La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 5 - octobre 2006
Être et savoir
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en santé (ANAES) (6), en mars 2000, à la suite du rapport du
Pr Dominique ouvenin. Ce rapport a le mérite de réaf-
firmer la primauté de l’information orale sur l’information
écrite et de rappeler les buts de l’information délivrée par
le médecin :
éclairer le patient sur son état de santé, lui décrire la nature
et le déroulement des soins ;
lui fournir les éléments de la décision d’accepter ou de
refuser les actes diagnostiques ou thérapeutiques qui lui sont
proposés ;
consolider la relation de confiance avec le médecin ;
obtenir la participation active du malade aux soins.
On constate néanmoins que, au-delà de ces recommandations,
aussi indispensables soient-elles, les patients et les familles
recherchent une information autre, souvent du domaine de
l’écrit et de plus en plus fréquemment obtenue et diffusée en
dehors de toute relation médecin-patient, à travers la presse et
les sites Internet. Il convient donc de réfléchir à l’évolution de
la relation médecin-patient et des rapports entre la médecine
et la société en regard de cette évolution (7).
Cela conduit à s’interroger sur la nature même de l’acte médical,
sur les choix pédagogiques auxquels les médecins doivent se
former et sur les domaines dans lesquels ils doivent s’impli-
quer pour instaurer une démarche de progrès qui permette
aux patients de mieux comprendre et les pousse à réclamer
plus de lisibilité.
DONNÉES MÉDICALES SUR LE WEB :
L’IMPORTANCE D’UN DISCOURS MÉDICAL
TRANSPARENT ET VALIDÉ
Le corps médical ne peut s’enfermer dans le silence. Il doit s’im-
pliquer dans la gestion des enjeux éthiques et symboliques liés à
l’évolution du savoir et des pratiques médicales. Ce constat est
aujourd’hui d’autant plus nécessaire que, désormais, le progrès
scientifique et médical, bien qu’améliorant incontestablement
la santé des personnes, renferme des facettes qui intriguent
(génétique, clonage, devenir de la recherche sur l’embryon,
égalité d’accès aux soins, prise en charge de la douleur, devenir
des personnes âgées, etc.). Il y a là des choix de société impli-
quant directement la santé des individus dont les médecins ont
la charge et pour lesquels la responsabilité de l’acte professionnel
est engagée (application incertaine de nouvelles technologies,
sécurité sanitaire, choix en matière de politique de dépistage ou
remboursement de soins). Il convient donc de promouvoir, en
termes d’éducation de la population et d’organisation du débat
social, une réelle politique de transparence, d’information, mais
aussi de prise en compte des mécanismes de compréhension, de
désir ou de peur de l’opinion publique, du fait même que la vie
des individus qui la composent est souvent impliquée en premier
lieu par les conséquences des décisions prises. La régulation
des pratiques de soins et des choix médico-scientifiques se doit
donc de prendre en compte les aspects culturels et humains
de la population (prise en compte des impacts symboliques,
sociologiques, anthropologiques, etc.), qu’ils soient rationnels
ou non, pour accompagner harmonieusement et démocrati-
quement le progrès médical.
Ainsi, alors qu’un discours général, particulièrement
médiatique et entretenu par certains scientifiques, pour-
rait consister à présenter la performance technologique
uniquement sous ses angles spectaculaires et positifs, il est
du devoir médical d’en souligner aussi les inconvénients, les
limites, voire les dérives, et de les exposer au public, préala-
blement (et non a posteriori) à la réalisation des choix. Sinon,
un discours qui laisserait croire en permanence que les choix
sont établis sur des certitudes déboucherait, en cas d’aléas, sur
une attitude de rejet et de défiance du public à l’égard du corps
médical qui n’aurait pas joué son rôle de vigile en santé publique
et de garant de la santé des individus. Une telle attitude pourrait
être source, à l’avenir, d’une suspicion du public à l’égard du
progrès médical et, donc, source de régression.
Au début de l’année 2000, le site du secrétariat d’État à la Santé a
présenté le nouveau portail d’accueil, sante.fr, donnant accès aux
différentes adresses Web des organismes et agences officiels du
secteur de la santé publique. Cette annonce faite par la Direction
générale de la Santé s’inscrit dans la perspective de promotion
de la qualité des informations santé sur Internet (8).
Durant ce même premier semestre 2000, le Conseil national
de la recherche aux États-Unis a rendu un rapport sur la mise
en place des systèmes de soins sur Internet (9).
Il constate que des milliers de sites existent déjà, qu’ils soient
constitués dans une visée pédagogique, diagnostique ou théra-
peutique, avec possibilité d’achat de médicaments en ligne.
Il souligne que, en regard des services proposés, les exigences
opérationnelles habituelles de la pratique médicale ne sont pas
toujours respectées en termes de déontologie, de compétence
professionnelle, de validité des informations et, enfin, sur les
plans marchand et commercial.
L’essor considérable des nouvelles technologies telles qu’Internet
aboutit à une abondance d’informations dont la validité doit
être remise en cause. N’importe qui peut délivrer des données
sur la santé, aborder des maladies et des traitements, proposer
des produits et des services. La qualité des informations est
très variable, ce qui, en matière de santé, peut faire courir de
réels dangers. La difficulté est de distinguer ce qui est valable
de ce qui ne l’est pas.
On peut rapprocher ce constat des recommandations destinées
aux médecins, concernant l’information des patients (6). Ce travail
pose clairement la question de la légitimité des informations
offertes aux patients. Cette légitimité repose en grande partie
sur l’obligation de diffuser uniquement des données validées et
qui doivent présenter tous les aspects d’un sujet, c’est-à-dire les
bénéfices attendus des soins proposés mais aussi leurs inconvé-
nients et risques éventuels. Il est également recommandé que les
documents écrits soient testés sur des patients ou des utilisateurs
pour valider leur niveau de compréhension, qu’il s’agisse de textes
rédactionnels ou de tout autre support audiovisuel ou multi-