Vie professionnelle V ie professionnelle Cinq ans après la loi du 4 mars 2002 Consentement éclairé : en route vers le bon sens1 IP G. Devers* L’ expérience et le recul, cinq ans après la loi du 4 mars 2002, permettent d’établir une synthèse pratique, éloignée des visions excessives du droit qui ont parfois été soutenues. Particulièrement, la cour de cassation avait fixé la barre trop haut, avec la notion de risques exceptionnels, alors que d’une manière générale, la relation de soin s’apprécie en termes de sincérité et de confiance, et non pas en termes de formalités. Aujourd’hui, ce droit qui a été très mouvant semble se stabiliser, ce qui justifie une analyse pratique, précédée du rappel de la version actuelle des textes (1). LA VERSION ACTUELLE DES TEXTES La question du consentement résulte de l’application de textes anciens, qui ont valeur de principe. Ces règles ont été complétées par la loi du 4 mars 2002 et incluses dans le code de la Santé publique (2). Les textes de principe Ces dispositions ont le mérite d’être des références anciennes et d’ordre général. Elles sont issues de deux textes de grande importance, à savoir le code civil et le code de déontologie médicale. Le code civil La première référence est issue du plus fondamental des textes, le code civil. L’article 16-3 figure dans ses toutes premières dispositions, ce qui en souligne l’importance. “Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir”. Le code de déontologie médicale Les dispositions de principe du code de déontologie médicale traduisent en des termes particulièrement justes ce que doit être la démarche du médecin. Une lecture attentive de ces trois articles s’impose. 1. © La Lettre du Cancérologue 2007; 7:339-2. * Avocat au barreau de Lyon ; docteur en droit HDR. (1) M. Harichaux, Les droits à l’information et le consentement de “l’usager du système de santé” après le loi du 4 mars 2002. Revue trimestrielle de droit sanitaire et social 2002, p. 673. (2) Les textes sont reproduits dans leur version littérale. Sont portés en gras les passages qui sont d’un intérêt particulier au regard du recueil du consentement. 22 LI n° 1 janvier-fe vrier 2008-ok22 22 E Article R. 4127-35 “Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications, et veille à leur compréhension. “Toutefois, sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-7, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave, sauf dans les cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination. “Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être fait. “L’article suivant examine les hypothèses où le patient n’est pas en mesure de s’exprimer”. E Article R. 4127-36 “Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposé, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité. Les obligations du médecin à l’égard du patient lorsque celui-ci est un mineur, ou un majeur protégé, sont définies à l’article R. 4127-42”. E Article R. 4127-42 “Sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents, ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires. Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible”. La loi du 4 mars 2002 sur les droits des patients Ces dispositions ont été complétées par la loi du 4 mars 2002. Le texte de référence a été inclus dans le code de la Santé publique, aux articles L. 1111-2 et L. 1111-5. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXIII - n° 1 - janvier-février 2008 14/02/08 12:58:57 E Article L. 1111-2 “Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l’information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l’article”. E Article L. 1111-5 “Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur degré de maturité s’agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle. Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé. En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen”. SYNTHÈSE SUR L’ÉTAT DU DROIT Les points clés E De ces textes, se dégagent quelques points décisifs : E Il faut informer sur les risques, mais seulement ceux qui sont fréquents, ou graves et normalement prévisibles. Il n’est plus nécessaire d’informer sur les risques exceptionnels. E L’information doit porter sur les conséquences prévisibles en cas de refus. E La loi n’exige pas d’écrit, mais souligne l’importance de la relation et de l’échange avec le patient. Le médecin doit faire preuve de conviction pour aider le patient à prendre la décision adaptée. Ainsi, l’écrit a surtout pour mérite de solenniser La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXIII - n° 1 - janvier-février 2008 LI n° 1 janvier-fe vrier 2008-ok23 23 la relation et l’importance du consentement. En revanche, il devient inutile et dangereux s’il n’est que formel, et risque de créer une inquiétude, voire une angoisse. La jurisprudence s’est toujours montrée très réticente quant à tout ce qui pouvait conduire à une formalisation excessive de ce consentement. E Le patient peut demander lui-même que cette information soit limitée. E S’agissant des mineurs, la souplesse est nécessaire. En effet, il a toujours été dit qu’en cas de nécessité, les soins devaient être pratiqués même si les parents n’ont pu être contactés. De même, il faut toujours chercher à informer l’enfant. Chacun doit savoir que désormais les mineurs peuvent demander à bénéficier de soins sans que les parents soient avisés, dès lors qu’ils sont accompagnés d’une personne majeure. En cas de situation traduisant le danger pour un enfant, le recours est le procureur de la République chargé des mineurs, que l’on peut contacter à toute heure en passant par le 17. Prise en charge difficile V ie professionnelle La preuve Le rétablissement de la preuve à l’occasion d’un procès Dès lors qu’il n’a pas été suivi de procédure fiable, et que le praticien n’est pas en mesure de produire un écrit sincère, la preuve de l’information sur les avantages et les risques sera très difficile à établir à l’occasion d’un litige. Il ne restera que la force de conviction des médecins pour exposer que l’information adaptée a bien été donnée. À l’occasion d’une réunion d’expertise, ou d’une audition par une juridiction, la parole sincère des médecins garde un poids. Cela étant, cette parole restera peu de chose si le dossier ne laisse pas apparaître, parmi la diversité des moyens de preuves possibles, des éléments établissant la sincérité de la démarche. La constitution de preuve à l’occasion des soins Plusieurs modalités peuvent être évoquées pour rationaliser cette preuve : E La priorité est de soigner la qualité de l’écrit dans le dossier. Cet écrit peut être sommaire, dès lors qu’il est sincère. Ainsi, il importe que le dossier médical mentionne le jour de l’entretien, le type d’informations fournies et éventuellement quelques observations plus personnelles, notamment sur la réaction du patient. Les tribunaux, et c’est heureux, posent une présomption de véracité pour ce que le médecin a écrit dans son dossier. E Parfois, l’information peut être donnée en présence d’un tiers. La pratique courante n’est certainement pas en ce sens. Mais lorsqu’il s’agit des situations les plus sensibles, à savoir la conjonction d’une réelle option thérapeutique et de risques connus, il est adapté de recourir à un entretien devant un tiers, qui peut être un autre membre de l’équipe soignante, un autre médecin ou la “personne de confiance”. Ces hypothèses ne sont pas si fréquentes et doivent justifier une attention toute particulière. E Peuvent s’avérer extrêmement utiles des correspondances du praticien adressées à d’autres confrères, ou éventuellement au patient. Ces courriers sont l’occasion de rappeler les discussions qui ont eu lieu sur le bilan avantage/risque. 23 14/02/08 12:58:58 Vie professionnelle V ie professionnelle E S’agissant d’interventions ou d’examens pratiqués de manière régulière et dont les risques sont connus, il est tout à fait souhaitable que le praticien dispose d’une documentation provenant de sociétés savantes, ou qu’il a établi lui-même, et qui peut être remise au patient en complémentarité de l’entretien. E Vient enfin la signature d’un écrit par le patient. La validité de cet écrit suppose qu’il soit le plus simple possible, car, à défaut, pourra être reproché par le patient son caractère difficilement compréhensible. L’Anaes dans ses recommandations avait également souligné la primauté de l’information orale, l’information écrite constituant seulement un complément possible de l’information orale (recommandations de mars 2000). Dès lors, le souci de rationalisation de l’écrit est parfaitement légitime. Cette démarche vise à fournir aux praticiens les modèles les plus opératoires, en sachant qu’il ne faudra pas hésiter, devant une situation complexe, à être plus précis, en sortant de la référence commune. La responsabilité La qualité de l’information préalable doit être soignée lorsqu’il existe une véritable option dans les conduites thérapeutiques, car le patient doit être en mesure de participer à ce choix. Cette information préalable doit être poussée lorsque, à la réalité du choix, se conjugue celle d’un risque important et connu. À défaut, il pourrait être reproché au praticien d’avoir privé 24 LI n° 1 janvier-fe vrier 2008-ok24 24 le patient de la capacité d’exercer ce choix, ce qui est de nature à engager la responsabilité civile. S’agissant de l’indemnisation, la responsabilité du médecin ou de l’établissement ne peut être retenue lorsque les soins ont été consciencieux et de bonnes pratiques, alors même que l’information préalable était défaillante. En effet, ce défaut d’information n’a pas changé le cours des choses. Il ne résulte du défaut d’information que l’expression d’un manque de considération pouvant éventuellement ouvrir, mais dans des conditions très limitées, à l’octroi d’une indemnisation pour un dommage moral. Sur le plan déontologique, il est toujours nécessaire de rechercher le consentement et d’informer le patient dans l’esprit des dispositions du code de déontologie. Le non-respect de cette règle peut être sanctionné par le conseil de l’ordre. En résumé, peuvent être posées les trois règles suivantes : E Le consentement exprime la qualité d’une relation de soin, qui n’impose pas mais parvient à convaincre. E Lorsqu’il existe une option et des risques, l’information doit être particulièrement soignée pour que le patient puisse participer à la décision médicale. E L’écrit est hautement recommandé pour marquer la solennité du moment, informer simplement, et témoigner de l’attention du médecin ■ La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXIII - n° 1 - janvier-février 2008 14/02/08 12:58:58