vie personnelle et professionnelle. Par exemple, la volonté de réussir dans un rôle professionnel donné peut être incompatible par ailleurs avec les exigences et choix de vie personnelle Problématiques de reconnaissance de l’investissement du soignant Etape d’accompagnement le soignant La confrontation entre les choix antérieurs, le contexte, les ressources et les besoins actuels, définit de nouvelles orientations et les prises de décisions adéquates, comme cela a été décrit par Shanafelt et al [17]. Les étapes essentielles pour y parvenir sont les suivantes : Réfléchir sur ses choix professionnels, son engagement professionnel, son positionnement - Revenir sur le choix de l’orientation médical/paramédical - Se souvenir de ses motivations d’entrée dans la profession - Définir les motivations actuelles - Identification des attentes L’aider à se situer - Identification des limites personnelles - Prise de conscience des ressources - Identification des objectifs et priorités - Identification du déséquilibre entre objectifs et ressources - Définir les perspectives d’avenir Ajuster les projets aux réalités du travail 303 - Discuter des ressources personnelles (loisirs, soutien amical et familial) - Confronter cette réflexion et redéfinition aux réalités professionnelles - Se définir et faire des choix en conséquence Organiser le soutien - Orientation vers une prise en charge spécialisée avec un psychothérapeute pour soutenir cette démarche dans sa réalisation et la réajuster si nécessaire - Discuter des ressources personnelles et lieux de ressourcement (loisirs, soutien amical et familial…) [1] - Proposer/discuter de l’instauration d’un moment de décompression entre l’institution et la maison Conclusion Le SEPS est un syndrome de présentation polymorphe, fréquent et contagieux au sein des équipes soignantes qui a longtemps été négligé. Les conséquences sont multiples tant pour le soignant en souffrance que pour les patients à la charge de l’équipe. Des mesures préventives et thérapeutiques simples peuvent et doivent être mises en place pour en diminuer l’impact. BIBLIOGRAPHIE 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. CANOUÏ P et MAURANGES A. Dans : Le burn out à l’hôpital. Le syndrome d’épuisement professionnel des soignants. Ed : Elsevier Masson 2008 MASLACH C, JACKSON SE. The measurement of experienced burnout. J. Occup. Behav. 1986;2:99-113. RAMIREZ AJ, GRAHAM J, RICHARDS MA, CULL A, GREGORY WM, LEANING MS, SNASHALL DC, TIMOTHY AR. Burnout and psychiatric disorder among cancer clinicians. Br J Cancer. 1995 Jun;71(6):1263-9. WHIPPEN DA, CANELLOS GP. Burnout syndrome in the practice of oncology: results of a random survey of 1,000 oncologists. J Clin Oncol 1991;9:1916-1920. DYRBIE LN, THOMAS MR, MASSIE FS, et al. Burnout and suicidal ideation among U.S. medical students. 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Ann Intern Med. 2002 Mar 5;136(5):358-67. 304 LES CANCERS DU SEIN METASTASES D’EMBLEE : PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE LOCO-REGIONALE Auteurs Marie-Pierre Chauvet , Sylvia Giard, Centre Oscar Lambret Lille 305 Introduction Environ 4 à 6% des patientes atteintes d’un cancer du sein présentent des métastases au moment du diagnostic. Historiquement la place de la chirurgie reste limitée aux situations palliatives locales soit en raison de symptômes locaux invalidants pour la patiente soit pour assurer un contrôle local correct pendant leur période de survie. Dans cette situation un geste radical est le plus souvent réalisé, dit de propreté. Parfois une exérèse mammaire partielle est effectuée rarement complétée par une irradiation. Cette attitude est basée sur des études ayant confirmé le caractère incurable des stades IV et et qui ont orienté les praticiens vers des traitements systémiques. Pour autant, la littérature plus récemment publiée montre que 30 à 60% des patientes au stade IV sont opérées. En effet depuis quelques années, différentes études évaluant l’intérêt d’une chirurgie radicale agressive (enlevant tumeur primitive et éventuellement les métastases) dans d’autres localisations (cancer colorectal, gastrique, ovarien) ont permis de remettre en question le principe d’abstention chirurgicale sur la tumeur primitive en montrant un bénéfice en terme de survie. L’équipe de Flanigan et coll. a par exemple montré dans une étude randomisée chez des patients atteints de carcinome rénal traité par interferon une amélioration de la survie dans le groupe des patients opérés (néphrectomie). Cependant l’effet de facteurs biologiques spécifiques de tumeur (circulation des cellules tumorales, type de réponse aux traitements systémiques, modes de dissémination, …) diffère selon le type d’organe et ces constatations ne peuvent être généralisées. Pour le cancer du sein, ces publications sont à mettre en parallèle avec l’amélioration de la survie et de la qualité de vie des patientes au stade IV de la maladie grâce en partie aux progrès des traitements systémiques qui ont permis d’augmenté leur espérance de vie. Ces arguments sont à l’origine d’un ensemble de publications récentes évaluant l’impact de la chirurgie chez les patientes présentant un cancer du sein métastatique d’emblée. Nous actualiserons ici l’ensemble de cette littérature déjà présentée en 2009 et tenterons d’en dégager quelques principes éventuellement applicables en pratique. Données de la littérature Nous rapportons ici la synthèse des données de 12 études ayant à ce jour évalué l’impact de la chirurgie locorégionale chez les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique. Toutes sont rétrospectives et concernent des patientes répertoriées sur des périodes allant de 3 à 45 ans ! De ce fait, ces travaux sont notablement biaisés par des critères de sélection difficilement analysables secondairement. Dans ces études, on constate une grande disparité sur - les indications (allant de la biopsie chirurgicale diagnostique à l’exérèse dite de propreté en passant par l’ablation dite curative en cas métastases stables) [5, 2] le pourcentage de patientes opérées (allant de 10% à 61%) 306 - - les gestes réalisés (dans certaines études [2], l’ablation concomitantes de métastases a été réalisée). La notion d’exploration ganglionnaire n’est pas toujours connue et jamais argumentée. le timing de la chirurgie : parfois réalisée avant le diagnostic de métastases [7,18,21] les modalités d’irradiation : la notion de radiothérapie n’est pas toujours précisée et peu développée en terme de technique ou d’indication. Les indications et modalités des traitements systémiques qui ont forcément variées dans le temps. Toutes ces études ont évaluées l’impact de la chirurgie sur la survie et ce par des calculs statistiques différents. L’étude de Khan [1] reprend les données de 16023 cancers à partir du National Cancer Data Base : 6861 (42.8%) n’ont pas eu de chirurgie locale. 9162 (57.2%) ont eu une chirurgie. Dans 38.3% (n=3513) par mastectomie partielle (MP), et dans 61.7% des cas (n=5649) par mastectomie totale (MT). En analyse multivariée (modèle de Cox), 4 covariables indépendantes sont identifiées comme ayant un impact sur la survie : la qualité chirurgicale, le nombre de sites métastatiques (> 1 HR=1.25), le type de métastases (tissus mous vs viscérales et osseuses ; HR=0.74), la réalisation d’un traitement systémique (HR=0.61 à 0.72). N’apparaissent pas comme covariables significatives, le type de chirurgie (MP ou MT), la taille tumorale, l’étendue du prélèvement ganglionnaire, le nombre de ganglions envahis. Cette étude datant de 2002 a dynamisé plusieurs équipes puisque 8 études ont été publiées en 2008 et 2009 (cf tableau 2). Plusieurs revues de la littérature ont également été publiées plus récemment [15, 20]. Survie globale et survie spécifique 8 études ont évalué l’impact de la chirurgie locale sur la survie globale. Celle-ci passe de 12.6-28.3 mois sans chirurgie à 25-42.2 mois avec chirurgie. 3 études montrent un bénéfice à 3 ans [1,2,11] et 1 à 5 ans [14]. Bafford [7] dans une série de 147 cas dont 41% (n=61) opérés, met en évidence une différence significative de survie médiane (après ajustement sur l’âge, le nombre de sites métastatiques, l’usage de traitement systémique, le statut RH et HER2). Celle-ci est de 4.1 ans dans le groupe chirurgie vs 2.4 ans dans le groupe sans chirurgie. Reprenant l’hypothèse d’un biais possible de sélection des patientes ayant un meilleur pronostic dans le groupe chirurgical, les auteurs différencient les patientes dont l’état métastatique est connu avant la chirurgie, de celles où le stade IV n’a été diagnostiqué qu’après le geste local : la survie médiane n’est pas différente entre le groupe chirurgie et le groupe non chirurgie chez les patientes connues métastatiques (2.4 ans vs 2.36 ans), alors qu’elle est significativement allongée pour le groupe chirurgie avant diagnostic de métastases (4 ans vs 2.36 ans). Cette étude suggère que la surstadification par un bilan d’extension post-opératoire (ce qui laisse supposer l’absence de points d’appel clinique de métastase) permet d’isoler un groupe de bon pronostic sans que l’on puisse évaluer le rôle de la chirurgie locale sur la survie dans ce groupe. A l’inverse, la survie est comparable dans le groupe reconnu métastatique d’emblée, qu’il y ait ou non une chirurgie mammaire. Mc Guire [10] a rapporté 566 cas de patientes au stade IV. 27.4% d’entre elles ont été opérées (n=154); 64% (n=98) par MT et 36% (n=56) par MP. 34% des patientes traitées par MT ont eu un traitement par chimiothérapie avant chirurgie contre 15% en cas de MP (p=0 .02). Les auteurs mettent en évidence une amélioration de la survie dans le groupe opéré (33% vs 20% avec un recul moyen de 37 mois) ainsi que dans le groupe MT vs MP (37% contre 20%). Aucun impact du nombre de site métastatique n’est retrouvé. 307 Gnerlich [4] reprend les données de 9734 cas de stade IV du SEER 1988-2003 : 5156 (53%) n’ont pas eu de geste chirurgical, 4578(48%) ont eu une chirurgie locale, 1844 (40%) par MP, 2485 (60%) par MT. La survie globale à la fin de l’étude est de 16% dans le groupe non chirurgical et de 24% dans le groupe chirurgie. La survie médiane est, pour les patientes vivantes à la fin de l’étude de 36 mois pour les opérées, de 21 mois pour les non opérées. Elle est respectivement de 18 et 7 mois pour les patientes décédées. En analyse multivariée (modèle de Cox puis score de propension) tenant compte des possibles biais de sélection entre les 2 groupes, la chirurgie reste significativement associée à une réduction de 37% du risque de décès. Compte tenu du registre de données utilisé, l’étude n’a pu prendre en compte les sites métastatiques, la réponse aux traitements systémiques, l’état des berges d’exérèse, et l’utilisation ou non d’un traitement systémique. Dans l’étude de Fields [5], 409 patientes au stade IV d’emblée ont été retenus avec un suivi médian de 142 mois : 187 (46%) ont été opérées, 33% par MP, 66% par MT ; 49% avaient des berges négatives et 77% des patientes ont eu une évaluation ganglionnaire chirurgicale. La survie médiane est de 26.8 mois dans le groupe chirurgical, de 12.6 mois dans le groupe sans chirurgie. Il n’existe en revanche pas de différence significative pour la survie sans progression métastatique entre les 2 groupes. Blanchard [6] reprend 395 patientes dont 242 (61.3%) opérées, 77.7% par MT et 22.3% par MP. La survie médiane est de 27.1 mois dans le groupe chirurgical et de 16.8 mois dans le groupe sans chirurgie. En analyse multivariée, les facteurs associés à une meilleure survie globale sont : le geste chirurgical (HR= 0.71), la positivité des récepteurs hormonaux (HR= 0.6), et le nombre de sites métastatiques (>1 site : HR=1.27). L’étude de Rapiti [3] concerne 300patientes 127 (42%) ont été opérées, 87 par MT, 40 (48%) par MP (61 avaient des berges négatives, 33 des berges envahies et 33 des berges non précisées). La survie spécifique à 5 ans est de 12% pour le groupe sans chirurgie et le groupe chirurgie avec berges inconnues, de 27% dans le groupe chirurgie en berges saines, et de 16% dans le groupe berges envahies. Le bénéfice du groupe chirurgie en berges saines était d’autant plus important que le site métastatique se limitait à des métastases osseuses. Il n’y avait en revanche pas d’impact significatif de la réalisation ou non d’un curage ganglionnaire. 4 études ne retrouvent pas de différence significative sur la survie [12,13,19]. Survie sans progression métastatique 2 études ont choisi ce critère d’évaluation [2,12]. La série du MD Anderson [2] reprend 224 patientes avec un suivi médian de 32.1mois : 142 (63%) n’ont pas été opérées. 82 (37%) ont eu une chirurgie mammaire (48% par MP, 43 par MT). Les indications étaient pour 29 d’entre elles à visée diagnostique, dans 41 cas pour traitement curatif (avec métastasectomie dans 11 cas) et 7 fois à visée palliative. En analyse multivariée, la chirurgie locale n’apparaît pas comme facteur significatif sur la survie globale (facteurs significatifs identifiés : plusieurs sites vs 1 site métastatique HR= 2.43, HER2 positif vs négatif HR=2.52). Par contre la chirurgie locale est significativement associée à une amélioration de la survie sans progression métastatique (HR=0.54). Hazard [12] rapporte 111 cas dont 47(42%) ont été opérées. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer le contrôle local en cas de chirurgie. Cette étude met en évidence une différence significative pour la survie sans progression (HR=0.493 95% CI=0.28-0.87) alors qu’il n’existe pas de différence pour la survie globale. 308 Caractéristiques des patientes opérées et facteurs pronostiques Dans la majorité des études, l’âge jeune est quasi constamment retrouvé dans le choix d’opérer les patientes [2,3,4,5, 12, 13, 14,18,19]. L’analyse des études publiées montrent que certains facteurs semblent avoir également influencés la décision d’opérer. Ces critères sont : - la petite taille tumorale [3,4,5,6,18,21], - un moindre envahissement ganglionnaire [2,3], - le faible nombre de sites métastatiques (1 vs plusieurs [1,2 ,3,6 ,7,19,21], - les métastases osseuses et tissus mous plutôt que viscérales [1,3 ,5,6] , - moins de métastases hépatiques [2], - le grade [4,18], - la présence de récepteurs aux oestrogènes [4,6], - la surexpression de HER2 [2,19,21], - la chimiothérapie comme traitement de première ligne [2,3] Dans ce sens, Rashaan [18] montre que les patientes ayant un meilleur pronostic (âge jeune, sans comorbidité, stade et grade faible) sont plus souvent opérées et que les femmes jeunes sans comorbidité tirent d’avantage profit d’un geste chirurgical. Afin de corriger partiellement ces biais de sélection, Dominici [19] a publié en 2011, à partir d’une database américaine (NCCN), une étude rétrospective avec appariement sur 4 critères (l’âge, le statut des RH et d’HER et le nombre de site métastatique). Cette étude ne met pas en évidence de différence entre les patientes opérées ou non en terme de survie (3.5 ans chez les non opérées vs 3.4 ans chez les opérées) après ajustement sur l’administration de trastuzumab et la présence de métastase pulmonaire. Plusieurs auteurs ont évalués la qualité d’exérèse chirurgicale. Khan [1] retrouve une amélioration de la survie lorsque l’exérèse est complète (HR=0.612) (cf tableau1). Rapiti [3] montre des taux de survie passant de 16% à 27% en fonction des marges. 309 Tableau 1 Pas de chirurgie Survie à 5ans (%) Survie médiane (mois) 6.7 11.9 MP 16.6 22.9 MT 18.4 25.3 MP 11.3 17.6 MT 11.5 20.0 Berges saines (p=0.013) Berges non saines (p=0.1) Enfin en 2010, Neuman [21] a pour la première fois, évalué l’impact du traitement locorégional chez ces patientes sur une population documentée et traitée à l’ère des thérapies ciblées (89% des patientes RH+ sous hormonothérapie et 90% des patientes avec HER amplifié sous trastuzumab). Cet auteur met ainsi en évidence un bénéfice du traitement local chez les patientes RH+ ou HER+ traitées, bénéfice non retrouvé en cas de tumeur triple négative. Conclusion Une majorité de ces études met en évidence une augmentation significative de survie ou de survie sans progression métastatiques chez les patientes métastatiques opérées. Rappelons encore que ces études sont rétrospectives et couvrent des périodes parfois très longues. Les analyses statistiques utilisées ont toutes comporté des tests multivariés afin de corriger au mieux ces biais mais il n’en reste pas moins qu’il est impossible à la lecture de ces articles de préciser en particulier l’état général et les conditions du diagnostic ayant motivé ou non un geste chirurgical. Il s’agit probablement d’un biais majeur à prendre en considération dans l’interprétation de ces données. Seuls des essais randomisés pourraient répondre de façon scientifiquement correcte à cette question. Actuellement 2 études randomisées sont en cours d’inclusion (une étude turque [16] et une indienne[17]). L’analyse de la littérature permet de constater que la survie de ces patientes semble prolongée lorsque celles-ci présente une tumeur moins agressive, associée à un seul site métastatique, plutôt osseux. Une seule étude n’a actuellement étudié l’impact du traitement local selon le profil biologique de la tumeur. D’autres études seront nécessaires afin de profiler au mieux les patientes pouvant bénéficier d’une prise en charge locorégionale. A l’heure actuelle, il parait prudent, en cas d’atteinte polyviscérale, d’évaluer la réponse aux traitements systémiques et de n’envisager un geste chirurgical qu’après stabilisation prolongée par chimiothérapie. Le geste chirurgical peut être radical ou partiel à condition que les berges soient saines. Le rôle de l’évaluation ganglionnaire et l’impact de la radiothérapie restent à démontrer, l’ensemble de ces études ne permettant pas de conclure. 310 Bibliographie : [1] Khan SA, Stewart AK, Morrow M. Does aggressive local therapy improve survival in metastatic breast cancer? Surgery 2002;132:620-7 [2] Babiera GV, Rao R, Feng L, et al. Effect of primary tumor extirpation in breast cancer patients who present with stage IV disease and an intact primary tumor. Ann Surg Oncol 2006;13(6):776-82 [3] Rapiti E, Verkooijen HM, Vlastos G, et al. Complete excision of primary breast tumor improves survival of patients with metastatic breast cancer at diagnosis. J Clin Oncol 2006; 24(18):2743-9 [4]Gnerlich J, Jeffe DB, Deshpande AD, et al. Surgical removal of the primary tumor increases overall survival in patients with metastatic breast cancer: analysis of the 1988-2003 SEER Data. Ann Surg Oncol 2007;14(8):2187-94 [5] Fields RC, Jeffe DB, Trinkhaus K, et al. 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Cancer 2010;116:1226–33 311 Tableau 2 : Récapitulatif de l’impact de la chirurgie sur la survie Auteurs Khan [1] Période n % de chirurgie Survie mammaire Avec chirurgie 57 27.731.8% 1977-1996 300 42 27% à 5 12% à 5 0.0002 ans ans 1988-2003 9734 47 36 21 mois <0.001 mois(med (med) ) 1996-2005 409 46 26.8 12.6 mois(med mois ) (med) 1997-2002 224 37 95% à 3 79% à 3 0.091 ans ans 1973-1991 395 61 27.1 mois 16.8 mois (med) (med) 1970-2002 622 38 44% à 3 24% à 3 <0.0001 ans ans 1995-2005 111 42 43% à 3 37% à 3 NS ans ans 1998-2005 147 41 4.1 ans 2.4 ans 0.003 (ajusté) (ajusté) 1993-2004 728 40 24.5% à 5 13.1% à <0.0001 ans 5 ans 1999-2000 157 33 25 mois 13 mois NS (med) (med) 1997-2007 551 10 3.5 ans 2006 Gnerlich [4] 2007 Fields [5] 2007 Babiera [2] 2008 Blanchard [6] 2008 Cady [11] 2008 Hazard[12] 2008 Bafford [7] 2009 Ruiterkamp [14] Sans chirurgie 1990-1993 16023 2002 Rapiti [3] P 17.3% <0.0001 0.0005 <0.0001 2009 Leung [13] 2009 Dominici [19] 2011 312 3.4 ans NS ROLE DE LA RADIOTHERAPIE LOCOREGIONALE DANS LA PRISE EN CHARGE DES CANCERS DU SEIN D’EMBLEE METASTATIQUES Auteurs Yazid Belkacemi*, Wassim Khodari*, Marc Bollet** * Service d’Oncologie-Radiothérapie, CHU Henri Mondor, Créteil. ** Service de Radiothérapie Clinique Hartmann, Neuilly. 313 Résumé Le cancer du sein métastatique d’emblée (stade IV) est une maladie grave, au pronostic sombre, avec une survie à 5 ans n’excédant pas 20%. Sa prise en charge est palliative. Le but est principalement d’améliorer la qualité de vie des patients. Dans ce contexte, l’intérêt des traitements locorégionaux, considérés comme n’ayant aucun impact sur la survie, était de contrôler l’évolution locale de la maladie afin d’en limiter les symptômes. Les études disponibles ne permettent pas ni d’apporter la réponse à la question du bénéfice potentiel en survie ni de la définition des populations susceptibles de tirer un bénéfice du traitement local chirurgical et/or Radiothérapique. Dans cet article nous ferons le point sur les données rapportées sur l’impact de la radiothérapie locorégionale. MOTS CLÉS Cancer du sein Métastases Stade IV Radiothérapie INTRODUCTION Les cancers du sein métastatiques d’emblée sont relativement rares. Les données du European Concerted Action on Survival and Care of Cancer Patients (EUROCARE) et du Surveillance, Epidemiology, and End Results (SEER) program indiquent que moins de 6% des patientes nouvellement diagnostiquées pour un cancer du sein sont d’emblée métastatiques [1–4]. Grâce aux innovations et l’apport des nouvelles thérapies, la survie globale (SG) à 3 ans de ces patientes est passée en ¼ de siècle de 25% à 45% [5]. L’évolution favorable sous traitements des formes métastatiques d’emblée fait légitimement posée la question du traitement local ou locorégional. Dans la littérature, plusieurs études rétrospectives récentes ont montré que 35% à 60% des patientes présentant un cancer du sein métastatique au diagnostic ont eu un traitement local de leur lésion primitive avec un impact positif sur la survie des patientes [1, 6–19]. La chirurgie de la tumeur primitive et la radiothérapie locorégionale sont les deux armes thérapeutiques qui sont discutées dans ce contexte. Nous nous focaliserons dans cet article sur les résultats obtenus avec la radiothérapie. RATIONNEL DE LA DISCUSSION DU TRAITEMENT LOCAL DES FORMES METASTATIQUES Historiquement, le traitement standard du cancer du sein métastatique consistait en une thérapie systémique exclusive, palliative, avec des résultats modestes en termes de survie. La chimiothérapie à haute dose, suivie de greffe de cellules souches, a également échoué à améliorer la survie de ces patientes [20]. Ce dogme est remis en question par l’arrivée des nouvelles molécules plus efficaces et permettant, pour certaines d’entre elles, l’amélioration de la survie sans progression de la maladie [21–26] voire la survie globale [27, 28]. Certaines études de cohortes confirment les résultats. Dans l’étude de Chia et al [29] le pronostic semble être amélioré par les nouvelles thérapies systémiques, telles que les taxanes, le trastuzumab, et les inhibiteurs de l’aromatase. L’analyse des sous-groupes de patientes présentant un cancer du sein d’emblée métastatique vs les patientes présentant une récidive métastatique dans les 5 ans suivant le diagnostic de leur cancer du sein, a montré une survie globale similaire. Finalement, cette étude a défini 4 cohortes temporelles en fonction de la mise sur le marché de nouveaux traitements systémiques: 1991-1992 (cohorte de référence); 1994-1995 (paclitaxel et vinorelbine); 1997-1998 (docetaxel et anti- 314 aromatases); 1999-2001 (trastuzumab et capécitabine). L’analyse de ces 4 cohortes (n=2150 ; période d’étude=1991-2001) a montré que les 2 cohortes les plus récentes ont un meilleur pronostic que les 2 autres cohortes. Cependant, il faut prendre en considération les différences notées entre ces cohortes en termes de données démographiques, de traitements antérieurement reçus, des caractéristiques histologiques et de l’histoire de la maladie métastatique. André et al [5] ont étudié plus spécifiquement l’apport des nouvelles thérapies aux patientes avec un cancer du sein de stade IV d’emblée (n=724) traitées dans trois Centres de Lutte Contre le Cancer (CLCC) en France entre 1987 et 2000. Cette étude a mis en évidence que la période de traitement est un facteur pronostique indépendant [RR=0.6, p<0.001], suggérant ainsi que les nouvelles thérapeutiques augmentent la survie globale de ces patientes. Par ailleurs, bien que le cancer du sein métastatique soit à ce jour une maladie incurable, certaines patientes ont des survies prolongées. Par exemple, Greenberg et al [30] ont rapporté 16% de réponse complète métastatique après chimiothérapie à base d’anthracyclines et d’alkylants. Parmi ces patientes, 49 ont présenté une rémission complète à 5 ans et 26 patientes une rémission complète après un suivi médian de 191 mois. ROLE DE LA RADIOTHERAPIE DANS LA PRISE EN CHARGE DES FORMES METASTATIQUES La radiothérapie peut être discutée selon que l’indication est posée en postopératoire (« adjuvante ») ou à visée exclusive. La radiothérapie postopératoire Les données sur la radiothérapie postopératoire des patientes ayant un cancer du sein de stade IV sont très limitées et contradictoires. Il existe des différences notables entres les études et entre les patientes de chacune des études rétrospectives publiées [13]. Dans les registres américains du SEER et le National Cancer Data Base (NCDB), il est impossible de distinguer l’irradiation locale de l’irradiation des sites métastatiques. Ceci constitue une limite majeure pour l’analyse des données de ces programmes qui représentent quantitativement les bases de données les plus importantes disponibles dans les études rétrospectives publiées [6, 15]. Dans l’étude de Rapiti et al [15], après ajustement des facteurs en analyse multivariée, il n’y avait aucune différence entre les 266 patientes ayant reçu une irradiation comparées aux 34 patientes qui n’ont pas été irradiées durant leur prise en charge. Les études rétrospectives de Gnerlich et al [12] et Ruiterkamp et al [1] ont, elles, montré que les patientes traitées par chirurgie ont plus souvent une radiothérapie mammaire par rapport à celles non traitées par chirurgie (41% vs 34%). La radiothérapie était associée à une diminution du risque de mortalité en analyse univariée [HR=0.83; IC95%: 0.79-0.87] [12]. A l’inverse, Hazard et al [13] n’ont pas montré d’impact de la radiothérapie sur la survie des patientes, probablement par manque de puissance statistique [OR=2.217 (IC95%: 0.706-6.959); p=0.172]. Après l’analyse des données du SEER, Vlastos et al [31] ont montré que 40% des patientes ayant un cancer du sein de stade IV et traitées par mastectomie partielle ou totale ont eu de la radiothérapie postopératoire. Seules les patientes traitées par chirurgie conservatrice ont une SG significativement augmentée après radiothérapie (SGmédiane=31 mois) vs les patientes traitées exclusivement par tumorectomie (SGmédiane=24 mois ; p<0.0001). En analyse multivariée, la chirurgie et la radiothérapie étaient associées à une réduction statistiquement significative du risque de décès [HR=0.93; IC95%: 0.88-0.98; p=0.0049] en faveur du groupe chirurgie + radiothérapie postopératoire vs groupe chirurgie exclusive, suggérant que la radiothérapie locale postopératoire pourrait également améliorer la survie globale de ces patientes. En conclusion, l’analyse des données disponibles montre que la place de la radiothérapie postopératoire reste encore à déterminer. Les résultats doivent donc être interprétés avec prudence en raison de ces biais potentiels. Il n’est pas aisé de définir les critères de choix des patientes qui pourraient bénéficier d’une radiothérapie postopératoire dans le contexte métastatique. 315 La radiothérapie exclusive La radiothérapie à visée exclusive, en dehors du contexte métastatique, a été utilisée dans les années 80 et 90 par plusieurs équipe dans de multiples circonstances : (i) refus de la chirurgie, (ii) réponse complète après chimiothérapie première, (iii) contre indication d’ordre générale à une chirurgie. Il s’agit donc de situations où le sein et le lit tumoral étaient irradiés à des doses plus élevées avec des boost entre 25 et 37 Gy. Les résultats en termes de contrôle local sont considérés comme satisfaisants dans ce contexte non métastatique. Les taux de contrôle local sont en moyenne et selon le délai de suivi entre 60% et 86% (Tableau 1) entre 5 et 15 ans. La place de la radiothérapie exclusive en situation métastatique après réponse au traitement systémique n’est pas clairement établie dans la littérature. Le Scodan et al [32] ont montré que le traitement locorégional (TLR), basé essentiellement sur la radiothérapie exclusive (78% des patientes), améliore significativement la survie sans récidive et la survie globale à 3 ans. La survie globale était de 27% en l’absence de traitement locorégionale contre 43% quand le traitement était réalisé (p=0,00002). En analyse multivariée, la radiothérapie était un facteur indépendant influençant la survie globale. Cette étude rétrospective est la première publication qui montre l’intérêt de la radiothérapie exclusive dans la prise en charge des cancers du sein avec métastases synchrones. A l’Institut Gustave Roussy, Bourgier et al [33] ont montré que la radiothérapie locorégionale exclusive permettait des résultats similaires à la chirurgie+/- radiothérapie, que ce soit en survie globale ou sans progression (suivi médian : 6,5 ans). Un contrôle local de longue durée était obtenu chez 85% des patientes traitées par radiothérapie seule. Ces résultats suggèrent que l’irradiation délivrée à la tumeur primitive pourrait être une composante importante du traitement dans le cancer du sein métastatique. Critères de sélection des patientes pour une radiothérapie Les études précédemment citées ne donnent que peu d’informations sur les critères de sélection des patientes en faveur d’une radiothérapie locorégionale exclusive. Dans l’étude de Rapiti et al (21), les patientes qui semblaient le plus bénéficier du traitement local étaient les patientes porteuses de métastases osseuses isolées. Ce bénéfice dans le sous groupes des patientes atteintes de métastases osseuses isolées est controversé. En effet, ce paramètre a été retrouvé dans l’étude de Barbiera et al [7] alors qu’il n’est observé ni dans l’étude de Blanchard et al [9] ni dans l’expérience du Centre René Huguenin [30]. Le Scodan et al [32] ont ainsi montré que les patientes avec des métastases viscérales avaient une amélioration de la survie globale à 3 ans lorsqu’elles avaient un traitement locorégional (34.2% vs 17.8%, p=0.005). Il en était de même pour les patientes avec métastases multiples (26.7% vs 12.3%, p=0.003). A contrario, ce bénéfice n’a pas été retrouvé pour le sous groupe présentant uniquement des métastases osseuses (56% vs 49.1%, p= NS). Par ailleurs, les patientes traitées localement avaient un cancer moins avancé et avaient tendance à recevoir plus souvent un traitement systémique (combinant hormonothérapie et chimiothérapie) que les patientes sans traitement locorégional. Les auteurs ne donnent pas d’explications sur les raisons médicales qui ont motivé la réalisation ou non d’un traitement locorégional dans cette population. Il aurait été intéressant dans cette étude de préciser si le groupe avec TLR avait un taux supérieur de réponse clinique complète ou partielle après chimiothérapie ou hormonothérapie première et si le groupe sans TLR avait une maladie stable ou évolutive après le traitement systémique premier. En effet, les patientes avec TLR avaient préalablement reçu un traitement systémique pendant 4 à 5 mois. De plus, ce groupe de patientes avait de meilleurs facteurs pronostiques que le groupe contrôle. L’analyse des courbes de survie globale montre un taux de survie à 4 mois de 95% dans le groupe TLR contre 75% dans le groupe sans TLR, suggérant que les patientes de ce dernier groupe ont non seulement de mauvais facteurs pronostiques, mais également une moindre réponse au traitement systémique. Dans la seconde étude française [33], toutes les patientes avec un cancer du sein de stade IV d’emblée reçoivent un traitement locorégional, à l’exception des patientes en mauvais état général ou progressant rapidement sous chimiothérapie. Dans l’étude de l’IGR, la chirurgie était plus souvent effectuée chez les patientes ayant une tumeur locale résécable alors que la radiothérapie était préférée pour les tumeurs localement évoluées. 316 Les données de la littérature ne nous permettent donc pas de répondre clairement à cette question mais supposent la nécessité d’une sélection des patientes en fonction de leur réponse à la chimiothérapie première. Les essais thérapeutiques en cours Dans les études rétrospectives publiées, il est clair que des biais de sélection peuvent avoir influencé le bénéfice en survie observé chez les patientes traitées localement pour un cancer du sein métastatique d’emblée. Seul un essai randomisé permettrait d’éviter de tels biais et permettrait de répondre à la question. Étant donné la faible morbidité du traitement local, le bénéfice en survie quasi constant observé dans les différentes études rétrospectives publiées et l’incidence annuelle de cas de cancer du sein de stade IV d’emblée (estimée à 12000 aux USA et 2500 en France) un essai prospectif randomisé est justifié. Trois études randomisées sont actuellement en cours. La première, menée par le TATA Memorial Hospital en Inde [34], devrait recruter 350 patientes en vue d’une comparaison entre traitement locorégional (chirurgie +/- radiothérapie) vs pas de traitement locorégional après 6 cycles de chimiothérapie comprenant des anthracyclines. Les objectifs principaux sont la survie sans progression et la survie globale. Les objectifs secondaires concernent des données biologiques telles que des modifications de facteurs angiogéniques (VEGF, bFGF, angiostatine et endostatine). L’étude a débuté en février 2005 et devrait clôturer en juin 2012. Dans un rapport préliminaire, après inclusion de 125 patientes (53 dans le bras chirurgie, 72 dans le bras contrôle, suivi médian 18 mois), la chirurgie de la lésion primitive n’était pas associée à une amélioration de la survie (42.9% dans le bras chirurgical contre 58.5% dans le bras contrôle, p=0.97) [35]. Ces résultats préliminaires sont à prendre avec précaution, non seulement en raison du faible nombre de patientes incluses, mais aussi par l’absence de raison expliquant pourquoi 53 patientes ont été randomisées dans le bras chirurgie alors que 72 l’ont été dans le bras non chirurgical. La seconde étude, sous l’égide de la Fédération Turque des sociétés nationales pour le cancer du sein [36,37], devrait recruter 271 patientes. Elle compare un traitement chirurgical premier (mastectomie totale ou partielle associée à un curage axillaire chez les patientes ayant une atteinte ganglionnaire clinique ou lors du ganglion sentinelle) suivi d’un traitement systémique adjuvant à un traitement systémique exclusif. Dans ce dernier bras, les patientes ne recevront de chirurgie qu’en cas de progression locale. L’objectif principal est la mortalité. L’objectif secondaire est l’évaluation de la qualité de vie dans ces deux groupes. Les inclusions ont débuté en novembre 2007 et devraient s’achever en octobre 2012. Enfin, l’Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG) mène actuellement un essai de phase III avec un objectif de recrutement de 880 patientes (ECOG Trial E2108). Toutes ces patientes recevront un traitement systémique d’induction (par chimiothérapie, hormonothérapie ou thérapie ciblée) en fonction de leur âge, des caractéristiques biologiques de leurs tumeurs et des localisations métastatiques. Ce traitement d’induction est laissé à la discrétion du médecin, en adéquation avec les recommandations actuelles de traitement en première ligne métastatique de cancer du sein. Les patientes stables ou en rémission après 16 semaines de traitement, seront randomisées entre un traitement locorégional, comprenant à la fois chirurgie et radiothérapie « adjuvante » vs la poursuite d’un traitement systémique exclusif. L’objectif principal est la survie globale. En cas de nécessité, un traitement local à visée palliative est autorisé pour les patientes randomisées dans le bras sans traitement locorégional. Les objectifs secondaires incluent la survie sans progression locale, et la qualité de vie. Dans cet essai, le choix du traitement locorégional a été vigoureusement débattu. Cependant, la chirurgie seule est reconnue comme étant insuffisante en situation non métastatique chez la majorité des patientes avec un cancer du sein agressif [38], ce qui par définition inclut les patientes avec un cancer du sein métastatique. Un essai randomisé testant l’hypothèse de l’efficacité du traitement locorégional dans le cancer du sein métastatique devait donc logiquement prévoir un traitement complet. En effet, en cas de positivité d’un essai qui ne testerait que la chirurgie seule, la question d’un bénéfice supplémentaire de la radiothérapie adjuvante se poserait. Et inversement, en cas de négativité d’un tel essai, la question demeurerait posée concernant la possibilité que l’essai ait été positif si la radiothérapie avait été réalisée systématiquement en adjuvant. Ainsi, le consensus final a été que le traitement locorégional dans cet essai devait inclure le traitement standard des cancers du sein non métastatiques, à savoir une chirurgie suivie d’une radiothérapie. Il en est de même pour la décision du 317 curage axillaire, devant être pratiqué systématiquement sauf en cas de ganglion sentinelle négatif chez les patientes sans adénopathie clinique. Des marges négatives doivent aussi être obtenues, au prix d’une reprise chirurgicale si nécessaire. Enfin, la radiothérapie doit suivre les standards en ce qui concerne les volumes irradiées et la dose. Seule la CMI ne sera pas traitée chez ces patientes déjà métastatiques. CONCLUSION Les avancées obtenues dans la prise en charge des cancers du sein stades IV au plan du contrôle de la maladie par les thérapeutiques innovantes pose plus que jamais l’intérêt d’u TLR. Les études rétrospectives apportent des arguments en faveur de ces derniers sans aucune certitude étant donné les nombreux biais. Actuellement, nous n’avons pas de données permettant de mieux définir les sous groupes de patientes qui tireront un bénéfice réel du TLR associé aux traitements systémiques. Les importants essais randomisés en cours pourraient non seulement répondre à certaines de ces questions mais aussi changer la pratique pour de nombreuses patientes ayant un cancer du sein d’emblée métastatique. Tableau I. Contrôle local après radiothérapie exclusive des cancers du sein non métastatiques Auteurs (années)/[Référence] n Taille Dose Contrôle local (suivi) Vilcoq et al. (1984) 636 T2-T3 (3-7 cm) 57Gy 77% (5 ans) Boost (60CO) [39] 20-25 Gy Van Limbergen et al. 221 (1990) [40] T2-T3 (3-5 cm) ND 71% (10ans) Mazeron et al. (1991) 340 [41] T1-T3 45 Gy RTE 60-84% (15 ans) Dubray et al. (1992) 398 [42] T1-T3 Fourquet et al. (1995) 126 [43] T2-T3 (3-7 cm) Boost en curie 37 Gy 45 Gy RTE 86% (5ans) Boost en curie 37 Gy 58 Gy RT Boost en curie 20 Gy 318 76% (8ans) Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. Ruiterkamp J, Ernst MF, van de Poll-Franse LV, Bosscha K, Tjan-Heijnen VCG, Voogd AC. 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Italy 321 A multidisciplinary, multidimensional approach may optimise management of older individuals. The elderly population is markedly diverse, in which chronological age alone is a poor representative marker. General health and functional status for an older individual may be captured in a multi-domain geriatric assessment. Even for very fit oldest old individuals (over 85 years), the underlying presence of frailty should be well documented to ensure identification of reversible baseline features and highlight issues that may potentially arise during cancer therapy. Management tailored to the specific characteristics of individuals requires a collaborative approach by geriatric and oncology teams. There is little doubt that older patients with cancer may benefit from a thorough evaluation and directed intervention, however significant uncertainty exists about the optimal mode of assessment and how results should influence treatment. There is no standard clinical geriatric global evaluation tool. The widely known comprehensive geriatric assessment (CGA) includes measures of functional status, co-morbidity, nutritional status, drug therapy, socioeconomic issues and the presence of geriatric syndromes (Gosney). A CGA is composed of the following 9 domains: 1. Functional Status Worldwide, the KATZ index identifies basic activities of daily living (ADLs) such as bathing, dressing, eating, transfer, toileting and continence. These activities however, are very basic and do not explore more complex levels of function. The instrumental activities of daily living (IADL) includes activities such as managing money, using transportation, using a telephone, doing housework and laundry, taking medication, preparing a meal and shopping . In the geriatric literature, the IADL is a predictor of two year post hospitalisation mortality. However, older patients with cancer display a higher degree of functional impairment compared to patients without malignancy. Therefore IADL may be evaluating cancer morbidity rather than pre-existing status. Whilst this may be used by some oncologists to determine whether treatment is appropriate, the differing contributions of the cancer and the co-morbidity must be considered. 2. Gait, Balance and Risk of Falls Lower limb strength, gait and balance assessments should be undertaken in a validated manner such as the FICSIT balance scale. The “Get Up and Go Tests” have been extensively validated in a variety of clinical conditions in different settings. After such assessments have been undertaken, targeted rehabilitation as well as appropriate appliances and home adaptations must be applied for benefits to be gained. 3. Cognitive Status Both acute (delirium) and chronic (dementia) confusion are common in older individuals. The ethics of treating a patient who is unable to understand, evaluate and decide about therapy is undoubtedly complex. Cognitive status often deteriorates during treatment with the onset of delirium and this results in prolonged hospitalisation, worsening outcomes, increased cost and patient and family agitation about the potential reversibility of this situation. The Mini Mental State Examination (MMSE) is quick and well evaluated in a variety of settings but does not sensitively determine between delirium and dementia. 4. Affective Status Up to 10% of older individuals have evidence of depression and a smaller proportion also have anxiety. Both of these conditions have an increased prevalence after a diagnosis of cancer. The Geriatric Depression Scale (GDS) is validated in both hospital and community settings. The Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD)is also well validated and although originally designed for the hospital setting it is validated in older individuals with cancer in the community. 322 5. Nutritional Status The Mini-Nutritional Assessment (MMA) has been evaluated in older oncology populations. Individuals with breast cancer are at increased risk of malnutrition and weight loss, prior to diagnosis and reduced appetite, dysphagia, alteration in sensory characteristics of food as well as vomiting all add to the risk of poor nutrition, after diagnosis and during treatment (Guigoz). 6. Pain Cancer pain in older women with breast cancer is usually limited to those with metastatic disease. Those at particular risk of poor recognition of pain are those with cognitive impairment and the disparity in the assessment of pain intensity between patient, family member, nurse and physician of pain is well documented. 7. Pressure Sores A combination of incontinence, poor nutrition, impaired wound healing and decreased immune response may be caused or worsened by cancer and its treatment. 8. Urinary Incontinence Breast cancer is not generally associated with a new onset of urinary incontinence although impaired mobility may precipitate or worsen pre-existing urinary incontinence. Cognitive impairment is also associated with incontinence and an accurate history of onset duration and type of incontinence are essential for targeting pharmacological and non pharmacological interventions. 9. Social Functioning There are six main aspects of social functioning that should be measured within any comprehensive geriatric assessment. These include the social network, social support, subjective wellbeing and satisfaction, caregiver burden, values and preferences and social resources. Of particular concern is the objective and subjective burden of care giving particularly for the older spouse. There is strong evidence in the general elderly population that implementation of a CGA to identify and guide management of reversible geriatric domains, including cognition, nutrition, co-morbidities, depression, functionality, results in improved compliance, improved tolerability of therapy, improved quality of life and increased survival. There is some evidence in the cancer population that CGA can contribute to the management of patients. In the pre-operative setting for early breast cancer, application of CGA and involvement of an experienced geriatrician resulted in a number of patients undergoing surgery who were originally considered to be unfit for anaesthesia and conversely was also able to identify those patients with a short life expectancy (approximately 2 years) for whom surgical treatment would not be likely to have any significant benefit over and above endocrine therapy alone (Stotter). A pre-operative approach, ‘preoperative assessment of cancer in the elderly‘ (PACE), incorporates CGA, an assessment of fatigue and performance status, and anaesthetic review, and has been used in assessing suitability of elderly patients for surgery. In a group of patients aged from 65 to 92 years, of whom 112 had breast cancer, the CGA was able to inform the clinician beyond the normal assessment that is undertaken within routine clinical examination (Repetto). Pilot studies have found that on average six problems are identified during an initial CGA, particularly in the pharmacological, psychosocial and nutritional domains, and the number increases with serial assessments during follow-up (Exterman). 323 In the post-operative setting, geriatric assessment should be integrated in the decision making regarding adjuvant chemotherapy, supported by the evidence that it can predict poor treatment tolerance and mortality at 7 year follow-up (Clough). There is no robust evidence on how to specifically use CGA in individual breast cancer patients for making treatment decisions. In 105 patients aged 70 years or older, the majority of who were women with breast cancer, a multidomain assessment was undertaken at a geriatric oncology clinic. The oncology treatment plan was documented pre- and post-geriatric evaluation, and changed in 39% of patients. The impact of these changes in treatment plan on outcome remains to be seen (Girre). The time requirements for CGA are substantial, and as such, an abbreviated screening tool would be valuable. There is no consensus on which of the available screening tools should be used. One such test, the abbreviated comprehensive geriatric assessment (aCGA) has been validated in a retrospectively studied group of 513 individuals, of whom 43% had breast cancer (Overcash 2005). There is conflicted evidence as to whether a domain that scores highly on the aCGA warrants further investigation only in this isolated area or a more extensive application of the global CGA (Overcash 2006). The G8 screening tool was prospectively validated in a large French study could predict for at least one abnormal CGA test with a sensitivity of 76.6% and specificity of 64% (Soubeyran). G8 has been chosen by the EORTC as the screening tool for EORTC clinical trials. The Vulnerable Elders Survey-13 (VES-13) has been pilot tested as a screening tool with older adults with prostate cancer. (Mohile) Using the CGA as the gold standard the VES13 had 72.7% sensitivity and 87.5% specificity for CGA detected deficits. These results have not been confirmed in a larger study (Luciani). The cardiovascular health study (CHS) has been recently evaluated as a screening test in a study conducted in our Institution; data are awaited. Despite the emerging data in support of a multidimensional geriatric assessment tool for older cancer patients, such tools have not been prospectively incorporated in clinical trial design. Two recent studies by the Cancer and Leukemia Group B (CALGB) reported feasibility for implementation of a brief primarily self administered geriatric assessment tool in future trial design (Hurria05, Hurria11). In the more recent study with 85 assessable patients, feasibility was based on favourable time to completion (median: 22 minutes, range: 6-60), only 13% requirement for assistance to complete the assessment, 92% satisfaction with questionnaire length and 96% reporting of no upsetting questions (Hurria11). These data have been recently reviewed by a European Society of Breast Cancer Specialists (EUSOMA) and International Society of Geriatric Oncology (SIOG) multidisciplinary taskforce who produced the following recommendations. General health and functional status for an older individual may be captured in a multi-domain geriatric assessment as part of a collaborative interdisciplinary geriatric and oncology team approach. There is no current evidence to guide choice of individuals or choice of assessment tool. A screening geriatric assessment (such as aCGA) is a reasonable first step in identifying patients that may benefit from an extended CGA. Active intervention for CGA-identified reversible geriatric domains may reduce morbidity and mortality, and improve quality of life. Serial geriatric assessment may identify incident deterioration, for which intervention may improve outcomes. 324 References Clough-Gorr KM, Stuck AE, Thwin SS, Silliman RA. Older Breast Cancer Survivors: Geriatric Assessment Domains Are Associated With Poor Tolerance of Treatment Adverse Effects and Predict Mortality Over 7 Years of Follow-Up. Journal of Clinical Oncology 2010,28(3), 380-386. 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Crit Rev Oncol Hematol. 2008;65:156-163. 325 CANCERS DU SEIN DES PERSONNES AGEES. COMMENT SOIGNER ? QUAND LA DECISION EST LIEE AU PROTOCOLE PROPOSE. IMPORTANCE DES DONNEES PHARMACOLOGIQUES INFLUENCEES PAR L’AGE. Auteur Elisabeth CAROLA* (Senlis) 326 Introduction : Avec plus de 50 000 nouveaux cas de cancer par an le cancer du sein est la première cause de mortalité par cancer chez la femme. Les femmes âgées de 75 ans et plus représentent plus de 20% des nouveaux cas annuels de cancer. La survie observée et relative est moins bonne chez les patientes âgées que chez les plus jeunes. Chez les femmes de 75 ans la maladie est diagnostiquée plus souvent à un stade avancé que chez les femmes plus jeunes en revanche il n’existe pas de différence significative aux niveaux des sites des localisations métastatiques chez les femmes ménopausées quelque soit leur âge (par ordre décroissant : os, foie, poumons, ganglions, peau, encéphale) (1) Les femmes âgées ont un profil biologique tumoral en règle général plus favorable que les femmes plus jeunes avec des formes luminal A plus fréquentes ainsi que des formes Her2+ ou triple négative significativement moins fréquentes que chez les plus jeunes. (2) L’aspect singulier de la prise en charge des personnes âgées justifie la corrélation entre les caractéristiques de la maladie et le profil physiologique de la patiente à traiter. Nous disposons de méthode de dépistage sous forme d’échelles (G8, VES13) permettant de détecter les patients justifiant d’une EGS complète.(3,4) L’egs n’a prouvé son intérêt sur la survie globale que dans le cadre de prise en charge de pathologie avancée.(5) La Chimiothérapie en situation métastatique : En situation métastatique peut se justifier une chimiothérapie afin d’améliorer la qualité de vie et l’indépendance chez les patientes symptomatiques en réduisant l’impact de la maladie. Monothérapie versus poly chimiothérapie A partir de 37 études regroupant 3707 malades Carrick et al a montré une supériorité en terme de Taux de réponse ( OR= 1.28 p<0.00001), de Survie sans progression (HR=0.78 p<0.00001)et de survie globale (HR=0.88p<0.0001) en faveur de l’association de chimiothérapie pendant la stratégie d’administration d’un traitement croisé séquentiel à progression ou programmé n’a pas retrouvé cette différence (6). Sledge a étudié une administration séquentielle à progression : 3 groupes de patientes 2 recevant soit une monothérapie par anthracycline ou par Taxanes et le troisième groupe recevant association Taxaneanthracyclines (7). Le switch de la monothérapie étant décidé à la progression de la maladie. L’association de chimiothérapie est supérieure en terme de taux de réponse (AT> A p = 0.007 ; AT>T p = 0.004), en terme de survie sans progression (AT>A 8 MOIS VS 5.8 MOIS p = 0.03 ; AT>T 8 MOISVS 6 MOIS p=0.009). Par contre la différence n’est pas significative sur la survie globale ; enfin comme l’on pouvait s’y attendre la toxicité est supérieure avec la polychimiothérapie. Quant à l’administration séquentielle programmée d’Alba, elle ne retrouve aucune différence entre le bras monothérapie et association (8). Les recommandations de la SIOG publiées en 2007 en situation métastatiques privilégient la monochimiothérapie chez les patientes âgées (9). Marc Debled dans une revue récente de la littérature a retrouvé 38 études dont 4 rétrospectives spécifiques du cancer du sein en situation métastatique chez la patiente âgée. Aucune n’étant de phase III avec un pool réduit de patientes de 75 ans et plus, et la plupart du temps sans description de leur évaluation gériatrique (10). 327 Selon les recommandations de la SIOG : • • Place de la chimiothérapie ptes > 70 ans – RH– patientes réfractaires hormonothérapie Modalités – Monothérapie préférable Polychimiothérapie – Taxanes hebdomadaires – Anthracyclines liposomales – capecitabine – gemcitabine – vinorelbine Place des anthracyclines Contrairement à la situation adjuvante, l’administration des anthracyclines soulève plusieurs problèmes : Efficacité : peu de données mais semble plus efficace en monothérapie (Epirubicine hebdomadaire) que le GEMZAR (11) - Périodicité : L’administration hebdomadaire est mieux tolérée que toutes les 3 semaines (11) - Toxicité : restant limitante et HR à 3.28 chez les patients de 65 ans et plus recevant 400mg/m2 ou plus de doxorubicine comparé aux plus jeunes. (12) - Alternatives : Les formes pégylées liposomales moins cardiotoxiques peuvent être utilisées chez des patientes ayant antérieurement été traitées par des anthracyclines conventionnelles. (13) En 2010 la SIOG a proposé des recommandations pour préserver la fonction cardiaque des patients âgés devant recevoir des anthracyclines .(14) - Place des drogues orales La navelbine orale en première ligne a une efficacité comparable à la navelbine IV. La médiane de délais de réponse est de 8.8 mois et la médiane de survie globale est de 23.9 mois. (15) La Capécitabine après échec des anthracyclines et taxanes, permet d’obtenir un délais de réponse équivalent à celui de la navelbine ( 8.1 mois) et une médiane de survie globale de l’ordre de 12.6 mois mais en seconde voir troisième ligne (16). Dans l’administration des drogues un glissement progressif s’est fait au profit des drogues orales et dans certains centres de la capecitabine Les enquêtes menées sur la préférence du patient (indépendamment des groupes d’âge) confirment le choix de la préférence orale en particulier du fait d’une plus grande commodité et de l’absence d’accès veineux (17,18). Cependant dans la population âgée, la prise d’un grand nombre de comprimé peut s’avérer complexe et difficile à gérer 328 Les thérapies ciblées : L’hormonothérapie Elle constitue depuis de nombreuses années la principale thérapie ciblée dans les cancers du sein hormonodépendants. Après le tamoxifene, la famille des antiaromatases s’est imposée chez les femmes ménopausées à fortiori chez les patientes âgées. Deux effets secondaires doivent être pris en compte : le risque osseux avec l’ostéoporose menaçante et les troubles cognitifs régulièrement décrits. En situation métastatique la place de l’acide zoledronique en association avec les antiaromatases semble réduire le risque osseux (19). Il ne semble pas exister d’impact négatif sur la cognition de l’hormonothérapie quel quelle soit. Par contre une diminution modérée sous traitement de la réactivité et de la mémoire verbale se corrigeant rapidement à l’arrêt du traitement (20). Les Anti HER2 : La surexpression HER2 dans la population des 75 ans et plus est de l’ordre de 10%. Les publications actuelles ne concernent pas une population âgée suffisante. Par contre, le bénéfice est le même chez des patientes de plus ou moins 50 ans avec le trastuzumab (monothérapie RG20% association RG 30à70%).(21) Les évènements cardiaques sont pauci symptomatiques la plupart du temps et si l’âge reste un facteur de risque de toxicité cardiaque sous trastuzumab, les comorbidités pré existantes en sont les premières responsables.(22) La question de la poursuite du trastuzumab à progression chez les patientes âgées doit tenir compte des problèmes pharmaco économiques ainsi que des problèmes de complications liées au traitement. Le bévacizumab : Le Bévacizumab est le premier agent antiangiogénic démontrant une prolongation significative de la survie sans progression dans les cancers du sein métastatiques mais sans gain sur la survie globale. L’étude Pivotale avait retenu un sous groupe âgé de 65 ans et plus chez lequel l’efficacité a été la même que chez les sujets plus jeunes avec une tolérance comparable (23). L’étude observationnelle ATHENA a confirmé une tolérance identique quelque soit l’âge.(24) Everolimus L’essai de phase III Bolero 2 a montré que les patientes traitées pour un cancer du sein avancé résistant à l’hormonothérapie bénéficiaient de l’adjonction de l’inhibiteur de mtor à l’inhibiteur de l’aromatase l’exemestane. Leur survie sans progression est ainsi augmentée de plus de six mois. La moyenne d’âge de l’étude était de 62 ans. Les patientes ne sur exprimaient pas HER2. (25) 329 Un essai de phase II a évalué l'association évérolimus (RAD001) avec du paclitaxel (hebdomadaire) et du trastuzumab chez des patientes ayant un cancer du sein métastatique échappant au trastuzumab et aux taxanes. Le taux de réponse objective est de l’ordre de 20 % chez des patientes lourdement prétraitées avec des stabilisations de longue durée puisque la survie sans progression est de 26 semaines (26). Il n’y a pas de résultat spécifique » sujet âgé. » Chapitre II : Données pharmacologiques Les données pharmacologiques restent rares dans la population âgée, elles seront présentées lors de la présentation. Conclusion : Les recommandations thérapeutiques découleront de la synthèse entre les paramètres physiologiques et biologiques du patient, et les caractéristiques pharmacologiques des produits administrés. Les objectifs prioritaires du traitement du cancer en situation métastatique chez les personnes âgées restent : 1. 2. 3. 4. Le maintien de la qualité de vie L’efficacité appréciée par le bénéfice clinique L’allongement de la durée de vie sans progression et si possible l’allongement de la survie. (1) G. 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LB9, ESMO 2011 (26) D’après Dalenc F et al., abstr 1013 Asco 2010. 330 ÉVALUATION DE L’EFFICACITE DES TRAITEMENTS EFFECTUES PAR LA BIOLOGIE : LES MARQUEURS SEROLOGIQUES CIRCULANTS. Auteur Jean-Marc RIEDINGER1 1 Département de biologie et de pathologie des tumeurs, laboratoire de biologie clinique, Centre Georges François Leclerc, 21079 Dijon cedex, France. e-mail: [email protected] 331 La prise en charge biologique des cancers du sein a fait l’objet de plusieurs textes de recommandations (ASCO, EGTM, ESMO, ANAES, SOR) en dépit desquelles les pratiques restent diverses. Sur la base de ces recommandations nous ferons le point sur les caractéristiques des différents marqueurs tumoraux des cancers du sein et la place potentielle de ceux-ci dans l’évaluation de l’efficacité des traitements des cancers du sein métastatiques. Les différents marqueurs Le CA 15.3 est le marqueur sérique spécifique le plus utilisé dans le cancer du sein. Il est défini par son immunoréactivité avec deux anticorps monoclonaux (AcM) : l’AcM 115 D8 dirigé contre la membrane du globule graisseux du lait humain et l’AcM DF3 dirigé contre la membrane de cellules humaines de cancer du sein. Il est le produit de gène MUC-1, localisé sur le chromosome 1 (1q21-24), qui code une glycoprotéine de poids moléculaire d’environ 400 kDa, la polymorphic epithelial mucin (PEM). Les produits d’expression du gène MUC-1 sont impliqués dans l’activation du système oncogène ras, l’adhésion cellulaire et l’immunosuppression. Il existe actuellement une vingtaine de trousses de dosage du CA 15-3 disponibles en Europe dont la plupart sont des techniques immunométriques qui utilisent les AcM originaux 115D8 et DF3. La commercialisation de nouveaux systèmes utilisant parfois d’autres AcM entraîne, pour certains patients, une variation importante des résultats qui rend indispensable le suivi de chaque patient par un même laboratoire. Les valeurs usuelles de CA 15-3 varient selon les techniques de dosage de 25 à 38,6 kU/L. La valeur seuil la plus utilisée est celle de 30 kU/L correspondant au 95ème percentile mesuré sur une population « saine » (sans cancer du sein) ce qui signifie que 5% des sujets sains ont une concentration de CA 15-3 supérieure aux valeurs usuelles. Les variations physiologiques du CA 15-3 sont rares. Le CA 15-3 peut être élevé dans différentes pathologies qu’elles soient cancéreuses (ovaire, poumon, appareils respiratoire et digestif) ou bénignes (mammaires, hépatopathies bénignes, broncho-pneumopathies, pathologies digestives inflammatoires, pathologies endocrines et maladies auto-immunes). L’antigène carcino-embryonnaire (ACE) est une glycoprotéine oncofœtale de 180 kDa synthétisée chez le fœtus au niveau de l’intestin, du foie et de pancréas. Sa synthèse est très réduite à la naissance mais sa répression n’est pas totale chez l’adulte ce qui explique l’existence d’une concentration sérique décelable d’ACE. L’ACE qui appartient à la superfamille des immunoglobulines est composé de macromolécules étroitement voisines ayant un haut degré d’immunoréactivité croisée. La multiplicité des anticorps monoclonaux conduit à une importante dispersion intertechnique des résultats qui justifie que l’ACE soit toujours dosé dans le même laboratoire lors du suivi d’un patient. La valeur seuil usuelle de 5 µg/L correspond au 95ème percentile de la distribution des valeurs chez les sujets normaux. L’ACE est impliqué dans les contacts et les processus de différenciation cellulaire ainsi que dans la résistance aux chimiothérapies. Sa demi-vie plasmatique est de quelques jours et sa clairance est essentiellement hépatique. Les variations physiologiques sont liées au sexe, à l’âge, à la grossesse et au tabagisme. L'ACE est également augmenté chez les insuffisants rénaux, les sujets alcooliques, les sujets porteurs de lésions bénignes inflammatoires (hépatique, digestive ou pulmonaire) ou de lésions malignes (tractus digestif, ovaire, poumon, utérus, thyroïde). 332 Les autres marqueurs potentiellement intéressants sont le plus souvent des analogues du CA 15-3, épitopes présents sur des substances appartenant au groupe des mucines soit le CA 27-29 (ou BR 27-29 pour BReast antigen 27-29) qui est la mucine la plus employée après le CA 15-3 pour le suivi des cancers avancés, du CA 549 dont la sensibilité au seuil de 12 kU/L varie de 30 à 50% selon les stades, le MCA (pour Mucin Carcinoma associated Antigen) qui est retrouvé en grande partie dans les urines et le lait et enfin des CAM 26 et 29 (pour Carcinoma Associated Mucin). Aucune de ces molécules n’a fait la preuve d’une plus grande efficacité que le CA 15-3 en pathologie mammaire. Sensibilité du CA 15-3 dans la maladie métastatique De nombreuses études ont montré qu’environ 75% des premières évolutions métastatiques étaient associées à une élévation significative de CA 15-3. Une méta analyse réalisée à partir de 18 études et portant sur un total de 4697 patientes dont 1940 sont porteuses de métastase accorde à une élévation confirmée de CA 15-3 des valeurs prédictives positive et négative respectivement de 92,5% et 85,6%. Il est important de noter que la plupart de ces études utilisent toujours la notion de seuil et non pas celle de cinétique pourtant plus intéressante dans la mesure où celle-ci améliore de façon notable la sensibilité et la spécificité. En effet, le pourcentage moyen de faux négatifs proche à 30% (de 7% à 50% selon les études) peut chuter à moins de 10% si l’on substitue à la notion de taux celle de cinétique. De même le pourcentage de faux positifs compris selon les auteurs entre 1 et 11% est probablement à pondérer si on élimine de façon systématique les diagnostics différentiels classiques par des explorations répétées et élargies. La sensibilité du CA 15-3 varie selon la nature du site d’évolution métastatique. Elle est élevée dans les localisations osseuses (68% à 81% de CA 15-3 supérieurs aux valeurs usuelles), hépatiques (75%), pulmonaires (50 à 70%). La sensibilité du CA 15-3 est faible en cas de localisations cutanées, ganglionnaires (15 à 20 %) ou cérébrales. Dans les cas de localisations multiples la sensibilité du CA 15-3 peut atteindre 91%. Intérêt de la concentration initiale du CA 15-3 L’intérêt de mesurer le taux de CA 15-3 avant tout traitement est de disposer d’une valeur de référence individuelle indispensable pour évaluer l’efficacité d’un traitement et/ou pour réaliser un suivi ultérieur. Si la valeur pronostique de la concentration initiale du CA 15-3 est aujourd’hui admise son indépendance vis à vis des autres facteurs pronostiques (TNM, âge, récepteurs hormonaux, HER2…) reste controversée. Pourtant dix études, dont une très récente [Chourin S, Ann Oncol. 2009;20(5):962-4.], démontrent clairement que la concentration initiale de CA 15-3 est un facteur pronostique indépendant. Une valeur initiale élevée doit donc faire rechercher activement, et avant toute décision thérapeutique, une éventuelle dissémination métastatique dont l’existence est de nature à modifier radicalement la stratégie thérapeutique. Le seuil discriminatif à prendre en considération pour suspecter une maladie métastatique a initialement été décrit à 50 kU/L. Les recommandations internationales ne sont pas unanimes pour reconnaître le CA 15-3 comme indicateur du risque métastatique. L’ANAES par exemple recommande de ne pas doser le CA 15-3 au stade initial de la maladie en dehors d’un protocole de recherche. L’ASCO estime que les données actuelles sont insuffisantes pour recommander l’usage du CA 15-3 dans le staging mais, contrairement à l’ANAES, ne déconseille pas le dosage du CA 15-3 dans le bilan pré thérapeutique. En revanche les SOR préconisent d’inclure les marqueurs dans le bilan initial et de les utiliser comme dosage de référence en présence de facteurs pronostiques péjoratifs. Dans sa nouvelle version les 333 SOR précisent mêle qu’au moment du bilan initial, “une élévation du marqueur peut orienter vers une thérapeutique générale plutôt que vers un simple traitement local ”. Place du CA 15-3 dans le suivi thérapeutique d’une métastase. L’intérêt potentiel du taux de CA 15-3 lors de la découverte de la métastase a été peu étudié. Il semble que la concentration du marqueur à ce stade de la maladie ne soit pas un élément pronostique de réponse au traitement. En revanche plusieurs études ont tenté de corréler l’évolution biologique et clinique des patientes durant le traitement des métastases. Ces études ont été confrontées à différents problèmes tels que la difficulté de mesurer certaines cibles (surtout lorsqu’elles celles-ci sont osseuses), l’existence de réponses cliniques dissociées (réduction de la cible initiale et apparition simultanée d’une nouvelle cible), la survenue d’effets pointes en phase initiale d’un traitement systémique (augmentation transitoire du marqueur liée à une lyse massive des cellules tumorales) ou encore le choix des critères d’évolution biologique. La plupart des auteurs proposent en effet le seuil de 25% de variation du taux de CA 15-3 pour prédire la progression de la maladie. Ces données ont d’ailleurs été repris dans les propositions du Working Group in Tumour Markers Criteria ISOBM, seules règles officielles parues à ce sujet, qui définit les critères d’évolution biologique ainsi : 1-hors traitement : augmentation régulière sur trois dosages consécutifs ; 2- sous traitement : progression en cas d’augmentation de plus de 25%, rémission partielle en cas de diminution de plus de 50%. En dépit de ces difficultés les données de la littérature suggèrent une forte corrélation entre la réponse au traitement de la métastase et les variations du taux de CA 15-3. Ces études montrent en effet un pourcentage de corrélations clinico-biologiques de 66% en cas de réponse, de 73% en cas de stabilité de la maladie et de 80% en cas de progression de la maladie. Ces résultats plébiscitent l’utilisation du CA 15-3 comme indicateur d’efficacité thérapeutique notamment pour les localisations difficilement évaluables par la clinique telles que les métastases osseuses. Le CA 15-3 est reconnu par l’ANAES comme étant un élément d’évaluation de l’efficacité thérapeutique lors du suivi d’une rechute d’une métastase. L’ASCO et des différents groupes européens (ESMO, EGTM) précisent qu’en l’absence de maladie mesurable l’augmentation du CA 153 peut être utilisée pour signifier un échec thérapeutique. Enfin les SOR confirment l’intérêt du CA 15-3 comme reflet de l’efficacité thérapeutique en phase métastatique. Interprétation dynamique du CA 15-3 Bien que le consensus actuel en terme d’évaluation précoce de l’efficacité thérapeutique s’appuie sur la notion de variation relative des taux de CA 15-3, l’interprétation du signal peut être encore beaucoup plus précise si elle s’appuie sur la notion de cinétique de marqueur en intégrant l’analyse des courbes d’évolution individuelle du CA 15-3 et le calcul du ou des temps de demi-vie. On sait en affet que la croissance tumorale spontanée pendant la durée d’observation clinique est exponentielle (temps de doublement [Td] constant) et que la cinétique de régression tumorale obéit au même modèle. Ainsi sous chimiothérapie (ou radiothérapie) chaque cure (ou séance) tue une fraction constante de cellules tumorales indépendamment du nombre de cellules présentes au moment de l’application du traitement. Dans tous les cas la courbe de survie cellulaire est de type exponentiel décroissant avec un temps de demi-vie [T½] constant. 334 Le modèle exponentiel qui décrit l’évolution tumorale peut s’appliquer aux variations des concentrations circulantes de marqueurs tumoraux. Dans ces conditions le logarithme de la concentration circulante du marqueur varie linéairement en fonction du temps. Cette représentation dite « en coordonnées semi-logarithmiques » utilise une échelle logarithmique pour l’axe des concentrations et une échelle arithmétique pour l’axe des temps. En faisant de chaque patient son propre référent l’approche cinétique permet de s’affranchir de la variabilité interindividuelle : toute variation de la concentration de marqueur (quelle que soit la zone de concentration où elle se produit) est indicatrice d’une évolution parallèle de la taille tumorale. Apport de l’association de marqueurs tumoraux Plusieurs études ont cherché à évaluer l’efficacité thérapeutique de différents marqueurs tumoraux et/ou de leur association au moment du diagnostic initial de cancer ou dans la détection précoce de récidives chez des patientes traitées. Le marqueur le plus performant reste le CA 15-3. Les performances du seul dosage de l’ACE dans le cancer du sein sont inférieures à celles du CA 15-3 au stade diagnostic (il n’est positif seulement que dans 50% des stades IV). Ses performances sont également inférieures à celles du CA 15-3 aussi bien pour la détection d’une rechute et/ou d’une métastase que pour l’appréciation de l’efficacité du traitement de ces dernières. Dans ces séries, une élévation de CA 15-3 était observée chez 41 à 72% des patientes développant une rechute ou une métastase alors que le pourcentage d’ACE élevé variait de 16% à 45% selon les auteurs. Une élévation isolée d’ACE est décrite chez 7 à 15% des patientes présentant une première évolution métastatique. Chez ces patientes, l'évolution de l'ACE reflète la réalité clinique dans 60 à 80% des cas et l'efficacité thérapeutique pourra être appréciée par la cinétique de décroissance de l'ACE. La valeur prédictive négative du couple ACE - CA 15.3 pour un suivi sans événement est de 80% donc supérieure à celle de l'ACE (61%) et du CA 15.3 (67%) pris isolément. L’ANAES recommande de na pas doser l’ACE sauf chez les patientes métastatiques qui n’expriment pas le CA 15-3. Toute association du CA 15-3 avec des marqueurs non ciblés (CA 125, CA 19-9, TPA), avec des cytokératines (TPA, TPS, CYFRA 21-1) avec l’HER2 circulant ou avec d’autres mucines [MCA, CA 549, BR 27-29, BRMA] est à proscrire Conclusion La concentration initiale de CA 15-3 sert de valeur de référence individuelle. Un taux supérieur au seuil de dissémination métastatique de CA 15.3 conditionne la recherche de métastases même sans signe d'appel évident. En raison de la variabilité inter-technique importante, le seuil de dissémination métastatique doit être déterminé pour chaque technique. La surveillance biologique individuelle doit être assurée par un seul laboratoire et une seule technique. L'interprétation du taux du marqueur doit tenir compte de son profil évolutif et du contexte clinique ou radiologique. Lorsqu'un marqueur est élevé, sa normalisation et sa vitesse de diminution constituent des critères précoces d'efficacité thérapeutique. La prescription doit être adaptée à la nature des traitements institués, au risque de récidive et aux alternatives thérapeutiques disponibles. On doit éviter de doser les marqueurs en l'absence d'alternatives thérapeutiques. Le compte-rendu doit intégrer la cinétique d'évolution individuelle du marqueur, les antériorités et la valeur biologique de la demi-vie apparente du marqueur si celle-ci est utile au clinicien dans sa démarche de soin. 335 DECISIONS D’ARRET DES TRAITEMENTS SPECIFIQUES CRITERES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES Auteur Dr Gisèle CHVETZOFF, département de Soins de Support, Centre Léon Bérard, Lyon 336 La chimiothérapie (dans laquelle on inclura pour simplifier la lecture les thérapies ciblées) est avec l’hormonothérapie l’arme majeure du traitement du cancer du sein métastatique. C’est à elle que l’on doit principalement l’augmentation progressive de la survie médiane des patientes au cours des 20 dernières années [1,2]. A l’échelle individuelle d’une patiente, c’est elle aussi qui a permis, au cours des mois ou le plus souvent des années d’évolution d’une maladie métastatique, de voir régresser à plusieurs reprises les symptômes, ainsi que les images scanographiques. Elle est tellement centrale dans la prise en charge que l’on appelle parfois les oncologues médicaux « les chimiothérapeutes », et de fait elle occupe une place prépondérante dans échanges entre la patiente et son médecin au cours des consultations successives. Pourtant, lorsque la maladie évolue malgré les traitements, la balance bénéfice risque peut devenir défavorable et justifier que se pose la question l’arrêt de la chimiothérapie. Si les enjeux vitaux de cette question sont probablement assez modestes en phase avancée [3], les enjeux symboliques sont en revanche majeurs. La décision d’arrêt de la chimiothérapie est vécue comme un couperet. Elle est une sentence de mort. C’est pourtant bien la poursuite évolutive de la maladie qui tuera le patient, et non l’arrêt d’une chimiothérapie devenue inefficace. Cet arrêt pourra parfois même, au contraire, être suivi d’une amélioration clinique, certes transitoire, lorsque les effets secondaires de la chimiothérapie se seront estompés. La chimiothérapie elle-même est grevée d’une morbi-mortalité non négligeable en phase avancée [4]. Il n’empêche, cette décision et son annonce sont parmi les plus difficiles dans la pratique oncologique. L’oncologue doit en particulier faire face à la crainte de la perte de chance, à sa propre culpabilité de renoncer, à la déception, à la colère ou à l’effondrement de sa patiente. Il est donc indispensable que le processus de décision qui amène à cette décision puisse prendre appui sur des données objectives et quantifiables. Nous rappellerons tout d’abord que l’impact de la chimiothérapie sur la survie globale des patientes atteintes de cancer du sein métastatique est clairement établie jusqu’en troisième ligne [5]. Au-delà, l’impact sur la survie est considéré comme probablement nul mais individuellement des réponses sont possibles jusque très tard dans la maladie [3,6]. De plus, une amélioration de la qualité de vie ou du contrôle des symptômes peut être obtenue même en l’absence de réponse objective [7]. Inversement, la toxicité peut être sévère, et entrainer ou favoriser la survenue du décès de la patiente [4]. Facteurs pronostics d’un décès à court terme : Les facteurs pronostics validés en début de prise en charge du cancer du sein localisé ou métastatique (nombre de ganglions, grade SBR, statut HER, récepteurs hormonaux, etc) perdent de leur pertinence en phase avancée [5,6]. L’estimation subjective de la survie par l’oncologue est elle-même corrélée à la survie réelle des patients mais souvent avec un excès d’optimisme [8]. C’est pourquoi L’EAPC a émis une recommandation incitant à s’appuyer sur des scores validés [9]. Plusieurs ont été publiés et s’appuient sur un certain nombre des critères suivants : état général (index de Karnofsky ou Performans Status), le nombre de sites métastatiques, des symptômes de type dyspnée, confusion ou perte de poids, des critères biologiques (hypoalbumine, taux de LDH, lymphopénie, hyperleucocytose). Le score international le plus connu est le PaP Score [10], établi pour des patients en soins palliatifs. En France le score publié par Barbot sur une population de patients hospitalisés en soins palliatifs a été revalidé récemment sur une population multicentrique de patients oncologiques ambulatoires [11,12]. Les modes de calculs de ces scores sont reproduits en annexe. Une autre équipe française a également proposé un score voisin, initialement établi sur une population de patients inclus dans des essais de phase 1 et affinés récemment sur une population oncologique tout venant et sur une sous population ne concernant que des patientes atteintes de cancer du sein métastatique, au-delà de la première ligne métastatique [13,14]. 337 Il est important de noter que l’âge a été testé dans les différents modèle et qu’il n’apparaît jamais comme un facteur indépendant alors même qu’en pratique un jeune âge est souvent avancé comme un argument de poursuite des traitements. Facteurs prédictifs d’une réponse à la chimiothérapie en phase avancée Les facteurs prédictifs ont moins été étudiés en phase avancée. Comme pour l’estimation du pronostic, les critères de réponse initiale à la chimiothérapie semblent perdre de leur pertinence à cette phase. Par contre, l’état général, déjà identifié comme facteur pronostic, reste un facteur prédictif puissant [5,6]. Un second critère semble particulièrement intéressant. Il s’agit de la réponse à la chimiothérapie précédente [5,6]. Il existe donc des critères identifiés et validés associés un pronostic défavorable à court terme, disponibles sous formes de scores simples à utiliser en pratique. Leur valeur prédictive est moins bien établie mais deux facteurs importants peuvent quand même être utilisés. Pourtant l’utilisation de ces scores reste curieusement marginale. Il leur est reproché en particulier de ne pas avoir de valeur prédictive absolue. Cette critique est bien surprenante, s’agissant de modèles statistiques ! Aucun score ni modèle n’a jamais apporté de certitude mais bien uniquement une probabilité. On retrouve ici la crainte bien plus grande chez les médecins de passer à côté d’un traitement encore un tant soit peu efficace, que celle de donner un traitement inutile ou toxique. Les deux plateaux de la balance bénéfice/risque ont du mal à être à l’équilibre avant même que ne commence la pesée ! S’il est nécessaire de poursuivre les travaux afin d’améliorer la valeur des modèles, il est impératif également de prendre en compte les facteurs psychologiques en jeu, tant (et peut être même plus) du point de vue de l’oncologue que du point de vue du patient. 338 ANNEXE : scores pronostics PaP Score [10] Scores partiels Groupes pronostiques Anorexie Oui 1,5 Non 0 Dyspnée Oui 1 Score A : 0 à 5,5 Non 0 bon pronostic Survie médiane 17 semaines Index de Karnofsky ≤ 20 % 2,5 > 20 % 0 Leucocytes (G/l) <8 0 8 – 11,5 0,5 > 11,5 1,5 Score B : 6 à 11 pronostic intermédiaire Survie médiane 7 semaines Lymphocytes > 20 % 0 12 – 20 % 1 < 12 % 2,5 Score C : 11,5 à 17,5 mauvais pronostic Pronostic estimé par le médecin ≤ 2 semaines 3-4 5-6 7 - 10 11 – 12 > 12 semaines Survie médiane < 1 semaine 8,5 6,5 4,5 2,5 1,5 0 339 Score de Barbot [11] Score partiel Groupes pronostiques ≥ 70 % 0 Groupe A : score total 0 à 3 40 à 60 % 2 mauvais pronostic ≤ 30 % 4 survie à 2 mois = 8,3 % Index de Karnofsky Nombre de métastatiques sites 0 0 ou 1 Groupe B : score total 4 à 7 2 ≥2 Pronostic intermédiaire Albumine (g/l) Survie à 2 mois = 42,7 % ≥ 33 -3 24 à 33 0 < 24 0 Groupe C : score 8 à 10 LDH (UI/l) Bon pronostic < 600 0 ≥ 600 1 Survie à 2 mois = 92,2 % 340 Bibliographie 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 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Auteur Florence BARRUEL* Psychologue Clinicienne (Montfermeil) 342 « Les cas les plus difficiles sont ceux où l’on doit choisir entre le gris et le gris ». Paul Ricoeur 1997 I- Contexte actuel et problématique La prise de décision d’arrêt des traitements spécifiques est particulièrement redoutée, tant par les patients et leurs proches que par les soignants et médecins. Il s’agit d’un « moment grave », qui ne laisse aucun des protagonistes indemne. Pour les patients, le retentissement émotionnel de cette décision est d’autant plus fort qu’elle est généralement associée à l’abandon et à une glissade directe vers la mort. Les proches partagent ce ressenti d’une autre place. Face à la gravité de la situation, les équipes et les oncologues, sont confrontés à un cas de conscience. Pour y faire face, ils doivent engager un questionnement existentiel et répondre à des interrogations sur les valeurs morales et les convictions qui les portent. Leur responsabilité à l’égard d’autrui est clairement engagée. Tout indique que l’on se situe dans une question d’éthique clinique. Si l’on ajoute à ces remarques le fait qu’il existe peu de standards en 2ème ligne métastatique et encore moins en 3ème ou 4ème ligne, il est évident que les praticiens confrontés à la décision d’abstention de traitements sont livrés à un exercice impliquant, complexe, en partie empirique, devant prendre appui sur la subjectivité. Par ailleurs, les aspects subjectifs et psychologiques de cette prise de décision qui concernent la qualité de vie globale du patient sont difficilement mesurables. Ils requièrent une écoute sensible pour être entendus et repérés. Or, il faut tout de même noter que, devant faire face à une situation grave, les soignants mobilisent des défenses, qui diminuent la disponibilité d’écoute. En outre, les études montrent une difficulté des praticiens à communiquer à propos d’incertitudes dans un climat émotionnellement chargé. Enfin, il faut encore préciser que ces situations de prise de décision qui pointent les limites de l’EBM, sont en toute logique peu valorisées et investies dans un contexte de pratique médicale basé sur les approches standardisées. Nous indiquerons les différents critères subjectifs utiles à la décision ainsi que les moyens de les prendre en compte. Nous évoquerons également les difficultés rencontrées pour ce faire. Enfin, nous aborderons l’intérêt et les possibilités de développement de la culture du « subjectif », dont en particulier l’articulation des aspects subjectifs et objectifs dans la pratique clinique, et la prise en compte de l’incertitude. 343 II- Les critères subjectifs et psychologiques 1- Relativement aux protagonistes Ils sont de plusieurs ordres et s’appliquent à plusieurs protagonistes (patients/proches/soignants). Un critère est commun aux trois types de protagonistes : la question du sens de la décision. Du côté des patients Recueillir le souhait du patient à l’égard de son traitement dans une telle situation suppose évidemment que la qualité relationnelle ait été suffisante auparavant pour l’informer le plus honnêtement et le plus objectivement possible au sujet de l’évolution de sa maladie, de son pronostic, des traitements…, et ce depuis le début de la maladie. Cela suppose que le dialogue ait préexisté. A cette condition, les critères à prendre en compte du côté du patient seront : - Ses souhaits actuels, ses demandes et ses projets (place occupée par la maladie / d’autres aspects de vie…) - Ses besoins religieux et spirituels - La valeur symbolique qu’il attribue au fait d’arrêter le traitement - Ses croyances concernant sa maladie/sa fin de vie - Son degré d’acceptation du pronostic, son approche de la mort (sa capacité à l’évoquer, comment ?...) - Son niveau d’angoisse Du côté des proches Connaître le point de vue des proches concernant la décision d’arrêt de traitement suppose également la qualité du lien relationnel instauré auparavant et une information aussi honnête que pour le patient. On notera bien que la difficulté ici pour chaque critère, est de tenir compte de l’éventuelle diversité de points de vue des multiples proches. A ces conditions, les critères à prendre en compte seront les mêmes que pour le patient: - Leurs souhaits actuels et projets - Leurs besoins religieux et spirituels - La valeur symbolique attribuée à l’arrêt du traitement - Leurs croyances concernant la maladie et la fin de vie du patient - Leur degré d’acceptation du pronostic, leur approche de la mort (leur capacité à l’évoquer, comment ?...) - Leur niveau d’angoisse S’y ajoutera un autre critère spécifique : - Leur vision de l’avenir 344 Du côté des professionnels Les professionnels sont confrontés à quelques difficultés : ils doivent éviter certains écueils pour prendre en compte les critères subjectifs qui les concernent. Dans tous les cas, cela demande une intention et un effort de « conscience » - Il s’agit de ne pas succomber au risque d’illusion de la Science qui empêche la prise en compte des facteurs subjectifs, donnant l’impression que « le point de vue du professionnel « est la Vérité », car « scientifique » et/ou « objectif ». Il s’agirait d’un « comportement totalitaire par souci d’appliquer les règles d’un savoir théorique au nom d’une prétendue efficacité thérapeutique » (DUPONT BM, Med Pall 2002 ; 1 : 41-5) - Par ailleurs, les tentations de projection sont fortes (« à votre place, je… »), ce d’autant qu’elles sont régulièrement impulsées par les patients et leurs proches qui, dans le plus grand dénuement psychique sollicitent en ce sens (« A ma place, vous feriez quoi ?... »). Le risque est ici, de se substituer à la subjectivité du patient (ne pas l’entendre), et de prendre sur lui pour le professionnel, une responsabilité qui ne lui incombe pas. - Enfin, confronté au désagréable de la situation, le professionnel peut être tenté plus ou moins consciemment par une attitude d’évitement, en se désimpliquant et/ou en engageant un deuil anticipé. Ces écueils étant circonscrits, les critères subjectifs qui relèvent des professionnels sont les suivants : - Quel « sens » attribuent-ils au fait de poursuivre ou continuer le traitement? - Quel est leur sentiment personnel ? (/ pronostic, / souffrance du patient, / traitement…), « il n’a pas encore eu cette chimio », « on n’a pas encore tout essayé »…. - Comment estiment-ils la balance bénéfice / risque propre à la situation? Sachant que cette balance nécessite la prise en compte de facteurs objectifs ET subjectifs, et qu’au vu de la nature diverse de tous les facteurs qui comptent, la synthèse ne peut en être que subjective, de l’ordre de l’intime conviction. « Ce n’est donc pas le pronostic énoncé par la science qui fait loi, mais bien l’idée qu’en a le médecin, bien plus proche d’une représentation médicale que d’une connaissance strictement médicale»1. 2- Difficultés relatives à la prise en compte des critères subjectifs L’intention S’il existe bien des critères subjectifs essentiels à prendre en compte dans le cadre d’une décision d’arrêt des traitements, il faut remarquer qu’ils ne seront intégrés qu’à la condition d’une véritable intention du praticien de s’en préoccuper, ce d’autant plus qu’ils échappent aux pratiques culturelles d’objectivation. 1 - I.Marin, Allez donc mourir ailleurs. Editions requis, Paris, 2004 345 La disponibilité et la sensibilité Leur intégration sera relative à la capacité de sensibilité des praticiens à entendre les patients. Cette capacité est toujours évolutive, notamment relativement à l’intention. L’intersubjectivité et la communication entre les protagonistes L’écoute et le repérage des diverses subjectivités sont essentiels, mais insuffisants pour avancer. La question qui se pose ensuite est : comment ces points de vues communiquent-ils entre eux? Comment s’influencent-ils? Quel sens donne la rencontre des subjectivités à la question posée ? « Chef d’orchestre » de cette intersubjectivité, l’oncologue doit lire et harmoniser plusieurs partitions à la fois qui l’invitent à respecter l’autonomie du patient en même temps qu’à prendre en compte ses angoisses, entendre les besoins et craintes des proches, tout intégrant le point de vues des équipes référentes et transverses. III- Recommandations pour une intégration des critères subjectifs S’il est important de connaître les critères subjectifs à prendre en compte dans la décision d’arrêt des traitements, il faut donc bien reconnaître qu’ils sont d’une part moins faciles à appréhender que ceux objectifs, et d’autre part complexe à prendre en compte au même titre que les critères objectifs. Outre l’intention de vouloir les intégrer, il est donc fondamental de connaître les moyens facilitateurs pour les prendre en compte. 1- L’information honnête, « depuis le début » Soubassement fondamental de la prise en compte des critères subjectifs, l’information honnête suppose bien sur de la part du professionnel un discernement précis entre information et point de vue personnel, or, les deux niveaux se mélangent facilement. L’information doit concerner la maladie et sa progression, les traitements et leurs conséquences, le pronostic, la qualité de vie… Plus l’information est honnête dès le début du traitement, plus le processus de décision sera éclairé chez tous les protagonistes et plus il coulera de source en débouchant sur une évidence. 2- Une approche éthique et une intégration de l’incertitude Face à un tel dilemme, il est particulièrement difficile de respecter l’ensemble des valeurs et composantes en jeu. - Seule une approche éthique qui recherche « la moins mauvaise solution » et place le patient au centre de la décision, pourra le garantir. Rappelons que l’éthicité du processus décisionnel tiendra à plusieurs points : - Le fait de se poser ensemble une ou plusieurs questions - La construction d’une argumentation - L’analyse de la proportionnalité 346 - L’importance de la délibération - La traçabilité de l’information - On retrouve ici l’importance de l’intention qui nous porte. L’intention sincère de ne pas s’obstiner déraisonnablement ou de soulager le malade génèrera un acte authentiquement soignant, ouvrant nécessairement une porte sur la subjectivité. - Enfin, l’incertitude étant présente dès l’annonce de la maladie, le souci éthique engage à la reconnaître le plus tôt possible et à l’assumer. Assumer l’incertitude a- Le médecin doit être au clair sur ce qui relève de lui ou non, b- Dire ce qui est certain et ce qui ne l’est pas à tous les niveaux de l’information, tout en garantissant toujours de la présence et de l’accompagnement soignant et médical, favorise le dialogue et l’expression subjective. Le médecin ne sera pas perçu comme imprécis, incompétent, inquiétant, à partir du moment où lui-même, dans cette situation a le sentiment de faire au mieux avec ce qu’il sait, et se sent plus impuissant qu’incompétent. La difficulté intervient si chez le médecin il s’agit du sentiment de compétence qui est en touché. c- Assumer l’impuissance : si le médecin peut ne pas culpabiliser de sa « limite humaine », et s’il peut lui-même faire face à l’incertitude c’est là qu’il sera rassurant et aidera le malade. Il ne rassure pas « parce qu’il promet la lune », mais parce qu’il ne s’effondre pas lui-même face à l’incertain. d- Ne pas s’engager sur ce qui ne relève pas de soi. Pas de confusion entre compétence et Tout Savoir, ni entre données objectives et subjectives. 3- Développer une culture de la subjectivité Un principe fondateur de la santé psychique Il s’agit bien de favoriser la prise en compte de l’expression de chacun, et à travers cela, de respecter « le principe d’autonomie » du patient. On se souviendra que G.Canguilhem, médecin et philosophe du 20ème siècle définissait la notion de santé par la capacité de l’individu à fixer ses normes, ou à les changer. Ainsi, développer la culture de la subjectivité participe de manière incontournable à la santé psychique du sujet. Garantir la « meilleure santé psychique » jusqu’au bout est essentiel. Cependant, favoriser cette dimension en milieu « normatif » peut apparaître difficile sans une ferme intention de s’y intéresser, et une méthode. 347 Intérêt d’une approche centrée sur la personne - Fondée dans les années 50 par le psychologue américain Carl Rogers (1902-1987), l'Approche Centrée sur la Personne, une thérapie verbale, met l'accent sur le patient et le processus relationnel plus que sur le symptôme. L'hypothèse centrale de cette approche peut être brièvement résumée2 : « L’individu possède en lui-même des ressources considérables pour se comprendre, se percevoir différemment, changer ses attitudes fondamentales et son comportement vis-à-vis de lui-même. Mais seul un climat bien définissable, fait d’attitudes psychologiques facilitatrices, peut lui permettre d’accéder à ses ressources. » Il y a trois conditions requises pour qu'un climat soit favorable à la croissance de l'individu. L’authenticité ou la congruence, l’acceptation ou le regard positif inconditionnel, la compréhension empathique. Principes de l’Approche Centrée sur la Personne de Rogers - L’authenticité, ou la congruence. Plus le thérapeute est lui-même dans la relation, sans masque professionnel ni façade personnelle, plus il est probable que le sujet changera et grandira de manière constructive. Le thérapeute « se fait transparent » pour le client. Cela suppose que l’aidant prenne conscience de l'expérience intérieure qu'il est en train de faire. Il peut la communiquer s'il le juge opportun. Il y a donc une grande similarité, ou congruence, entre ce qui est ressenti au niveau viscéral, ce qui est présent à la conscience, et ce qui est manifesté au client. - l’acceptation, ou le regard positif inconditionnel. Lorsque l’aidant éprouve une attitude positive et d'acceptation face à tout ce que le client est en ce moment, peu importe ce qu'il est à ce moment-là, il est vraisemblable qu'un mouvement ou changement thérapeutique se produira. (notion « d’estime totale », ou inconditionnelle.) - « La compréhension empathique. Cela signifie que le thérapeute ressent avec justesse les sentiments et les significations de ce dont le client est en train de faire l'expérience. Cela signifie aussi que le thérapeute lui communique cette compréhension. Quand il est au mieux de son fonctionnement, le thérapeute est tellement à l'intérieur du monde de l'autre que non seulement il peut clarifier les significations de ce dont le client a pris conscience mais aussi de celles qui se situent juste au dessous du niveau de la prise de conscience. Ce type d'écoute sensible et actif est extrêmement rare dans nos vies. Nous pensons écouter mais notre écoute est rarement assortie d'une compréhension réelle, d'une véritable empathie. Pourtant une écoute de ce type très particulier est l'une des plus puissantes forces de changement que je connaisse. » (C. Rogers, 1962) 2 - C.Rogers, Le développement de la personne, Paris, Dunod, 1996. 348 Outre son intérêt dans toute situation de souffrance, on voit bien comment cette approche peut être utile dans le contexte qui nous intéresse. Si l’expérience clinique en rapproche parfois spontanément, elle suffit rarement et requiert à l’évidence formation et accompagnement. L’enjeu est bien un état d’esprit où, plus que d’avoir « vécu la même chose que l’autre » ou, de « se mettre à sa place » pour le comprendre, il y a lieu de l’écouter pleinement, le plus inconditionnellement possible, en lui faisant confiance, en étant certain qu’il détient la clé de ses problèmes. Cet état d’esprit constitue sans aucun doute un soutien indispensable du patient, le seul apte à la rassurer dans une telle situation. Un soutien psychologique La prise en compte de la souffrance psychologique est quoi qu’il en soit incontournable dans une telle situation de prise de décision de l’arrêt des traitements. 4- Entre subjectif et objectif, que faire? La prise en compte des éléments subjectifs dans un contexte basé sur l’objectivation ne peut suffire et nécessite une articulation entre les éléments subjectifs et objectifs. Dans la pratique clinique, ces éléments sont parfois isolés, mais ils peuvent aussi se juxtaposer, se succéder, se croiser, s’harmoniser ou être en conflit. L’important est sans doute d’en avoir conscience, et de développer la capacité à se repérer et savoir à quel registre les éléments traités appartiennent, car la confusion est particulièrement délétère. Par exemple, le médecin évoque des données statistiques ou probabilistes, et le patient attend des éléments subjectifs concernant Sa propre situation. S’il n’y a pas d’espace suffisant pour dialoguer, il y a un risque que « l’incertain passe pour du certain ». Et plus ce leurre est grand, plus les patients viennent faire buter la relation, sur ce nœud précisément, plus ils acculent le médecin (sollicitations massives, ou repli), et les tensions se développent bloquant les relations. Globalement, l’enjeu est d’articuler un projet thérapeutique raisonnable et cohérent, avec le projet de vie du patient (qui comprend la relation avec les proches), ce qui suppose de se poser les bonnes questions et de dialoguer. Les bonnes questions à se poser. Face à la diversité des critères à prendre en compte, l’indispensable questionnement humain et éthique fait figure « d’organisateur » de ces critères et d’articulation entre objectif et subjectif. Il s’agit de questions à se poser entre professionnels, ou à poser au patient, à ses proches. Par exemple : Entre professionnels - Persévérance ou obstination déraisonnable ? Quelle est la pertinence du traitement ? Par rapport à une personne donnée ? Dans un contexte donné ? - Comment vous sentez vous avec cette décision ? Qu’implique-t-elle pour vous ? 349 Avec les patients et proches - Que souhaitez vous faire, maintenant que vous avez connaissance de ces informations? - Quelles sont les raisons de votre choix ? - Qu’implique cette décision pour vous ? Pour votre famille ? - Comment vous vous sentez avec cette décision ? Quelques grilles ou guides de questionnement éthique existent, on peut s’en inspirer. Ces documents sont utiles pour organiser la réflexion, trouver une cohérence dans l’argumentation, être au clair sur le sens des décisions, et se sentir en phase avec. Pour exemple : La grille de questionnement éthique de Renée Sebag Lanoe Quelle est la maladie principale de ce patient ? Quel est son degré d’évolution ? Quelle est la nature de l’épisode actuel surajouté ? Est il facilement curable ou non? Y a t-il eu répétition récente d’épisodes aigus rapprochés ou une multiplicité d’atteintes diverses ? Que dit le malade s’il peut le faire ? Qu’exprime t il a travers son comportement corporel et sa coopération aux soins ? Quelle est la qualité de son confort actuel ? Qu’en pense la famille ? (Tenir compte de…) Qu’en pensent les soignants qui le côtoient le plus souvent ? Les 3 critères de légitimité éthique de l’abstention ou de l’arrêt de traitements de P.Verspieren ( in Laennec, 2003, n°4, pp31-45) 1- Inutilité médicale 2- Disproportion entre préjudices et charges 3- Dépassement des fonctions de la médecine 350 Favoriser le dialogue a) En faisant une place au patient lors des rencontres et de l’information donnée, par exemple en demandant: - Il s’agit de rechercher, et de clarifier des informations d’ordre psychologique. Par exemple : - Comment ressentez vous les informations que je vous apporte ? - Comment vous sentez vous maintenant que nous avons abordé ces différents points ? - Et surtout, en laissant l’espace pour recevoir les réponses bien sûr, ce qui semble naturel, mais qui, en pratique, n’est pas évident. De cette manière le lien entre la dimension pronostique, objective, et la trajectoire subjective du malade, peut se faire. Mais il faut aussi pour que cela soit possible, que le médecin ne considère pas le savoir objectif comme premier dans la décision. - Il est souvent intéressant de proposer une synthèse des différents éléments abordés3. b) En intégrant le « savoir profane » du malade : Les informations recueillies tout autant que les expériences faites, et les croyances. Il est fondamental de considérer ce savoir profane dans les soins autrement que comme une bizarrerie au regard de la vérité médicale. Ce savoir profane du malade devrait être vu comme un aspect tout aussi important que le savoir médical. Il s’agit de le considérer comme une « vérité subjective » qu’il y a lieu de prendre en compte et d’approfondir. Il n’y a en tous cas pas lieu de s’y « opposer » ou de le juger. Les attitudes possibles face à ces savoirs sont : - les entendre comme tels, comme des points de vues, comme des expériences - exprimer un point de vue différent ou un « non savoir » - dialoguer autour de ces différences Par exemple : Patient : « Je crois que la mort est un passage important et que l’on retrouve les siens, les proches qui sont morts avant » 3 - Y.Libert, I.Merckaert, C.Reynaert, D.Razavi, « Les enjeux, objectifs et particularités de la communication médecin-malade en oncologie : état des lieux et perspectives futures », Bulletin du Cancer, Vol 93, N°4, 357-62, Avril 2006 351 Professionnel : - « je vois que vous avez une représentation précise de la mort » - « moi je ne sais pas, je n’ai pas de représentation précise », ou « je ne sais rien d’objectif à ce sujet » - « moi, je ne vois pas ça comme ça, je pense qu’il n’y a rienaprès la mort » - « j’ai lu des études scientifiques qui disent que… » 5- Une culture palliative Le développement d’une culture palliative permettrait une meilleure considération de l’abstention de traitement, qui serait du coup valorisée en tant que « choix approprié ». Un changement de regard est encore nécessaire pour sortir des apriori et des fausses considérations. Quelques points importants à intégrer : - Les traitements palliatifs sont une réponse thérapeutique. Si l’on considère les traitements palliatifs comme bien autre chose que « le traitement de la dernière chance », un « placebo », un anxiolytique, ou « le seul soutien du patient », l’abstention de traitement n’a pas le même impact. Les traitements palliatifs ne peuvent être une solution de facilité. Investis comme une réponse thérapeutique adaptée lors de la prescription, leur abstention conduira à envisager cet acte comme adapté également. - L’arrêt des traitements n’est pas un arrêt des soins. Cela sera particulièrement vrai pour le patient si l’oncologue incarne cette philosophie dans ses actes, s’il est capable d’envisager la dimension « thérapeutique » des soins prodigués et qu’il ressent et manifeste toujours son « utilité » de médecin. C’est ainsi que la continuité de la relation thérapeutique peut être garantie. - La manière de présenter l’abstention de traitement est essentielle et doit mettre en avant de quelle manière cette proposition est adaptée à la situation du patient. Il s’agira de s’occuper de sa prescription et de sa surveillance avec le même intérêt que celui qu’on a pris pour le traitement étiologique. - Il y a lieu de toujours favoriser l’espoir, même si la mort est inéluctablement proche. Nous ne parlons pas d’illusion, mais bien d’espoir, d’ « espoir de quelque chose », et pour chacun des protagonistes. 352 IV- Conclusion -On l’aura compris, la prise en compte des critères subjectifs de l’arrêt des traitements suppose une évolution des mentalités, pour que les pratiques se modifient. Cette approche relève de 5 principes : - La réelle intention de prendre en compte la personne malade est indispensable à la prise en compte les critères subjectifs, ce, quelles que soient les remises en question qui pourraient en découler. - L’inclusion précoce du point de vue du patient à propos de sa perception des traitements, de sa maladie, de sa vie. - Le souhait d’évaluer globalement, et en toute honnêteté la pertinence d’un projet thérapeutique doit être présent, quitte à ce qu’un choix personnel et préférentiel ne soit pas valorisé, quitte à être déçu et remis en question, parfois profondément. - La prise de conscience du professionnel concernant son propre vécu subjectif, est indispensable. Ce vécu doit être reconnu et intégré dans une attitude congruente. - Un dialogue avec le patient et ses proches, prenant en compte ce qui est certain comme ce qui est incertain est indispensable. L’application de ces principes évite deux écueils dommageables pour les patients et leurs proches en soin palliatif : - le sentiment d’abandon - le sentiment d’acharnement thérapeutique - L’intégration des critères subjectifs nous rapproche à l’évidence de la pratique d’une médecine globale qui propose un juste équilibre entre les aspects objectifs et subjectifs, une juste place de chaque interlocuteur dans la relation, ainsi qu’une prise en compte de la parole et du savoir de chacun. Au final, cette approche détrône le professionnel d’une position de « savoir absolu et prétendument objectif», ce qui demande d’être assumé comme une qualité, et non comme un handicap. On remarquera qu’un enjeu fondamental de la médecine d’aujourd’hui est d’améliorer la communication entre les médecins et les patients atteints d’un cancer et leurs proches. 353 L’INFORMATION AU PATIENT: DES MOTS SOUVENT DIFFICILES À DIRE ET À ENTENDRE. Auteurs Harry Bleiberg, Geneviève Decoster, Thierry Gil 354 Dire ou ne pas dire la vérité au malade est un sujet en discussion depuis toujours et l’objet de débats sans fin. Ceux qui ne sont pas oncologues ou qui ne traitent pas de malades doivent savoir qu’au-delà de la maladie, qui peut être pénible et entraîner la mort, les traitements tels que chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie, provoquent des effets secondaires sévères et souvent pénibles qui altèrent la qualité de vie des patients et peuvent entraîner leur mort. Si nous nous concentrons sur les patients porteurs d’un cancer métastatique à qui on offre souvent un traitement expérimental, il semble évident que le besoin de vérité, de description de la réalité sont des prérequis à toute entreprise thérapeutique. Toute rétention d’information a pour effet d’empêcher le patient d’évaluer correctement le rapport risque/bénéfice d’un traitement et ne lui donne pas la possibilité de décider s’il accepte ou non le traitement proposé. Dans le cadre des études cliniques la législation nous oblige, depuis le 4 avril 2001, à informer le patient sur sa situation de santé1. Nous allons tenter de montrer que, malgré cette législation et l’attention que les Comités d’Éthique portent à analyser l’information destinée au malade, les textes deviennent de plus en plus longs, complexes et souvent incompréhensibles pour le patient. Ce sont des documents formels et légaux qui relèguent l’information au malade au second plan et qui sont discrets vis-à-vis du pronostic ou d’éventuelles complications liées aux traitements. Aujourd’hui ces documents peuvent avoir un impact incommensurable sur la qualité de vie et l’espérance de vie du patient ainsi que sur sa décision d’accepter certains traitements. Le législateur et l’éthique demandent que l’information soit claire, appropriée pour que la personne soit capable de donner son consentement ; et surtout couvre « …les risques et inconvénients prévisibles et les bénéfices attendus (ceci incluant les risques les plus sévères y compris celui de mourir de l’évolution de la maladie ou du traitement lui-même) » ; « que le patient soit informé…. que l’on obtienne son consentement ». Les chimiothérapies utilisées normalement dans le cancer colorectal, par exemple, ont un niveau de toxicité élevé et, probablement habitués à les gérer, les oncologues s’en inquiètent peu. Pour le FOLFOX 4, dans l’étude soumise à la FDA pour son approbation aux USA, on note 100% de toxicité dont 70% de grade 3-42. Les autres schémas de FOLFOX sont à peine moins toxiques. Les morts toxiques sont rarement repris dans les tableaux de toxicité, bien que demandés par le CTCAE depuis décembre 2003³. On les retrouve dans le texte sans grands commentaires. Si une mortalité liée à la toxicité de l’ordre de 0.5-1% pourrait être considérée comme acceptable par les oncologues (encore faudrait-il que le patient soit informé de ce risque), des taux de mortalité de 4-5% sont rapportés avec les combinaisons comportant de l’irinotecan4, 5. En combinaison avec la chimiothérapie, les agents ciblés augmentent encore la toxicité et probablement les risques de décès toxiques. Cette situation n’est pas particulière au cancer du côlon. Dans une étude comparant, chez les patients porteurs d’un cancer bronchique non à petites cellules (NSCLC) âgés de ≥ 70 ans, une combinaison carboplatine et paclitaxel à une monothérapie à base de gemcitabine ou de vinorelbine, le taux de décès toxique est de 4.4% dans le bras combiné vs. 1.3% dans le bras monothérapie. Cette différence de 300% est décrite comme ‘…slightly higher in the doublet chemotherapy6… », illustrant bien le fait que les oncologues acceptent et portent, en général, peu d’attention aux toxicités léthales (par ailleurs probablement inconsciemment amalgamées aux nombreux décès par progression du cancer) pour autant que la survie globale soit améliorée. Face à des évènements aussi fréquents et graves il est évident que les patients doivent être informés de tous les aspects de leur maladie. Que leur dit-on ? 355 En ce qui concerne le diagnostic : Peu/pas d’information sur le stade de la maladie : a) Vous et votre médecin avez décidé de votre participation à l’étude… b) le médecin en charge de l’étude clinique a jugé que vous répondiez aux conditions de participation à cette étude c) il vous a été proposé de participer à cette étude parce que vous souffrez de douleurs neurogènes Dans certains consentements éclairés la réalité peut être masquée comme « Ce programme vous est proposé car vous souffrez d’un cancer du sein métastatique (disséminé au-delà du sein) qui a récidivé…et votre médecin pense que ce programme pourrait vous être bénéfique… »« Les alternatives de traitement qui se présentent à vous seront également décrites ainsi que votre droit à vous retirer de l’étude à n’importe quel moment » ce qui pourrait sous-entendre que le refus d’un traitement de phase I, généralement administré lorsque tous les traitements reconnus plus ou moins actifs ont été épuisés, laisse encore la porte ouverte à d’autres options thérapeutiques. Le pronostic de la maladie est rarement abordé En ce qui concerne les effets secondaires Ils sont énumérés dans le désordre a. Classer par fréquence, souvent > 10%, alors que les toxicités très sévères sont plutôt rares. b. Effets secondaires cités sans cohérence, mélangeant ceux qui sont importants avec ceux qui le sont moins ou pas, …: « sécheresse de la peau, fatigue/faiblesse, maux de tête/migraine, nausées, acouphènes (bourdonnement d’oreilles) vomissements, inflammation des muscles et QT prolongé voire torsade de pointe»…. Leur description est imprécise a. Pour le cisplatine: troubles auditifs (perte d’audition, c’est pourquoi un audiogramme sera réalisé), trouble rénal (maladies des reins), infection, cas très rare de pathologies hématologiques graves (augmentation du risqué de leucémie secondaire), neurotoxicité (perte du goût ou de la fonction tactile, réduction de l’acuité visuelle, confusion, perte de mémoire, paralysie) b. Rarement, une exfoliation locale de la muqueuse buccale peut se produire c. De manière exceptionnelle, une condition qui comporte la perte ou la dégradation l'os de la mâchoire Pas ou peu d’information sur les implications cliniques et sociales de leur survenue en termes de durée, risques d’hospitalisation, séquelles possibles, pénibilité… Leur gravité potentielle est minimisée a. La plus part des effets secondaires devraient être maîtrisés avec d’autres traitements…la plupart devraient disparaître…et certains pourraient nécessiter des analyses ou des traitements complémentaires. b. Si un effet secondaire grave peut survenir…il est rare c. Si une réaction grave au médicament survient, le médecin pourra arrêter le traitement de manière définitive ou temporaire…vous serez surveillé de très près…vous serez également informé de toute découverte pouvant affecter votre volonté de continuer…on vous demandera de signer un document stipulant que ces nouvelles informations vous ont été communiquées. 356 Les risques de décès lié au médicament sont éludés a. Pendant les études cliniques antérieures, certaines patientes sont décédées. La cause du décès est souvent due au cancer connu de la patiente (progression de la maladie sous-jacente), ou à une infection grave. Dans quelques cas, la cause de la maladie n’a pas été déterminée. . L’attention est détournée en traitant de manière extensive de sujets présentant moins d’intérêt dans le processus décisionnel comme la confidentialité, les considérations légales et financières, la contraception7, ou les risques standart comme ceux liés à l’imagerie et aux prises de sang Pourquoi le document essentiel destiné à informer le patient et à lui permettre de prendre une décision quant au traitement qui lui est proposé est-il si peu clair, minimise l’importance des effets secondaires, cache les décès potentiels, génère peut-être de faux espoirs. On ne peut qu’émettre des hypothèses. S’il y a une stratégie derrière ces textes on peut penser qu’elle est destinée à inciter les patients à participer à l’étude. L’objectif le plus louable est sans doute celui de faire progresser la recherche et par là même d’aider le patient lui-même ou les futurs patients. A cet égard beaucoup d’acteurs sont biaisés à des degrés divers : le promoteur, les investigateurs, l’administration de l’hôpital. Le rôle de l’assurance dans les essais cliniques est peu clair, mais surtout ignoré par ceux qui informent le patient. Mais il n’y a peut-être pas de stratégie, et simplement une peur de dire, de mal dire, d’enlever l’espoir, de provoquer chez le patient une dépression, de le pousser au suicide. La peur existe aussi d’utiliser des mots, de décrire des situations qui nous effrayent, éveillent des souvenirs douloureux. Le « dire » quand on traite des malades métastatiques n’est pas simple ! Entendre est tout aussi difficile. De tous les mots écrits il ne reste peut-être, dans la tête du patient, que des fragments, déformés, nécessairement mal compris. A supposer que tout soit parfaitement dit, tout sera-t-il entendu ? Tous les patients sont-ils en mesure d’entendre au-delà du premier mot qui parle de mort? Au premier contact le mot ‘cancer’ lui même crée une émotion qui rend le reste du message inaudible. Certains patients se trouvent parfois otages de leurs familles qui prétendent refuser au patient le droit d’entendre son diagnostique Une étude réalisée par le National Cancer Institute aux USA comparant deux modèles d’information destinés aux patients susceptibles de rentrer dans des phases I (les documents sont sensés contenir toute l’information utile et être compréhensibles)8 a montré que concernant les objectifs de l’étude et leur décision de participer plus de 15% des patients pensent que ce médicament va les guérir et 37% pensent qu’ils vont en tirer un bénéfice, 26% vont refuser de participer. En ce qui concerne leur perception des bénéfices possibles et les effets secondaires, pour ceux qui ont accepté de participer à l’étude, plus de 60% s’attendent à une amélioration sur le long terme voire une guérison et la plupart pensent que les effets secondaires seront peu importants. D’autres rapports indiquent aussi que l’information n’est généralement pas comprise9, 10. Si le patient informé dans le cadre d’une phase I pense que le traitement qu’il va recevoir est prouvé efficace pour sa maladie alors que le but premier de ces études est d’identifier les toxicités et la dose à administrer, on se trouve devant un problème grave en terme de compréhension. Tous les acteurs impliqués dans les études cliniques peuvent contribuer à ce qu’aujourd’hui l’information au patient ne remplit pas son rôle. Mais au-delà d’une volonté de manipulation, on a l’impression que les manquements au contenu de l’information au patient relèvent peut-être plus du ‘je ne veux pas entendre-je ne sais pas le dire’ confrontation du malade et du médecin chacun prisonnier de ses propres limites. La seule chose qui relève de notre responsabilité comme médecin, comme soignant, c’est la qualité de l’information en termes de contenu et de contenant. C’est surmonter nos propres limites, mettre en place les structures pour aider le médecin à mieux dire et le patient à mieux entendre 11. 357 Pour quelqu’un qui doit se faire traiter pour un cancer, le tableau 1 donne les éléments minimum que nous jugeons essentiels pour obtenir un consentement éclairé dans une étude clinique. Il est raisonnable de penser que la même approche devrait être utilisée hors étude. Tableau 1 1. 2. 3. 4. 5. Critères d’inclusion. Pronostic de la maladie. Options thérapeutiques Traitement proposé Bénéfice attendu a. Chiffrer les bénéfices: mois, années, contrôle des symptômes, qualité de vie… 6. Toxicités présentées d’une manière claire (Tableau-grade) a. Utiliser les données du médicament si elles sont connues et publiées ou utiliser des données de produits similaires b. Chiffrer les durées d’hospitalisation, la lourdeur des toxicités (mucosite, syndrome main pied,…) les examens invasifs ainsi que supplémentaires… c. Impact possible sur la qualité de vie d. Risques de décès e. Des articles récemment publiés montrent que l’ensemble du monde médical, universellement, (Japon et Chine compris) adopte un comportement, ou des attitudes qui empêchent le patient d’entendre la vérité sur l’évènement le plus évident de son existence, sa propre mort 12 , 13 , ceci suggère que partout les malades ont des difficultés à entendre parler de la maladie et de la mort et que les médecins, se mettant à leur place et exprimant leurs propres peurs se confinent dans une stratégie du non- ou du moins-dire. Quelle est donc la meilleure leçon du « Primum non nocere ? » Références 1. Directive 2001/20/EC of the European Parliament and of the Council of 4 April 2001 on the approximation of the laws, regulations and administrative provisions of the Member States relating to the implementation of good clinical practice in the conduct of clinical trials on medicinal products for human use. http://ec.europa.eu/health/documents/eudralex/vol-10/ 2. http://www.fda.gov/ohrms/dockets/ac/08/briefing/2008 4344b1_09_05_Eloxatin%20Label.pdf 3. Common Terminology Criteria for Adverse Events v3.0 (CTCAE) Publish Date: December 12, 2003 4. Rothenberg M et al J Clin Oncol 2001; 19:3801-3807 5. Arbuckle RB et al The oncologist 2000; 5: 250-259) 6. Elisabeth Quoix et al The Lancet 2011, 378 :1079-1088 7. Menikoff J et al. Circ Cardiovasc Qual Outcomes 2010;3;116-117 8. Kass E et al IRB: Ethics & Human Research 2009 ; 31: 1–10 9. Joffe et al Lancet. 2001;358:1772–1777 10. Daugherty CK et al. Ethics & Human Research. 2000;22:6–1 11. F. Stiefel et al Annals of Oncology 21: 204–207, 2010) 12. Mei-che Samantha. Pang Protective truthfulness: the Chinese way of safeguarding patients in informed treatment decisions Journal of Medical Ethics 1999;25:247-253 13. Tetsuo Kashiwagi. Internal Medicine 1999; 38:190-192 358 REFERENTIELS POUR LA PRISE EN CHARGE DES CANCERS DU SEIN METASTATIQUES RECOMMANDATIONS DU NCCN Auteur Jean Louis MISSET 359 INTRODUCTION A l’usage, il s’est révélé beaucoup plus difficile d’établir des recommandations ou référentiels (« guidelines » en anglais) pour la prise en charge des cancers du sein rechutés ou métastatique que pour la prise en charge initiale à visée curative. Aujourd’hui encore, les recommandations publiées sont d’abord non pas des injonctions mais un catalogue d’options « non fautives », laissant une large part à la prise en compte des caractéristiques de chaque malade et de la maladie qu’elle porte prise individuellement, aux préférences de malade elle-même et il faut bien l’avouer aux préférences du médecin ou de l’équipe ou école qui prend en charge la malade. Cet état de fait procède de causes très nombreuses et variées que nous allons brièvement analyser. Pourtant des recommandations ont pu être rédigées et publiées et malgré leurs origines très diverses on y trouve des points communs consensuels ou presque, signifiant leur valeur quasi universelle et permettant au prescripteur de s’appuyer sur elles pour sa décision sans crainte de faire un choix critiquable. Nous allons analyser les recommandations du National Comprehensive Cancer Network (NCCN) LES RAISONS DES DIFFICULTES Tous les articles sur le cancer du sein métastatique commencent par la phrase « maladie presque constamment mortelle ». Le lecteur est aussitôt placé dans la chronique d’un échec annoncé où la gestion résignée de la palliation doit prioriser l’absence de prise de risque et la minimisation des contraintes et des effets secondaires pour une patiente de toute façon condamnée. Mais aussitôt surgit le « presque ». On sait depuis 1996 et le travail de Greenberg (1) qui mériterait d’être repris avec les paramètres d’aujourd’hui, qu’un petit nombre de ces malades, 3% à son époque, seront vivantes en première rémission de leur maladie à 10 ans et seront donc guéries peut-être, en tous cas « longs survivants », et qu’elles se recrutent parmi celles qui auront obtenu une rémission complète de leur maladie métastatique par le traitement initial. Et le médecin de s’interroger : La patiente que j’ai devant moi aujourd’hui a-t-elle une chance de faire partie de ce petit groupe de privilégiées ? Que puis-je faire, que dois-je faire moi médecin pour qu’elle ne perde aucune chance de rejoindre ce groupe ? Le traitement du référentiel est-il bien celui qui lui donne à elle personnellement toutes ses chances en prenant en compte chacune des particularités individuelles de sa maladie ? Même en se plaçant dans un contexte d’incurabilité assumée sinon acceptée, nous savons que le temps de survie de ces patientes peut aller de quelques mois à de nombreuses années. Nous avons certes des facteurs pronostiques et prédictifs qui permettent de rétrécir cette fourchette mais à l’intérieur même des sous-groupes ainsi définis les écarts à la médiane, qui nous sert de repère, peuvent être considérables dans les deux sens. Bref nos prédictions de l’avenir de nos malades prises individuellement sont grevées d’un fort coefficient d’incertitude.(2, 3 ) Or on ne ferait pas les mêmes choix thérapeutiques pour quelqu’un dont on saurait avec certitude qu’il y a à la clé une survie de 5 ans ou plus ou pour quelqu’un qui quoi qu’on fasse nous aura quitté dans six mois. Nos prédictions sont mauvaises et imprécises en terme d’échelle de temps ; elles le sont également et bien sûr de façon non indépendante, au sujet de la réponse à court terme au traitement appliqué. Les « taux de réponse » généralement compris entre 20 et 70% ne font que traduire notre incapacité à prédire que tel traitement dans un cancer du sein ayant telles caractéristiques ne marchera jamais et qu’il est tout à fait inutile d’y recourir ni que tel autre sera efficace à coup sûr. Cela est vrai même des thérapies ciblées où la cible moléculaire est connue et impliquée dans la cancérogénèse et la progression tumorale : aucune hormonothérapie n’est efficace chez 100% des tumeurs exprimant les récepteurs hormonaux et le trastuzumab n’est pas utile à toutes le patientes dont la tumeur surexprime HER-2. Alors on essaye, en s’appuyant sur les statistiques certes mais en laissant une place à l’empirisme qu’on ne peut que trouver regrettable. 360 Les mêmes observations, le même raisonnement s’appliquent aux effets secondaires des traitements, qu’on ne saurait bien sûr négliger, notamment dans une perspective d’incurabilité, même s’ils servent parfois d’alibi à un traitement suboptimal et que beaucoup de patients se disent prêts à faire face à plus d’effets secondaires que nous ne sommes prêts à en prendre le risque. Nous voudrions bien sûr, et on nous le proposera dans les référentiels, faire reposer nos décisions sur les résultats obtenus en survie par chacune des options thérapeutiques même grevés des variations individuelles que nous venons d’évoquer. Cependant, compte-tenu des nombreux médicaments de l’hormonothérapie, de la chimiothérapie et des thérapies ciblées ayant une efficacité dans le cancer du sein métastatique, la survie globale a plus de chances de dépendre (outre les caractéristiques biologiques de la maladie individuelle et celles de la patiente à traiter) de la suite des traitements, du choix judicieux de chaque ligne thérapeutique et de leur séquence que du seul choix de la première ligne thérapeutique. Le groupe de Clermont-Ferrand vient de publier une étude rétrospective : la septième ligne de chimiothérapie procure encore un complément de survie de 7,5 mois (4). Pour une telle malade parvenue à la septième ligne, qu’est-ce qui dans sa survie globale, sera attribuable au choix de la première ligne, à la séquence des traitements, voire à la persévérance de la malade et de son médecin ? Aux difficultés ci-dessus se combine celle liée aux libellés d’AMM. Ceux-ci reproduisent exactement les conditions de l’étude « validante ». Ces conditions ont été choisies par le promoteur en vue d’optimiser les chances d’un résultat positif et pas nécessairement de tirer le meilleur parti possible des capacités du médicament et de toutes ses capacités. Ainsi le bévacizumab a-t-il son AMM uniquement en première ligne thérapeutique, en combinaison avec le paclitaxel ou la capecitabine. Personne n’a montré que la combinaison de paclitaxel et bévacizumab était le meilleur traitement possible de première ligne et notamment celui qui donnerait à la patiente les meilleures chances de rejoindre le groupe des longs survivants. Personne n’a montré que la combinaison du bévacizumab avec d’autres cytotoxiques était inutile : l’étude AVADO a montré que la combinaison au docétaxel apportait un bénéfice proportionnel du même ordre de grandeur que la combinaison avec le paclitaxel. Ce bénéfice n’atteint pas la signification statistique en survie peut-être tout simplement parce que les malades traitées par docetaxel ont une survie meilleure que celles traitées par paclitaxel. Peu importe, la combinaison du bévacizumab au docetaxel n’est pas admise. Personne enfin n’a montré que le bévacizumab était inutile au-delà de la première ligne thérapeutique, mais en principe, on n’y a plus accès. L’exemple du bévacizumab peut être reproduit pour de nombreux médicaments, notamment développés récemment dans des conditions régulatoires de plus en plus strictes et restrictives. Enfin, et c’est l’autre côté du miroir mais c’est à peine moins frustrant, il nous est parfois donné d’observer des résultats exceptionnellement favorables. Ainsi de cette patiente aujourd’hui âgée de 50 ans et qui en avait 35 quand elle a été traitée il y a 15 ans dans le cadre de l’essai de phase I de la combinaison de docetaxel et de doxorubicine pour des métastases pulmonaires histologiquement confirmées (et inopérables) de cancer du sein et qui est toujours en première rémission complète de sa maladie (une des 3% de Greenberg). La révision a posteriori de son dossier ne permet de trouver aucun élément qui aurait permis de prédire cette évolution. Autrement dit nous sommes incapables de définir dans quelles conditions et à quel prix un tel résultat serait reproductible. Alors que nous aimerions tant pouvoir en tirer une recommandation universelle ! Dans un tel contexte, vouloir éditer des référentiels (« guidelines ») relève-t-il purement de l’illusion ou d’un besoin déraisonnable d’être normatif au mépris de la réalité ? Non bien sûr et nous allons voir que ces référentiels sont utiles. Mais ils ne doivent pas nous faire oublier que nos connaissances sont imparfaites et qu’appliquées à l’échelle individuelle elles deviennent « conjecturelles » (2). Un espace de délibération doit rester ouvert au prescripteur (de préférence délibération collégiale et non individuelle) car la stricte application de la norme peut être une mauvaise décision dans une situation particulière, même si le prescripteur sera sans doute 361 protégé de la critique dans un tel contexte. C’est le sens des nuances que l’on trouve dans ces référentiels, qui nous l’avons dit plus haut recensent des options non fautives plutôt que d’affirmer une norme péremptoire LES REFERENTIELS DU NCCN Ils sont présentés sous forme d’arbre décisionnel et il n’y a probablement pas moyen de faire autrement en raison de la complexité et de la multiplicité des paramètres à prendre en compte. L’arbre décisionnel simplifie grandement la démarche du décideur : il suffit de suivre son chemin au gré des flèches qui proposent un itinéraire en fonction des paramètres pris séquentiellement pour aboutir à une proposition de décision. Mais il ne faut pas oublier certains défauts du modèle. Tout d’abord, on va prendre en compte séquentiellement les différents paramètres en fonction de leur caractère discriminant et non pas nécessairement en fonction de leur importance ou de leur urgence. Ainsi le premier paramètre est-il l’existence de métastases osseuses car le traitement de toutes les patientes qui en présentent comportera des bisphosphonates. Mais s’il y a des métastases hépatiques avec ictère ou détresse respiratoire, la prescription de bisphosphonates n’est pas la première urgence. Ensuite l’arbre décisionnel est dichotomique ; à chaque embranchement on répond oui/non mais il n’y a pas de « oui mais ». Enfin, il n’y pas de retour en arrière ce qui ne favorise pas l’analyse nuancée de situations complexes et peut même laisser des situations rares sans réponse. Il faut penser à ces limitations quand on utilise un arbre décisionnel, quel qu’il soit. Donc le premier paramètre concerne les métastases osseuses avec adjonction de bisphosphonates au programme thérapeutique de toutes les patientes qui en présentent en l’absence d’insuffisance rénale. Ce traitement repose sur le pamidronate ou le zoledronate et nécessite un contrôle dentaire initial. Le second paramètre pris en compte est la présence de récepteurs hormonaux dans la tumeur. La plupart des équipes préconisent une détermination de ce paramètre sur une nouvelle biopsie guidée plutôt que de se baser sur la tumeur primitive, mais ce point n’est pas mentionné dans les « guidelines » du NCCN. Ils accordent la même valeur aux récepteurs d’oestrogènes et de progestérone et font les mêmes propositions pour les patientes dont la tumeur surexprime également Her-2 (population minoritaire) ; Pour les tumeurs avec récepteurs hormonaux, l’embranchement suivant concerne les antécédents d’hormonothérapie, administrée ou non dans l’année précédant le constat de rechute, puis suit un autre embranchement concernant l’état pré ou postménopausique et l’éventualité de métastases viscérales menaçantes à court terme (« crise viscérale »). Dans ce dernier cas, qu’il y ait eu ou non hormonothérapie dans l’année précédente, la recommandation est d’envisager une chimiothérapie selon un des protocoles recommandés dont nous verrons plus loin la liste. Les patientes dont la tumeur surexprime HER-2 recevront du trastuzumab en combinaison avec la chimiothérapie qui devra alors être exempte d’anthracyclines. En l’absence de crise viscérale, c’est l’hormonothérapie qui est recommandée dans tous les cas. En post-ménopause, on privilégiera une anti-aromatase non stéroïdienne ou stéroïdienne ou un anti-œstrogène en fonction des éventuels traitements hormonaux antérieurs et selon un ordre préférentiel indiqué dans le tableau 1. En préménopause, une suppression ovarienne par ovariectomie, irradiation ou agoniste GnRH précèdera un traitement médicamenteux selon les mêmes règles qu’en postménopause Il y a sept formes d’hormonothérapie différentes sur le tableau 1 et on fera au moins trois lignes de celles-ci avant de considérer la maladie comme réfractaire au traitement hormonal et d’envisager le recours à la chimiothérapie, à moins que la maladie viscérale ne soit symptomatique. 362 Pour les tumeurs n’exprimant pas de récepteurs hormonaux ou ayant démontré leur caractère réfractaire à l’hormonothérapie, l’embranchement suivant concerne la surexpression ou non du récepteur HER-2. Les référentiels recommandent bien entendu la chimiothérapie. Toutefois, et pour prendre en compte la possibilité de faux négatifs dans la recherche des récepteurs hormonaux, ils laissent une possibilité de tentative d’hormonothérapie, y compris pour les tumeurs HER- 2 positives (RH-, HER-2 +) si le terrain, la présentation clinique ou l’histoire de la maladie laissent espérer une hormono-sensibilité et que la maladie ne s’est pas déjà montrée hormonorésistante. Dans les autres cas, on aura recours à la chimiothérapie. Dans les tumeurs ne surexprimant pas HER-2, la chimiothérapie sera donnée sans thérapie ciblée exception faite de la combinaison de paclitaxel et de bevacizumab, mais celle-ci va sans doute disparaître du référentiel lors de sa prochaine mise à jour, l’approbation ayant été récemment retirée aus Etats-Unis. En dehors de cette combinaison en sursis, le tableau recense 16 agents de la chimiothérapie pouvant être employés seuls dans la cancer du sein métastatique, dont 9 sont classés comme « préférés » et 7 comme « autres », ainsi que neuf commbinaisons dont 8 préférées. Il y a donc du choix. Mais après échec de trois lignes de chimiothérapie, l’échec étant défini comme l’absence de réponse et non l’échappement après réponse initiale ou si l’indice de performance est égal à 3, le NCCN recommande d’envisager l’arrêt de la chimiothérapie et le recours aux soins palliatifs exclusifs. Pour les tumeurs surexprimant HER-2, le trastuzumab sera combiné à la chimiothérapie, mais seuls un petit nombre d’agents de la chimiothérapie peuvent être combinés au trastuzumab ( Paclitaxel +/- carboplatine, docetaxel, vinorelbine, capecitabine). Après progression sous trastuzumab, le médicament pourra être poursuivi avec un autre partenaire de chimiothérapie ou en combinaison avec le lapatinib (sans chimiothérapie), ou encore le trastuzumab pourra être interrompu au profit du lapatinib combiné à la capecitabine. Pour la question tant débattue du choix entre un médicament employé seul et une combinaison, les recommandations du NCCN sont prudentes et emploient la litote. Il est mentionné que les combinaisons sont associées à des taux de réponses plus élevés et à un temps plus long avant progression de la maladie mais aux prix d’une toxicité plus élevée, d’une nécessité fréquente de réduction des doses par rapport aux doses recommandées et sans effet favorable visible sur la survie. Il est conclu « qu’il n’y a pas de preuve contraignante qu’il y ait intérêt à utiliser les combinaisons ». Mais au final les deux options sont acceptées comme non-fautives. Si la tumeur primitive est en place lors du diagnostic de métastases, le NCCN envisage un traitement local, éventuellement de propreté mais considère que les études qui recommandent le traitement local systématique du primitif sont grevées de biais de sélection et que de nouvelles études randomisées sont nécessaires sur ce point. Les recommandations évoquent sans les analyser en détail les thérapeutiques locales sur sites métastatiques particuliers pouvant être indiquées associées ou non au traitement systèmique. NB Les recommandations du NCCN sont en accès libre sur le site www.NCCN.org (5) mais les diagrammes décisionnels ne sont pas autorisés à reproduction. COMMENTAIRES Je préfère intituler les lignes qui suivent « commentaires » plutôt que « discussion » car il m’a été demandé de présenter et non de discuter les référentiels du NCCN. De plus mes remarques initiales constituent une présentation bien assez développée de mon opinion personnelle. 363 Ces référentiels ont été mis à jour en 2010 et ne sont donc pas périmés. On peut cependant s’attendre à des modifications pour les mises à jour à venir. Nous avons déjà fait allusion au sort probablement réservé au bevacizumab qui cependant garde son AMM européenne dans cette indication. On va sans doute voir apparaître une option pour une ligne supplémentaire d’hormonothérapie sous forme de la réversion de la résistance acquise aux anti-aromatases par combinaison avec un inhibiteur mTOR ainsi sans doute que l’émergence d’autres thérapies ciblées en cours de validation. Ces progrès de l’hormonothérapie et des thérapies ciblées ont des chances de faire diminuer la prévalence de la chimiothérapie conventionnelle dans le traitement systèmique des cancers du sein métastatiques. Y a-t-il des « lignes de force », des priorités dans ces référentiels ? Assurément ; Destinés à être applicables aux mains d’oncologues compétents certes (c’est redit en bas de chaque tableau notamment pour le maniement des chimiothérapies) mais dans toutes les conditions d’exercice reconnues pour la cancérologie, ils privilégient l’absence d’effets secondaires, de risque de complication, la « qualité de vie » dans le cadre d’une incurabilité assumée plutôt que la recherche tenace des meilleures chances de longue survie. C’est pourquoi l’hormonothérapie est présentée comme le « premier choix » chaque fois que c’est raisonnablement possible y compris dans des situations où nombre de prescripteurs seraient mal à l’aise de la prescrire comme celle des tumeurs RH- HER-2 + avec métastases viscérales asymptomatiques ou même seulement non vitalement menaçantes à court terme. Chaque ligne d’hormonothérapie est présentée comme devant être poursuivie jusqu’à progression ou intolérance. Une fois l’hormonothérapie épuisée et le recours à la chimiothérapie décidé, on ne reviendra pas à l’hormonothérapie. La durée des séquences de chimiothérapie est discutée : une attitude de poursuite jusqu’à progression ou intolérance est présentée comme habituelle mais en fait discutable en l’absence de bénéfice en survie par rapport à des séquences plus courtes avec des phases de repos thérapeutiques. Ce point est à rapprocher de l’expérience du groupe de Clermont-Ferrand déjà citée (4) selon laquelle les patientes n’ont passé qu’un tiers de leur 34 mois de temps de survie médiane depuis la découverte des métastases effectivement sous chimiothérapie, avec l’éventualité de recevoir encore de l’hormonothérapie en « maintenance » entre deux séquences de chimiothérapie ou de bénéficier de pauses thérapeutiques complètes. Bibliographie : 1 - Greenberg Paul AC., Hortobagyi Gabriel N., Smith Terry L. Ziegler Lane D., Frye Debra K., and Buzdar Aman U. Long-Term Follow-Up of Patients With Complete Remission Following Combination Chemotherapy for Metastatic Breast Cancer. Journal of Clinical Oncology, 1996, 14, N°8, 2197-2205 2 - Champy Florent. La sociologie des professions. Paris PUF, 2009 3 - Kiely Belinda E., Soon Yu Yang, Tattersall Martin HN., and Stockler Martin R. How Long Have I Got? Estimating Typical, Best-Case, and Worst-Case Scenarios for Patients Starting First-Line Chemotherapy for Metastatic Breast Cancer: A Systematic Review of Recent Randomized Trials. Journal of Clinical Oncology, 2011, 29, N°4, 456-463 4 – Planchat E., Abrial C., Thivat E., Mouret-Reynier M.A., Kwiatowski F., Pomel C., Wang-Lopez Q., Chollet P., Nabholtz J.M., Durando.X. Late lines of treatment benefit survival in metastatic breast cancer in current practice? The Breast, 2011, in press 5 – www.NCCN.org 364 TABLEAU 1 TRAITEMENT HORMONAL DE LA MALADIE DISSEMINEE EN PREMENOPAUSE Les patientes dont la tumeur exprime les récepteurs d’oestrogènes devraient faire l’objet d’une suppression ovarienne (chirugicale, radiotherapique ou médicale), puis être traitées comme des patientes post-ménopausiques. EN POST-MENOPAUSE Inhibiteur d’aromatase non stéroïdien (anastrozole, letrozole) Inactivateur d’aromatase stéroïdien (exemestane) Fulvestrant Tamoxifène ou toremifène Acetate de megestrol Fluoxymesterone Ethinyl estradiol TABLEAU 2 PROTOCOLES DE CHIMIOTHERAPIE RECOMMANDES POUR LA MALADIE METASTATIQUE AGENTS RECOMMANDES EMPLOYES SEULS Anthracyclines Doxorubicine Epirubicine Doxorubicine liposomale pégylée Taxanes Paclitaxel Docetaxel Paclitaxel lié à l’albumine (nabpaclitaxel : AMM européenne mais médicament non accessible en France) Anti-métabolites Capecitabine Gemcitabine Autres inhibiteurs de microtubules Vinorelbine AUTRES AGENTS EMPLOYES SEULS 365 Cyclophosphamide Mitoxantrone Cisplatine Etoposide (oral) (niveau de preuve 2B) Vinblastine Fluorouracile en perfusion continue Ixabépilone AGENTS COMBINES AU BEVACIZUMAB Paclitaxel COMBINAISONS DE CHIMIOTHERAPIE RECOMMANDEES FAC (cyclophsphamide/doxorubicine/fluorouracile) FEC (fluorouracile/epirubicine/cyclophosphamide) AC (doxorubicine/cyclophosphamide) EC (epirubicine/cyclophosphamide) AT (doxorubicine/docetaxel ; doxorubicine/paclitaxel) CMF (cyclophosphamide/methotrexate/fluorouracile) Docetaxel/capecitabine GT (gemcitabine/paclitaxel) AUTRES COMBINAISONS Ixabepilone/capecitabine (niveau de preuve 2B) AGENTS RECOMMANDES POUR LES TUMEURS SUREXPRIMANT HER-2 Trastuzumab avec Paclitaxel+/- carboplatine Docetaxel Vinorelbine Capectabine AGENTS RECOMMANDES POUR LES TUMEURS SUREXPRIMANT HER-2 APRES PROGRESSION SOUS TRASTUZUMAB Lapatinib + capecitabine Trastuzumab + autres agents de première ligne Trastuzumab +capecitabine Trastuzumab + lapatinib (sans chimiotherapie cytotoxique) 366 RECOMMANDATION DE L’ « EUROPEAN SOCIETY OF MEDICAL ONCOLOGY » (ESMO) SUR LES CANCERS DU SEIN METASTATIQUES Prof. Monica Castiglione Hôpitaux Universitaires, Genève Suisse 367 368 369 370 371 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 RPC SPDV : CANCER DU SEIN TRAITEMENTS DE PREMIÈRE LIGNE MÉTASTATIQUE Auteurs Nadine DOHOLLOU, Gérard GANEM, Jean Paul GUASTALLA, Rémy SALMON 382 Introduction Nous présentons les résultats des essais rapportés à la phase métastatique depuis les précédentes recommandations de 2009 pour apprécier leur impact sur les pratiques. Traitement d’entretien, de consolidation, de maintenance, de relais. Derrière ces termes, se cache la même stratégie, c’est à dire maintenir une « pression » sur la maladie métastatique soit en rémission complète, soit contrôlée après un traitement de première ou seconde ligne. Aucune chimiothérapie ou hormonothérapie de relai n’a jamais fait la preuve de son impact sur la survie globale dans cette stratégie, néanmoins il semble que les traitements prolongés (9 études randomisées) dans cette situation montrent un bénéfice versus des traitements courts, et notamment sur le versant qualité de vie, ce qui n’était pas forcément attendu. Une revue de ces 9 études a été récemment faite par A. Sanchez Munoz 1(1) et tous ces essais montrent un bénéfice sur le temps jusqu’à progression et pour un d’entre eux un bénéfice en survie globale.2-10. Une méta analyse de 4 de ces essais publiés en 2003 globale, avec une réduction du risque de décès de 23%. 11 (11) avait montré un bénéfice en survie Mais maintenant 10 ans après, avec les data supplémentaires de 8 essais randomisés avec 1942 patientes, il a été montré qu’un traitement de chimiothérapie prolongé donnait une diminution de 8% du risque de décès, indépendamment du type de chimiothérapie et du nombre de cycles. Les deux essais récents de maintenance sont par paclitaxel, étude MANTA 5, et anthracycline liposomale : GEICAM 2001-01 10. L’étude MANTA évaluait l’apport du paclitaxel en maintenance après une association d’anthracyclines – paclitaxel chez les patientes en rémission ou stabilisées versus pas de traitement, l’étude intermédiaire n’ayant pas montré de différence en terme de temps jusqu’à progression ou survie, l’étude a été arrêtée. L’étude du GEICAM évaluait l’apport d’une anthracycline liposomale chez des patientes en RC, RP ou stable après un traitement séquentiel doxorubicine – docetaxel, avec un bénéfice significatif sur le temps jusqu’à progression, sans toxicité importante. L’hormonothérapie de relai pratiquée par la majorité des oncologues pour les patientes métastatiques, avec des tumeurs RH+, repose sur des convictions mais il existe à notre connaissance qu’un seul essai thérapeutique randomisé dans cette situation 12 évaluant l’apport de l’acétate de medroxyprogestérone. Cet essai montre un bénéfice sur le temps jusqu’à progression en faveur de l’hormonothérapie. Nous disposons ensuite de plusieurs études où l’hormonothérapie de maintenance ressort comme facteurs favorables en analyse uni et multivariée. 13 14. Ceci permet à de nombreux auteurs de recommander cette pratique pour les patientes RE+ ou RP+. Le trastuzumab a montré un bénéfice clinique chez les patientes porteuses d’un cancer du sein HER2+, métastatique n’ayant jamais reçu le trastuzumab 15, mais souvent cette thérapeutique est poursuivie après la progression, sans que nous disposions de data formelles. Une méta analyse sur données publiées vient de paraître 16, sur 194 articles revus, seuls 44 étaient éligibles et 16 comportaient toutes les données nécessaires pour analyse. 383 Nous ne disposons que d’une seule étude randomisée, celle de Minckwitz qui comparait chez des patientes progressives capecitabine seule ou associée au trastuzumab 17. Il existe dans cette étude, une augmentation de la réponse globale et du temps jusqu’à progression, sans impact sur la survie. Les auteurs de cette revue sur des études publiées concluent donc que cette stratégie de maintenir le traitement par trastuzumab peut avoir un intérêt , mais que nous manquons de phase III pour le démontrer. Néanmoins, nous devons nous interroger sur le rapport coût / bénéfice de cette stratégie, et cela a été fait par Matter-Walstra 18 qui a évalué l’utilisation du trastuzumab associé à la capecitabine. Cette étude du coût est basée sur l’étude clinique BIG 03-05 de Von Minckwitz, et n’appréhende pas les coûts indirects. Néanmoins, les auteurs montrent que la poursuite du trastuzumab après progression est plus cher que ce qui est considéré comme « cost effective », mais qu’une diminution du coût du trastuzumab de 30-60% pourrait changer les résultats de cette analyse ! Les auteurs évoquent également les coûts / efficacité des associations lapatinib / capecitabine ou bevacizumab associé au paclitaxel pour les tumeurs HER2-, évaluation qui n’est pas plus favorable en terme de coût / efficacité. En ce qui concerne la poursuite du trastuzumab après progression, 12 ans après sa découverte et des premiers résultats prometteurs, nous manquons cruellement de données pour préciser complètement son utilisation après la première ligne métastatique. Les réponses viendront-elles de la recherche translationnelle ? Cet exemple du manque de données en phase métastatique sur la première thérapeutique ciblée, doit absolument nous faire réfléchir à des études de coût / efficacité associées aux études cliniques évaluant les nouvelles thérapeutiques. Hormonothérapie Pour les patientes ménopausées sous Inhibiteur d’Aromatase adjuvant rappelons les recommandations de 2007 et 2009 en première ligne métastatique : Pas de traitement standard Trois Options, Fulvestrant niveau 2, grade B ; Exemestane niveau 2, grade B ; Tamoxifène accord d’experts L’essai CONFIRM montre un bénéfice en Survie Sans Progression à utiliser le Fulvestrant à la dose de 500 mg au lieu de 250 mg, tous les 28 jours après une dose de charge : Fulvestrant : essai CONFIRM Essai randomisé comparant deux doses de Fulvestrant IM, 500 mg contre 250 mg tous les 28 jours après une dose de charge J1, J14, J28 384 Fulvestrant (n = 362) [%] 500 Fulvestrant (n = 374) [%] 250 Odds-ratio (IC95) Réponse complète 4 (1,1) 1 (0,3) Réponse partielle 29 (8,0) 37 (9,9) Réponse objective 33 (9,1) 38 (10,2) 0,94 (0,57-1,55) Stabilisation > 24 sem. 132 (36,5) 110 (29,4) 1,28 (0,95-1,71) Bénéfice clinique 165 (45,6) 148 (39,6) Stabilisation < 24 sem. 47 (13,0) 52 (13,9) Progression 140 (38,7) 167 (44,7) Non évaluable 10 (2,8) 7 (1,9) Durée médiane 16,6 du bénéfice clinique (mois) 13,9 Il existe une différence en faveur de la dose de 500 mg significative pour la Survie Sans Progression : Hazard ratio = 0,80 [IC95 : 0,68-0,94], p = 0,006 non significative pour la Survie Globale : Hazard-ratio = 0,84 ; IC95 : 0,69-1,03 p = 0,091 Recommandations 2011 : Pas de modification des trois options (Fulvestrant, Exemestane, Tamoxifène) Dans le cas où l’option Fulvestrant est choisie la dose recommandée pour ce médicament est de 500 mg J1, 14, 28 puis tous les 28 jours en intra musculaire Niveau 2 grade A Inhibition de la résorption osseuse En présence de métastases osseuses l’inhibition de la résorption osseuse diminue les évènements osseux, et en 2009 a été recommandé dans cette situation l’utilisation d’un bisphosphonate (clodronate, pamidronate, zoledronate ou bandronate). L’anticorps Denosumab en se liant à RANK ligand inhibe la résorption osseuse par un mécanisme différent de celui des bisphosphonates. La comparaison en double aveugle au Zoledronate montre une réduction significative des évènements osseux par le Denosumab avec une tolérance et une facilité d’utilisation meilleures. 385 Denosumab versus Zoledronate 19 Etude randomisée Denosumab 120 mg en SC plus placebo IV (n = 1026) versus acide Zoledronique IV 4 mg ajusté à la créatininémie plus placebo SC (n = 1020) toutes les ‘ semaines Supplément quotidien en calcium et vitamine D recommandé Denosumab retarde significativement les évènements osseux HR=0.82 [0.71 - 0.95], p =0 .01 et diminue le risque du premier évènement osseux et des suivants RR=0.77 [0.66 - 0.89], p=0.001. La Survie Sans Progression, la Survie Globale et les effets secondaires sont similaires dans les deux groupes. On observe plus d’évènements rénaux et plus de réactions aiguës avec Zoledronate et plus d’hypocalcémie avec Denosumab. Une Ostéonécrose de la mâchoire est observé chez 2.0% des malades avec Denosumab et 1.4% avec Zoledronate (p =0 .39). Effets secondaires observés avec Denosumab et Zoledronate : analyse exploratoire de chaque évènement sans ajustement (Test exact de Fisher) 19 386 Commentaire : le Denosumab est significativement plus efficace que le Zoledronate pour retarder et réduire le nombre d’évènements osseux métastatiques. La tolérance est en faveur du Denosumab et il n’est pas requis de dosage de la créatininémie avant son administration qui est particulièrement aisée en injection sous cutanée mensuelle. La durée du traitement n’est pas définie dans la publication (la durée de 2 ans prévue par le protocole a été prolongée pour un nombre de malades non précisé). Les effets secondaires à long terme restent à préciser. Après commercialisation le Denosumab sera une Option chez les Patientes présentant un cancer du sein avec localisations métastatiques osseuses devant le Clodronate, le Pamidronate, le Zoledronate et l’Ibandronate (niveau 2, grade B) Chimiothérapie L’Abraxane® utilisé depuis plusieurs années aux USA devrait prochainement être disponible en Europe et en France. Nous rapportons les principales études qui permettent de positionner le produit. Nab-Paclitaxel (Abraxane® ) Etude de phase III pivotale 20 Nab-Paclitaxel 260 mg/m2 IV (30 mn) toutes les 3 semaines N = 233 (Pas de prophylaxie) Versus Paclitaxel 175 mg/m2 IV sur 3 h toutes les 3 semaines N = 227 (Prophylaxie standard par déxaméthasone et anti-histaminiques) 387 Caractéristiques de la population 20 nab-Paclitaxel Paclitaxel N = 229 N = 225 Age moyen (ans) 53 53 Foie 40 % 43 % Poumon 32 % 35 % Tissu mou seulement 16 % 13 % Abdominal 4% 3% Envahissement osseux 6% 6% Inconnu 1% 0% Anthracycline adjuvant et/ou en 77 % métastatique 78 % Anthracycline seulement 50 % 58 % Aucune 42 % 40 % 1 schéma antérieur 41 % 43 % 2 schémas antérieurs 10 % 16 % ≥ 3 schémas antérieurs 7% 2% métastatique Chimiothérapie antérieure pour maladie métastatique Nab-paclitaxel améliore significativement le taux de réponse 33% vs 19% (p=0.001) et améliore significativement la Survie Sans Progression 23.0 vs 16.9 semaines HR=0.75 (p=0.006) ; la différence de Survie Globale n’est pas significative HR=0.90 (0.72–1.12), p=0.37 388 Toxicité 20 AE (%) nab-Paclitaxel n = 229 Paclitaxel n = 225 Grade Grade 3 4 3 4 p Neutropénie 25 9 32 22 < 0,001 Thrombopénie <1 0 <1 0 0,290 Anémie <1 <1 0 <1 0,279 Neutropénie fébrile <1 <1 <1 0 0,491 Décès septique 0 0 – Toxicité non hématologique 20 Evénements (%) nab-Paclitaxel n = 229 Paclitaxel n = 225 Grade Grade 2 3 4 2 3 4 P† Hypersensibilité <1 0 0 0 1 0 0,150 Flush <1 0 0 5 0 0 < 0,001 Neuropathie sensorielle* 20 10 0 10 2 0 < 0,001 Fatigue 13 8 <1 16 3 <1 0,062 Myalgies 12 7 0 15 2 0 0,567 Vomissements 4 3 <1 4 1 0 0,022 Oedème 2 0 0 <1 <1 0 0,851 temps médian de récupération à un grade inférieur = 22 jours (17–22 jours) chez 24 malades Conclusion : le Nab-Paclitaxel améliore significativement la Survie Sans Progression par rapport au Paclitaxel toutes les 3 semaines, modalité d’administration standard à l’époque aux USA. 389 Comparaison Nab-Paclitaxel versus Docetaxel 21 Cette étude de Phase II randomisée compare le Nab-Paclitaxel toutes les 3 semaines ou hebdomadaire au standard français le Docetaxel administré toutes les 3 semaines Schéma se l’étude : Bras A: Nab-paclitaxel 300 mg/m2 toutes les 3 semaines n = 76 Bras B: Nab-paclitaxel 100 mg/m²/semaine (3 semaines/4) n = 76 Bras C: Nab-paclitaxel 150 mg/m²/semaine (3 semaines/4) n = 74 Bras D: Docetaxel 100 mg/m2 toutes les 3 semaines n = 74 Le nombre de malades (75 par bras) a été calculé pour comparer la tolérance hématologique et neurologique entre Nab-Paclitaxel et Docetaxel ; pour un taux de réponse présumé de 30% (IC 95% entre 21% et 39 % dans chaque bras). Efficacité 21 RR % IC 95% Médiane SSP* IC 95% (mois) Nab-Paclitaxel 300 mg/m² / 3 sem 37 26.0 - 47.7 11.0 7.3 - 15.0 Nab-Paclitaxel 100 mg/m² hebdo 45 33.6 - 55.9 12.8 9.0 - 14.7 Nab-Paclitaxel 150 mg/m² hebdo 49 37.3 - 60.0 12.9 10.9 - 16 Docetaxel 100 mg/m² / 3 sem 35 24.3 - 46.0 7.5 6 7.2 - 9.0 *Nab-Paclitaxel 150 mg/m² hebdo vs Docetaxel HR=0.495 ; p= 0.065 390 Neuropathie périphérique 21 Nab-P 300 Nab-P 100 Nab-P 150 Docetaxel Grade 1 34 38 28 30 Grade 2 22 12 26 19 Grade 3 17 8 14 12 Grade 4 0 0 0 0 Temps médian jusqu’à amélioration de la neuropathie à un grade inférieur Nab-Paclitaxel 300 mg/m2 toutes les 3 semaines : 22 jours Nab-Paclitaxel 100 mg/m²/sem : 22 jours Nab-Paclitaxel 150 mg/m²/sem : 19 jours Docetaxel 100 mg/m2 toutes les 3 semaines : 37 jours Toxicité hématologique 21 Nab-P 300 Nab-P 100 Nab-P 150 Docetaxel Grade 1 20 22 15 3 Grade 2 29 33 32 3 Grade 3 39 20 35 19 Grade 4 5 5 9 75 Conclusion : cette étude de phase II randomisée suggère un taux de réponse et de Survie Sans Progression en faveur de Nab-Paclitaxel, la dose de 150 mg/m² hebdomadaire donne le taux de réponse le plus élevé au prix d’un de taux de neuropathie sévère plus élevé (35% de grade 3 contre 19%). 391 Etude de phase I-II : Nab-Paclitaxel 100 – 125 mg/m²/semaine Cette étude s’adresse à des malades préalablement traitées par Paclitaxel ou Docetaxel n = 106 nab-Paclitaxel nab-Paclitaxel 100 mg/m2 125 mg/m2 (n = 106) (n = 75) Age médian (extrêmes), années 53 (34–76) 53 (33–74) Maladie viscérale 94% 89% > 3 sites métastatiques 65% 69% Progression tumorale sous taxane en phase 88% métastatique 89% Taxane hebdomadaire préalable en phase N=58 métastatique N=41 Paclitaxel 40% 44% Docetaxel 34% 37% Paclitaxel/Docetaxel (séquentiel) 26% 20% Nb de chimiothérapies préalables en phase 3 (0–7) métastatique, médiane (extrêmes) 3 (1–14) Chimiothérapie adjuvante N=85 N=79 Avec anthracycline 75% 56% Avec taxane 29% 27% nab-Paclitaxel nab-Paclitaxel 100 mg/m2 125 mg/m2 n Taux de RO Contrôle de la n maladie Taux de RO Contrôle de la maladie 106 14 % 26 % 16 % 37 % Population Globale 75 Traitement antérieur par Taxane pour la maladie métastatique 392 Docetaxel 34 21 % 32 % 28 21 % 46 % Paclitaxel 30 13 % 30 % 20 20 % 45 % Docetaxel et Paclitaxel 29 7% 21 % 19 0 21 % PFS (mo) 3.5 mois OS (mo) 9.1 mois L’étude montre avec Nab-Paclitaxel un bénéfice clinique chez un quart des malades ayant préalablement reçu un Taxane. Nab-Paclitaxel en association avec Bevacizumab Dans l’étude RIBBON-1 le Nab-Paclitaxel représentait environ un tiers des Taxanes utilisés (données laboratoire Abraxis). En conclusion la classe médicamenteuse des Taxanes pourra être élargie à l’Abraxane dès que le médicament sera mis à disposition (Docetaxel Paclitaxel et Nab-Paclitaxel) niveau 2 grade B Eribuline Cette molécule remarquable, non encore commercialisée en France, améliore la survie globale en troisième ligne ou plus de chimiothérapie. L’Eribuline est un inhibiteur dynamique des microtubules, analogue synthétique de l’halichondrine B extrait naturel d’une éponge marine. Une étude randomisée 2 contre 1 chez 750 malades prétraitées par Anthracyclines et Taxanes ayant reçu deux ou plus lignes de chimiothérapie en phase métastatique (plus de 70% des malades ont reçu également de la Capécitabine.) a comparé L’Eribuline 1.4 mg/m2, en perfusion de 2 à 5 min J1 et J8 tous les 21 jours à un traitement laissé au choix de l’investigateur (TCI) (Twelves C, et al. J Clin Oncol. 2010;28(18s). Abstract CRA1004). . 393 Traitements utilisés dans le groupe contrôle (TCI) : th er ap y H or m on al O th er A ch em ot he ra pi es nt hr ac yc lin es ** Ta xa ne s ap ec ita bi ne C ci ta bi ne G em Vi no re lb in e 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% L’Eribuline améliore la Survie Globale de 2.6 mois (médiane 13.2 vs 10.6 mois) [p = 0.041], HR=0.81 (IC 95% 0.68-0.96) p=0.01. Le taux de réponse est significativement amélioré : 12.2% contre 4.7 % (p=0.002) Toxicité de L’Eribuline Eribuline TCI n=503 n=247 Grade 3 Grade 4 Grade 3 Grade 4 % % % % Neutropénie 21.1 24.1 14.2 6.9 Leukopénie 11.7 2.2 4.9 0.8 Anémie 1.8 0.2 3.2 0.4 Neutrop. Fébrile 3.0 1.2 0.8 0.4 Eribuline TCI N=503 n=247 Grade 3 Grade 4 Grade 3 Grade 4 % % % % 394 Asthénie 8.2 0.6 10.1 0 Neuropathie 7.8 0.4 2.0 0 Nausées 1.2 0 2.4 0 Dyspnée 3.6 0 2.4 0.4 Mucite 1.4 0 2.0 0 Syndrome mains-pieds 0.4 0 3.6 0 Eribuline TCI (n=503) (n=247) Total 98.8 93.1 Sérieux 25.0 25.9 Interruption 5.0 10.1 Discontinuation 13.3 15.4 Réduction de Dose 16.9 15.8 Report de Dose 35.2 32.4 4.0 7.3 1.0 0.8 Effets secondaires, % Conduisant à Fatal Lié au traitement Recommandation 2011 L’Eribuline devra être utilisée conformément à l’AMM quand elle sera disponible. 395 Thérapies ciblées Les thérapies ciblées font l’objet d’une recherche clinique très active. Les derniers résultats dans le cancer du sein restent modestes. Sorafenib Quatre essais randomisés ne montrent aucun bénéfice du Sorafenib en association à une chimiothérapie (Capecitabine, Docetaxel, Paclitaxel) en termes de réponse, de survie sans progression et de survie globale (Bergh J. ASCO 2010, abs LBA1010, Crown J. ASCO 2010, abs. LBA1011, (Barrios et al. [SABCS 2009], Robert et al. [Breast Conference 2010]). La toxicité hématologique, l’asthénie et le syndrome main-pied sont significativement augmentés par le Sunitinib par rapport à la chimiothérapie seule. Recommandations 2011 Standard : pas d’utilisation du Sorafenib Anti PARP (Poly (ADP-Ribose) Polymérase) Les premiers résultats obtenus par les antis PARP sont extrêmement prometteurs. BSI-201 Phase II randomisée chez 123 patientes ayant un cancer du sein métastatique triple-négatif. Les patientes avaient reçu entre 0 et 2 lignes de traitement au préalable pour la maladie métastatique. Schéma : Carboplatine (AUC 2, i.v., J1, J8) Gemcitabine (1 000 mg/m2, i.v., J1, J8) Vs Carboplatine (AUC 2, i.v., J1, J8) Gemcitabine (1 000 mg/m2, i.v., J1, J8) + BSI-201 (5,6 mg/kg, i.v., J1, J4, J8, J11) 396 Gemcitabine/ O’Shaughnessy J et al., ASCO Carboplatine 2009 (ESMO 2010) (n = 44) Gemcitabine/ Carboplatine + p BSI-201 (n = 42) Réponse objective n (%) 7 (16 %) 20 (48 %) 0,002 Bénéfice clinique n (%) 9 (21 %) 26 (62 %) 0,0002 Survie Sans Progression 3,3 6,5 (mois) HR = 0,342 (0,200-0,584) < 0,0001 5,7 9,2 Survie Globale (mois) 0,0005 HR = 0,348 (0,189-0,649) Conclusion : il est exceptionnel de constater des différences aussi significatives en Survie Globale dans une étude de phase II randomisée. Les résultats de l’étude de phase III de confirmation sont attendus avec impatience. Olaparib 22 : Une étude de phase II chez des patientes avec mutation constitutionnelle de BRCA1/2 où la moitié des tumeurs étaient triple négatives, montre à 400 mg deux fois par jour une réponse objective exceptionnelle de 46% ; une réduction de dose a été nécessaire chez un tiers des malades et un arrêt du traitement chez 30%. Là également des études ultérieures sont nécessaires. Recommandations 2011 Il est recommandé de ne pas utiliser des antis PARP en dehors d’essais thérapeutiques Avastin : Les études avec ce produit sont anciennes, la question posée et de savoir si l’absence de bénéfice en survie observée dans les études randomisées remet en cause l’utilisation de ce médicament très coûteux. 397 Rappel des Recommandations 2009 pour le Bevacizumab Il n’y a pas de facteur prédictif connu pour l’utilisation du Bevacizumab (accord d’experts) Le Bevacizumab doit être associé à un Taxane en première ligne métastatique : paclitaxel ou Docetaxel (AMM) [niveau 1, grade A]. Il peut être associé à une autre CT (Capécitabine - Anthracyclines) en première ligne (niveau 3, grade B). Le Bevacizumab peut être poursuivi en monothérapie d’entretien après un traitement de première ligne (niveau 4, grade C). L’utilité de l’emploi du Bevacizumab au-delà de la première ligne n’est pas connue (accord d’experts). Liste des principales études avec Bevacizumab. En Première ligne E2100 (étude ouverte, bras contrôle : Paclitaxel à 90 mg/m² x 3 sem) 23 E2100 (paclitaxel +/- bevacizumab 15 mg/kg) (Miller et al. NEJM 2007; 357: 2666-76 – Gray JCO 2009 ; 27 : 4966-72) AVADO (double aveugle bras contrôle : Docetaxel à 100 mg/m² x 3 sem) 24 RIBBON 1 (double aveugle, bras contrôles : Capecitabine à 1000 mg/m² x 2/J, doses optimales de Docetaxel et de Nab-Paclitaxel) En Deuxième ligne Capécitabine +/- Avastin 25 RIBBON 2 Une méta analyse sur données publiées Nous rapportons les principaux résultats de ces études pour aider la réflexion Etude AVADO 24 736 patientes Cancer localement avancé ou M+1ére ligne HER2 <0 Objectif principal : SSP 398 Objectif secondaire : TR et SG Cross-over autorisé Schéma : Docetaxel (Dx) 100 mg/m² + placebo (Po) Docetaxel 100 mg/m² + Bevacizumab (Bz) 7,5 mg/kg Docetaxel 100 mg/m² + Bevacizumab 15 mg/kg Etude AVADO : Caractéristique des patientes Dx + Po Dx + Bz 7,5 Dx + Bz 15 (n = 241) (n = 248) (n = 248) Age médian 55 (29-83) 54 (26-83) 55 (27-76) DFI ≥ 12 mois 81% 75% 82% > 3 sites 41% 49% 49% CT Adjuvant 65% 65% 68% Taxane Adjuvant 15% 15% 17% ER+ 78% 76% 78% Etude AVADO : efficacité (comparaisons vs placebo) Dx + Pbo Dx + Bz 7,5mg/Kg Dx + Bz 15 mg/Kg TR % (p vs Dx) 46,4 55,2 (p=0,07) 64,1 (p< 0,001) SSP mois (p vs Dx) 8,2 9,0 (p=0,12) 10,1 (p=0,006) HR=0.80 (0.65-1.00) P = HR=0.67 (0.54-0.83) P < .045 .001 SG mois (p vs Dx) 31,9 30,8 (p=0,72) 30,2 (p=0,85) HR=1.05 (0.81-1.36) HR=1.03 (0.7-1.33) Cette étude montre que le bénéfice du Bevacizumab est le même pour les malades ayant reçu des Taxanes en adjuvant que celles n’en ayant pas reçu. 399 Etude AVADO : Toxicité Docetaxel Dx + Bz 7,5 Dx + Bz 15 Neutropénie fébrile 11,3 % 15,1 % 16,2 % HTA 1,3 % 0,8 % 4,5 % Thromboses veineuses 3,0 % 1,6 % 1,2 % Thromboses artérielles 0% 0% 0,8 % Perforation intestinale 0,9 % 0,4 % 0% Protéinurie 0% 0,8 % 2,0 % Etude RIBBON 1 (Robert N et al., ASCO 2009, abs 1005) Première ligne métastatique (n = 1 237) Stratification : Intervalle de survie sans récidive Chimiothérapie adjuvante antérieure Nombre de sites métastatiques Choix de chimiothérapie par l’investigateur : Capecitabine, Taxane ou Anthracycline Capecitabine + Bevacizumab n = 409 Capecitabine + Placebo n = 206 Taxane/Anthracyclines + Bevacizumab n = 415 Taxane/Anthracyclines + Placebo n = 207 400 Etude RIBBON 1 : efficacité Population Totale Médiane SSP (mois) Placebo (207) Bevacizumab (n=415) 8 9,2 p Investigateurs <0.0001 HR=0.64 (0.52–0.80) 8,3 10,7 Revue indépendante 0.04 HR= 0.77 (0.60–0.99) Etude RIBBON 1 : efficacité selon chimiothérapie Capecitabine Po Bz (n=206) (n=409) 5.7 8.6 P Médiane SSP (mois) 0.0002 HR=0.69 (0.56–0.84) Investigateurs 6.2 9.8 0.0011 HR=0.68 (0.54–0.86) Revue indépendante Etude RIBBON 1 : efficacité selon chimiothérapie Taxanes Anthracyclines Po Bz Po Bz (n=104) (n=203) (n=103) (n=212) Médiane SSP (mois) 8.2 9.2 7.9 9.2 HR (95% IC) 0.75 (0.56 – 1.01) 0.55 (0.40 – 0.74) p 0.0547 <0.0001 401 Etude RIBBON 1 : Survie Globale Capecitabine Tx/Anthra PL BV PL BV (n=206) (n=409) (n=207) (n=415) Décès (%) 35 30 35 34 Médiane SG (mois) 21.2 29.0 23.8 25.2 HR (95% IC) 0.85 (0.63–1.14) 1.03 (0.77–1.38) p 0.27 0.83 Survie à 1 an (%) 74 p 0.076 81 83 81 0.44 Etude RIBBON 1 : Toxicité Capecitabine Taxanes Anthracyclines Evènements (%) Po (n=201) Bz (n=404) Po (n=102) Bz (n=203) Po (n=100) Bz (n=210) Hémorragies 0.5 0.2 0 5.4 0 0 Neutropénie Fébrile 0 0 2.0 7.9 5.0 3.8 Perforation GI 0 0 1.0 2.0 0 0 Hypertension 1.0 9.4 2.0 8.9 0 10.0 Baisse FEV 0.5 1.0 0 2.0 0 2.9 Neutropénie 1.0 1.2 4.9 9.4 4.0 4.3 Protéinurie 0 2.2 0 3.4 0 1.9 Neuropathie 0.5 3.0 8.8 8.4 0 0.5 Mal. Thrombo 3.5 embolique 4.8 4.9 2.0 1.0 2.9 Méta-analyse des 3 essais de première ligne métastatique avec Trastuzumab (O’Shaughnessy J et al. ASCO 2010, abs 1005) 402 Critères retenus pour l’inclusion dans la méta analyse / Randomisation : chimiothérapie conventionnelle ± Bévacizumab Suivi médian 23 - 35 mois Caractéristiques tumorales identiques Environ 25 % de tumeurs triple-négatives Résultats de chaque essai séparé : E2100 (n = 722) SSP (mois) HR 95%) AVADO (n = 488) RIBBON-1 Capecitabine (n = 615) RIBBON-1 Taxanes Anthracyclines (n = 622) Cont. Bz Cont. Bz Cont. Bz Contrôle Bz 5,8 11,3 7,9 8,8 5,7 8,6 8,0 9,2 (IC 0,48 (0,39-0,61) 0,62 (0,48-0,79) 0,69 (0,56-0,84) 0,64 (0,52-0,80) 0,0002 < 0,0001 p < 0,0001 0,0003 Cross Over - 51% 403 ou Méta analyse : (O’Shaughnessy J et al. NonBevacizumab Bevacizumab ASCO 2010, abs 1005) (n = 1 008) (n = 1 439) Survie Sans Progression Médiane (mois) 6,7 9,2 HR (IC95) 0,64 (0,57-0,71) Survie Globale Médiane (mois) 26,4 26,7 HR (IC95) 0,97 (0,86-1,08) Survie à 1 an (%) 77 82 Dans la méta-analyse : le bénéfice de Bevacizumab en Survie Sans Progression est observé dans les différents sous groupes pronostiques, O’Shaughnessy J et al. ASCO 2010, abs 1005 : Toxicité du Bevacizumab par rapport au groupe contrôle sans Bevacizumab : méta analyse portant sur 3841 patientes randomisées : Cuppone et al, ASCO 2010 Abstract 1045 Risque Relatif P Protéinurie 9,55 (3,44-26,5) <0,0001 Hypertension artérielle 5,15 (1,60-16,6) 0,006 Hémorragies 3,05 (1,13-8,23) 0,028 Neutropénie fébrile 1,39 (1,07-1,83) 0,015 Toxicité neurologique 1,20 (1,01-1,43) 0,044 En résumé On dispose de trois essais multicentriques randomisés bien conduits avec une méthodologie correcte qui montrent un bénéfice significatif en Survie Sans Progression, avec une tolérance acceptable. Cependant l’absence de bénéfice sur la Survie Globale constitue une réserve sérieuse quant à l’intérêt en termes de santé publique du Bevacizumab dont le coût économique est majeur. Peut-on approcher cette discordance plus précisément ? 404 Absence de Survie Globale et bénéfice en Survie Sans Progression, analyse théorique Trois raisons peuvent empêcher d’observer une différence en Survie Globale quand une différence significative existe en Survie Sans Progression : un excès de décès dû au traitement expérimental, l’utilisation du produit expérimental en « cross-over », et la variabilité d’évolution naturelle de la maladie après la progression La première raison de ne pas observer de différence en Survie Globale alors qu’il existe une différence significative en Survie Sans Progression serait que les décès toxiques 4 liés au traitement expérimental viennent annuler le bénéfice en Survie Sans Progression. Une méta-analyse chez 10217 malades regroupant les essais randomisés avec Bevacizumab dans toutes les pathologies cancéreuses, montre une augmentation significative des décès toxiques sous Bevacizumab (2.5% contre 1.7% ), RR=1.46 (IC 95% 1.09-1.94; p=0.01), mais pour le cancer du sein cette explication n’est pas suffisante puisque 12 décès toxiques ont été observés chez 1079 sous Bevacizumab contre 10 chez 806 malades du groupe contrôle : RR=0.69 (0.30-1.62) 26 La deuxième raison est évidente : le produit expérimental utilisé en « crossover » peut atténuer la différence en Survie Globale ; 50% des malades des études AVADO et RIBBON-1 ont reçu du Bevacizumab en « crossover » ce qui est en mesure de gommer partiellement le bénéfice attendu du Bevacizumab sur la Survie Globale Une troisième raison peut être avancée purement statistique en fonction de la Survie Post Progression 27 : Broglio et Berry définissent la durée de Survie Post Progression (SPP) comme la durée de Survie Globale moins la durée de la Survie Sans Progression (SPP = SG - SSP). Dans une population donnée si aucun traitement efficace n’est disponible après progression, la Survie Globale est strictement corrélée à la Survie Sans Progression. et une différence significative de Survie Sans Progression doit se traduire par une différence significative et parallèle en Survie Globale et en corollaire la taille des échantillons calculée pour démontrer une différence de Survie Sans Progression sera la même pour observer une différence de Survie Globale. En réalité la variabilité d’évolution de la maladie influe directement sur le nombre de malades nécessaire : les modèles mathématiques montrent que la différence en SG est influencée par la durée de la Survie Post Progression ; plus la SPP est longue plus le bénéfice lié à la drogue dans la Survie Sans Progression se dilue en post progression et plus la probabilité d’observer une différence de SG diminue, imposant d’augmenter fortement le nombre d’inclusions pour annuler cette variabilité et constater un bénéfice en Survie Globale27 ; autrement dit quand la SSP est « courte » par rapport à la Survie Globale et la SPP longue, la probabilité d’observer une différence en Survie Globale est faible . Broglio et Berry concluent que prendre la Survie Globale comme critère de jugement principal quand la Survie Post Progression est longue (>12 mois par exemple) est un objectif trop ambitieux et inadapté 27, cet objectif reste valable quand la Survie Post Progression est brève de l’ordre de quelques mois. 4 Remarquons que le critère « Survie Sans Progression » est rarement défini dans les publications et jamais dans les communications orales ; habituellement les décès ne sont pas pris en considération) 405 L’exemple modélisé par Broglio & Berry montre en l’absence de « crossover » qu’avec une puissance de 85% nécessaire pour détecter un bénéfice significatif en SSP de 6 mois à 9 mois et avec une médiane de SPP de 20 mois, la probabilité de détecter une différence en SG sera de l’ordre de 20% (Cf. courbes ci-dessous). Application à la méta analyse du Bevacizumab : La Survie Sans Progression du groupe contrôle est de 6,7 mois La Survie Sans Progression du groupe Bevacizumab est de 9,2 mois La Survie Globale du groupe contrôle est de 26,4 mois La Survie Post Progression du groupe contrôle est donc de 26,4 – 6,7 = 19, 7 mois Le modèle mathématique de Broglio & Berry appliqué à la méta analyse du Bevacizumab montre que la probabilité d’observer une amélioration de la Survie Globale est de 20% (sans aucunement tenir compte du crossover réalisé chez plus de 200 malades). Dit autrement : si par hypothèse le Bevacizumab améliore significativement la Survie Globale, mathématiquement on a plus de huit chances sur dix de ne pas l’observer dans la méta analyse de ces études. Au total dans le cancer du sein où la variabilité d’évolution est particulièrement grande, où l’évolution après la première ligne de chimiothérapie métastatique est relativement longue, et où la maladie reste sensible à de nombreuses molécules dans les lignes suivantes, une drogue efficace sur la Survie Sans Progression peut influencer favorablement la Survie Globale sans que l’on mette en évidence cette amélioration. 406 407 Courbes montrant la probabilité d’observer une différence en Survie Globale en fonction de la durée de Survie Sans Progression et la durée de la Survie Post Progression 27 Recommandations 2011 : pas de nouvelles données cependant l’utilisation du Bevacizumab dont l’administration est contrainte par les recommandations administratives : L’utilisation du Bevacizumab est restreinte à une association avec paclitaxel en première ligne métastatique Tumeurs HER-2(+) RH(+) La surexpression d’HER-2 est souvent perçue comme nécessitant un traitement par chimiothérapie associée à un anti HER-2, l’hormonothérapie étant considérée comme inadaptée. Cette attitude automatique n’est pas soutenue par le résultat des études réalisées : la place de l’hormonothérapie reste primordiale pour les tumeurs surexprimant HER-2 comme pour les tumeurs ne surexprimant pas HER-2. Pronostic des Tumeurs HER-2 (+) RH+ On dispose de relativement peu de données rapportant le pronostic selon les récepteurs hormonaux en cas de sur expression d’HER-2. Brufsky constate que le pronostic est meilleur quand les RH sont positifs avec une médiane de survie de 29,4 mois (IC 95% = 19,1- non obtenu) contre 24,1 mois (IC 95% = 19,8-31,4), constate une efficacité identique pour les RH positifs ou négatifs du Trastuzumab seul ou en association à la chimiothérapie et constate qu’une hormonothérapie préalable n’altère pas l’efficacité du Trastuzumab 28. Dans le Carolina Breast Cancer Study la survie des tumeurs RH+ est identique qu’il y ait surexpression d’HER-2 (luminal B = ER+ et/ou PR + HER2 +.) ou non (luminal A = ER+ et/ou PR + HER2) 29 comme on le constate sur la figure 5 : Survie de la population de Caroline selon les sous groupes immunohistochimiques 29 5 Les traitements reçus par les malades ne sont pas rapportés 408 Dans la Série du Wisconsin 30 où 46% des malades ont reçu une chimiothérapie, 70% une hormonothérapie et 65% une radiothérapie on constate que la Survie Globale et la Survie Sans Récidive sont identiques pour le groupe ER/PR+, Her2- et le groupe ER/PR+, Her2+ Hazard ratios (IC 95%) ajustement sur âge, stade, grade, N, et chimiothérapie 30 Sous type Survie Globale Survie Sans Récidive ER/PR+, Her2- 1.00 1.00 ER/PR+, Her2+ 1.03 (0.52-2.05) 1.03 (0.52-2.05) ER/PR-, Her2+ 1.34 (0.69-2.62) 1.54 (0.80-2.96) ER/PR-, Her2- 1.75 (1.01-3.03) 1.83 (1.06-3.17) Dans la série coréenne de 198 tumeurs HER-2 surexprimé, on constate de même que le pronostic est significativement meilleur pour le sous groups RH+ que pour le sous groupe RH- 31 409 Série coréenne, tumeurs HER-2 surexprimées 31 Total HER2+ HER2+/ER+ HER2+/ER¡ (n = 198) (%) (n = 87) (%) (n = 111) (%) Chimiothérapie 181 (91.4) 80 (92.0) 101 (91.0) 0.810 Radiothérapie 125 (63.1) 56 (64.4) 69 (62.2) 0.750 Hormonothérapie 85 (42.9) 84 (96.6) 1 (0.9) <0.0001 < 24 mois 87 (43.9) 25 (28.7) 62 (55.9) <0.0001 < 36 mois 135 (68.2) 51 (58.6) 84 (75.7) 0.011 < 48 mois 165 (83.3) 67 (77.0) 98 (88.3) 0. 035 < 60 mois 179 (90.4) 74 (85.1) 105 (94.6) 0.024 p (2) En conclusion Pour les tumeurs surexprimant HER-2 le pronostic est significativement meilleur quand les récepteurs hormonaux sont exprimés. Quand les récepteurs hormonaux sont positifs le pronostic des tumeurs HER-2 (+) n’est pas différent de celui des tumeurs HER-2 (-). Traitements Anti HER-2 Les deux essais associant un Inhibiteur d’Aromatase et un anti HER-2 ont été publié. Nous rapportons les principaux résultats de ces deux publications. 410 Essai TAnDEM : association Anastrozole Trastuzumab versus Anastrozole 32 Etude TAnDEM : principales caractéristiques de la population AT A Age médian 56 ans 54 ans Intervalle libre depuis diagnostic 25.6 mois 27.3 mois Poumon 32% 46% Foie 32% 28% Os 62% 51% Tamoxifène adjuvant 60% 66% Tamoxifène métastatique 5% 3% Chimiothérapie 53% 59% Sites métastatiques L’association Trastuzumab Anastrozole améliore significativement en ITT la survie sans progression HR = 0.63 [0.47 to 0.84], médiane 4.8 vs 2.4 mois p=0.0016 et pour les tumeurs RH(+) centralisées (150 malades) l’amélioration est de 5.6 mois contre 3.8 mois (p=0.006) ; il n’y a pas de différence en survie globale en notant que 70% des malades du bras Anastrozole ont reçu du Trastuzumab à la progression. L’association entraine plus d’effets secondaires de grade 3 (23% contre 15%) et de grade 4 (5% contre 1%) et neuf malades sont sorties d’étude pour toxicité avec l’association contre une malade ave Anastrozole seul. TAnDEM * résultats (mois) Contrôle Anti HER-2 HR (IC 95%) p Survie Sans Progression 3,8 5,6 0.62 .006 Survie Globale 28.6 34.1 0.85 .451 * pour récepteurs hormonaux positifs centralisés (en ITT : 23.9 mois vs 28.5 mois) Commentaires Aucune malade n’a reçu préalablement un inhibiteur d’aromatase. Cette étude confirme une hormono sensibilité médiocre des tumeurs HER-2 (+), avec à la fois une probabilité de réponse faible (6,8 % dans le bras Anastrozole seul, 20,3% dans le bras Anastrozole + Trastuzumab) et une durée de réponse brève : les 3,8 mois de SSP du bras Anastrozole seul sont à mettre en parallèle avec les 11 mois observés avec Anastrozole pour les tumeurs RH(+) sans 411 distinction d’HER-2 dans la publication de Nabholtz et al 33 mais les populations traitées sont un peu différentes (7% seulement de métastases hépatiques dans cette dernière étude contre 30% dans l’étude TAnDEM). Cependant 15% de malades bénéficient plus de 2 ans de l’association Anastrozole Trastuzumab par opposition à une proportion plus faible de longs répondeurs avec l’association de chimiothérapie Paclitaxel-Trastuzumab 34. On ne dispose pas de facteur prédictif de la réponse à l’association Inhibiteur d’Aromatase Trastuzumab. La deuxième étude a été réalisée avec le lapatinib. Essai EGF 30 008 : association Létrozole Lapatinib versus Létrozole Placebo 35 219 malades Tumeurs HER2(+) Létrozole 2.5 mg + Lapatinib 1,500 mg Etude EGF 30 008 : principales caractéristiques de la population HER-2(+) Létrozole Placebo Age médian Létrozole Lapatinib 59 60 ≥ 6 mois 62 66 < 6 mois 38 34 Poumon 37 39 Foie 34 30 Os seul 17 14 Tamoxifène (arrêté ≥ 1 an) 56 53 Chimiothérapie 47 55 Intervalle libre depuis diagnostic Sites métastatiques 412 Etude EGF 30 008 population HER-2(+) : taux de réponse Létrozole Lapatinib Létrozole Placebo Réponse Complète 5% 4% Réponse partielle 28% 15% Bénéfice clinique 48% 29% Etude EGF 30 008 : Survie Sans Progression population HER-2(+) Letrozole Placebo (N = 108) Letrozole (N = 111) Progression ou décés 89 (82%) 88 (79%) PFS médiane mois 3.0 8.2 Hazard ratio (95% CI) 0.71 (0.53, 0.96) P 0.019 Lapatinib Etude EGF 30 008 : Survie Globale population HER-2(+) Let + PLac Let +Lapa (N = 108) (N = 111) Décédées 54 (50%) 50 (45%) SG médiane mois 32.3 33.3 HR (95% IC) 0.74 (0.5-1.1) P 0.113 Les commentaires sont les mêmes que pour l’étude TAnDEM: Faible hormono sensibilité des tumeurs HER-2 (+) (médiane de Survie Sans Progression avec Létrozole seul de 3 mois et de 8,2 mois avec Létrozole Lapatinib contre 9,4 mois avec Létrozole seul dans une population à la fois HER-2<0 et HER-2(+) comportant environ 45% de métastases viscérales 36, 37 ). 413 Conclusion : en association à l’hormonothérapie les antis HER-2 améliorent significativement la Survie Sans Progression par rapport à une hormonothérapie seule. Méta analyse des essais avec Lapatinib6 La méta analyse des données des trois essais publiées avec Lapatinib [(Capecitabine vs Capecitabine Lapatinib (Cameron), Paclitaxel vs Lapatinib Paclitaxel (Di Leo) et Létrozole vs Létrozole Capecitabine (Johnston)) met en relief la cohérence du bénéfice du lapatinib en Survie Sans Progression dans chacun des essais avec au total par un gain significatif en Survie Globale que ce soit en association à une chimiothérapie ou à une hormonothérapie. Commentaire : dans cette méta analyse le poids de l’essai avec hormonothérapie (Johnston) se compare favorablement au poids des deux essais avec chimiothérapie. Mise en parallèle des essais d’hormonothérapie et de chimiothérapie en association avec un anti HER-2 Si l’association chimiothérapie anti HER-2 est très supérieure à l’association hormonothérapie anti HER-2 cela doit apparaitre de façon éclatante en mettant en parallèle des essais réalisés en première ligne métastatique avec ces deux types de traitement, ce que nous proposons de faire ci-dessous en sachant parfaitement qu’une telle mise en parallèle ne doit absolument pas être considérée comme une comparaison statistique. Nous nous attacherons simplement aux ordres de grandeur. 6 Survival benefits from lapatinib therapy in women with HER2-overexpressing breast cancer: a systematic review, Yun-San Yip A. et al, Anti-Cancer Drugs 2010, 21:487–493 414 Caractéristiques des malades incluses dans les différents essais testant un anti HER-2. Etude pivotale de Slamon 34 Chimiothérapie Trastuzumab vs Chimiothérapie (première ligne métastatique) : Principales caractéristiques de la population * 34 Traitement dans l’étude Anthracyclines Anthracyclines Trastuzumab Paclitaxel Paclitaxel Trastuzumab N 138 143 96 92 Age médian 54 54 51 51 RH+ - - - - Méta Foie - - - - Méta Poumon - - - - Chimio. Adjuvante 37% 57% 100% 97% Hormonothérapie ** 57% 62% 56% 55% * Un quart environ de tumeurs HER-2 deux croix ** Hormonothérapie adjuvante et métastatique Etude de phase II randomisée de Marty 38 Docetaxel Trastuzumab vs Docetaxel (première ligne métastatique) : Principales caractéristiques de la population 38 Docetaxel Docetaxel Trastuzumab N 94 92 Age médian 55 53 RH+ 56% 41% Méta Foie 54% 49% Méta Poumon 43% 40% Chimio. Adjuvante 68% 71% Anthracyclines adj. 55% 64% Hormonothérapie adj. 47% 44% 415 Etude TAnDEM : principales caractéristiques de la population 32 AT A Age médian 56 ans 54 ans Intervalle libre depuis diagnostic 25.6 mois 27.3 mois Poumon 32% 46% Foie 32% 28% Os 62% 51% Tamoxifène adjuvant 60% 66% Tamoxifène métastatique 5% 3% Chimiothérapie 53% 59% Sites métastatiques Etude EGF 30 008 : principales caractéristiques de la population HER-2(+) 35 Létrozole Létrozole Lapatinib Placebo Age médian 59 60 ≥ 6 mois 62 66 < 6 mois 38 34 Poumon 37 39 Foie 34 30 Os seul 17 14 Tamoxifène (arrêté ≥ 1 an) 56 53 Chimiothérapie 47 55 Intervalle libre depuis diagnostic Sites métastatiques 416 Efficacité des différents de chimiothérapie et hormonothérapie associées à un anti HER-2 Survie Sans Progression dans les différents essais de Trastuzumab en première ligne métastatique Anti (mois) Contrôle HR (IC 95%) p HER-2 TAnDEM* (Tamoxifène ± Trastuzumab) 32 3,8 5,6 0.62 .006 EGF 30 008 (Letrozole ± Lapatinib) 35 3.0 8.2 0.71 .0.019 Paclitaxel-Anthracyclines ± Trastuzumab 34 4.5 6.9 0.51 <0.001 (0.41-0.63) Docetaxel ± Trastuzumab 38 6.1 11.7 - .0001 * pour les Récepteurs Hormonaux positifs centralisés (en ITT : 23.9 mois vs 28.5 mois) Survie Sans Progression en mois Trastuzumab Docetaxel Trastuzumab Anthracyclines/Paclitaxel Lapatinib Létrozole Trastuzumab Anastrozole 0 2 4 6 417 8 10 12 14 Survie Globale dans les différents essais de Trastuzumab en première ligne métastatique (mois) Contrôle Anti HER-2 HR (IC 95%) p TAnDEM* (Tamoxifène/Trastuzumab) 32 28.6 34.1 0.85 .451 EGF 30 008 (Létrozole/Lapatinib) 35 33.3 32.3 - NS Paclitaxel-Anthracyclines/Trastuzumab 34 20.3 25.1 - 0.046 Docetaxel/Trastuzumab 38 22.7 31.2 - 0.0325 - 23.7 - - Trastuzumab/Vinorelbine ** 39 pour récepteurs hormonaux positifs centralisés (en ITT : 23.9 mois vs 28.5 mois) ** N=69 ; Réponse = 62,9% ; Survie Sans Progression 9.9 mois Survie Globale en mois : Trastuzumab Vinorelbine Trastuzumab Docetaxel Trastuzumab Anthracyclines/Paclitaxel Lapatinib Létrozole Trastuzumab Anastrozole 0 5 10 15 20 25 30 35 40 m ois Commentaire : Les Survie Sans Progression des essais avec hormonothérapie comparées à celles des essais avec chimiothérapie sont plutôt rassurantes. Et pour les tumeurs sur exprimant HER-2, la Survie Globale est plus longue pour les malades traitées par hormonothérapie et anti HER-2 par rapport à celle traitées par chimiothérapie et Trastuzumab. Deux raisons peuvent être invoquées D’une part les tumeurs exprimant des récepteurs hormonaux ont un meilleur pronostic (toutes les malades des essais avec hormonothérapie ont des récepteurs hormonaux positifs contre la moitié seulement pour les essais de chimiothérapie) D’autre part moins de métastases hépatiques sont présentes dans les essais d’hormonothérapie (environ 30%) que de chimiothérapie (environ 50%). 418 En tenant compte de ces réserves et des nombreux biais possibles il parait toutefois difficile de concevoir que de commencer le traitement par une hormonothérapie pour les tumeurs RH (+) HER-2 (+) pourrait être délétère en termes de survie. Bien entendu seule une étude randomisée permettrait de répondre à cette importante question stratégique étude comparant Inhibiteur d’Aromatase associé à un anti HER-2 versus Chimiothérapie associée à un anti HER-2. Rappelons les recommandations de 2007 et 2009 pour les tumeurs RH+ : Choix d’hormonothérapie ou de chimiothérapie dans les différentes situations cliniques Pas de facteurs d’agressivité : indication d’hormonothérapie première niveau 2, grade B Facteurs d’agressivité : indication de chimiothérapie première niveau 2, grade B Pour les patientes HER2(+) : ces options restent valides accord d’experts Hormonothérapie pour patientes ménopausées RH(+) et HER2(+) Pas de standard Options en fonction de l’agressivité de la maladie Hormonothérapie seule accord d’experts Inhibiteur d’aromatase associé à un anti-HER2 niveau 1, grade A Chimiothérapie + Trastuzumab niveau 1 grade A Recommandations 2011 Pas de modification 419 Références 1. 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En 2010, l’estimation des cas incidents de cancers du sein en France étaient de 52500, soit 14,7% des cancers touchant la population générale et 34% des cancers de la femme [La situation du cancer en France. Collection Rapports & synthèses, ouvrage collectif édité par l’INCa, Boulogne-Billancourt, novembre 2010. Disponible sur ecancer.fr]. On estime à 5% le nombre de cancers d’emblée métastatique au diagnostic et 30 à 50% des cancers localisés évolueront vers un stade métastatique au cours de l’histoire de la maladie. Ainsi, pour le cancer du sein (comme pour d’autres localisations cancéreuses fréquentes et/ou graves), la mise à disposition de référentiels régionaux actualisés guidant la prise en charge des patients a été identifiée par l’Institut National du Cancer (INCa) comme une priorité pour la qualité des soins. Cette thématique fait l’objet d’un paragraphe spécifique dans le rapport de synthèse nationale des tableaux de bord 2009 des réseaux régionaux de cancérologie (RRC), publié en mars 2011 par l’INCa [Collection Rapports & synthèses, INCa, Boulogne-Billancourt, mars 2011. Disponible sur e-cancer.fr]. L’objectif du présent article est de dresser un état des lieux sur la production de référentiels régionaux pour la prise en charge du cancer du sein métastatique, en comparant pour les référentiels existants, les recommandations de prise en charge. II – Les Réseaux Régionaux de Cancérologie (RRC) 1. Cadre réglementaire Afin d’optimiser la coordination des différents acteurs de santé dans la prise en charge des patients atteints de cancer, le RRC a été identifié dans le plan cancer 2003-2007 comme une organisation pivot dans le champ sanitaire [Circulaire DHOS/CNAMTS/INCA/2007/357 du 25 septembre 2007, ecancer.fr], facilitant ainsi l’approche multidisciplinaire et garantissant au patient la continuité des soins tout au long de son parcours. L'ensemble des régions françaises est couvert par l’un des 25 réseaux régionaux de cancérologie (Figure 1). 424 Figure 1 – Répartition nationale des RRC (INCa) 2. Missions des RRC Le RRC participe à l’amélioration continue des pratiques en cancérologie et doit aider à décliner les objectifs régionaux d’organisation des soins, notamment en diffusant auprès des professionnels de santé des recommandations pour la bonne pratique clinique en cancérologie établies à partir de l'expertise des cliniciens et des données scientifiques les plus récentes. Chaque RRC doit travailler à l’élaboration de référentiels par localisation, qui serviront de base à la décision thérapeutique, notamment lors des discussions en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP). Le référentiel régional peut reproduire telle qu’elle une recommandation nationale émise par l’INCa et/ou par une société savante. Il peut également s’agir d’un document original établi par des experts régionaux sur la base des recommandations nationales et internationales. III – Recommandations et Référentiels régionaux pour la prise en charge du Cancer du sein métastatique Différentes institutions produisent et diffusent des recommandations et référentiels francophones de prise en charge du cancer du sein. Les recommandations nationales de l’INCa concernent le cancer du sein in situ et le traitement par radiothérapie, mais n’abordent pas la prise en charge du cancer du sein métastatique. On comprend donc facilement l’importance de la mise à disposition de référentiels régionaux, bien que d’autres sources d’information francophones de qualité soient disponibles avec le Cours Francophone supérieur sur le cancer du sein en situation métastatique de Nice-Saint Paul de Vence. 425 Selon le rapport de synthèse nationale des tableaux de bord 2009 des RRC édité par l’INCa, on note ces dernières années une amélioration de la couverture nationale des référentiels régionaux concernant le cancer du sein, avec 22 régions couvertes. Toutefois, il s’agit dans la grande majorité des cas de référentiels de prise en charge du en situation adjuvante, sans que la situation métastatique soit abordée. Au 1er novembre 2011, nous avons identifié les référentiels régionaux concernant la prise en charge du cancer du sein, depuis le site internet de chaque RRC. Nous avons également contacté chaque RRC par mail, pour demande de confirmation quant à la disponibilité d’un RRC en situation adjuvante et/ou métastatique. Si 16 RRC proposaient, au 1er novembre 2011, un référentiel en situation adjuvante, seuls 8 RRC abordaient la situation métastatique dont 2 thésaurus de chimiothérapie sans précision sur la stratégie décisionnelle de traitement. Ces données sont détaillées dans le tableau 1. 426 Tableau 1 – Référentiels régionaux disponibles au 01/11/2011 pour la prise en charge du cancer du sein Référentiels régionaux sur la prise en charge du cancer du sein Région Dénomination du RRC Situation adjuvante Situation métastatique (date de mise à jour) (date de mise à jour) Alsace CAROL 17/01/2010* Aquitaine RCA 09/2010 Auvergne ONCAUVERGNE En cours de mise à jour BasseNormandie ANCELOT - Bourgogne ONCOBOURGOGNE 17/01/2010* Bretagne ONCOBRETAGNE 10/2008 Centre ONCOCENTRE 19/06/2009 ChampagneArdenne ONCOCHA 09/01/2006 - Franche-Comté ONCOLIE - - Guadeloupe KARUKERA ONCO En cours de mise à jour Guyane ONCO GUYANE - - HauteNormandie ONCONORMAND - - Ile-de-France ONCORIF 01/2010 - Réunion ONCORUN Thésaurus de CT (08/2008) LanguedocRoussillon ONCO LR 06/2010 Limousin ONCOLIM - Lorraine ONCOLOR 17/01/2010* Martinique Réseau Oncologie Martinique - - Midi-Pyrénées ONCOMIP 12/2007 Thésaurus (10/2008) Nord-Pas-de- ONCO NORD-PAS-DE-CALAIS 09/2009 - 427 - - - - de CT Calais Pays de la Loire ONCO PAYS DE LA LOIRE 16/10/2009 Picardie ONCOPIC 04/2010 Poitou-Charentes ONCO-POITOU-CHARENTES 14/01/2010 - Provence-AlpesCôte d’Azur et ONCOPACA-CORSE Corse - N’est plus identifié par le RRC comme une de ses missions Rhône-Alpes 10/06/2010 Avis onco spécialisé recommandé RRC-CA - * Référentiel commun aux 3 RRC : CAROL, ONCOBOURGOGNE et ONCOLOR Parmi les référentiels disponibles, nous avons souhaité faire le point sur similitudes et/ou les différences régionales dans les recommandations de prise en charge du cancer du sein métastatique. Pour chaque région, nous nous sommes appuyés sur la dernière version disponible du référentiel, téléchargée depuis le site web du RRC ou qui nous a été communiquée par le RRC lui-même. Les thésaurus de chimiothérapie, fournis par les RRC ONCORUN (Ile de la Réunion) et ONCOMIP (Midi-Pyrénées), ne seront pas inclus dans notre analyse. On notera que 3 RRC (CAROL, ONCOBOURGOGNE et ONCOLOR) proposent un référentiel commun. L’analyse comparative des 4 référentiels disponibles est regroupée dans le tableau 2. Nous mentionnons uniquement les grandes lignes de la stratégie thérapeutique. Pour plus de détails sur les types de protocole de chimiothérapie, hormonothérapie ou thérapie ciblée recommandés, se référer directement au référentiel cité. 428 429 430 431 De façon schématique, pour les 3 référentiels les plus détaillés, on peut noter un certain nombre de points communs : – – – – la catégorisation de risque de décès selon l’agressivité de la tumeur et/ou les facteurs de mauvais pronostic, unanimement définis par : o le délai entre la CT adjuvante et la phase métastatique (bien qu’il existe des divergences sur le seuil de ce délai). o La localisation des métastases : viscérales versus souscutanées/osseuse o le statut RH et HER2 la réalisation de nouvelles biopsies des sites métastatiques accessibles La prise en compte, dans la décision thérapeutique, en plus des facteurs ci-dessus o de l’état général de la patiente o du type de traitement déjà reçu L’utilisation recommandée des thérapies ciblant HER2 en cas de HER2 surexprimé ou amplifié Toutefois, en l’absence de standard, ces recommandations peuvent varier quant au protocole de CT ou d’HT recommandé en première ligne, de même que pour le type de molécule à associer aux thérapies ciblées. Seuls les référentiels des RRC ONCO-LR (Languedoc-Roussillon) et ONCOPIC (Picardie) abordent clairement la question des tumeurs triple négatives (TTN). IV – Conclusion Le principal critère de variabilité des référentiels régionaux de prise en charge du cancer du sein métastatique reste le manque de référentiel en lui-même. En effet si plus de la moitié des régions possèdent un référentiel en adjuvant, seules un tiers est couvert pour la situation métastatique. Une des questions ouvertes est de savoir si l’élaboration et la diffusion de référentiels régionaux reste une mission prioritaire des RRC. Si tel est le cas, ne faudrait-il pas harmoniser la couverture nationale des référentiels ? Sinon, un document unique émis par les instances nationales sera-t-il bientôt disponible ? Dans l’attente de réponses claires, les praticiens doivent s’appuyer sur la discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire, qui reste le meilleur moyen d’établir une stratégie thérapeutique adaptée à chaque patiente. Ils doivent également s’appuyer sur les données de la littérature nationale et internationale, dont une synthèse détaillée et exhaustive est proposée aux praticiens francophones dans ces cours de Nice- Saint Paul de Vence. 432