EXPOS´
E IV
TOPOLOGIES ET FAISCEAUX
par M. Demazure ()
Cet expos´e est destin´e `a faire connaˆıtre au lecteur l’essentiel du langage des topolo- 160
gies et des faisceaux (sans cohomologie), particuli`erement commode dans les questions
de passage au quotient (entre autres).
Les trois premiers paragraphes d´eveloppent le langage du passage au quotient. Le
quatri`eme, qui est la partie centrale, est l’expos´e de la th´eorie des faisceaux, orient´e
principalement vers l’application aux questions de quotients ; le cinqui`eme est une ap-
plication au passage au quotient dans les groupes et aux fibr´es principaux homog`enes.
Le dernier paragraphe concerne plus sp´ecialement la cat´egorie des scemas, et d´efinit
diverses topologies utiles sur cette cat´egorie.
Le lecteur se r´ef´erera utilement `a [AS], [MA], [D], et SGA 4 ; [D] en ce qui concer-
ne sp´ecialement les applications des topologies `a la th´eorie de la descente, et SGA 4
pour les questions d’univers (particuli`erement maltrait´ees dans cet expos´e).
1. ´
Epimorphismes effectifs universels 161
Dans la suite de cet expos´e, on suppose fix´ee une cat´egorie C.
Définition 1.1. Un morphisme u: T S est appel´e un ´epimorphisme si, pour tout
objet X, l’application correspondante
X(S) = Hom(S,X) X(T) = Hom(T,X)
est injective (1). On dit que uest un ´epimorphisme universel si pour tout morphisme
S0S, le produit fibr´e T0= T ×SS0existe, et u0: T0S0est un ´epimorphisme.
()Ce texte d´eveloppe la substance de deux expos´es oraux de A. Grothendieck, en compl´etant ces
derniers sur plusieurs points importants, qui avaient ´et´e pass´es sous silence ou `a peine effleur´es.
(1)N.D.E. : c’est-`a-dire, si uest simplifiable `a droite.
178 EXPOS´
E IV. TOPOLOGIES ET FAISCEAUX
Définition 1.2. Un diagramme
Au//B
v1//
v2//C
d’applications d’ensembles est dit exact si uest injectif et si son image est form´ee des
´el´ements bde B tels que v1(b) = v2(b). Un diagramme de mˆeme type dans Cest dit
exact si pour tout objet X de C, le diagramme d’ensembles correspondant
A(X) //B(X) ////C(X)
est exact ; on dit aussi alors que ufait de A un noyau du couple de fl`eches (v1, v2).
Dualement, un diagramme
C
v1//
v2//Bu//A
dans Cest dit exact, s’il est exact en tant que diagramme dans la cat´egorie oppos´ee
C, i.e. si pour tout objet X de C, le diagramme d’ensembles correspondant
X(A) //X(B) ////X(C)
est exact. (2) On dit aussi que ufait de A un conoyau du couple de fl`eches (v1, v2).162
Définition 1.3. Un morphisme u: T S est appel´e un ´epimorphisme effectif si le
carr´e fibr´e T ×ST existe, et si le diagramme
T×ST
pr1//
pr2//Tu//S
est exact, i.e. si ufait de S un conoyau de (pr1,pr2). On dit que uest un ´epimorphisme
effectif universel si pour tout morphisme S0S, le produit fibr´e T0= T ×SS0existe,
et le morphisme u0: T0S0est un ´epimorphisme effectif.
On a ´evidemment les implications :
´epimorphisme effectif universel +3
®
´epimorphisme effectif
®
´epimorphisme universel +3´epimorphisme ,
mais en g´en´eral aucune autre implication n’est valable. (3)
(2)N.D.E. : Ceci implique, en particulier, que usoit un ´epimorphisme.
(3)N.D.E. : Par exemple, si C= (Sch) est la cat´egorie des sch´emas, on voit facilement que tout
´epimorphisme universel est surjectif. Soient T = ppremier Spec(Fp) et S = Spec(Z), alors le mor-
phisme u: T S est un ´epimorphisme qui n’est pas universel. D’autre part, on voit que T ×ST
s’identifie `a T, de sorte que les deux projections T ×STT co¨
ıncident ; comme idTne descend pas
en un morphisme S T, ceci montre que un’est pas un ´epimorphisme effectif .
1. ´
EPIMORPHISMES EFFECTIFS UNIVERSELS 179
Définition 1.4.0. — (4) On «rappelle »qu’un morphisme u: T S est dit quarrable
si pour tout morphisme S0S, le produit fibr´e T ×SS0existe.
Lemme 1.4. — Consid´erons des morphismes Uv
Tu
S. Alors
a) u, v ´epimorphismes uv ´epimorphisme u´epimorphisme,
b) u, v ´epimorphismes universels uv ´epimorphisme universel et uquarrable
u´epimorphisme universel.
Le lemme 1.4 est trivial sur les d´efinitions. On en conclut :
Corollaire 1.5. — Soient u: X Yet u0: X0Y0des ´epimorphismes universels, tels
que Y×Y0existe, alors X×X0existe et u×u0: X×X0Y×Y0est un ´epimorphisme
universel.
Notons aussi : 163
Définition 1.6.0. — (5) On dit qu’un objet S de Cest quarrable si son produit par
tout objet de Cexiste. (Si Cposs`ede un objet final e, ceci ´equivaut `a dire que le
morphisme S eest quarrable, cf. 1.4.0.)
Lemme 1.6. — Soit u: X Yun morphisme dans C/S; pour que ce soit un ´epimor-
phisme (resp. ´epimorphisme universel, resp. ´epimorphisme effectif, resp. ´epimorphis-
me effectif universel ), il suffit que le morphisme correspondant dans Cle soit, et c’est
aussi n´ecessaire si on suppose que Sest un objet quarrable de C.
D´emonstration imm´ediate laiss´ee au lecteur. On utilise l’hypoth`ese «S quarrable »
pour interpr´eter les C-morphismes d’un objet Y de C/Sdans un objet Z de C, comme
´etant les C/S-morphismes de Y dans Z ×S.
Lemme 1.7. — Avec les notations de 1.4 :u, v ´epimorphismes effectifs et v´epimor-
phisme universel uv ´epimorphisme effectif.
Pour le voir, on consid`ere le diagramme
S T
u
ooT×ST
oooo
U
v
OO
U×SU
oooo
v×Sv
OO
U×TU
OOOO;;
v
v
v
v
v
v
v
v
v
v
v.
On note que par hypoth`ese, la ligne 1 et la colonne 1 sont exactes, et qu’en vertu
de 1.5 et 1.6, v×Svest un ´epimorphisme (v´etant un ´epimorphisme universel). La
conclusion en r´esulte par un diagram-chasing ´evident : si un ´el´ement de X(U) a mˆemes
(4)N.D.E. : On a ajout´e la num´erotation 1.4.0, pour des r´ef´ererences ult´erieures.
(5)N.D.E. : On a ajout´e la num´erotation 1.6.0, pour des r´ef´ererences ult´erieures.
180 EXPOS´
E IV. TOPOLOGIES ET FAISCEAUX
images dans X(U ×SU), il a a fortiori emes images dans X(U ×TU), donc provient
d’un ´el´ement de X(T) puisque la colonne 1 est exacte. Comme la ligne 1 est exacte,
il suffit de v´erifier que l’´el´ement envisag´e a mˆemes images dans X(T ×ST), et comme
v×Svest un ´epimorphisme, il suffit de v´erifier que les images dans X(U ×SU) sont
les mˆemes, ce qui est bien le cas.164
Proposition 1.8. — Consid´erons des morphismes Uv
Tu
S. Alors u,v´epimor-
phismes effectifs universels uv ´epimorphisme effectif universel et uquarrable u
´epimorphisme effectif universel.
La premi`ere implication r´esulte aussitˆot de 1.7. Pour la deuxi`eme, on regarde le
diagramme (de type «bisimplicial ») :
S T
u
ooT×ST
oooo
U
vu
OO
U×ST
oo
OO
U×ST×ST
oooo
OO
U×SU
OOOO
U×SU×ST
OOOO
ooU×SU×ST×ST
oooo
OOOO
.
Les colonnes 1,2,3 sont exactes en vertu de l’hypoth`ese «vu ´epimorphisme effectif
universel », la ligne 2 est exacte, car U ×STU est un ´epimorphisme effectif (car il
a une section sur U), et il en est de mˆeme de la ligne 3 (mˆeme raison). Un diagram-
chasing ´evident montre alors que la ligne 1 est exacte, i.e. uest un ´epimorphisme
effectif. Comme les hypoth`eses faites sont invariantes par un changement de base
quelconque S0S, il s’ensuit que uest mˆeme un ´epimorphisme effectif universel.
Corollaire 1.9. — Soient u: X Yet u0: X0Y0des ´epimorphismes effectifs
universels, tels que Y×Y0existe ; alors X×X0existe et u×u0: X ×X0Y×Y0est
un ´epimorphisme effectif universel.
D´emonstration comme pour 1.5 par le diagramme
Y0X0
u0
oo
X
u
²²
X×Y0
oo
OO
²²
X×X0
OO
oo
u×u0
{{w
w
w
w
w
w
w
w
w
w
w
Y Y ×Y0
oo.
Corollaire 1.10. — Consid´erons un morphisme quarrable u: T S, et un morphisme165
de changement de base S0S, qui soit un ´epimorphisme effectif universel. Pour que
1. ´
EPIMORPHISMES EFFECTIFS UNIVERSELS 181
usoit un ´epimorphisme effectif universel, il faut et suffit que u0: T0= T ×SS0S0
le soit :
T
u
²²
T0
v0
oo
u0
²²
S S0
v
oo.
Seul le «il suffit »demande une d´emonstration. Or si u0est un ´epimorphisme effectif
universel, il en est de mˆeme de vu0grˆace `a 1.8, et comme vu0=uv0, on conclut par
1.8 que uest un ´epimorphisme effectif universel.
Remarque 1.11. Le mˆeme raisonnement montre que dans 1.10 on peut remplacer
«´epimorphisme effectif universel »par «´epimorphisme universel »ou «´epimorphisme
universel et effectif », ou simplement par «´epimorphisme »(et dans ce dernier cas,
l’hypoth`ese «uquarrable »est ´evidemment inutile).
Dans la d´emonstration de 1.8 nous avons utilis´e le r´esultat suivant, qui m´erite
d’ˆetre explicit´e :
Proposition 1.12. — Soit u: T Sun morphisme qui admette une section. Alors
uest un ´epimorphisme, et si T×STexiste, c’est un ´epimorphisme effectif, et un
´epimorphisme effectif universel si de plus uest quarrable.
La premi`ere assertion est contenue dans 1.4 a), et la troisi`eme va r´esulter aussitˆot
de la seconde, qu’il suffira donc d’´etablir. En fait on a une conclusion plus forte : pour
tout foncteur F : C(Ens) (non n´ecessairement repr´esentable), le diagramme
d’ensembles
F(S) F(T) F(T ×
ST)
est exact. Ceci peut ˆetre consid´er´e comme un cas particulier du formalisme de la
cohomologie de ˇ
Cech (en dimension 0 !) que nous nous contentons de rappeler ici.
Supposons simplement que T ×ST existe, on pose alors
H0(T/S,F) = Ker¡F(T) F(T ×
ST)¢.
On peut regarder H0(T/S,F) de fa¸con ´evidente comme un foncteur contravariant en 166
l’argument T variable dans C/S, tout S-morphisme T0T d´efinissant une application
(+) H0(T/S,F) H0(T0/S,F).
Fixons T et T0dans C/S. Un calcul bien connu montre que s’il existe un S-morphisme
de T0dans T, l’application correspondante (+) est en fait ind´ependante du choix de
ce morphisme (6), de sorte que H0(T/S,F) peut ˆetre regard´e comme un foncteur sur
la cat´egorie associ´ee `a l’ensemble Ob C/Spr´eordonn´e par la relation de «domination »
(6)N.D.E. : Il s’agit de l’argument suivant, communiqu´e par M. Demazure. Soient f, g : T0T,
et soit φ: T0T×ST le morphisme de composantes fet g, d’o`u p1φ=fet p2φ=g.
Alors F(φ) : F(T ×ST) F(T0) v´erifie F(φ)F(p1) = F(f) et F(φ)F(p2) = F(g). Or, pour tout
xH0(T/S,F), on a F(p1)(x) = F(p2)(x). Donc, appliquant F(φ) aux deux membres, on obtient
F(f)(x) = F(g)(x), ce qui montre que fet ginduisent le mˆeme morphisme.
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