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Le Courrier de l’Arcol et de la SFA (3), n° 1, janv./févr./mars 2001
Il convient donc de réfléchir à l’évolution de
la relation médecin-patient et des rapports
entre la médecine et la société en regard de
cette évolution (7). Cela conduit à s’interro-
ger sur la nature même de l’acte médical, sur
les choix pédagogiques auxquels les méde-
cins doivent se former et sur les domaines
dans lesquels ils doivent s’impliquer pour ins-
taurer une démarche de progrès qui permette
aux patients de mieux comprendre et les
pousse à réclamer plus de lisibilité.
■Données médicales
sur le Web : l’importance
d’un discours médical
transparent et validé
Le corps médical ne peut s’enfermer dans le
silence. Il doit s’impliquer dans la gestion des
enjeux éthiques et symboliques liés à l’évo-
lution du savoir et des pratiques médicales.
Ce constat est aujourd’hui d’autant plus né-
cessaire que, désormais, le progrès scienti-
fique et médical, bien qu’améliorant incon-
testablement la santé des personnes, renferme
des facettes qui intriguent (génétique, clo-
nage, devenir de la recherche sur l’embryon,
égalité d’accès aux soins, prise en charge de
la douleur, devenir des personnes âgées, etc.).
Il y a là des choix de société impliquant
directement la santé des individus dont les
médecins ont la charge et pour lesquels la res-
ponsabilité de l’acte professionnel est enga-
gée (application incertaine de nouvelles tech-
nologies, sécurité sanitaire, choix en matière
de politique de dépistage ou remboursement
de soins).
Il convient donc de promouvoir, en termes
d’éducation de la population et d’organisa-
tion du débat social, une réelle politique de
transparence, d’information, mais aussi de
prise en compte des mécanismes de compré-
hension, de désir ou de peur de l’opinion pu-
blique, du fait même que la vie des individus
qui la composent est souvent impliquée en
premier lieu par les conséquences des déci-
sions prises.
La régulation des pratiques de soins et des
choix médico-scientifiques se doit donc de
prendre en compte les aspects culturels et hu-
mains de la population (prise en compte des
impacts symboliques, sociologiques, anthro-
pologiques, etc.), qu’ils soient rationnels ou
non, pour accompagner harmonieusement et
démocratiquement le progrès médical.
Ainsi, alors qu’un discours général, parti-
culièrement médiatique et entretenu par
certains scientifiques, pourrait consister à
présenter la performance technologique uni-
quement sous ses angles spectaculaires et po-
sitifs, il est du devoir médical d’en souligner
aussi les inconvénients, les limites, voire les
dérives, et de les exposer au public, préala-
blement (et non a posteriori) à la réalisation
des choix. Sinon, un discours qui laisserait
croire en permanence que les choix sont éta-
blis sur des certitudes déboucherait, en cas
d’aléas, sur une attitude de rejet et de dé-
fiance du public à l’égard du corps médical,
qui n’aurait pas joué son rôle de vigile en
santé publique et de garant de la santé des
individus. Une telle attitude pourrait être
source, à l’avenir, d’une suspicion du public
à l’égard du progrès médical, et donc source
de régression.
Au début de l’année 2000, le site du secréta-
riat d’État à la Santé a présenté le nouveau
portail d’accueil, sante.fr, donnant accès aux
différentes adresses Web des organismes et
agences officiels du secteur de la santé pu-
blique. Cette annonce faite par la Direction
générale de la Santé s’inscrit dans la pers-
pective de promotion de la qualité des infor-
mations santé sur Internet (8).
Durant ce même premier semestre 2000, le
Conseil national de la recherche aux États-
Unis a rendu un rapport sur la mise en place
des systèmes de soins sur Internet (9).
Il constate que des milliers de sites existent
déjà, qu’ils soient constitués dans une visée
pédagogique, diagnostique ou thérapeutique,
avec possibilité d’achat de médicaments en
ligne. Il souligne que, en regard des services
proposés, les exigences opérationnelles ha-
bituelles de la pratique médicale ne sont pas
toujours respectées en termes de déontologie,
de compétence professionnelle, de validité
des informations et, enfin, sur les plans mar-
chand et commercial. L’essor considérable
des nouvelles technologies telles qu’Internet
aboutit à une abondance d’informations dont
la validité doit être remise en cause. N’im-
porte qui peut délivrer des données sur la
santé, aborder des maladies et des traite-
ments, proposer des produits et des services.
La qualité des informations est très variable,
ce qui, en matière de santé, peut faire courir
de réels dangers. La difficulté est de distin-
guer ce qui est valable de ce qui ne l’est pas.
On peut rapprocher ce constat des recom-
mandations destinées aux médecins, concer-
nant l’information des patients (6). Ce travail
pose clairement la question de la légitimité
des informations offertes aux patients. Cette
légitimité repose en grande partie sur l’obli-
gation de diffuser uniquement des données
validées et qui doivent présenter tous les
aspects d’un sujet, c’est-à-dire les bénéfices
attendus des soins proposés mais aussi leurs
inconvénients et risques éventuels. Il est
également recommandé que les documents
écrits soient testés sur des patients ou des uti-
lisateurs pour valider leur niveau de compré-
hension, qu’il s’agisse de textes rédaction-
nels ou de tout autre support audiovisuel ou
multimédia. C’est pourquoi plusieurs grands
principes scientifiques et éthiques doivent
s’appliquer à la gestion du contenu et à l’ani-
mation d’un site Internet médical (8, 10) :
–nécessité d’une politique pédagogique qui
ne peut se faire qu’à partir de travaux de ré-
férences (travaux de recherche validés, pu-
blications internationales reconnues, rapports
officiels) ;
–validation du contenu du site par un comité
éditorial et scientifique composé à la fois de
médecins, de scientifiques, de professionnels
de la communication et d’utilisateurs ;
–nécessité pour ce comité d’avoir recours à
des relecteurs ou experts extérieurs pour va-
lider les textes mis en ligne ;
–nécessité d’une validation de la compré-
hension du contenu par les utilisateurs ;
–travail de rédaction des documents per-
mettant un maximum d’exhaustivité des don-
nées, avec une obligation de qualité concer-
nant les liens hypertextes et l’articulation des
différentes contributions sur le site ;
–politique de liens intersites qui doit repo-
ser également sur un principe de validation,
c’est-à-dire qu’il convient de ne pas établir
de liens avec des sites dont la légitimité ne
serait pas sûre et dont la validation scienti-
fique des données ne serait pas acquise ;
–mise à jour mensuelle indispensable, pour
“coller” au plus près à l’évolution des pratiques
et données médicales et scientifiques, à l’ac-
tualité du débat social et à la législation ;
–prise en compte des questions et remarques
formulées sur le site (obligation d’une zone
de dialogue avec les utilisateurs) par des pro-
fessionnels ou par le public et recherche des
réponses (soit dans le contenu du site, soit
auprès de personnes référentes dans chaque
thématique).