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Éthique
Éthique
Médecine et Internet
Vers une nécessaire évolution de la relation médecin-patient
et de la décision médicale?
G. Moutel*, Ch. Hervé*
Être responsable, c’est également
les patients. Elle donne
de ce fait une nouvelle
répondre devant la société aux
travers l’histoire, le médecin a été considéré comme dimension à l’exercice
interrogations légitimes de cellemédical en tant que tel
ci à un moment où :
un mage et il n’était pas question de mettre en
dès lors que chacun peut
– l’efficacité croissante de la
cause sa science et le fondement de son savoir.
collecter des informamédecine augmente aussi ses
tions, voire effectuer des
risques ;
Actuellement, nombreux sont les patients et les citoyens
démarches diagnostiques
– les médecins ont une responqui cherchent à comprendre l’art de la médecine. Les
et/ou thérapeutiques via
sabilité impérieuse dans l’acmentalités évoluent et l’on constate désormais que le
des serveurs sur le Web.
croissement des dépenses de
Comme l’écrit le Conseil
santé et de ses implications écomédecin doit mieux se faire comprendre et engage sa
de l’Ordre des médecins
nomiques ;
responsabilité dans les pratiques qu’il exerce sur autrui.
dans son dernier rapport :
– la population tend à confondre
“Le contact rendu posdroit à la santé et droit aux soins ;
Le médecin doit donc être conscient de son devoir de
sible entre médecins et
– de nombreux problèmes
responsabilité en regard de la demande croissante d’in- patients, et entre patients
sociaux tendent à se médicaliser
eux-mêmes, va conduire
(prise en charge des exclus, théformation des patients. Être responsable, c’est d’abord
à une circulation de donrapeutiques du sujet âgé, handirépondre à l’attente du patient, non seulement à sa
nées médicales qui va
caps, etc.).
Ainsi, la responsabilité apparaît demande de soins, mais aussi à sa demande d’écoute et vite dépasser le simple
cadre des conditions exiscomme la revendication logique
d’information.
tantes au sein du réseau
des conséquences de notre liberté
actuel de soins. Au
d’action. Il est donc impossible
confluent de l’informad’échapper à la règle commune
au lit du malade. Telle était la démarche soutique médicale et de la santé publique, la
liant l’exercice d’une liberté à l’acceptation
vent admise (1, 2).
cybermédecine constitue une véritable prise
d’une responsabilité, en particulier en termes
Selon
un sondage CSA réalisé en
en main par le patient des dernières données
d’information sur les enjeux de santé.
mai 2000 (3), près de 90 % des Français font
médicales et scientifiques pouvant le concerEn général, traditionnellement, chaque patient
plus confiance à leur médecin qu’à Internet en
ner” (4).
passait avec le médecin un contrat de soins
matière de santé. Aux États-Unis, les patients
Les États-Unis ont largement contribué à cette
(souvent oral) qui précisait les modalités de
préfèrent
d’abord,
à
70
%,
s’informer
sur
évolution en offrant aux patients, sur le Net,
sa prise en charge. Le consentement aux soins
Internet. En France, cette tendance s’amorce
des données scientifiques, des sites de consulobtenu reposait alors sur une information
pour la tranche des 18-24 ans, convaincue à
tation, des lieux de débat et de forums, voire
claire et intelligible donnée en consultation ou
60 % de l’intérêt d’une information sur les
la possibilité d’acheter certains médicaments
sites santé en plus de celle offerte par le médeen ligne. On dénombre ainsi sur le Web anglocin.
phone plus de 15 000 sites permettant un accès
* Laboratoire d’éthique médicale,
L’émergence d’Internet dans le domaine de la
libre aux patients (5).
de droit de la santé et de santé publique,
santé établit un nouvel espace d’information
En Europe, des sites comme Planet Medica
faculté de médecine Paris-Necker,
aux données médicales pour les médecins et
(www.planetmedica.fr) proposent d’implanuniversité René-Descartes, Paris.
À
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ter un service avant consultation médicale
et un autre après celle-ci pour conseiller les
patients. Il existe par ailleurs de plus en plus de
sites d’information médicale comme
www.notreDocteur.com, www.medimania.
com, www.33 docavenue.com, qui permettent
au patient de s’informer en dehors de la présence des médecins et hors les murs des cabinets de consultation ou des hôpitaux.
Parallèlement à cette évolution, les recommandations destinées aux médecins, pour l’information des patients, ont été publiées par
l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) (6), en mars 2000,
à la suite du rapport du Pr Dominique Thouvenin. Ce rapport a le mérite de réaffirmer la
primauté de l’information orale sur l’information écrite et de rappeler les buts de l’information délivrée par le médecin : éclairer le
patient sur son état de santé, lui décrire la
nature et le déroulement des soins, lui fournir
les éléments de la décision d’accepter ou de
refuser les actes diagnostiques ou thérapeutiques qui lui sont proposés, consolider la relation de confiance avec le médecin et obtenir
la participation active du malade aux soins.
On constate néanmoins que, au-delà de ces
recommandations, aussi indispensables
soient-elles, les patients et les familles recherchent une information autre, souvent du
domaine de l’écrit et de plus en plus fréquemment obtenue et diffusée en dehors de
toute relation médecin-patient, soit à travers
la presse et les sites Internet.
Il convient donc de réfléchir à l’évolution de
la relation médecin-patient et des rapports
entre la médecine et la société en regard de
cette évolution (7). Cela conduit à s’interroger sur la nature même de l’acte médical, sur
les choix pédagogiques auxquels les médecins doivent se former et sur les domaines dans
lesquels ils doivent s’impliquer pour instaurer une démarche de progrès qui permette aux
patients de mieux comprendre et les pousse à
réclamer plus de lisibilité.
© Le Courrier de l’Arcol et de la SFA
2001 (3) ; 1 : 15-18.
Données médicales sur le Web :
l’importance d’un discours médical
transparent et validé
Le corps médical ne peut s’enfermer dans le
silence. Il doit s’impliquer dans la gestion des
enjeux éthiques et symboliques liés à l’évolution du savoir et des pratiques médicales. Ce
constat est aujourd’hui d’autant plus nécessaire que, désormais, le progrès scientifique
et médical, bien qu’améliorant incontestablement la santé des personnes, renferme des
facettes qui intriguent (génétique, clonage,
devenir de la recherche sur l’embryon, égalité
d’accès aux soins, prise en charge de la douleur, devenir des personnes âgées, etc.). Il y a
là des choix de société impliquant directement
la santé des individus dont les médecins ont
la charge et pour lesquels la responsabilité de
l’acte professionnel est engagée (application
incertaine de nouvelles technologies, sécurité
sanitaire, choix en matière de politique de
dépistage ou remboursement de soins).
Il convient donc de promouvoir, en termes
d’éducation de la population et d’organisation
du débat social, une réelle politique de transparence, d’information, mais aussi de prise en
compte des mécanismes de compréhension,
de désir ou de peur de l’opinion publique, du
fait même que la vie des individus qui la composent est souvent impliquée en premier lieu
par les conséquences des décisions prises.
La régulation des pratiques de soins et des
choix médico-scientifiques se doit donc de
prendre en compte les aspects culturels et
humains de la population (prise en compte des
impacts symboliques, sociologiques, anthropologiques, etc.), qu’ils soient rationnels ou
non, pour accompagner harmonieusement et
démocratiquement le progrès médical.
Ainsi, alors qu’un discours général, parti-culièrement médiatique et entretenu par certains
scientifiques, pourrait consister à présenter la
performance technologique uniquement sous
ses angles spectaculaires et positifs, il est du
devoir médical d’en souligner aussi les inconvénients, les limites, voire les dérives, et de les
exposer au public, préalablement (et non a pos-
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teriori) à la réalisation des choix. Sinon, un discours qui laisserait croire en permanence que
les choix sont établis sur des certitudes déboucherait, en cas d’aléas, sur une attitude de rejet
et de défiance du public à l’égard du corps
médical, qui n’aurait pas joué son rôle de vigile
en santé publique et de garant de la santé des
individus. Une telle attitude pourrait être
source, à l’avenir, d’une suspicion du public à
l’égard du progrès médical, et donc source de
régression.
Au début de l’année 2000, le site du secrétariat d’État à la Santé a présenté le nouveau
portail d’accueil, sante.fr, donnant accès aux
différentes adresses Web des organismes et
agences officiels du secteur de la santé
publique. Cette annonce faite par la Direction
générale de la Santé s’inscrit dans la perspective de promotion de la qualité des informations santé sur Internet (8).
Durant ce même premier semestre 2000, le
Conseil national de la recherche aux ÉtatsUnis a rendu un rapport sur la mise en place
des systèmes de soins sur Internet (9).
Il constate que des milliers de sites existent
déjà, qu’ils soient constitués dans une visée
pédagogique, diagnostique ou thérapeutique,
avec possibilité d’achat de médicaments en
ligne. Il souligne que, en regard des services
proposés, les exigences opérationnelles habituelles de la pratique médicale ne sont pas toujours respectées en termes de déontologie, de
compétence professionnelle, de validité des
informations et, enfin, sur les plans marchand
et commercial. L’essor considérable des nouvelles technologies telles qu’Internet aboutit
à une abondance d’informations dont la validité doit être remise en cause. N’importe qui
peut délivrer des données sur la santé, aborder des maladies et des traitements, proposer
des produits et des services. La qualité des
informations est très variable, ce qui, en
matière de santé, peut faire courir de réels dangers. La difficulté est de distinguer ce qui est
valable de ce qui ne l’est pas.
On peut rapprocher ce constat des recommandations destinées aux médecins, concernant l’information des patients (6). Ce travail
pose clairement la question de la légitimité
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des informations offertes aux patients. Cette
légitimité repose en grande partie sur l’obligation de diffuser uniquement des données
validées et qui doivent présenter tous les
aspects d’un sujet, c’est-à-dire les bénéfices
attendus des soins proposés mais aussi leurs
inconvénients et risques éventuels. Il est également recommandé que les documents écrits
soient testés sur des patients ou des utilisateurs pour valider leur niveau de compréhension, qu’il s’agisse de textes rédactionnels ou
de tout autre support audiovisuel ou multimédia. C’est pourquoi plusieurs grands principes scientifiques et éthiques doivent s’appliquer à la gestion du contenu et à l’animation
d’un site Internet médical (8, 10) :
– nécessité d’une politique pédagogique qui
ne peut se faire qu’à partir de travaux de références (travaux de recherche validés, publications internationales reconnues, rapports
officiels) ;
– validation du contenu du site par un comité
éditorial et scientifique composé à la fois de
médecins, de scientifiques, de professionnels
de la communication et d’utilisateurs ;
– nécessité pour ce comité d’avoir recours à
des relecteurs ou experts extérieurs pour valider les textes mis en ligne ;
– nécessité d’une validation de la compréhension du contenu par les utilisateurs ;
– travail de rédaction des documents permettant un maximum d’exhaustivité des données,
avec une obligation de qualité concernant les
liens hypertextes et l’articulation des différentes contributions sur le site ;
– politique de liens intersites qui doit reposer
également sur un principe de validation, c’està-dire qu’il convient de ne pas établir de liens
avec des sites dont la légitimité ne serait pas
sûre et dont la validation scientifique des données ne serait pas acquise ;
– mise à jour mensuelle indispensable, pour
“coller” au plus près à l’évolution des pratiques et données médicales et scientifiques,
à l’actualité du débat social et à la législation ;
– prise en compte des questions et remarques
formulées sur le site (obligation d’une zone
de dialogue avec les utilisateurs) par des professionnels ou par le public et recherche des
réponses (soit dans le contenu du site, soit
auprès de personnes référentes dans chaque
thématique).
Cybermédecine :
vers une nouvelle prise de conscience de la relation médecin-patient
et des rapports
entre médecine et société
L’émergence d’Internet dans le domaine de la
santé établit un nouvel espace d’accès aux
données médicales pour les médecins et les
patients. Elle donne de ce fait une nouvelle
dimension à l’exercice médical en tant que tel
dès lors que chacun peut collecter des informations, voire effectuer des démarches diagnostiques et/ou thérapeutiques via des serveurs sur le Web.
Comme le souligne le rapport du Conseil de
l’Ordre (4), il faut différencier plusieurs stades
de contact entre un médecin et son patient sur
le Net. Le plus répandu réside dans une information délivrée comme elle le serait dans une
revue de vulgarisation pour le grand public.
À ce niveau, comme sur tout autre support, la
question de la validation médicale ou scientifique de cette information paraît fondamentale, et une information de qualité sur le web
peut, dès lors qu’elle est de qualité, être un
apport complémentaire de ce qu’aura fait ou
de ce que fera un médecin au cours d’une
consultation précédente ou à venir.
Au-delà de cette information, plus détaillée,
certains sites délivrent des conseils personnalisés en fonction du profil des personnes qui
se connectent sur Internet. Comme le soulignent les experts, le développement de ces
conseils est exactement “à la frontière entre
l’information et la véritable consultation en
ligne”. C’est ici qu’il faut s’interroger sur la
ou les raisons qui poussent certains de nos
concitoyens à rechercher ces conseils sur le
Web plutôt que directement auprès d’un
médecin en consultation, au sein du colloque
dit singulier. Plusieurs hypothèses sont à discuter. La possibilité d’anonymat pour le
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patient et celle d’une plus grande liberté d’expression sont souvent évoquées par les personnes se connectant sur les sites santé d’Internet. Il convient que les médecins
s’interrogent alors sur la façon dont ils conçoivent la nature de l’exercice médical. En effet,
si les patients vont chercher sur le Net, c’est
que la consultation ne leur apparaît plus
comme un lieu de confidentialité et de liberté
suffisant. Le secret médical, conçu avant tout
pour protéger le patient, est une valeur qu’il
convient donc de leur expliciter pour que la
consultation médicale reste le lieu possible de
prise en compte de l’intimité des personnes
(11). Quant à la liberté d’expression, cela
implique que les médecins sachent redonner
confiance aux patients, en leur ouvrant les
portes du dialogue dans tous les domaines de
la santé, quel que soit le motif apparent de la
consultation. Cela implique que les médecins
combattent leurs propres tabous et s’investissent dans leur rôle de prise en charge globale
des personnes. Il s’agit là d’une réelle
réflexion sur le rôle du médecin dans la société
et sur la formation des médecins à exercer leur
art en regard des attentes du public.
Tout médecin généraliste ou spécialiste doit
donc se considérer comme un acteur d’information et d’éducation des patients. Une vision
parfois trop disciplinaire ou technique de
l’exercice médical a peut-être fait oublier que
chaque professionnel de santé est avant tout
un acteur devant inciter au dialogue sur les
choses du corps et de l’esprit ainsi que sur les
questions qui touchent à la médecine et à la
société (comme la sexualité, les OGM, la
génétique, la mort... autant de questions abordées aujourd’hui sur les sites de santé).
Le médecin a donc à repenser la nature de son
exercice en remettant au centre la personne et
en refondant le concept de prise en charge globale des personnes. Ainsi, un cardiologue doit
parler à une patiente de la nécessité d’effectuer
une mammographie et de consulter un gynécologue, et tout médecin doit aborder la question
de la mise à jour des vaccinations, des comportements sexuels, de la prévention des cancers, du risque suicidaire et de tous les enjeux
de santé publique ou éthique qui inquiètent les
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patients. Toutes les dimensions de la santé
devraient ainsi réintégrer l’espace des consultations médicales. On ressent alors combien
l’émergence de la médecine sur Internet pose
de manière claire la question de l’évolution de
la consultation médicale traditionnelle et du
temps consacré à un patient et à ses préoccupations fondamentales. À travers cette évolution, la question d’une reconnaissance du rôle
de conseiller des médecins et du bien-fondé de
consultations longues, d’au moins 30 minutes
d’écoute, d’information et d’éducation à la
santé, est donc plus que jamais posée. Faute de
telles évolutions, seuls d’autres médias, comme
Internet, offriront la possibilité aux patients d’un
accès à l’information médicale.
Dans le cas contraire, les sites Internet viendraient compléter intelligemment et utilement
les données apportées lors de la rencontre
entre le médecin et son patient.
Au-delà de la diffusion d’information et de
l’avis médical sur Internet, la question peut se
poser d’une véritable consultation sur le Net.
Sur les plans déontologique et médico-légal,
elle est à ce jour exclue en France (condamnations pour médecine à distance ou médecine par téléphone). Il n’en demeure pas moins
que la question ne saurait être aussi simplement réglée par ce seul interdit. En effet, Internet peut être un formidable outil de télémédecine en permettant l’accès à des
compétences ou à des expertises à distance
non disponibles dans une zone géographique
ou compte tenu de l’incapacité d’un patient à
se déplacer. Là encore, plutôt que d’exclure
cette évolution, il s’agit pour le médecin de
l’accompagner. C’est ainsi qu’il sera envisageable de consulter un médecin sur Internet
par l’entremise d’un médecin intermédiaire
qui sera à côté du patient. Une telle approche
pourra enrichir en compétence et en qualité
l’acte médical diagnostique ou thérapeutique
(second avis sur une imagerie radiologique ou
échographique, sur un tracé ECG, sur une
lésion dermatologique, conseil sur une intervention chirurgicale à distance, etc.) sans que
la technique ne se substitue à la relation médecin-patient, un médecin étant au côté du
patient en consultation, en hospitalisation,
voire au domicile de ce dernier pour l’instruire
dans cette nouvelle démarche de soins.
On constate donc, là aussi, que c’est vers une
évolution positive de la relation médecin-patient
que la cybermédecine et la télémédecine peuvent déboucher dès lors que les médecins s’y
investissent. Il conviendra parallèlement que,
sur les plans déontologique et juridique, soient
alors clarifiées les nouvelles responsabilités,
telles celles du médecin télé-expert (lorsqu’il
agit à distance sans examiner le patient), celles
du médecin qui est aux côtés du patient (pour
lequel le recours à la télé-expertise pourra
constituer une nouvelle obligation de moyens),
mais aussi celles des prestataires techniques des
réseaux (pour lesquels des obligations de confidentialité des réseaux et de sécurité feront partie du cahier des charges).
Conclusion :
ordinateur–médecin
ou médecin informatisé ?
Réfléchir à la médecine
telle que nous la pratiquons
La relation entre le médecin et son malade, fondamentale dans l’acte médical et base du crédit de la profession médicale, peut-elle être
modifiée à ce point sans que les conséquences
sur cette relation, et donc sur la médecine,
soient envisagées ? En gommant l’aspect relationnel entre le médecin et le patient, comme
pourrait le faire craindre une évolution croissante vers une médecine qui ne serait que
cybermédecine, ne risque-t-on pas d’appauvrir
cette relation, dont on sait qu’elle est humainement complexe et qu’elle se fonde essentiellement sur le concept sociologique d’“attitude” entre deux personnes ? Ce concept sur
lequel repose la relation médecin-patient donne
priorité à la relation entre l’acteur et l’objet de
l’action, au lieu de les séparer. Parler d’attitudes
dans le rapport au malade, c’est reconnaître
l’importance centrale des relations interpersonnelles dans les soins et surtout comprendre
que l’efficacité d’une action médicale dépend
en partie de l’attitude du malade à l’égard des
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soins et des personnes qui les décident.
Le paradigme de la médecine apparaît alors de
plus en plus différent de celui de la biologie et
de ses applications techniques. La médecine ne
doit pas être aveuglée par les progrès techniques.
En fait, si nous nous interrogeons sur la mise
en marche d’un accès à la médecine sur Internet, c’est qu’elle remet en lumière l’importance, peut-être oubliée, de la dimension relationnelle de la médecine. Ainsi, l’évolution de
la cybermédecine a ceci de positif que, par l’opportunité des questions qu’elle pose, elle nous
donne à réfléchir sur la médecine telle que nous
la pratiquons.
Pour en savoir plus...
1. Sargos P. Information et consentement du
patient. Bull Ordre Med 1999 ; janvier :10-2.
2. Wolf M. Le consentement : dossier thématique, 1999 (www.inserm.fr/ethique).
3. Le Quotidien du Médecin, 22/05/2000.
4. Chassort A. Rapport du Conseil national
de l’Ordre des médecins, adopté lors de la
session du 30 juin 2000. Exercice de la médecine et Internet.
5. Darmoni SJ. Le guide Internet de la s@nté,
MMI éditions (www.mmieditions.com).
6. ANAES. Information des patients : recommandations destinées aux médecins. Paris :
Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, mars 2000.
7. Hazebroucq V. L’information du patient et
le consentement éclairé. J Radiol 1999 ; 80 :
411-2.
8. L’esprit et la qualité du site Internet
(www.inserm. fr/ethique).
9. Le Quotidien du Médecin, 28/02/2000.
10. Moutel G, Wolf M, Meningaud J, Berdeu
D, Hervé C. Qualité éthique des publications
scientifiques : mythe ou réalité ? Med
Sciences 2000 ; 16 : 1-4.
11. Moutel G, Hervé C, Alcaraz M, Alnot
MO. Information des patients. Presse Med
1994 ; 23 (36) : 1637-41.
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