La Lettre du Neurologue - vol. X - n°2 - février 2006 59
Le Pentothal®(2) [dose de charge de 5-10 mg/kg, puis perfusion
continue de 3-5 mg/kg/h], bien que responsable d’une baisse du
DSC par vasoconstriction cérébrale et par diminution du débit
sanguin systémique (effets inotropes négatifs et hypotenseurs),
permet d’abaisser la PIC en diminuant la consommation céré-
brale en O2: les barbituriques permettent ainsi d’optimiser le
couplage DSC/consommation en O2. Quatre-vingt-cinq pour cent
des patients sont répondeurs. Les posologies sont adaptées pour
obtenir des burst suppressions à l’EEG. Un monitoring du DSC
par SvjO2ou Doppler transcrânien est alors indiqué afin de dépis-
ter une ischémie cérébrale secondaire. Les effets indésirables
autres sont une dégradation de l’hémodynamique systémique,
une majoration du risque de pneumopathie sous ventilation méca-
nique (par effet immunosuppresseur), l’hypothermie, une dys-
fonction hépatique ou rénale, une hypokaliémie. Les barbituriques
ne sont pas indiqués en prophylaxie de l’HTIC (1).
L’hyperventilation, par effet vasoconstricteur cérébral, diminue
le volume sanguin cérébral et donc la PIC, mais sans diminuer la
consommation cérébrale en O2(risque d’ischémie). Son effica-
cité n’est pas prouvée dans l’HTIC réfractaire. Elle n’est donc
pas recommandée en dehors de la présence de signes d’engage-
ment dès la phase préhospitalière (6) [utilisation transitoire]. En
cas d’HTIC réfractaire associée à un hyperdébit sanguin cérébral,
l’hypercapnie est proposée par certains auteurs sous réserve d’un
monitoring par SvjO2ou Doppler transcrânien. La contre-indi-
cation est formelle en cas de SvjO2inférieure à 50 %.
L’hypothermie (33 °C) a été testée dans le but de réduire le
métabolisme cérébral et le volume sanguin cérébral (4, 6). Des
effets immunomodulateurs anti-inflammatoires lui sont attribués.
Une méta-analyse récente a regroupé 748 patients de 8 études
randomisées contrôlées aux résultats contradictoires et a conclu à
l’absence de bénéfice de l’hypothermie (10). Elle reste néanmoins
utilisable en cas d’HTIC rebelle, associée à une curarisation afin
de supprimer les frissons, très consommateurs d’énergie. Elle
majore le risque infectieux par immunosuppression.
La crâniectomie décompressive peut être proposée en dernière
intention. Uni- ou bilatérale, elle peut être associée à une lobec-
tomie (4, 9). Cette technique a été évaluée par des études non ran-
domisées, souvent rétrospectives, mais aux résultats encoura-
geants (entre 30 et 55 % de devenir favorable), d’autant qu’elle
est effectuée précocement et chez des patients jeunes, dont le
tableau neurologique initial ne paraît pas d’emblée gravissime
[GCS 3 avec signes d’engagement] (11).
Les corticoïdes ont été proposés pour leurs effets anti-inflam-
matoires. L’indication n’est actuellement plus reconnue.
L’association neuroréanimation intensive et chirurgie de décompres-
sion doit nous conduire à une réflexion éthique permanente sur
l’opportunité des soins et la qualité de vie espérée. Différentes études
évaluant le bénéfice de protocoles de soins médicochirurgicaux
standardisés semblent en faveur d’une amélioration de la survie et
d’une augmentation du pourcentage de patients gardant des séquelles
légères ou modérées. La proportion de patients en état végétatif ou
avec des séquelles lourdes semble diminuer. La mise en place de pro-
tocoles issus des guidelines de la Brain Trauma Fundation semble
même être bénéfique chez des traumatisés crâniens graves dont le
GCS initial est très bas [moyenne 3,6, écart 3-8] (12). Ces don-
nées concernent également les patients bénéficiant d’un volet
décompressif. Plusieurs auteurs semblent cependant ne pas retenir
cette indication chez des patients avec un GCS initial à 3 ou 4 ou
en cas de lésions bilatérales ou touchant le tronc cérébral.
On estime actuellement que 28 % des patients vont garder une
dépendance sévère, 41 % un handicap modéré et 75 % des troubles
du comportement. Seuls 32 % n’ont pas de séquelles physiques
et 72 % peuvent vivre à domicile (3).
Thérapeutiques expérimentales
Différentes molécules (antagonistes calciques, antagonistes du
glutamate, piégeurs de radicaux libres) ont été testées sans
succès dans le but de réduire le stress oxydatif et les effets de
l’accumulation de glutamate. Les derniers espoirs se tournent
vers les cannabinoïdes de synthèse comme le dexanabinol, inhi-
biteur non compétitif du récepteur NMDA, inhibiteur de la pro-
duction de TNF et piégeur des radicaux hydroxyl et peroxyl. Une
récente étude de phase II a montré une tendance à améliorer la
PIC, la PPC et le pronostic (4).
L’utilisation de mannitol 20 % à fortes doses (500 ml) est en
cours d’étude par certaines équipes. Des résultats encourageants
doivent être confirmés.
COMPLICATIONS EXTRACRÂNIENNES
La prise en charge de TC graves concerne également le traite-
ment des traumatismes associés, des pneumopathies acquises
sous ventilation mécanique et de la dénutrition, fréquente chez ces
patients en situation d’hypercatabolisme, ainsi que la prévention
des complications thromboemboliques ou digestives (13). Les
complications hydroélectrolytiques, et notamment les dysnatrémies,
sont fréquentes : hypernatrémie par diabète insipide nécessitant
une compensation des pertes d’eau libre et hormonothérapie sub-
stitutive par Minirin®, hyponatrémie par sécrétion inappropriée
d’hormone antidiurétique ou par syndrome de perte de sel.
CONCLUSION
Devant tout patient traumatisé crânien, la recherche de lésions
associées doit être complète. En cas de polytraumatisme, le trai-
tement de lésions hémorragiques responsables d’un état de choc
est une priorité. C’est avant tout une prise en charge multidisci-
plinaire qui permet l’amélioration du pronostic.
La sévérité des TC graves (mortalité d’environ 30 %, séquelles
lourdes dans environ 40 % des cas) justifie l’organisation de réseaux
de soins allant de la prise en charge préhospitalière jusqu’à la
rééducation en passant par la réanimation et la chirurgie. La réani-
mation est une étape clé. En effet, la lésion primaire, en l’absence
d’une neuroréanimation spécifique, va s’autoaggraver et être à
l’origine de lésions secondaires assombrissant le pronostic.