Vie professionnelle
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La Lettre du Neurologue - Vol. XII - n° 1-2 - janvier-février 2008
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L
expérience et le recul, cinq ans après la loi du 4 mars
2002, permettent d’établir une synthèse pratique, éloi-
gnée des visions excessives du droit qui ont parfois été
soutenues. Particulièrement, la cour de cassation avait fixé la
barre trop haut, avec la notion de risques exceptionnels, alors
que d’une manière générale, la relation de soin s’apprécie en
termes de sincérité et de confiance, et non pas en termes de
formalités. Aujourd’hui, ce droit qui a été très mouvant semble
se stabiliser, ce qui justifie une analyse pratique, précédée du
rappel de la version actuelle des textes (1).
LA VERSION ACTUELLE DES TEXTES
La question du consentement résulte de l’application de textes
anciens, qui ont valeur de principe. Ces règles ont été complétées
par la loi du 4 mars 2002 et incluses dans le code de la Santé
publique (2).
Les textes de principe
Ces dispositions ont le mérite dêtre des férences anciennes et
d’ordre général. Elles sont issues de deux textes de grande impor-
tance, à savoir le code civil et le code de déontologie médicale.
Le code civil
La première référence est issue du plus fondamental des textes,
le code civil. Larticle 16-3 gure dans ses toutes premres dispo-
sitions, ce qui en souligne l’importance.
“Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain quen
cas de nécessité médicale pour la personne.
Le consentement de l’intéressé doit être recueilli
préalablement
hors le cas son état rend nécessaire une intervention théra-
peutique
à laquelle il nest pas à même de consentir”.
Le code de déontologie médicale
Les dispositions de principe du code de déontologie médicale
traduisent en des termes particulièrement justes ce que doit
être la démarche du médecin. Une lecture attentive de ces trois
articles s’impose.
Article R. 4127-35
“Le decin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou
qu’il conseille une
information loyale, claire et appropriée
sur
son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au
long de la maladie, il tient compte de la personnalidu patient
dans ses explications, et veille à leur compréhension.
Toutefois, sous serve des dispositions de larticle L. 1111-7,
dans l’intérêt du malade et pour des raisons gitimes que le
praticien apprécie en conscience,
un malade peut être tenu
dans l’ignorance dun diagnostic ou d’un pronostic grave
, sauf
dans les cas où laffection dont il est atteint expose les tiers à un
risque de contamination.
“Un pronostic fatal ne doit être révélé quavec circonspection,
mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si
le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné
les tiers auxquels elle doit être fait.
“Larticle suivant examine les hypothèses où le patient nest pas
en mesure de sexprimer.
Article R. 4127-36
“Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être
recherché dans tous les cas.
Lorsque le malade, en état dexprimer sa volonté, refuse les inves-
tigations ou le traitement proposé, le médecin doit respecter ce
refus après avoir informé le malade de ses conséquences.
Si le malade est hors détat dexprimer sa volonté, le médecin
ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et
informés
, sauf urgence ou impossibilité.
Les obligations du médecin à légard du patient lorsque celui-ci
est un mineur, ou un majeur protégé, sont définies à l’article
R. 4127-42”.
Article R. 4127-42
“Sous réserve des dispositions de larticle L. 1111-5, un médecin
appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé
doit
sefforcer de prévenir ses parents
, ou son représentant légal
et dobtenir leur consentement.
En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le
médecin doit donner les soins nécessaires
.
Si lavis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir
compte dans toute la mesure du possible.
La loi du 4 mars 2002 sur les droits des patients
Ces dispositions ont été complétées par la loi du 4 mars 2002. Le
texte de référence a été inclus dans le code de la Sanpublique,
aux articles L. 1111-2 et L. 1111-5.
Cinq ans après la loi du 4 mars 2002
Consentement éclairé : en route vers le bon sens©
© La Lettre du Cancérologue – Vol. XVI - n° 7 - septembre 2007 - pp. 339-42.
G. Devers*
* Avocat au barreau de Lyon ; docteur en droit HDR.
(1) M. Harichaux, Les droits à l’information et le consentement de “l’usager du système de
santé” après le loi du 4 mars 2002. Revue trimestrielle de droit sanitaire et social 2002, p. 673.
(2) Les textes sont reproduits dans leur version littérale. Sont portés en gras les passages qui
sont d’un intérêt particulier au regard du recueil du consentement.
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Article L. 1111-2
Toute personne a le droit dêtre informée sur son état de santé.
Cette information porte sur les différentes investigations, trai-
tements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité,
leur urgence éventuelle, leurs conséquences,
les risques fréquents
ou graves normalement prévisibles
qu’ils comportent ainsi
que sur les autres solutions possibles et sur
les conquences
prévisibles en cas de refus
.
Lorsque, postérieurement à lexécution des investigations, trai-
tements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont
identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en
cas d’impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le
cadre de ses compétences et dans le respect des règles profession-
nelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité
d’informer peuvent len dispenser.
Cette information est délive au cours d’un entretien indi-
viduel.
La volonté d’une personne dêtre tenue dans l’ignorance d’un
diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des
tiers sont exposés à un risque de transmission.
Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés
au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires
de lautorité parentale ou par le tuteur
. Ceux-ci reçoivent l’in-
formation prévue par le présent article, sous réserve des dispo-
sitions de larticle.
Article L. 1111-5
Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une infor-
mation et de participer à la prise de décision les concernant
,
d’une manière adaptée soit à leur degde maturité sagissant
des mineurs, soit à leurs facultés de discernement sagissant des
majeurs sous tutelle.
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance
de l’information sont établies par la Haute Autorité de santé et
homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à létablissement
de santé dapporter la preuve que l’information a été délivrée à
l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette
preuve peut être apportée par tout moyen”.
SYNTHÈSE SUR L’ÉTAT DU DROIT
Les points clés
De ces textes, se dégagent quelques points décisifs :
Il faut informer sur les risques, mais seulement ceux qui sont
fréquents, ou graves et normalement prévisibles. Il n’est plus
nécessaire d’informer sur les risques exceptionnels.
Linformation doit porter sur les conséquences prévisibles
en cas de refus.
La loi n’exige pas d’écrit, mais souligne l’importance de la
relation et de l’échange avec le patient. Le decin doit faire
preuve de conviction pour aider le patient à prendre la décision
adaptée. Ainsi, l’écrit a surtout pour mérite de solenniser la rela-
tion et l’importance du consentement. En revanche, il devient
inutile et dangereux s’il nest que formel, et risque de créer une
inquiétude, voire une angoisse. La jurisprudence s’est toujours
montrée très réticente quant à tout ce qui pouvait conduire à
une formalisation excessive de ce consentement.
Le patient peut demander lui-même que cette information
soit limitée.
S’agissant des mineurs, la souplesse est nécessaire. En effet,
il a toujours été dit qu’en cas de nécessité, les soins devaient
être pratiqués même si les parents nont pu être contactés. De
même, il faut toujours chercher à informer l’enfant. Chacun
doit savoir que désormais les mineurs peuvent demander à
bénéficier de soins sans que les parents soient avisés, dès lors
qu’ils sont accompagnés d’une personne majeure. En cas de
situation traduisant le danger pour un enfant, le recours est le
procureur de la République chargé des mineurs, que l’on peut
contacter à toute heure en passant par le 17.
La preuve
Le rétablissement de la preuve à loccasion d’un procès
s lors qu’il n’a pas é suivi de produre able, et que le
praticien n’est pas en mesure de produire un écrit sincère, la
preuve de l’information sur les avantages et les risques sera très
difficile à établir à l’occasion d’un litige. Il ne restera que la force
de conviction des decins pour exposer que l’information
adaptée a bien été donnée. À l’occasion d’une réunion dexper-
tise, ou d’une audition par une juridiction, la parole sincère des
médecins garde un poids. Cela étant, cette parole restera peu
de chose si le dossier ne laisse pas apparaître, parmi la diversité
des moyens de preuves possibles, des éléments établissant la
sincérité de la démarche.
La constitution de preuve à loccasion des soins
Plusieurs modalités peuvent être évoquées pour rationaliser
cette preuve :
La priorité est de soigner la qualité de l’écrit dans le dos-
sier. Cet écrit peut être sommaire, dès lors qu’il est sincère.
Ainsi, il importe que le dossier médical mentionne le jour de
l’entretien, le type d’informations fournies et éventuellement
quelques observations plus personnelles, notamment sur la
action du patient. Les tribunaux, et cest heureux, posent
une présomption de véracité pour ce que le decin a écrit
dans son dossier.
Parfois, l’information peut être donnée en présence d’un tiers.
La pratique courante nest certainement pas en ce sens. Mais
lorsqu’il s’agit des situations les plus sensibles, à savoir la conjonc-
tion d’une réelle option thérapeutique et de risques connus, il est
adapté de recourir à un entretien devant un tiers, qui peut être
un autre membre de l’équipe soignante, un autre médecin ou la
“personne de confiance. Ces hypothèses ne sont pas si fréquentes
et doivent justifier une attention toute particulière.
Peuvent s’avérer extrêmement utiles des correspondances du
praticien adressées à d’autres confrères, ou éventuellement au
patient. Ces courriers sont l’occasion de rappeler les discussions
qui ont eu lieu sur le bilan avantage/risque.
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S’agissant dinterventions ou d’examens pratiqués de manière
régulière et dont les risques sont connus, il est tout à fait souhai-
table que le praticien dispose d’une documentation provenant
de sociétés savantes, ou qu’il a établi lui-même, et qui peut être
remise au patient en complémentarité de l’entretien.
Vient enfin la signature dun écrit par le patient. La validité de
cet écrit suppose quil soit le plus simple possible, car, à défaut,
pourra être reproché par le patient son caractère difficilement
compréhensible. LAnaes dans ses recommandations avait éga-
lement souligla primauté de l’information orale, l’informa-
tion écrite constituant seulement un complément possible de
l’information orale (recommandations de mars 2000).
Dès lors, le souci de rationalisation de l’écrit est parfaitement
légitime. Cette démarche vise à fournir aux praticiens les modèles
les plus opératoires, en sachant qu’il ne faudra pas hésiter, devant
une situation complexe, à être plus précis, en sortant de la réfé-
rence commune.
La responsabilité
La qualité de l’information préalable doit être soignée lorsqu’il
existe une véritable option dans les conduites thérapeutiques,
car le patient doit être en mesure de participer à ce choix. Cette
information préalable doit être poussée lorsque, à la réalité
du choix, se conjugue celle d’un risque important et connu.
À défaut, il pourrait être reproché au praticien d’avoir privé le
patient de la capacité d’exercer ce choix, ce qui est de nature
à engager la responsabilité civile.
S’agissant de l’indemnisation, la responsabilité du decin
ou de l’établissement ne peut être retenue lorsque les soins
ont été consciencieux et de bonnes pratiques, alors même que
l’information préalable était défaillante. En effet, ce défaut d’in-
formation n’a pas changé le cours des choses. Il ne résulte du
défaut d’information que l’expression d’un manque de considé-
ration pouvant éventuellement ouvrir, mais dans des conditions
très limitées, à l’octroi d’une indemnisation pour un dommage
moral.
Sur le plan ontologique, il est toujours nécessaire de recher-
cher le consentement et d’informer le patient dans l’esprit des
dispositions du code de ontologie. Le non-respect de cette
règle peut être sanctionné par le conseil de l’ordre.
En résumé, peuvent être posées les trois règles suivantes :
Le consentement exprime la qualité d’une relation de soin,
qui n’impose pas mais parvient à convaincre.
Lorsqu’il existe une option et des risques, l’information doit
être particulièrement soignée pour que le patient puisse parti-
ciper à la décision médicale.
Lécrit est hautement recommandé pour marquer la solennité
du moment, informer simplement, et témoigner de l’attention
du médecin.
Les articles publiés dans La Lettre du Neurologue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
© février 1997 - EDIMARK SAS - Dépôt légal : à parution.
Imprimé en France - Point 44 - 94500 Champigny-sur-Marne
Sont routés avec ce numéro :
3 Un supplément intitulé “Les nouvelles de la neuroprotection (12 pages) ;
3 Un yer AAN.
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